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Commission des affaires sociales

Séance du 17 janvier 2012 à 16h00

Résumé de la séance

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  • certification
  • syndicales
  • syndicats

La séance

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COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mardi 17 janvier 2012

La séance est ouverte à seize heures quarante-cinq.

(Présidence de M. Pierre Méhaignerie, président de la Commission, puis de M. Bernard Perrut, vice-président)

La Commission des affaires sociales organise une table ronde, ouverte à la presse, réunissant des organisations syndicales de salariés représentatives au niveau national (CFTC, CGT, FO), avec la participation de M. Michel Doneddu, secrétaire confédéral de la Confédération générale du travail (CGT), Mme Marie-Alice Medeuf-Andrieu, secrétaire confédérale de Force Ouvrière (FO), et M. Claude Raoul, secrétaire confédéral de la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC), sur la proposition de loi de M. Nicolas Perruchot sur le financement des comités d'entreprise (n° 4090).

PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

Nous poursuivons nos auditions des partenaires sociaux sur la proposition de loi de Nicolas Perruchot relative au financement des comités d'entreprise. Je remercie M. Michel Doneddu, secrétaire confédéral de la CGT, Mme Marie-Alice Medeuf-Andrieu, secrétaire confédérale de FO, et M. Claude Raoul, secrétaire confédéral de la CTFC, d'avoir répondu à notre invitation, en dépit des modifications que notre commission a été contrainte d'apporter au calendrier de ces auditions.

Je vous rappelle, mes chers collègues, que nous sommes là pour entendre l'avis de nos invités sur la proposition de loi de M. Perruchot, et non pour commencer devant eux la discussion générale, qui aura lieu demain matin.

PermalienMichel Doneddu, secrétaire confédéral de la CGT

J'exposerai rapidement les cinq points qui nous interpellent.

Je rappelle qu'on avait justifié la mise en place, en juillet dernier, d'une commission parlementaire d'enquête sur le financement des syndicats en prétendant que les syndicats étaient les seules personnes morales échappant à l'obligation légale de tenir une comptabilité. Ce prétexte s'est révélé faux, puisque la loi du 20 août 2008 impose aux syndicats, non seulement de publier leurs comptes, mais aussi de les faire certifier au-delà d'un certain niveau de ressources. On a alors prétendu que la qualité du dialogue social dans notre pays supposait un financement des syndicats qui soit pérenne, transparent et indépendant. Cela revient à dire que les obligations comptables définies par la loi du 20 août 2008 et le décret publié le 30 décembre 2009, à l'issue d'une année de concertation avec le Conseil national de la comptabilité, sont impuissantes à assurer une véritable transparence financière des organisations syndicales. D'où ma première question à l'auteur de la proposition de loi : en quoi un copier-coller de la loi du 20 août 2008 serait susceptible d'assurer à ses yeux la transparence des comptes des comités d'entreprise ? Le vote de ce texte ne risquerait-il pas d'être suivi de la mise en place d'une commission d'enquête sur les comités d'entreprise, comme cela s'est passé pour les syndicats ?

Deuxièmement, la décision, votée le 30 novembre par la commission d'enquête sur le financement des syndicats, de ne pas publier son rapport, n'a pas empêché sa publication presque intégrale le jour même dans la presse. Pour nous, il est très clair que ces fuites ont été organisées par le rapporteur de la commission d'enquête, qui a ainsi provoqué une campagne de presse virulente à l'encontre des syndicats, dénonçant des financements occultes et illégitimes. On a pu lire, par exemple, que le syndicalisme français bénéficiait de 4 milliards d'euros de financements publics ! On a fini par découvrir que ce montant totalement fantaisiste avait été calculé en additionnant le montant des salaires perçus par les élus du personnel et les délégués syndicaux et celui du budget de fonctionnement des comités d'entreprise, soit 0,2 % de la masse salariale. Voilà ce que la presse a présenté comme un financement illégitime des syndicats, faisant accroire au grand public que l'État versait 4 milliards d'euros aux syndicats français. Et quand, face à cette campagne, nous avons demandé la publication du rapport, on nous a répondu qu'il n'existait pas !

Au nom de la CGT, j'entends donc dénoncer ici les manoeuvres de manipulation et de désinformation auxquelles s'est livré le député Perruchot. Ce comportement indigne d'un élu de la Nation suffit à nos yeux à disqualifier sa prétention à jouer le Monsieur Propre du financement des organisations syndicales ou des institutions représentatives du personnel.

