Table ronde, ouverte à la presse,
sur l'acceptabilité sociale de la politique de sécurité routière
La table ronde commence à 9 heures 40.
Présidence de M. Armand Jung, président.
Après avoir poursuivi ses travaux de manière décentralisée cet été, notre mission reprend son cycle d'auditions par une série de tables rondes qui se tiendront dans un délai resserré, notre objectif restant de rendre nos conclusions très rapidement, au plus tard à la mi-octobre. Je rappelle que M. le ministre de l'intérieur souhaite prendre connaissance de nos analyses avant de finaliser ses décisions.
Mesdames et messieurs les intervenants, je vous remercie de votre présence en cette période de prérentrée et je vous cède immédiatement la parole. Le sujet qui nous occupe aujourd'hui est essentiel. Au cours de nos auditions précédentes, notre attention a en effet souvent été appelée sur le seuil d'acceptabilité sociale de la politique de sécurité routière, au-delà duquel les mesures mises en oeuvre ne sont plus efficaces car intolérables pour la population. Merci de nous éclairer à ce sujet.
Chargé de recherche à Sciences Po et à l'IFSTTAR, j'ai notamment travaillé sur l'acceptabilité sociale du contrôle sanction automatisé (CSA) et je partage l'idée, Monsieur le Président, qu'il est essentiel de s'assurer de la légitimité de toute politique publique en étudiant sa réception par le corps social. Nos sociétés politiques modernes sont dominées par l'impératif délibératif, lequel exige que toute décision soit concertée et que ses modalités d'adoption prennent en compte les aspirations des uns et des autres. Ainsi l'assentiment de la population à la politique de sécurité routière est-il étudié depuis longtemps, au moins depuis les années 1970, en particulier dans les pays de culture anglo-saxonne.
Il est acquis que toute tentative d'imposer une mesure peu acceptable est vouée à l'échec, du fait des phénomènes de rejet et de contournement ainsi que des controverses qui en découlent. En revanche, si une décision découle de la prise en compte d'un risque identifié et documenté – par exemple la tolérance zéro de l'alcoolisation pour les conducteurs de bus scolaires -, la question de l'acceptabilité se pose avec une moindre acuité.
L'acceptabilité sociale peut être mesurée au regard d'indicateurs quantitatifs fondés notamment sur les notions d'efficacité et d'équité perçues. Ces outils de mesure ont cependant leurs limites. D'abord, en tant que conducteur, je peux juger utile et efficace un outil de sécurité routière mais, du fait de problématiques qui me sont propres, ne pas l'utiliser car je considère qu'il est réservé aux autres, en particulier les « mauvais conducteurs ». Ensuite, ces instruments sont impuissants à faire ressortir finement les controverses – lesquelles constituent pourtant des obstacles significatifs à l'efficacité d'une mesure – et à retracer les évolutions de la popularité de la politique menée.
L'acceptabilité sociale, c'est aussi le résultat d'un travail de légitimation ou de dé-légitimation d'une politique publique. La réception d'une mesure par la population ne détermine pas à elle seule son efficacité et sa pérennité. Il faut aussi mobiliser les professionnels en charge de l'appliquer, en se demandant par exemple ce que pensent les gendarmes des radars mobiles.
L'acceptabilité politique d'une mesure s'évalue par la réception des élus et autres corps intermédiaires, ainsi que de la société civile et des communautés directement impactées. Il faut tenir compte des enjeux individuels où interviennent les problématiques personnelles : ma perception de la politique de CSA dépend aussi du radar devant lequel je passe tous les matins. Joue aussi le jugement porté sur les destinataires de la mesure : l'infractionniste verbalisé est-il un dangereux délinquant ou une victime ?
Comme l'a exposé mon collègue, l'acceptabilité sociale d'une politique publique telle que celle de la sécurité routière se situe à la confluence d'enjeux sociaux et personnels. Au plan collectif, la politique de sécurité routière suscite une adhésion massive, chacun étant favorable à la diminution du nombre de morts. A l'échelle de l'individu, force est d'admettre que nos enjeux personnels mettent à l'épreuve notre acceptation des mesures prises.
Trois variables me semblent essentielles pour rendre acceptable une telle politique : la bonne information de ses destinataires, la perception de l'équité des mesures prises, la perception de leur efficacité.
