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Commission des affaires économiques

Séance du 11 octobre 2011 à 17h45

Résumé de la séance

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  • bancaire
  • bâle
  • ratio

La séance

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La commission a auditionné M. Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France, sur les conséquences de la crise bancaire sur l'activité économique.

PermalienPhoto de Serge Poignant

Nous avons le plaisir de recevoir aujourd'hui M. Christian Noyer, Gouverneur de la Banque de France, mais aussi président de l'Autorité de contrôle prudentiel créée en janvier 2010, dont l'expertise nous est précieuse en cette période tourmentée pour le secteur bancaire.

La conjoncture est particulièrement délicate pour le secteur bancaire européen, et les banques françaises n'échappent pas à la règle. Nous avons reçu il y a cinq mois à peine M. Jean-Paul Redouin, premier sous-gouverneur de la Banque de France. Les principales interrogations portaient alors sur les modalités d'application des accords de Bâle III qui visent à renforcer les ratios de solvabilité et de liquidité des banques et sur leurs conséquences pour les entreprises – en particulier sur le renchérissement du crédit.

Depuis lors, les événements se sont succédé. Ce furent d'abord les inquiétudes quant à la capacité de la Grèce à faire face à ses engagements, puis la dégradation de la note de plusieurs États européens, comme le Portugal et l'Italie, l'effondrement des actions des banques, les vicissitudes de la ratification du renforcement du Fonds européen de stabilité financière (FESF), les divergences franco-allemandes sur l'utilisation de ce dernier, et enfin la mise en faillite ordonnée de la banque franco-belge Dexia.

La Chancelière allemande, la Commission européenne et la Banque centrale européenne (BCE) appellent désormais à une recapitalisation des banques. Il y a deux mois à peine, elles avaient pourtant critiqué les propos de la directrice générale du Fonds monétaire international (FMI) évoquant un besoin de recapitalisation des banques européennes de 100 à 200 milliards de dollars.

Les dirigeants bancaires français ont toujours nié ce besoin de recapitalisation, arguant de ratios de solvabilité suffisamment élevés et conformes aux exigences de Bâle III. L'un de vos prédécesseurs, M. Jacques de Larosière, a récemment déclaré que « l'effondrement de la valeur boursière des banques défie la raison » et que « les banques françaises ne sont pas sous-capitalisées et disposent de suffisamment de fonds propres pour passer le cap », comme le démontre leur réussite aux stress tests. Partagez-vous cette appréciation, et comment jugez-vous la capacité des banques à se procurer des liquidités et à répondre aux besoins de financement de notre économie ?

Que pensez-vous d'autre part du projet d'adosser la partie française de Dexia à la Caisse des dépôts et consignations et à la Banque postale pour assurer le financement des collectivités locales ?

PermalienChristian Noyer, Gouverneur de la Banque de France

Répondre aux questions de la représentation nationale est toujours un plaisir et un honneur. C'est pour moi une partie intégrante de ma tâche de gouverneur de la Banque de France et de membre du conseil des gouverneurs de la BCE.

Vous m'interrogez sur la solidité des banques françaises. Il convient de différencier la solvabilité et la liquidité.

Je n'ai aucune inquiétude sur la solvabilité. Les banques françaises ont des bilans sains – elles n'ont pas d'actifs toxiques cachés – et des fonds propres importants. Les exigences en matière de fonds propres pour les activités de marché et les titrisations seront un peu plus rigoureuses sous les critères du régime intermédiaire entre Bâle II et Bâle III qui entrera en vigueur au 1er janvier. Mais sous les critères de Bâle II, les banques françaises disposent d'un matelas de fonds propres durs de 210 milliards d'euros, ce qui correspond à un ratio de 10,9 %, et de 160 milliards d'euros de fonds propres très durs – dits Core Tier One –, qui comprennent le capital et les réserves et qui correspondent à un ratio d'environ 9 %.

Leur capital augmente régulièrement depuis 2009, à la fois en quantité et en qualité : elles ont accumulé environ 50 milliards d'euros en deux ans, grâce à quelques augmentations de capital et à une accumulation des bénéfices mis en réserve. Compte tenu de la crise, je leur ai demandé de poursuivre dans cette voie pour être en mesure de respecter les exigences de Bâle III dès 2013, donc bien avant la date de 2019.

J'en arrive à la liquidité.

La liquidité en euros n'est pas un sujet, puisque nous avons mis en place au sein de l'Eurosystème – l'ensemble constitué par la BCE et les banques centrales nationales – une méthode de refinancement à taux fixe pour des montants illimités, dès lors que les banques peuvent offrir des garanties, ce que nous appelons le « collatéral ». Or les banques françaises disposent de plus de 400 milliards d'actifs éligibles en collatéral. En revanche, la liquidité en dollars s'est restreinte au cours de l'été. C'est une préoccupation pour l'ensemble des banques et notamment pour les banques européennes, qui avaient beaucoup recours au marché américain pour des financements en dollars. Afin de leur permettre de s'adapter, les grandes banques centrales ont convenu de raviver un mécanisme d'échange de liquidités entre banques centrales qui permet à l'Eurosystème de faire des opérations de refinancement des banques européennes en dollars. Nous en avons prévu trois à trois mois au cours de ce dernier trimestre. Dans le même temps, les banques réajustent leur bilan et se dégagent de certaines opérations qui ne sont pas liées au financement de l'économie française.

Vous avez évoqué la crise de la dette souveraine. La Grèce est dans une situation très critique. Elle doit démontrer qu'elle est capable de respecter les engagements qu'elle a pris sur la restructuration de son économie et de ses finances publiques. C'est sans doute le pays qui avait consenti le moins de réformes pour doper son économie ; les coûts unitaires de production ont augmenté beaucoup plus vite que sa productivité, d'où une très faible croissance et une très faible capacité d'exportation. Par ailleurs, la situation de ses finances publiques était très détériorée et en partie masquée. Le programme de redressement négocié avec l'Union européenne et le FMI est crédible, mais il faudra du temps pour qu'il porte ses fruits.

Les banques françaises ont 8 milliards d'exposition à la dette souveraine grecque. À titre de comparaison, je rappelle qu'elles ont enregistré 11 milliards de bénéfices au premier semestre. Elles auraient donc la capacité de passer en pertes la totalité de leur exposition. Elles ont passé 20 % de provisions sur cette exposition fin juin, et sont en mesure d'en passer davantage s'il le faut à la fin du troisième ou du quatrième trimestre.