Troisièmement, cette initiative parlementaire fait totalement fi des discussions tripartites en cours sur le même sujet de la transparence des comptes des comités d'entreprise. Celles-ci ont été engagées par la lettre de quatre confédérations syndicales, en date du 7 février 2011, attirant l'attention du ministre du travail sur l'inapplicabilité de la disposition réglementaire du code du travail relative à la certification des comptes des comités d'entreprise. Reconnaissant l'existence d'un problème, le ministre a annoncé en novembre la mise en place, sous l'égide du directeur général du travail, d'un groupe de travail chargé d'étudier la question. Ce groupe de travail s'est réuni il y a huit jours et a fixé un calendrier de réunions jusqu'au mois d'avril. Dans ces conditions, on ne peut que s'interroger sur l'objectif de cette initiative parlementaire. S'agirait-il de casser la concertation sociale ? Je rappelle que, selon l'article L. 1 du code du travail, tout projet de réforme envisagé par le Gouvernement, qui porte sur les relations individuelles et collectives du travail, l'emploi et la formation professionnelle et qui relève du champ de la négociation nationale et interprofessionnelle, doit faire l'objet d'une concertation préalable avec les organisations syndicales de salariés et d'employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel en vue de l'ouverture éventuelle d'une telle négociation. Je crois savoir par ailleurs que votre assemblée a édicté un protocole qui impose l'ouverture d'une telle négociation avant toute proposition de réforme du droit social d'origine parlementaire.

Quatrièmement, il est visible que cette proposition de loi a été rédigée à la va-vite, dans une méconnaissance totale du fonctionnement des comités d'entreprise. De ce point de vue, la rédaction de l'article 2 est particulièrement révélatrice. En effet, celui-ci évoque les comités d'entreprise contrôlant une ou plusieurs personnes morales, « sans entretenir avec elles de lien d'adhésion ou d'affiliation ». Un comité d'entreprise qui « adhère » à une personne morale, ou une personne morale qui « adhère » à un comité d'entreprise, cela n'a aucun sens. En réalité, une disposition de la loi du 20 août 2008 relative aux syndicats est ainsi appliquée aux comités d'entreprise de manière totalement inadéquate.

Quant à l'article 1er, il fait des comités d'entreprise les seules entités soumises à un seuil d'obligation de tenue de compte annuelle fixé par la loi, et non par un décret. Surtout, il méconnaît le fait que les comités d'entreprise ont deux budgets : l'un de fonctionnement, alimenté par 0,2 % de la masse salariale ; l'autre qui sert à financer leurs activités sociales. On ignore si le seuil de 230 000 euros s'applique à l'un ou à l'autre, ou à la somme des deux, sachant cependant que ces deux budgets ne sont pas fongibles aux termes de la loi.

Il faut savoir par ailleurs que les comptes annuels comprennent un compte d'exploitation, un bilan et des annexes. Dans l'hypothèse où le seuil de 230 000 euros s'applique aux deux budgets, soit 1 à 2 % de la masse salariale brute, il conduirait à imposer cette obligation aux comités d'entreprise des entreprises de plus de quatre cents salariés. Sachant que ces comités d'entreprise comptent cinq à six élus, on ne voit pas comment cette poignée de volontaires pourrait produire de tels documents sans recourir aux services d'un cabinet d'expertise comptable. De combien devront-ils amputer le budget des activités sociales pour assumer le coût de cette obligation ?

Puisque vous évoquez dans l'exposé des motifs de votre proposition de loi les dysfonctionnement constatés par la Cour des comptes dans la gestion du comité d'entreprise de la RATP, pourquoi ne pas avoir suivi les préconisations du rapport de la Cour, qui recommandait d'appliquer aux comités d'entreprise le droit applicable aux personnes morales de droit privé non commerçantes ayant une activité économique ? On ciblerait ainsi les plus grands comités d'entreprise : ceux de la RATP, de la SNCF, d'Air France, des industries électriques et gazières.

Cinquièmement, le texte fait l'impasse sur des questions essentielles et sur lesquelles le groupe de travail a commencé à réfléchir. Quel est l'organe délibérant sur les comptes ? Auprès de qui seront-ils publiés ? Ce sont là des questions politiques essentielles. Les activités sociales des comités d'entreprise sont du salaire socialisé et le budget de fonctionnement traduit le droit constitutionnel de tout salarié à participer à la gestion des entreprises par l'intermédiaire de ses délégués. La tenue et la publication des comptes sont donc de droit pour les salariés, et toute amélioration en la matière est conforme à l'intérêt des salariés. La gestion de ces budgets doit être contrôlée par les salariés, et toute intervention du patronat dans ce domaine remettrait complètement en cause la nature même de ce qu'est un comité d'entreprise.

Je dirai en conclusion que cette proposition de loi traduit clairement une volonté politique d'entraver le fonctionnement des comités d'entreprise. Le prouve la tentative de la commission d'enquête de faire passer pour un financement syndical illégitime les montants représentant les salaires des élus du personnel, et qui, selon les termes de la Constitution, rémunèrent du temps de travail. Si ce financement est réputé illégitime, cela signifie, soit que les élus du personnel doivent assurer ces fonctions gratuitement, soit que les salariés doivent les payer. Dans un cas comme dans l'autre, cela revient à mettre en cause l'existence même des institutions représentatives du personnel.

Par ailleurs, ce texte s'inscrit dans le prolongement de la campagne virulente du Medef et de la CGPME contre le projet gouvernemental d'extension de la loi du 20 août 2008 aux PME et aux très petites entreprises, afin d'y assurer une représentation effective des salariés. Alors qu'il s'agissait d'assurer l'application d'un droit constitutionnel, la majorité de cette assemblée a préféré donner raison au Medef et à la CGPME en refusant un embryon de représentation collective du personnel de ces établissements, en violation de la loi du 20 août 2008.

Si vous pensez vraiment que ce pays a besoin de dialogue social, nous vous demandons de surseoir à l'examen de ce texte jusqu'à ce que le groupe de travail rende ses conclusions. Une telle attitude serait conforme à une démarche de concertation sociale.

PermalienMarie-Alice Medeuf-Andrieu, secrétaire confédérale de Force Ouvrière

Nous sommes très étonnés par cette proposition de loi, dont l'exposé des motifs se fait l'écho des récents déballages auxquels a donné lieu la gestion du comité d'entreprise de la RATP. On ne peut pas généraliser les dysfonctionnements qui entachent la gestion de quelques grands comités d'entreprise, alors que 71 % des comités d'entreprise concernent des entreprises de moins de deux cents salariés, et ont un budget de fonctionnement moyen de 7 600 euros par an, et que ce texte concernerait à peine 2 % des entreprises.

Ne chercherait-on pas à fragiliser les instances représentatives du personnel en jetant le discrédit sur les élus du personnel ? Je rappelle que 36 % des comités d'entreprise sont gérés par des élus non syndiqués. Les budgets des comités d'entreprise, en particulier leur budget de fonctionnement, visent à permettre à ceux qui y sont élus de jouer pleinement leur rôle. Et voilà qu'on jette la suspicion sur l'utilisation de ces budgets, en entretenant la confusion entre budget de fonctionnement et budget des activités sociales et culturelles – lequel est librement abondé par l'entreprise.

Je ne comprends pas non plus pourquoi cette proposition de loi arrive aujourd'hui, alors que les partenaires sociaux discutent depuis 2009 d'une réforme des institutions représentatives du personnel et que la question des budgets est au coeur de ces discussions. En outre, nous avons depuis janvier 2011 des entretiens avec le ministre du travail sur la transparence financière. Et voilà que, juste avant l'élection présidentielle, on nous présente cette proposition de loi de façon précipitée.

Chose étonnante, elle prévoit l'instauration d'un seuil de ressources, définition qui relève d'ordinaire du niveau réglementaire, sans préciser de qui il s'agit précisément.

Nous sommes évidemment favorables à la transparence financière, mais celle-ci existe déjà. S'agissant d'une forme de salaire, le budget des comités d'entreprise relève du contrôle des salariés, et la loi du 20 août 2008 permet à ceux-ci de sanctionner la gestion de leurs élus. Pourquoi ne pas laisser aux partenaires sociaux le soin de terminer leurs travaux et d'approfondir cette question ? Aujourd'hui, nous ne disposons même pas d'une étude d'impact de ce dispositif, alors que cela nous permettrait de définir un seuil et de préciser les entreprises concernées, entre autres sujets.

Par ailleurs, la certification des comptes a un coût – recourir aux services d'un commissaire aux comptes coûte environ 10 000 euros – que les entreprises devront assumer.

Quant à la publicité des comptes, le texte ne précise pas de quoi il s'agit précisément. Comme ce sont les salariés qui sont concernés, la publicité ne peut se faire que pour les salariés et dans l'entreprise. À ce titre, elle est déjà prévue par le code du travail, par voie d'affichage dans les entreprises. En outre, les comptes sont présentés chaque année devant l'assemblée plénière.

Quant à l'obligation de recourir à l'appel à la concurrence, elle suppose que les élus du comité d'entreprise, qui n'ont pas a priori de compétences dans ce domaine, puissent avoir recours aux services d'experts comptables et de commissaires aux comptes, ce qui est déjà le cas dans les grandes entreprises. Une telle obligation impose de revoir les moyens alloués aux institutions représentatives du personnel en termes d'heures de délégation et de formation, et c'est précisément ce dont les partenaires sociaux sont en train de débattre.