Mais ce sont surtout les risques de contagion qui préoccupent observateurs, acteurs du marché et politiques. Nous devons certes garder ce scénario à l'esprit, mais il n'existe pas de raison objective pour que la situation grecque soit réplicable. Les situations des pays périphériques sont très différentes. L'Irlande est en avance sur son programme de redressement ; celui du Portugal – qui a débuté un an plus tard – est sur les rails. Avec un ratio de 67% du PIB, l'Espagne a une dette qui aurait paru élevée il y a quelques années, mais qui peut être considérée comme limitée aujourd'hui. Elle a pris d'importantes mesures de redressement depuis le début de l'année, et les inquiétudes du marché semblent apaisées. Objectivement, sa situation est meilleure que celle du Royaume-Uni au regard des critères de déficit public, de dette publique, de croissance instantanée et d'inflation. L'Italie a un ratio de dette publique très élevé, proche de 120 %, mais elle a pris des mesures fortes de redressement budgétaire. Elle dégage d'ailleurs un surplus primaire, c'est-à-dire avant paiement des intérêts de la dette. Elle est donc en mesure de stabiliser rapidement cette dernière, puis de commencer à la réduire. Même si la situation est quelque peu brouillée par la complexité du processus politique, les mesures prises dans ce pays me paraissent à la hauteur des difficultés.

J'ai confiance en la capacité des États à mettre en oeuvre les décisions arrêtées le 21 juillet dans le cadre du Conseil européen. Nous attendons avec impatience la ratification du renforcement du FESF par la Slovaquie, dernier État à y procéder. Nous disposerons ainsi, conformément aux recommandations des gouverneurs de la BCE, d'un instrument plus flexible et plus puissant.

L'exposition des banques françaises aux dettes souveraines de l'ensemble des pays périphériques est de 60 milliards d'euros. Or elles disposent, je l'ai dit, de 210 milliards de fonds propres, et de 160 milliards de capital et de réserves. À moins d'imaginer que la moitié de l'Europe se retrouve en faillite, leur exposition à ces dettes souveraines ne représente donc qu'une fraction limitée de leurs fonds propres. En mettant à part le cas de la Grèce, j'exclus d'ailleurs toute idée d'un défaut de l'un de ces pays.

J'en viens au financement de l'économie. Le développement du crédit est relativement dynamique, sachant que nous sommes en phase de reprise. Le redémarrage du crédit avait en effet été plus tardif dans les phases de reprise qui ont suivi les périodes de stagnation ou de récession des décennies précédentes. Selon les derniers chiffres, publiés en août, les crédits aux entreprises ont augmenté de 4,7 % sur un an, et les crédits aux PME et TPE de 4,8 %. Les crédits aux ménages progressent quant à eux de 7 %, la progression des crédits immobiliers étant beaucoup plus dynamique que celle des crédits à la consommation. Ces différents segments sont donc bien orientés. Nos dernières enquêtes montrent un ralentissement de la demande de crédits, mais nous n'observons pas de resserrement de l'offre.

Le segment qui nous préoccupe le plus aujourd'hui est le financement des collectivités locales, pour lesquelles les encours ont diminué de 6 milliards d'euros sur le premier semestre, les banques tirant souvent argument des futurs ratios de liquidité de Bâle III pour ne pas s'engager. Pourtant, ces ratios ne sont pas définitivement arrêtés, et je ne désespère pas de les voir évoluer dans un sens plus raisonnable. Les banques font d'importants efforts pour réorienter l'épargne longue vers des produits de bilan, ce qui devrait permettre de refinancer les crédits à long terme. En outre, les crédits aux collectivités locales sont de bons crédits, sur lesquels il n'est en principe pas nécessaire de constituer de provisions. Surtout, ils peuvent être refinancés par des obligations foncières, qui sont l'un des segments les plus attractifs du marché financier. Il est vrai que ce marché a été peu actif ces derniers mois, après un excellent premier semestre. L'Eurosystème a donc décidé de lancer, comme en 2008-2009, un programme d'achat d'obligations sécurisées sur les marchés primaire et secondaire, afin de relancer ce marché important pour le financement à long terme de l'économie de la zone euro.

Enfin, la solution actuellement mise au point pour Dexia me semble répondre à la nécessité de retrouver un prêteur spécialisé d'envergure pour les collectivités locales. J'aurai sans doute l'occasion de revenir sur ce point – ainsi que sur la recapitalisation des banques – dans ma réponse.

PermalienPhoto de François Brottes

Je parle moins bien finance que vous ne parlez politique, monsieur le gouverneur, et j'ai particulièrement goûté votre formule très diplomate sur la complexité du processus politique en Italie.

Pour parler plus crûment, nous ne comprenons pas grand-chose à ce qui se passe. On ne cesse de nous rassurer, mais à chaque fois que nous soulevons plus avant le tapis, nous y découvrons des choses que nous ignorions. Bref, à trop vouloir rassurer les Français, on les fait entrer dans une spirale d'anxiété.

Quels sont donc, parmi les paramètres fondamentaux de notre économie – dette, déficit, épargne, inflation, taux de crédit, croissance, fonds propres des banques – qui interagissent, les éléments stables et ceux qui sont plus incertains ? On sait par exemple que le niveau de l'épargne est très important en France, ce qui n'est pas le cas dans tous les pays.

Que se passera t-il selon vous si la Slovaquie ne ratifie pas le renforcement du FESF ?

Enfin, je n'ose vous interroger sur le fichier positif. Je serais néanmoins intéressé de connaître votre avis.

PermalienPhoto de Michel Piron

Mes quatre questions seront guidées par un fil conducteur : comment y voir clair ?

J'aimerais en premier lieu avoir votre avis sur la définition des fonds propres. En effet, il n'existe pas de consensus sur ce point entre nous et les Anglo-Saxons, en particulier les Américains. Selon vous, jusqu'où vont les fonds propres ?

Vous avez également évoqué le marché des obligations foncières et le caractère sécurisé des prêts aux collectivités territoriales, réputés pour être plutôt sûrs. Comment expliquez-vous le resserrement récent du crédit aux collectivités locales ?

J'en viens aux dettes souveraines. Le ratio de dette publique de l'Espagne vous semble acceptable mais, avez-vous précisé, cela n'aurait pas été le cas hier. Est-ce à dire que les erreurs d'hier font les vérités d'aujourd'hui ? Quels critères pourraient être plus durables que les ratios, dont on mesure aujourd'hui le caractère relatif ? Et puisque vous avez évoqué la complexité du processus politique en Italie, comment appréhendez-vous la question de la gouvernance – qui est loin d'être négligeable, comme le montre l'exemple grec – dans ce pays ?

Le détenteur de la dette publique a également son importance. La dette japonaise, qui représente 190 % du PIB, est détenue essentiellement par les Japonais. Quel est le pourcentage de la dette italienne détenu par les Italiens ? Je crois enfin savoir que la dette française est majoritairement détenue par l'étranger, ce qui peut être un facteur de vulnérabilité.

Quelle relation peut-on établir entre taux d'épargne et taux de dette publique ?

Ma dernière question portera sur le modèle bancaire. On a beaucoup évoqué ces derniers temps – comme l'avait fait M. Obama dès 2008 – une éventuelle séparation entre banques d'affaires et banques de dépôt, voire à l'intérieur même des banques d'affaires selon les types d'investissements. Que pouvez-vous nous dire à cet égard ?

PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

J'aimerais d'abord vous interroger sur la sortie de la crise grecque. Parmi les nombreuses solutions évoquées, la plus raisonnable semble être l'effacement partiel de la dette grecque. Partagez-vous cette analyse ? Si oui, à quelle hauteur pourrait-on effacer cette dette ?

Lors du débat que le groupe Nouveau Centre a organisé sur Dexia, de nombreuses interventions ont porté sur les difficultés que rencontrent les collectivités territoriales pour se financer. En tant que maire d'Agen et président de la communauté d'agglomération d'Agen, je ne suis pas confronté à des difficultés d'accès au crédit, mais c'est le cas de certains de mes collègues. Pouvez-vous revenir sur le sujet ?

PermalienPhoto de Daniel Paul

Vous vous êtes voulu rassurant, monsieur le gouverneur. Je n'oserai dire qu'à vous entendre, tout va très bien, mais c'est presque cela. C'est ce qu'on nous raconte depuis des années, ce que nous ont raconté les experts avant 2008, et ce que vous nous dites aujourd'hui avec eux. Je n'ai discerné nulle inquiétude dans vos propos. Dexia, banque des collectivités locales, vient pourtant de chuter ! Plusieurs collectivités qui lancent régulièrement des appels d'offres auprès des banques pour des lignes de crédits de quelques millions ou dizaines de millions d'euros se sont vu répondre qu'elles ne disposeraient plus que de la moitié de la somme demandée. Il s'agit pourtant de communes dont la situation est saine, qui ne figurent pas dans le classement des villes les plus touchées par les emprunts toxiques publié dimanche dernier par le Journal du dimanche. Le Président de la République a d'ailleurs annoncé que l'État consacrerait 3 milliards d'euros au financement de prêts aux collectivités locales, ce qui laisse entendre que tout ne va pas pour le mieux. Et la solution aux difficultés présentes vient encore d'être renvoyée à un accord à trouver avant le prochain sommet européen !

En réalité, la crise des banques et les difficultés du crédit appellent de profondes restructurations. La séparation des activités bancaires entre les dépôts et l'utilisation qui en est faite – ou celle des banques de dépôts et des banques d'affaires – est une nécessité. Il faut également réfléchir aux missions du système bancaire, qui a vocation à faire fonctionner l'économie et à permettre à la croissance de s'épanouir. Or bien des PME ont les pires difficultés à obtenir des crédits. C'est tout de même un comble qu'elles soient contraintes de s'adresser à un député communiste pour obtenir de l'argent des banques !

François Brottes a rappelé que notre pays se distingue par un niveau d'épargne élevé. Sans doute est-ce le signe d'une inquiétude diffuse dans l'opinion. Ne convient-il pas de mettre en oeuvre un contrôle plus strict des banques, des mesures de régulation des activités bancaires, et d'interdire les activités spéculatives qui ne relèvent pas du système bancaire ? Ne doit-on pas s'interroger sur la façon dont nombre de banques – et de grands groupes – se sont rués sur l'industrie financière ? L'heure n'est-elle pas venue de bâtir un véritable pôle public financier pour faire pendant à l'activité des banques privées et empêcher tout dérapage ?

Pour finir, qui sont donc les « marchés financiers » dont tout le monde parle ? Il y a bien des gens derrière cette entité incontrôlable et inconnue ! Vous l'avez vous-même reconnu en parlant de 11 milliards de dividendes sur les six premiers mois de l'année.

PermalienChristian Noyer, Gouverneur de la Banque de France

Non : de bénéfices, essentiellement mis en réserve.

PermalienPhoto de Laure de La Raudière

Vous dites que l'on ne constate pas de ralentissement dans l'octroi de crédits aux entreprises. Ce n'est pas vraiment ce que nous entendons sur le terrain, en particulier auprès des agriculteurs et des TPE. Il semble que les statistiques agrègent les grandes masses. Il m'a ainsi été dit qu'elles ne prenaient pas en compte les prêts d'un montant inférieur à 25 000 euros. Pouvez-vous nous le confirmer, ou n'est-ce qu'une rumeur ?

Si vous ne nourrissez pas d'inquiétudes pour les fonds propres des banques françaises, comment expliquer la défiance des marchés depuis début août ? Ne revient-on pas à leur profit à une forme de démocratie parfois un peu censitaire ?

Ma dernière question concernera le surendettement des particuliers : où en est la réforme du fichier négatif que nous avons votée dans le cadre de la loi sur le crédit à la consommation ?

PermalienPhoto de Catherine Coutelle

Dexia avait passé avec succès les stress tests. Est-ce normal ? Est-ce inquiétant pour les autres banques qui sont dans ce cas?

Selon l'enquête « Les entreprises en Poitou-Charentes : bilan 2010 et perspectives 2011 » de la Banque de France conduite en février 2011, le redressement amorcé fin 2009 s'est poursuivi en 2010, et l'activité régionale a renoué avec une évolution favorable. Mais en dépit de ces améliorations, les effectifs ont connu une nouvelle érosion et, en 2011, les perspectives d'emploi restent réservées. Tout aussi inquiétant, les investissements n'ont pas suivi la progression de l'activité. Comment peut-on parler d'une amélioration de l'activité tout en constatant que l'emploi continue à se rétracter et que les investissements n'ont pas augmenté ?

PermalienPhoto de Jean-Pierre Nicolas

Votre exposé apaise nos craintes : vous avez confiance dans la capacité des États à honorer leurs engagements et dans la solvabilité des banques. Je rejoins cependant les inquiétudes de M. Daniel Paul et de Mme de La Raudière s'agissant des difficultés d'accès au crédit des PME, des PMI et des artisans. Il serait donc intéressant de reparler des méthodes de confection des statistiques.

De nombreuses collectivités locales, confrontées à l'obligation de rembourser des montants exorbitants par rapport à leur budget à la suite de la souscription d'emprunts toxiques, mènent actuellement des négociations serrées avec des organismes bancaires. La Banque de France peut-elle leur donner des conseils, voire inciter les organismes bancaires à transiger, ou faut-il prendre le risque d'aller au contentieux ? Bref, un bon arrangement ne vaut-il pas mieux qu'un mauvais procès ?

PermalienPhoto de Jean Gaubert

Rétrospectivement, la Grèce devait-elle intégrer la zone euro ? S'est-il agi d'une décision purement politique ?

En ce qui concerne les banques, je partage l'interrogation de Catherine Coutelle sur les stress tests. J'aimerais également vous demander si les banques ne sont que des victimes de la crise. N'y auraient-elles pas un peu contribué ? Or, à les entendre, ce serait presque la faute de ceux qui n'ont rien fait. En tant que petit actionnaire du Crédit agricole, je n'ai pas eu mon mot à dire sur les engagements qui ont été pris, mais je vais le payer. Cela dit, je préfère le faire en tant que petit actionnaire qu'en tant que contribuable. Mais ne faudra t-il pas qu'à un moment ou à un autre le système bancaire assume complètement sa responsabilité ?

Il me paraît enfin urgent, dans une zone monétaire unifiée, de définir des perspectives pour la gouvernance économique de l'Europe.