Toutes ces difficultés révèlent la nécessité de disposer d'une étude d'impact, qui nous permettrait d'avoir une vision globale en termes de gestion, de droits et de moyens.

J'ajoute qu'il est tout à fait légitime que la gestion des élus du personnel soit contrôlée par les salariés, puisque ce sont eux qui sont directement concernés.

Cette proposition de loi n'a pas lieu d'être. Il faut laisser le groupe de travail mener à bien ses travaux, commencés il y a dix jours et dont le calendrier s'étend jusqu'en avril, et laisser la négociation collective avancer sereinement. Les politiques doivent laisser aux partenaires sociaux le soin de négocier avant de voter des lois et de publier des décrets.

Pour toutes ces raisons, notre organisation sera vigilante quant à l'issue qui sera donnée à ce texte.

PermalienClaude Raoul, secrétaire confédéral de la CTFC

Nous souscrivons en grande partie à ce qui vient d'être dit ; nous nous interrogeons notamment sur la raison d'être de cette proposition de loi sur un sujet déjà examiné par les groupes de travail mis en place dans le cadre des négociations en cours entre les partenaires sociaux. Ce texte comporte en outre beaucoup de zones d'ombre.

Nous sommes bien évidemment favorables à une transparence totale de gestion des comités d'entreprise, mais nous pensons que c'est en confrontant les points de vue des uns et des autres qu'on y parviendra, et non par le biais d'une proposition de loi pour le moins floue.

PermalienPhoto de Nicolas Perruchot

Vous vous interrogez sur l'opportunité du moment choisi pour présenter cette proposition de loi, alors qu'un groupe de travail a déjà commencé à rechercher des solutions. Je vous renvoie l'argument : je m'étonne à mon tour de découvrir qu'un groupe de travail a été mis en place d'une façon aussi précipitée à la fin du mois de novembre. Je m'étonne surtout qu'on nous promette des résultats en avril, à quelques jours du premier tour de l'élection présidentielle ! Vous me permettrez de vous dire que je n'y crois absolument pas : cela fait très longtemps que vous nous avez prouvé que la recherche de compromis prenait énormément de temps, notamment s'agissant de la gestion des comités d'entreprise.

Je n'ai pas besoin de vous rappeler les affaires nées de la gestion des principaux comités d'entreprise, puisque les organisations syndicales que vous représentez sont toutes parties civiles, parfois les unes contre les autres, dans les procédures judiciaires en cours. On ne vient donc pas de découvrir ces difficultés, parfois dues à des erreurs de gestion, mais dans d'autres cas à des malversations caractérisées. Je vous renvoie au rapport thématique que la Cour des comptes vient de consacrer aux dysfonctionnements du comité d'entreprise de la RATP, et qui pointe des surfacturations, voire des faits d'enrichissement personnel. Or, bien que ces dérives soient connues depuis longtemps, notamment des partenaires sociaux, elles ne semblaient intéresser personne. Et voilà qu'on nous demande de croire qu'un groupe de travail créé en novembre va, dès le mois d'avril, nous fournir un cadre nouveau assurant la transparence là où elle est nécessaire !

Cette proposition de loi n'est pas d'opportunité. Le Parlement a le droit de se saisir de ces questions, a fortiori au vu de l'actualité récente. Ce n'est pas ici le lieu de commenter le climat qui a entouré l'absence de publication du rapport que vous avez mentionné. Je regrette simplement qu'on n'ait retenu qu'une de ses 288 pages pour commenter le travail des commissaires enquêteurs. J'espère que nous pourrons un jour débattre sereinement de ces questions de financement.

Si la loi du 20 août 2008 constitue une avancée dans ce domaine, elle reste perfectible. Je remarque à ce propos qu'il a fallu attendre 124 ans à compter du vote de la loi Waldeck-Rousseau autorisant les syndicats en 1884 avant qu'une loi n'encadre le financement des syndicats.

Permaliensecrétaire confédéral de la CGT

Et combien de temps pour le financement des partis politiques ?

PermalienPhoto de Nicolas Perruchot

Dans ces conditions, il est légitime que les parlementaires doutent de la capacité des partenaires sociaux d'aller vite. Cette proposition doit être vue comme une incitation à régler une partie des difficultés auxquelles nous sommes confrontés.

Quant à la rédaction du texte, j'ai dit dès le début que j'étais ouvert à toutes les améliorations. L'objectif est d'aboutir à un texte concret et applicable. Rassurez-vous, monsieur Doneddu, nous avons bien compris le fonctionnement des comités d'entreprise. Les auditions que nous avons conduites la semaine dernière ont montré qu'un consensus se dégageait en faveur des trois premiers articles, relatifs à la publication et à la certification des comptes. La procédure d'appel d'offres prévu par l'article 4 est plus controversée. Cependant, les dérives extrêmement préoccupantes auxquelles ont donné lieu les achats de certains grands comités d'entreprise et que pointe le rapport de la Cour des comptes imposent de renforcer à tout le moins les modalités du contrôle dans ce domaine.

De même, je ne tiens pas absolument à ce que la loi précise les seuils de déclenchement du dispositif : il vaut peut-être mieux, comme vous l'avez dit, laisser ce soin à un décret. Il s'agit surtout d'exclure du champ du contrôle les plus petits comités d'entreprise, afin de se concentrer sur les principales organisations, celles qui sont à l'origine des scandales que nous connaissons. C'est ainsi qu'on pourra protéger les intérêts des salariés et même de leurs élus, mis ainsi à même de répondre à ceux qui contesteraient leur gestion. Dans l'état actuel du droit, même les présidents des comités d'entreprise, qui sont souvent les dirigeants de l'entreprise, obtiennent rarement de réponse à leurs questions sur les modalités de gestion du comité.

Dans ces conditions, on peut raisonnablement espérer aboutir à un texte équilibré, susceptible de rallier les partenaires sociaux. En tout état de cause, l'ampleur des difficultés en cause nous impose de trouver une solution. Quand on sait que les comptes de la Caisse centrale d'activités sociales des industries électriques et gazières ont présenté, en 2009, un déficit de 26 millions d'euros pour 500 millions de rentrées financières, et que ces comptes ne se sont pas améliorés depuis, il est légitime de chercher à accroître la transparence de gestion de ces comités.

PermalienPhoto de Bernard Perrut

Madame, messieurs, nous vous avons écoutés avec beaucoup d'attention et de respect. Dans un système démocratique, le respect devrait d'ailleurs d'être mutuel, toute initiative parlementaire étant respectable par nature.

Sur le fond, je ne suis nullement surpris des termes de la proposition de loi de notre collègue Perruchot. En effet, si elle prévoit la certification des comptes des comités d'entreprise et la mise en place d'une procédure d'appel à concurrence, ces pratiques sont déjà en usage dans nos collectivités locales.

Les syndicats approuvent d'ailleurs ces règles de bon sens, M. François Chérèque ayant lui-même plaidé pour davantage de visibilité, et M. Bernard Thibault pour un accroissement de la transparence et du contrôle.

Madame, messieurs, je vous rassure : nous connaissons parfaitement le fonctionnement des comités d'entreprise, notamment la distinction entre budget de fonctionnement et budget social et culturel.

La réflexion sur le sujet est engagée depuis fort longtemps, y compris par les pouvoirs publics, grâce à l'action de M. Xavier Bertrand l'année dernière, après l'engagement d'une discussion avec les partenaires sociaux par M. Xavier Darcos en 2010. Aujourd'hui, la volonté d'un parlementaire d'aller plus loin va dans le bon sens.

Comment les parlementaires en effet ne pourraient-ils pas s'interroger, alors que la Cour des comptes pointe « l'absence d'obligation comptable [qui] est un facteur propice au développement d'irrégularités financières » ? Comment les parlementaires ne pourraient-ils pas réagir en lisant dans la presse qu'un comité d'entreprise d'une grande enterprise parisienne a acheté 117 réfrigérateurs pour équiper les mobil homes de ses centres de vacances, et ce sans appel d'offres et à un prix supérieur aux prix de référence du commerce, cet exemple n'étant évidemment pas isolé ?

En conclusion, il est parfaitement légitime que les comités d'entreprise respectent un certain nombre de règles dans ce pays, au nom de la transparence et de la rigueur de gestion, mais aussi au nom du respect des salariés, car n'oublions pas qu'ils ont été créés au bénéfice de ces derniers.

PermalienPhoto de Alain Vidalies

Si j'ai bien compris, le rapporteur est très attaché à cette proposition de loi au motif qu'il ne croit pas aux résultats de la négociation en avril. Or, que je sache, l'histoire de la démocratie sociale ne montre pas d'exemple d'une négociation interrompue par le pouvoir législatif au prétexte que les partenaires sociaux risquaient de ne pas parvenir à un accord. Ce serait la première fois avec cette proposition de loi, que nous jugeons tout à fait inopportune.