PermalienPhoto de Jean Proriol

N'y a-t-il pas une contradiction entre vos propos sur les fonds propres des banques et ceux de la directrice générale du FMI, qui a appelé à un renforcement du capital des banques européennes ? Comment savoir qui a raison ?

Par ailleurs, on constate que les marchés réagissent au jour le jour, quand les débats politiques prennent des semaines et les débats européens, des mois. Bref, nous aurons beau courir, nous arriverons toujours trop tard. Y a-t-il une solution au problème ? Nous avons parlé de la gouvernance européenne, mais il peut s'agir d'autre chose.

Ma dernière question portera sur la BCE, dont vous avez été vice-président. Doit-on se féliciter que M. Trichet soit allé au-delà de son rôle traditionnel – la stabilité monétaire et la lutte contre l'inflation – pour ouvrir les vannes au moment où cela était nécessaire ? Pourra t-on continuer dans cette voie ?

PermalienPhoto de Pascale Got

Alors que certaines banques se sont ruées sur les collectivités locales pour les endetter dans des conditions assez scandaleuses, d'autres choisissent aujourd'hui de sortir du marché du financement des collectivités locales, jugé peu rentable, voire coûteux. Comment jugez-vous cette valse à deux temps ? En ajouterez-vous un troisième pour soutenir les collectivités locales ?

PermalienPhoto de Frédérique Massat

En juillet dernier, par un communiqué de presse, la Banque de France se félicitait de la réussite des banques françaises – dont Dexia – aux tests de résistance. Selon vous, ces bons résultats s'expliquaient par une « gestion rigoureuse des risques ». Vous aviez ajouté que les hypothèses de stress retenues par l'Autorité bancaire européenne étaient particulièrement dures. Or les experts expriment aujourd'hui de sérieux doutes sur ces stress tests.

Le financement des PME et des TPE est un vrai problème. Selon une enquête conduite dernièrement auprès des établissements de crédit, les conditions d'octroi des crédits se sont fortement durcies au troisième trimestre 2011, tant pour les PME que pour les grandes entreprises, et ce durcissement a été plus sensible en France que dans l'ensemble de la zone euro. Le conseil régional d'Auvergne a lancé une opération originale : un grand emprunt obligataire qui sera émis dans les prochains jours.

PermalienPhoto de Frédérique Massat

Les collectivités territoriales sont-elles en passe de devenir le seul recours des TPE et des PME pour financer leurs investissements ?

PermalienPhoto de Annick Le Loch

Selon la Banque de France, 80 % des demandes de crédit des PME sont satisfaites par les banques. Il semble que ces statistiques excluent les TPE, qui évoquent régulièrement les difficultés qu'elles rencontrent en ce domaine. Avez-vous des statistiques sur leur situation ? Quelles sont les perspectives pour les mois à venir ? J'ai rencontré une chambre de métiers ce week-end : c'est d'abord la trésorerie qui fait défaut aux TPE, d'où une grande fragilité.

Ma seconde question concernera la séparation des activités de dépôt des banques de celles d'investissement ou d'affaires. Cette séparation protégerait-elle mieux les épargnants des risques liés à la finance ?

(Mme Laure de La Raudière, vice-présidente de la Commission, remplace M. Serge Poignant à la présidence de la séance.)

PermalienPhoto de William Dumas

Dans un article paru dans Le Monde du 29 septembre, M. Trichet, président de la BCE, affirmait que le conseil des gouverneurs – qui s'est réuni le 6 octobre – étudierait la possibilité de prêts à long terme. Or les accords de Bâle III imposent aux banques de revoir leur modèle économique, et notamment les financements à long terme. Qu'en est-il ? Ces accords imposent également un renforcement du ratio de fonds propres des banques – ce qui contraindra, selon certains de leurs dirigeants, leurs capacités à octroyer des crédits. Mme Obolensky, directrice générale de la Fédération bancaire française, nous a tenu les mêmes propos lorsque nous l'avons reçue en mai. Ce sont donc nos PME qui risquent de souffrir le plus de cette situation.

PermalienPhoto de Jean-Louis Gagnaire

S'il est dans votre rôle de tenir des propos rassurants, ils tranchent singulièrement avec la fébrilité que l'on observe dans le comportement des banques, qui préfèrent déposer leurs liquidités à la BCE plutôt que de prêter à d'autres établissements. Les dépôts auprès de la BCE ont atteint des montants record la semaine dernière, ce qui est un signe inquiétant. Pouvez-vous nous dire un mot du comportement des banques françaises, qui semblent suivre celui des autres banques européennes ?

En ce qui concerne le financement des collectivités locales, l'État a pris un engagement à hauteur de 3 milliards d'euros. Néanmoins, il faudra bien apurer le passé.

Je suis membre de la commission d'enquête sur les produits financiers à risque souscrits par les acteurs publics locaux. Nous constatons que nombre d'élus ont été abusés par les banques, qui les ont poussés à renégocier des prêts à taux fixe pour leur vendre des prêts structurés. Les collectivités n'étant pas toutes en mesure de renégocier ces prêts, ne convient-il pas de créer une structure de défaisance – qui pourrait être garantie par l'État – afin de pouvoir renégocier à des taux normaux ?

Enfin, il n'y a pas que l'Auvergne qui lance des emprunts obligataires ! Plusieurs régions qui éprouvent des difficultés à se financer – même lorsqu'elles bénéficient d'un triple A – ont décidé de faire de même. Elles suppriment ainsi les frais d'intermédiation, tout en libérant les banques du financement des plus petites collectivités territoriales. Que pensez-vous de cette solution, qui permettra d'éviter les errements d'un nouveau Crédit local de France ?

PermalienPhoto de Jean-Michel Villaumé

Ne pensez-vous pas que les marchés se fient un peu trop aux agences de notation ? Une modification du statut de celles-ci est-elle envisageable ?

J'aimerais également connaître votre avis sur les hypothèses de séparation des activités de dépôt et des activités de marché ou d'affaires des banques.

Enfin, vous aviez critiqué les propos de Mme Lagarde sur la nécessité d'une recapitalisation massive des banques européennes. Compte tenu de la dégradation de la situation bancaire, auriez-vous la même position aujourd'hui ?

PermalienPhoto de Marie-Lou Marcel

Dans une interview récente, vous avez tenu à préciser que la situation actuelle n'était pas comparable à celle qui prévalait en 2008 lors de la faillite de Lehman Brothers. Quel bilan tirez-vous de l'aide apportée aux entreprises sur la période 2008-2012 par rapport aux quatre années précédentes ?

Dans l'optique d'un État stratège, pourquoi ne pas envisager la nationalisation partielle ou ponctuelle de certaines banques ? C'est le choix qu'ont fait les Britanniques en faisant entrer l'État au capital de certaines banques.

La Grande-Bretagne s'oriente également vers un système séparant les activités de dépôt et de marché des banques. Cette hypothèse ne mérite t-elle pas d'être étudiée ?