Madame, messieurs, pouvez-vous rassurer le rapporteur sur votre bonne foi en lui confirmant que l'origine des difficultés provient de la recodification hasardeuse de la partie réglementaire du code du travail, recodification qui vous a conduits, dès le mois de février dernier, à attirer l'attention du ministre du travail sur lesdites difficultés, lequel ne vous a répondu qu'au mois de novembre ?

Pouvez-vous nous confirmer, en outre, que le principe de la certification des comptes – sur lequel notre groupe est bien évidemment favorable – fait l'objet de la négociation actuellement en cours ?

Par ailleurs, la négociation sur les seuils évolue-t-elle, et espérez-vous une solution commune sur ce point ?

Enfin, un calendrier définitif a-t-il été arrêté conjointement avec une réunion conclusive qui serait d'ores et déjà retenue par l'ensemble des participants à cette négociation ?

PermalienPhoto de Roland Muzeau

Comme nous l'avons dit lors des réunions des 10 et 11 janvier de notre commission, nous condamnons la démarche adoptée par le Nouveau Centre au travers cette proposition de loi. Je rappelle que le dialogue social a été engagé à la suite d'une lettre du mois de février 2011, cosignée par l'ensemble des organisations syndicales et par laquelle elles demandaient au ministre du travail de remédier aux conséquences négatives de la recodification du code du travail. Je rappelle également que M. Xavier Bertrand n'a accepté la constitution d'un groupe de travail que dix mois plus tard, la première réunion se tenant le 6 janvier. Or pendant ces dix mois, monsieur Perruchot, une issue positive aurait pu être trouvée puisque, de l'aveu même des organisations syndicales de salariés, tous les ingrédients d'un accord étaient réunis.

Bernard Perrut insiste sur la nécessaire transparence, mais omet de rappeler que l'UMP n'a pas jugé utile de voir un tel principe appliqué, puisqu'elle a refusé la publication du rapport de la commission d'enquête sur le financement des organisations syndicales, qui, de ce fait, se sont senties trahies et manipulées. J'imagine que la majorité présidentielle a hâte de connaître le véritable arrêté des comptes de la campagne de l'ancien candidat Balladur et les résultats de la vente de tee-shirts…

Madame, messieurs, quelles sont vos principales propositions en matière de certification et de publication des comptes, sachant que la grande majorité des comités d'entreprise ne peut pas faire face à des coûts supplémentaires en payant un expert-comptable ou un commissaire aux comptes ?

PermalienPhoto de Dominique Dord

J'ai l'impression que, dans ce débat, il y a des sous-entendus et que certains défendent leur pré carré. Pourtant, nous sommes tous convaincus que même si la gestion d'une grande majorité de comités d'entreprise ne pose aucun problème, il y a aussi des abus scandaleux.

Il est dans l'intérêt de tous que des règles de transparence absolue soient mises en place, comme le propose cette proposition de loi. Sachant que notre calendrier parlementaire n'est pas celui de la démocratie sociale, ne pourrions-nous pas ajouter par la voie d'un amendement une disposition selon laquelle le texte voté sera applicable sous réserve que le dialogue social n'ait pas abouti avant une date butoir ? Nous avons déjà utilisé un tel mécanisme pour d'autres textes : il est juridiquement acceptable et devrait permettre de lever toute ambiguïté.

PermalienPhoto de Michel Issindou

Dominique Dord plaide pour la transparence, mais où est la transparence quand on refuse de publier le rapport sur le financement des organisations syndicales !

PermalienPhoto de Michel Issindou

En outre, comment peut-il demander le vote de cette proposition de loi, avant même que les organisations syndicales n'aient la possibilité de parvenir à un accord ? C'est le monde à l'envers ! La démocratie sociale doit pouvoir s'exprimer dans ce pays !

Permaliensecrétaire confédéral de la CGT

Monsieur Perruchot, c'est vous que j'ai critiqué – et non les journalistes – pour avoir organisé la fuite auprès de la presse de parties importantes de votre rapport sur le financement des organisations syndicales, alors que vous avez refusé de donner les mêmes informations à ces dernières ! J'y vois, comme je l'ai dit, une manoeuvre de manipulation et de désinformation !

La nécessité du contrôle des comptes des syndicats a fait l'objet d'un consensus, et nous avons négocié ce principe. Malgré cela, comme l'ont montré les débats de la commission d'enquête, vous avez jugé la disposition en la matière insuffisante pour assurer une transparence des organisations syndicales. Par conséquent, qu'est-ce qui nous prouve que vous ne ferez pas la même chose s'agissant des comités d'entreprise une fois cette proposition de loi votée ?