PermalienChristian Noyer, Gouverneur de la Banque de France

Découvre t-on sans arrêt, pour reprendre l'expression de M. Brottes, de nouvelles choses sous le tapis ? Il est vrai qu'en 2008, nous avons tous été surpris, à l'échelle mondiale, par le fait que des actifs complexes, auxquels nous n'avions pas prêté assez d'attention et que nous pensions – à tort – régulés et surveillés par les autorités américaines, aient été fondés sur un marché – celui des subprimes, marché immobilier de faible qualité – qui était une véritable bulle. Cela a fait naître une crainte généralisée sur l'existence d'actifs toxiques aux deuxième ou au troisième degré – pas seulement d'ailleurs dans le secteur bancaire, mais aussi chez des investisseurs et des intermédiaires du monde entier. Le fait que de tels actifs existent et qu'on ne sache pas exactement si tel ou tel instrument structuré très complexe en comportait a créé un sentiment de défiance généralisée, chacun redoutant que son voisin en détienne et refusant par conséquent de lui prêter autant qu'hier. La crise de 2008, c'est donc la découverte de ces actifs toxiques, qui étaient masqués dans des entités extraordinairement complexes. Depuis lors, le marché des subprimes américains s'est tari. En outre, on ne fait plus d'instruments aussi compliqués que les obligations adossées à des actifs – collateralized debt obligations (CDO) –, les CDO au carré ou les CDO au cube, toutes inventions « diaboliques » qui étaient la marque du début de la décennie précédente. Néanmoins, il faut apurer le passé.

La défiance s'est, de plus, manifestée à un moment où l'économie mondiale était dans un cycle de ralentissement. Le résultat de cette conjonction a évidement été douloureux.

Le problème d'aujourd'hui est différent : il tient à la crainte des gestionnaires. À la question de M. Daniel Paul sur l'identité des marchés, je répondrais que ceux-ci sont les très nombreux intervenants qui gèrent notre épargne et celle de nos voisins. Concrètement, il s'agit en majorité – même s'il existe quelques fonds spéculatifs, notamment à New York et à Londres – de gestionnaires de SICAV ou de fonds communs de placement (FCP), d'assurance vie, de fonds de pension ou encore de fonds souverains. Leur préoccupation est de préserver les intérêts de leurs clients. Ils ont donc un comportement très « moutonniers », ce qui explique que les craintes se répandent très vite et deviennent des phénomènes de marché.

La crise d'aujourd'hui trouve son origine dans le fait que les finances publiques ont commencé à faire peur. Les gestionnaires avaient jusqu'à présent considéré que les dettes publiques constituaient l'actif le plus sûr – dans les anciens ratios de Bâle II, le risque de crédit sur les pays de l'OCDE et d'un certain nombre de pays émergents était tenu pour nul. Le cas de la Grèce a été un révélateur – c'est d'ailleurs pourquoi l'épicentre de la crise est en Europe, alors que celui de la crise de 2008 se situait aux États-Unis. Les marchés ont commencé à s'interroger sur la capacité des États à rembourser. Le seul fait d'agiter l'idée du possible défaut d'un État, peut-être suivi par d'autres, crée une situation nouvelle : la dette publique est en quelque sorte désacralisée. Dès lors que ce sentiment se répand, il est terrible.

Nous n'avons pas affaire ici à des actifs toxiques. Il n'y a rien sous le tapis, monsieur Brottes : tout est sur la table ! Chacun peut savoir, à l'euro ou au dollar près, combien de dette publique de tel ou tel pays détiennent nos banques, et estimer que tel ou tel ne remboursera pas tout. Mais cela signifie aussi que les banques et les gestionnaires de fonds ne financeront plus les États, ce qui interdit de fait le déficit public. La question de fond est là. C'est donc un vrai problème qui est posé par la détérioration des finances publiques. Nous n'avons pas porté assez d'attention à la rigueur de gestion des finances publiques au cours des dernières décennies.

Lors de la création de l'euro, nous avons instauré des règles dont on a prétendu un peu hâtivement qu'elles consistaient à limiter le déficit à 3 % de PIB, et la dette à 60 %. Alors que ces règles tendaient, en réalité, à maintenir le solde des finances publiques à un niveau proche de l'équilibre, sans aller au-delà de 3 % de PIB en période de ralentissement économique, elles ont été interprétées comme autorisant en permanence un déficit de 2,99 % de PIB – et une dette publique de 59,9 %. Les finances publiques se donc considérablement dégradées quand il a fallu relancer l'activité face à la récession. Il reste que cette évolution n'est pas propre à la zone euro : les États-Unis sont dans le même cas, et la situation du Royaume-Uni est objectivement moins bonne que celle de l'Espagne.

La conséquence que nous devons en tirer dans le domaine de la gouvernance économique est qu'une véritable surveillance des finances publiques s'impose. Quand on partage une monnaie, il faut des règles budgétaires. Sur ce point, presque tout le monde affirmait en France, en Allemagne, en Italie et chez nos voisins anglo-saxons que les règles budgétaires du traité de Maastricht étaient stupides. Le président de la Commission européenne est même allé jusqu'à qualifier le pacte de stabilité de « stupidité ». Seule divergeait la BCE, qu'on disait rigide et autiste : elle affirmait qu'il fallait respecter des règles budgétaires, que l'affaiblissement du pacte de stabilité et de croissance était une erreur dramatique et qu'il fallait renforcer la gouvernance. Les leçons en ont été tirées par les États membres lorsqu'ils ont décidé de renforcer le pacte de stabilité et de croissance.

Une autre explication est que l'évolution de la compétitivité n'a pas été suffisamment prise en compte : quand on appartient à une zone monétaire unique dont la banque centrale garantit, conformément à son mandat, une inflation légèrement inférieure à 2 % en moyenne et que les gains de productivité, liés aux réformes structurelles, au dynamisme des économies, mais aussi aux circonstances, ne dépassent pas 1 ou 2 % par an, soit un niveau très inférieur à l'augmentation des coûts de production – ils ont augmenté de 6 ou 7 % par an en Grèce pendant une décennie –, on se retrouve hors marché parce qu'on ne peut pas produire dans des conditions compétitives. Comme il est alors impossible de dévaluer, la seule solution pour restaurer la compétitivité consiste à réduire tous les coûts, y compris les salaires, ce qui est extraordinairement douloureux. Une surveillance mutuelle est donc nécessaire au sein d'une zone monétaire commune : il faut tirer la sonnette d'alarme si les coûts de production augmentent trop vite, dans un pays, par rapport aux gains de productivité.

Vous m'avez demandé si la Grèce était prête lorsqu'elle est entrée dans la zone euro. On sait a posteriori que non, car elle a masqué un certain nombre d'éléments concernant l'état de ses finances publiques. Cela étant, elle aurait pu se sortir d'affaire si elle avait adopté une conduite rigoureuse, si elle avait été tenue par une gouvernance européenne stricte et si l'on avait pu auditer ses comptes sur place, ce qui est désormais possible : Eurostat a le droit d'auditer les comptabilités nationales et la Commission exerce une surveillance rapprochée. Par ailleurs, le pacte de stabilité et de croissance est en principe beaucoup plus rigoureux.

Faut-il en vouloir aux banques ? On peut leur reprocher d'avoir acheté de la dette souveraine aux motifs que ce n'était pas leur travail et que nous ne connaîtrions pas de difficulté si elles avaient agi autrement, mais cela ne me paraît pas très juste : la dette des États doit normalement pouvoir être considérée comme un actif de première qualité. Pour cela, il faudra régler le problème posé par la crise de confiance actuelle tout en agissant à la base : les dettes publiques doivent redevenir des actifs de première qualité à partir desquels la courbe des taux d'intérêt peut se construire. Si c'est impossible, il sera alors très difficile d'assurer un financement ordonné de l'économie.

S'agissant de la Slovaquie, j'exclus l'hypothèse d'un blocage : ce serait la preuve que le système de la zone euro ne peut pas fonctionner – une réforme indispensable serait, en effet, bloquée à cause d'un État de très faible importance. Il faudrait absolument trouver une solution si la réponse apportée en Slovaquie était négative.

PermalienPhoto de Jean Gaubert

Sauf changement de la situation depuis jeudi dernier – j'étais alors en Slovaquie –, on peut le craindre pour des raisons à la fois locales et nationales.

PermalienChristian Noyer, Gouverneur de la Banque de France

J'en viens à nos échanges avec le Fonds monétaire international au sujet des fonds propres. Le FMI a déclaré qu'il ne fallait pas hésiter, à titre de précaution et afin de rassurer les marchés, à augmenter les capitaux disponibles pour faire face aux risques potentiels. J'estime pour ma part que, si l'on part du principe qu'il faut constituer des provisions sur la dette de l'Italie et de l'Espagne, voire sur celle des États-Unis et du Royaume-Uni, pays dont le ratio de dette est au moins aussi important, et sur celle de la France et de l'Allemagne, car leurs déficits sont relativement élevés et leurs ratios de dette publique augmentent également vite, il faudra non seulement recapitaliser les banques mais aussi faire appel aux États dont on affirme, par ailleurs, qu'ils ne sont plus assez solides. Tout s'effondrerait alors : on ne peut pas demander à des États dont la dette publique est considérée comme trop élevée de s'endetter davantage pour renflouer des banques qui achètent leur propre dette.

Il faut donc savoir raison garder. Les banques n'ont pas besoin de fonds propres supplémentaires, car elles sont déjà en train de les augmenter pour mettre en oeuvre les accords de Bâle III. Afin de répondre à l'anxiété actuelle, je leur ai d'ailleurs demandé d'aller beaucoup plus vite en faisant dès 2013 ce qui était attendu pour 2018 : elles devront mettre en réserve autant de bénéfices que possible, distribuer un minimum de dividendes – je surveillerai de très près leur politique dans ce domaine et je serai très directif si nécessaire –, tout en restant mesurées en matière de rémunération et en faisant très attention à la structure de leur bilan.

Doit-on aller plus loin ? L'Agence bancaire européenne y réfléchit. Si elle recommande des « coussins de capital » supplémentaires pour tenir compte de l'inquiétude des marchés au sujet des dettes souveraines, nous demanderons aux banques d'aller encore plus vite. Je considère, en effet, que le renforcement des fonds propres peut être réalisé par des moyens normaux, c'est-à-dire grâce au marché et à l'accumulation des bénéfices en réserve. Je ne vois pas pourquoi on demanderait aux contribuables de l'argent dont les banques n'ont pas besoin : elles sont suffisamment capitalisées et elles ont de quoi distribuer du crédit. S'il fallait malgré tout intervenir, on pourrait alors utiliser le même instrument public qu'en 2008. Il s'agirait d'un investissement très temporaire, sans rapport avec une nationalisation partielle ou totale des banques – je rappelle que l'État avait été intégralement remboursé et qu'il avait même fait des bénéfices.

En ce qui concerne Dexia, je tiens à dire que je n'ai jamais inclus ce groupe lorsque j'évoquais les banques françaises : son siège étant en Belgique, le superviseur principal est belge – il s'agissait hier de la Commission bancaire et financière, et aujourd'hui de la Banque nationale de Belgique. Nous n'exerçons, de notre côté, qu'une responsabilité déléguée sur l'entité française de prêts aux collectivités locales.

Si Dexia a passé les stress tests, c'est qu'il n'y a pas de problème de solvabilité. Sa difficulté, déjà à l'origine des difficultés en 2008, est que le groupe a grandi trop vite en se diversifiant à l'excès et en réalisant massivement une activité de transformation de refinancements très courts en crédits ou obligations de longue durée – c'était le cas du financement des collectivités locales en France, mais aussi d'activités beaucoup plus complexes et plus risquées aux États-Unis, opérations qui sont, pour l'essentiel, terminées ou bien vendues. Dexia était en train de réduire fortement son périmètre et de se concentrer sur son coeur de métier en France, en Belgique, au Luxembourg et dans quelques autres pays quand le groupe a été rattrapé à cause de son portefeuille d'actifs. Estimé à une centaine de milliards d'euros, en baisse de moitié depuis un an, il est constitué d'obligations souveraines et de crédits dont une grande partie était refinancée à très court terme sur le marché. Or, ce dernier a pris peur – le portefeuille comportait notamment des obligations grecques et italiennes. Il a donc fallu trouver, dans la précipitation, une solution pour ce groupe dont le modèle de très forte transformation n'est plus adapté aux conditions de financement actuelles, ni a fortiori aux règles de Bâle III.

Selon moi, les États ont raison de chercher des solutions particulières pour chaque entité. En Belgique, Dexia a ainsi vocation à redevenir une banque de dépôt, dont l'État belge souhaite l'adossement à un autre groupe pour rassurer très vite les déposants à vue. De son côté, la France va reconstruire un outil de financement des collectivités locales sur des bases très classiques. C'est un élément important pour résoudre le problème actuel et je trouve judicieux d'allier les forces de la Caisse des dépôts à celles de la Banque postale, qui peut trouver là une opportunité pour croître sur un nouveau marché où elle pourra placer une partie de ses ressources. Le Luxembourg a également beaucoup avancé et des solutions sont en cours de négociation pour d'autres entités du groupe.

Quant à la crise de trésorerie actuelle – je rappelle que nous faisons face un problème de liquidité et non de solvabilité –, elle sera réglé en utilisant au mieux les outils de valeur au sein du groupe. Son portefeuille, qui donnera lieu à une garantie des États après autorisation du Parlement, n'est pas de mauvaise qualité : il comporte des crédits et des obligations qui sont souvent de qualité et sera adossé à des fonds propres non négligeables. Dans ces conditions, mon hypothèse de travail est que la liquidation du portefeuille pourrait être effectuée sans coût pour les finances publiques si l'on se donne le temps nécessaire.