Monsieur Perrut, vous mettez en avant la gestion rigoureuse des comités d'entreprise – à laquelle je suis bien sûr favorable. Mais lorsque des centaines de salariés ont été jetés à la rue à la suite de la gestion désastreuse des patrons de Molex, personne n'a proposé le vote d'une loi pour empêcher que cela ne se reproduise !

Permaliensecrétaire confédéral de la CGT

S'agissant du comité d'entreprise de la RATP, la Cour des comptes évoque certes des malversations et de l'enrichissement personnel. Mais si elle transmet le rapport au procureur de la République, c'est bien que des lois existent déjà pour condamner de tels faits ! Pourquoi alors proposer une proposition de loi ?

Vous pointez la Caisse centrale d'activités sociales (CCAS) des industries et gazières (IEG) et la politique d'achat d'une entreprise parisienne. Mais qu'est-ce qui empêche un comité d'entreprise d'emprunter pour investir ? Cette décision relève-t-elle d'une intervention législative ou de l'appréciation des salariés sur la qualité de gestion de leur comité d'entreprise ? Je vous rappelle que ces derniers sont parfaitement informés et votent en connaissance de cause : leur activité sociale est leur propriété et non la vôtre !

PermalienPhoto de Nicolas Perruchot

Peut-on parler de bonne gestion avec 100 millions d'euros de pertes en deux ans ! Jusqu'où cela ira-t-il ?

Permaliensecrétaire confédéral de la CGT

Monsieur Vidalies, l'origine du groupe de travail est bien la recodification hasardeuse de la partie réglementaire du code du travail, comme le mentionne notre lettre du 7 février 2011 : « L'article R. 432-14 précisait que les comptes des comités d'entreprise devaient être éventuellement approuvés par le commissaire aux comptes ; lors de la recodification le mot "éventuellement " a disparu, ce qui rend obligatoire la certification des comptes de tous les comités d'entreprise. Cette nouvelle rédaction pose plusieurs problèmes. […] Dans la poursuite du travail fait avec les organisations syndicales, qui a conduit à la loi et au décret sur l'établissement, la certification et la publication des comptes des syndicats, il nous semble indispensable de mener une réflexion sur ce sujet. Cette réflexion pourrait conduire à une modification du code du travail, qui ne pourrait évidemment être menée sans concertation et consultation des organisations syndicales ». C'est à cette lettre – bien antérieure à la mise en place de la commission d'enquête et au rapport de la Cour des comptes – que M. Xavier Bertrand a répondu le 22 novembre 2011.

Nous sommes favorables à la certification, qui fait l'objet du groupe de travail, mais à condition qu'elle soit possible ! En effet, parler de comptes annuels pour un comité d'entreprise qui n'a pas de patrimoine, comme n'en ont pas la majorité des comités d'entreprise, n'a pas de sens. Par contre, pour les comités d'entreprises dont le patrimoine est important, une normalisation de la comptabilité de patrimoine et une certification des comptes doivent être mises en place au-delà d'un certain seuil.

Je précise que la négociation évolue sur les seuils.

Enfin, s'agissant du calendrier, je propose que ce soit Mme Medeuf-Andrieu qui vous apporte les informations que vous souhaitez.

J'en viens maintenant aux propositions de la CGT, que nous avons présentées dans le cadre du groupe de travail tripartite.

Nous sommes favorables à l'obligation pour tous les comités d'entreprise de publier leurs comptes en établissant la distinction entre budget de fonctionnement et budget des activités sociales.

Pour ce faire, nous défendons la mise en place d'heures de délégation supplémentaires et l'instauration du droit d'information des salariés.

Nous proposons en outre la mise en place d'un organe dirigeant comptable, qui doit être constitué des seuls élus du personnel du comité d'entreprise – à l'exclusion donc du président ou de tout représentant de l'employeur.

Par ailleurs, une réflexion doit être menée sur le périmètre comptable des entreprises à établissements multiples, pour lesquelles il existe des comités d'établissement et un comité central d'entreprise. D'où des gestions très diverses avec des dotations versées au niveau central avant d'être réparties, ou inversement.

Nous prônons également la mise en place d'une normalisation des comptes spécifique pour les comités d'entreprise – ce que nous n'avons pas obtenu pour les syndicats. Autrement dit, les intitulés de comptes doivent être lisibles et adaptés au budget de fonctionnement et à celui des activités sociales.

Selon nous, la règle du contrôle des comptes pour la certification par un commissaire aux comptes devrait être utilisée pour les personnes morales non commerçantes qui exercent une activité économique, puisqu'elle est déjà prévue. Ainsi, les seuils édictés par la loi – complétée par le règlement – devraient prendre en compte la capacité des comités d'entreprise à pouvoir tenir une comptabilité certifiable et à payer un commissaire aux comptes dont le choix doit relever de l'organe dirigeant comptable.

Pour le contrôle des comptes du budget de fonctionnement, le seuil de 230 000 euros doit s'appliquer. Il faut également envisager le cas des entreprises qui réduisent leur voilure en diminuant drastiquement leurs effectifs, pour lesquelles il faut prévoir d'autres dispositifs.

Pour terminer, même si M. Perruchot ne croit pas que le groupe de travail rendra ses conclusions fin avril, la direction générale du travail et les organisations syndicales existeront encore après l'élection présidentielle, quel qu'en soit le résultat, et il y aura toujours une Assemblée nationale dans ce pays !

Permaliensecrétaire confédérale de la CGT-FO

J'approuve totalement les propos de mon collègue Michel Doneddu, ce qui prouve que les organisations syndicales sont en phase. Avec le ministère du travail, nous avons fixé des réunions pour les 24 janvier, 7 février, 5 mars, 22 mars et 11 avril. Tous les sujets ont d'ores et déjà été évoqués dans le groupe de travail, y compris certains qui ne sont pas abordés par cette proposition de loi.

Toutes les organisations syndicales sont favorables à la transparence financière – qui existe déjà dans la pratique, même si les choses sont perfectibles.

Force ouvrière approuve l'établissement des comptes pour l'ensemble des comités d'entreprise. Mais dans la mesure où ces derniers présentent des différences importantes en termes de taille et de ressources, nous demandons l'établissement par les services du ministère du travail d'une étude d'impact, laquelle nous permettrait de savoir ce qu'il convient de retenir – soit des seuils, soit la masse salariale.

Nous sommes d'accord pour appliquer les seuils de ressources au budget de fonctionnement – légalement de 0,2 % de la masse salariale –, qui est un budget fixe contrairement à celui des activités sociales et culturelles.

La consolidation des comptes constitue une question importante.

Nous sommes également favorables à une approbation des comptes, mais par les seuls élus du comité d'entreprise.

Nous approuvons le contrôle externe que constitue la certification des comptes. En la matière, une étude technique s'avère nécessaire pour déterminer, en fonction du seuil ou de la masse salariale, si le comité d'entreprise fera appel à un expert-comptable ou à un commissaire aux comptes.

Tous ces éléments supposent une nouvelle norme comptable pour les comités d'entreprise, lesquels ne sont pas soumis aux mêmes obligations que les entreprises.

Pour la certification, nous souhaitons également une dotation supplémentaire au budget de fonctionnement.

Selon nous, la publicité ne peut être qu'interne à l'entreprise, car elle concerne les seuls salariés.

Enfin, la procédure d'appel d'offres suppose de définir les seuils ou la masse salariale, mais également d'établir des mesures en matière de formation et de disponibilité des élus concernés.

Tous ces points ont été arrêtés par le groupe de travail, et la majorité d'entre eux a fait l'objet d'un consensus à la fois des organisations syndicales et des organisations patronales.

Monsieur Perruchot, votre méfiance envers la capacité des organisations syndicales à parvenir à un accord, qui motive votre proposition de loi, n'est pas digne d'une démocratie sociale. Le dialogue social doit trouver toute sa place dans notre pays : laissez-nous travailler et apporter les solutions attendues par les salariés dont nous défendons les intérêts.

(M. Bernard Perrut, vice président de la Commission, remplace M. Pierre Méhaignerie au fauteuil de la présidence)

Permaliensecrétaire confédéral de la CTFC

Pourquoi une telle précipitation, alors qu'un groupe de travail négocie, avec l'ensemble des organisations syndicales sur l'ensemble des points abordés par cette proposition de loi ? Laissez les partenaires s'exprimer dans le cadre du calendrier qui a été fixé.

Tout le monde est d'accord pour instaurer davantage de transparence et de communication en direction des salariés. Il faut bien évidemment combattre les dérives. J'ai bon espoir que nous aboutissions à un texte acceptable par tous : il y va de l'intérêt de tous.

La table ronde s'achève à dix-huit heures quinze.

Présences en réunion

Réunion du mardi 17 janvier 2012 à 16 heures 45

Présents. – M. Gérard Cherpion, Mme Michèle Delaunay, M. Dominique Dord, M. Jean-Patrick Gille, M. Michel Heinrich, M. Michel Issindou, M. Denis Jacquat, Mme Geneviève Levy, M. Jean Mallot, M. Pierre Méhaignerie, M. Roland Muzeau, M. Nicolas Perruchot, M. Bernard Perrut, M. Christophe Sirugue, M. Alain Vidalies

Excusés. – Mme Danièle Hoffman-Rispal, Mme Anny Poursinoff