Comme je l'ai déjà indiqué, les dettes publiques sont en grande partie détenues par des gestionnaires de fonds, en particulier les OPCVM et les assurances vie. Ces acteurs ayant très naturellement considéré qu'ils pouvaient investir dans l'ensemble de la zone euro à partir du moment où ils le faisaient dans un des États membres, les investissements se sont considérablement accrus. Si seul un tiers de notre dette est aujourd'hui détenu par des résidents français, c'est que nos propres investisseurs se sont tournés vers les autres pays de la zone euro. Par ailleurs, bien que certaines dettes soient considérées comme supérieures, en particulier celle de l'Allemagne, et d'autres comme moins bonnes, notamment celles des pays périphériques, on peut considérer a priori qu'elles seront toutes remboursées, le cas de la Grèce étant un peu particulier.

S'agissant de ce pays, j'estime à titre personnel que le défaut est très grave : cela revient à ruiner son crédit pendant très longtemps, car il devient très difficile de retrouver des acteurs prêts à faire crédit. C'est donc une solution de dernier recours. Le programme négocié avec le FMI et l'Union européenne était sans doute trop court – il aurait fallu au moins six ans pour le réaliser, au lieu de trois –, mais il avait pour mérite de permettre à la fois un rétablissement de la croissance économique et un assainissement des finances publiques. C'était donc la meilleure solution pour la population grecque et ça l'est toujours. Comme ce programme très difficile a été suivi avec retard, il a été réajusté et il a par ailleurs été convenu avec les banques d'instaurer une participation volontaire au refinancement qui se traduit par une perte de 21 % des créances en valeur économique. Faudra-t-il demander davantage aux banques, qui ne sont jamais que les porte-parole des gestionnaires de fonds du monde entier ? La question concerne avant tout les États, mais je peux vous dire qu'on courrait d'énormes risques si l'on passait d'une participation volontaire des créanciers à un défaut organisé : la Grèce pourrait, en effet, se trouver dans l'incapacité de trouver de nouveaux acteurs à l'avenir pour lui prêter de l'argent.

Les banques réalisant un travail essentiel pour l'économie, mais risqué, une supervision et une surveillance s'imposent. Des erreurs sont toujours possibles, mais je ne crois pas que nous en ayons commis une en ne considérant pas les dettes publiques comme un actif toxique. Si elles le deviennent, c'est parce que les États ont changé de comportement ; a priori, il est judicieux d'investir des obligations d'État. Certains ratios de Bâle III rendent d'ailleurs obligatoire la détention d'un certain volant de titres publics, supposés les plus sûrs et les plus liquides dans le monde entier.

Une plus grande régulation est certes nécessaire – nous avons d'ailleurs commencé à aller dans ce sens en passant de Bâle II à Bâle III –, mais il faut être conscient des dangers que cela présente : on risque de rendre la distribution du crédit plus difficile quand on renforce les exigences de capital et la comptabilisation des risques dans le bilan des banques. Nous avons donc proposé de ne mettre en oeuvre que très progressivement les accords de Bâle III, jusqu'en 2018, afin d'éviter tout effet restrictif sur la distribution du crédit. Compte tenu de la crise actuelle et du doute portant sur les banques, nous n'avons toutefois plus le choix : il faut accélérer le processus, mais nous ferons tout pour que les banques puissent y parvenir sans remise en cause du financement de l'économie.

Pour plus de tranquillité, ne faudrait-il pas séparer les activités de banque de dépôt et celles de banque d'investissement ? Je ne le crois pas, car cela ne rendrait pas la situation plus sûre. Les deux principales banques dont la faillite est à l'origine de la crise de 2008 sont, en effet, Lehman Brothers, une pure banque d'investissement, et Northern Rock, une pure banque de dépôt. Si la séparation des activités était la solution au problème, l'absence de soutien à Lehman Brothers n'aurait pas causé de difficulté. Or la faillite de cette banque a conduit à la crise mondiale, et l'effondrement de Northern Rock a suscité une crainte généralisée en Europe, la Banque d'Angleterre ayant dû venir à son secours.

Je suis évidemment d'accord pour interdire aux banques de réaliser des opérations de « casino », mais je tiens aussi à rappeler que l'activité des banques d'investissement peut présenter un intérêt pour l'économie : le financement international des achats d'avions est, par exemple, une activité des banques d'investissement, pour laquelle la France est particulièrement bien placée. Si nos banques interrompent leur activité faute d'accès au dollar, qui les remplacera ? Il en est de même en ce qui concerne l'activité de teneur de marché pour les obligations de l'État, des grandes entreprises et des grandes collectivités territoriales : le travail des spécialistes en valeurs du trésor (SVT), qui font les prix et assurent la liquidité du marché par leurs achats et leurs ventes, est aussi une activité de banque d'investissement.

Cela étant, il convient de mettre un terme à la constitution des portefeuilles de collateralized debt obligations, produits très complexes au sein desquels figurent des subprimes américains au deuxième, troisième ou quatrième degré, et des credit default swaps (CDS) sur le risque de défaut des États ou des entreprises : ce n'est pas le rôle des banques, à moins qu'il ne s'agisse de couvrir le risque de certains portefeuilles. Si les banques choisissent de réaliser des opérations vraiment risquées, je suis d'accord pour leur imposer des charges en capital suffisamment lourdes pour les dissuader – c'est précisément ce que nous essayons de faire. En revanche, je ne suis pas persuadé que la séparation entre banques d'investissement et banques de dépôt permette d'avancer.

J'en viens au financement de l'économie, qui rencontre, nous dit-on souvent, bien des difficultés sur le terrain, en particulier pour les TPE. Nos statistiques prennent naturellement en compte tous les crédits accordés aux entreprises, y compris les PME et les TPE, et elles nous permettent d'isoler un groupe constitué des PME indépendantes et des TPE, qui sont souvent des entrepreneurs individuels. Dans leur cas, nous constatons que la distribution du crédit est non seulement importante en France, mais aussi plus rapide que dans les autres pays de la zone euro – elle augmente de près de 5%, ce qui est un niveau supérieur à l'évolution du PIB en valeur. On ne peut donc pas affirmer que le crédit exerce un effet restrictif sur l'activité économique.

Il reste que les banques sont parfois tatillonnes : elles demandent, souvent à juste titre, certains renseignements que les entreprises n'ont pas toujours envie de fournir ; nous savons, en outre, que les banques font preuve de réticence quand les entreprises traversent une période difficile ou quand elles sont en phase de démarrage. Étant consciente de ces difficultés, la Banque de France a accepté de participer à la médiation du crédit, mission pour laquelle un dispositif a été mis en place dans tous les départements. Dans les cas, minoritaires, où aucune solution n'avait été trouvée, nous avons observé que les entreprises étaient vraiment en difficulté et relevaient donc des comités départementaux d'examen des difficultés de financement des entreprises (CODEFI). Nous avons constaté, par ailleurs, que le nombre des demandes se réduisait considérablement. Comme nous pensons avoir la confiance des banques, des entreprises et des autorités publiques, il ne nous semble pas que nous traversions une phase aiguë. On peut toujours trouver des exceptions – une médiation qui échoue, une entreprise qui ne trouve pas son chemin ou qui n'ose pas faire de demande, ou bien une banque qui se comporte de façon anormale –, mais je ne crois pas qu'il y ait de problème au niveau macroéconomique.

Je précise, par ailleurs, que les PME et les TPE font l'objet d'un agrégat qui est suivi sur le plan européen. Comme il aurait été très long et très compliqué de constituer une nouvelle catégorie, nous avons préféré réaliser des sondages statistiques pour obtenir des indications sur les crédits accordés aux seules TPE, auxquelles le seuil de 25 000 euros correspond très largement. Ce travail, réalisé à la demande des commissions des finances des deux assemblées, ne nous a pas conduits à constater de dérive : on observe à peu près la même évolution pour les TPE que pour l'ensemble des PME. C'est un sujet sur lequel nous avons beaucoup travaillé et que Jean-Paul Redouin a déjà eu l'occasion d'évoquer devant vous.

Si j'ai donné l'impression qu'il n'existe pas aujourd'hui de difficulté de financement pour les collectivités territoriales, je me suis mal exprimé : c'est, en effet, le problème le plus délicat. Pour le résoudre, nous devons trouver un successeur efficace à Dexia Crédit local. Nous avons besoin d'un investisseur spécialisé capable de monter très vite en puissance pour répondre aux appels d'offres et pour aviver la concurrence.

Une première difficulté est que les banques sont habituées à faire beaucoup de transformation, opération qui n'est pas sans risque. À cet égard, même si l'eurosystème refinance aujourd'hui sans limite les crédits en euro, les banques pensent aux années suivantes quand elles construisent leur bilan. Elles savent, au demeurant, qu'elles ne pourront plus réaliser un tel niveau de transformation, quels que soient les ratios définitivement adoptés. Elles sont donc conduites à financer les crédits longs par des emprunts longs. Les obligations sécurisées – obligations financières et obligations à l'habitat – constituent un très bon outil, mais celui-ci est en panne depuis le début de l'été, car les banques sont très réticentes à financer des crédits longs. Comme l'a annoncé Jean-Claude Trichet le 6 octobre dernier, nous intervenons donc sur ce compartiment du marché pour contribuer à le rouvrir.

Une seconde difficulté, plus structurelle, est que le financement des collectivités est moins intéressant pour les banques que celui des entreprises : les dépôts vont au Trésor, ce qui permet de compenser le coût des avances gratuites aux collectivités et celui de la perception des impôts locaux. Ce système est cohérent, mais il n'est pas très incitatif pour les banques. Je leur tiens le même discours qu'à vous, en leur rappelant que la dette des collectivités est un bon crédit. Reste à trouver un équilibre en allant chercher des financements longs. Cela signifie notamment des conditions de prêts beaucoup plus classiques – le taux des obligations sécurisées complété d'une marge, par exemple.

PermalienChristian Noyer, Gouverneur de la Banque de France

Tout dépend de la marge.

S'agissant des prêts toxiques, il faut à la fois éviter que la situation ne se reproduise –c'est l'objet de la charte « Gissler » –, et traiter les difficultés dont nous avons hérité – c'est le but de la médiation. Sur ce point, je rappelle qu'il y a un écart considérable entre les actifs déclarés chez nous comme douteux – un peu plus de 100 millions d'euros –, et ceux qui sont considérés comme tels par la Cour des comptes – entre 15 et 30 milliards d'euros, dont une dizaine de milliards poserait vraiment des problèmes importants.

J'ajoute que les collectivités locales sont allées volontairement sur ce terrain. Afin de bénéficier de taux très bas les premières années, elles ont très souvent demandé, dans leurs appels d'offres, un crédit structuré. Sans remettre en cause la libre administration des collectivités territoriales, je crois qu'un certain nombre de règles s'imposent : si le taux d'intérêt est indexé, il importe de fixer un plafond. La collectivité doit savoir à quoi elle s'engage.

L'émission d'emprunts obligataires par les collectivités, qui était assez répandue dans les années 1980, est une solution intéressante. Elle permet, en effet, une diversification utile pour les gestionnaires de fonds sans empêcher les banques d'être actives sur le marché des collectivités de petite ou de moyenne taille ou sur celui des collectivités de grande taille à titre de complément.

Les dépôts auprès de la BCE concernent très peu les banques françaises. Dans notre pays, les gros déposants sont des banques étrangères et des banques de groupes industriels que leurs règles internes conduisent à une certaine méfiance envers les prêts aux autres entités bancaires. Il n'y a donc pas de défiance entre les grandes banques françaises : les dépôts sont très faibles par rapport ce que l'on observe dans d'autres pays, et ce phénomène, qui correspond à un fonctionnement défectueux du marché interbancaire, est beaucoup moins important qu'en 2008. Cela étant, les banques réalisent moins d'opérations interbancaires : alors qu'elles avaient auparavant recours à cette activité dans des proportions importantes pour ajuster à tout moment leur actif et leur passif, ainsi que les différentes « durations », elles en sont aujourd'hui dissuadées par la surveillance exercée par les analystes financiers dans le contexte de grande anxiété que nous connaissons.

En matière de surendettement, il existe aujourd'hui un fichier négatif qui est alimenté en continu depuis janvier 2011. La constitution d'un fichier positif serait très compliquée chez nous, car on ne peut pas utiliser le numéro INSEE aussi librement qu'en Belgique. Les solutions alternatives sont de véritables usines à gaz : il en résulterait sans doute une meilleure protection de la vie privée, mais aussi beaucoup d'erreurs. Il est très difficile de trouver une solution opérationnelle et conforme à la tradition législative française.

Voilà ce que je tenais à vous dire. Je me ferais naturellement un plaisir de compléter, en cas de besoin, mes réponses par écrit.

PermalienPhoto de Laure de La Raudière

Merci, monsieur le gouverneur, pour cette audition fort intéressante.

Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mardi 11 octobre 2011 à 17 h 45

Présents. - M. François Brottes, Mme Catherine Coutelle, M. Jean Dionis du Séjour, M. William Dumas, Mme Corinne Erhel, M. Jean-Louis Gagnaire, M. Claude Gatignol, M. Jean Gaubert, Mme Pascale Got, M. Jean Grellier, Mme Conchita Lacuey, Mme Laure de La Raudière, M. Jean-Yves Le Bouillonnec, M. Jean-Marc Lefranc, Mme Annick Le Loch, Mme Marie-Lou Marcel, M. Philippe Armand Martin, Mme Frédérique Massat, M. Jean-Marie Morisset, M. Jean-Pierre Nicolas, M. Daniel Paul, M. Michel Piron, M. Serge Poignant, M. Jean Proriol, M. Francis Saint-Léger, M. Jean-Michel Villaumé

Excusés. - M. Jean Auclair, M. Jean-Pierre Grand, M. Gérard Hamel

Assistaient également à la réunion. - M. Jean-Claude Flory, M. Lionnel Luca