L'information constitue la première condition d'acceptabilité : je dois connaître et comprendre la politique menée, dans ses objectifs comme dans ses modalités. A cet égard, un travail important a été accompli pour faire prendre conscience du risque lié à la vitesse préalablement à l'installation du système de CSA. Parallèlement, la politique menée gagne en crédibilité si les modalités de sa mise en oeuvre sont aisément compréhensibles.
L'équité et la justice perçues sont déterminantes. Dans la mesure où l'usager est directement confronté au système, il est essentiel qu'il en comprenne les objectifs et qu'il ne considère pas que son application se fait à son détriment.
L'efficacité perçue est éminemment variable, comme en témoignent les appréciations très divergentes portées sur les évolutions des vitesses limites autorisées. Les représentations de la vitesse participent très étroitement de l'acceptation sociale des politiques menées : celui qui associe la vitesse au danger sera plus enclin à accepter le CSA et le LAVIA que celui qui l'associe au plaisir et à la liberté.
Cependant, les représentations ne sont pas figées et elles évoluent dans le temps, du fait notamment des politiques menées : aujourd'hui, celui qui se plaint d'avoir été verbalisé pour avoir circulé à 60 kmh en ville ne rencontre plus aucun écho favorable dans son entourage. Son indignation risque même d'être fort mal perçue par son environnement social.
Toutefois, si les pouvoirs publics laissent augurer un changement de tendance, les représentations n'évoluent plus ; in fine, l'acceptation sociale est entamée et l'on aura le plus grand mal à la restaurer.
La communication publique trouve la limite de son efficacité dans le fait que ce sont les pratiques qui comptent plutôt que les discours idéologiques. Le bon équilibre entre la prévention et la sanction se vérifie dans les actes plutôt que dans les déclarations d'intention.
Enfin, pour être acceptable, la politique de sécurité routière ne doit pas ignorer les facteurs d'accidentalité qui ne sont pas directement liés aux comportements humains.
Le département communication de la DSCR, que je dirige depuis trois ans et demi, présente un fonctionnement atypique puisqu'il s'agit d'une équipe réduite d'une douzaine de personnes, en charge de l'un des plus gros budgets publics de communication – 17 à 18 millions d'euros. L'externalisation est très forte et nous travaillons avec les entreprises de tous les métiers de la communication.
La spécificité de la période présente, c'est que le plus gros a été fait et que, par conséquent, le plus dur reste à faire.
Depuis le début du millénaire, des progrès considérables ont été accomplis car ceux qui étaient les plus accessibles aux politiques menées ont changé de comportement. Pour descendre sous la barre des 3000 morts annuels, il convient, d'une part, de continuer à convaincre ceux qui sont devenus plus vertueux de le rester – en les aidant à intérioriser les enjeux de la sécurité routière plutôt que par peur du gendarme – et, d'autre part, de toucher désormais les plus récalcitrants.
Est-ce à dire que nous serions arrivés à un seuil incompressible en deçà duquel il ne sera plus possible de réduire le nombre d'accidents mortels ?
Absolument pas. Neuf accidents sur dix surviennent du fait d'une infraction au code de la route. Il n'y a donc aucune fatalité. A la différence d'autres accidents de la vie, les drames de la route sont parfaitement évitables. Au reste, huit à neuf Français sur dix considèrent que l'on peut encore progresser.
Si je vous ai bien comprise, on peut tout de même considérer que ces progrès seront plus difficiles à accomplir désormais qu'un palier a été atteint.
Oui. Il faut s'y prendre autrement et mobiliser de nouvelles ressources. Il faut tout mettre en oeuvre pour sauver de nouvelles poches de vie, cible par cible, dans un contexte d'opinion publique toujours très majoritairement favorable à la sécurité routière. Le sujet passionne. Il touche notre quotidien et chacun a son avis : il faut tirer parti de cette sensibilité de l'opinion et répondre à une véritable demande de sécurité routière.
La communication joue un grand rôle dans la politique de sécurité routière puisqu'il s'agit tout à la fois de porter des politiques publiques et d'exercer la pédagogie de la sanction. On peut considérer qu'elle a fortement contribué aux progrès spectaculaires enregistrés au cours des dernières années. Aux termes d'enquêtes menées depuis 2005, 70 % des Français indiquent que les campagnes de communication les ont incités à changer de comportement. Un tel taux de réponse positive est très important par rapport aux standards d'efficacité de campagnes analogues.
La communication sur la sécurité routière poursuit trois buts principaux : réduire le nombre d'accidents graves et mortels, rendre acceptable la politique menée, aider les usagers à intérioriser les bons comportements.
Pour les atteindre, il convient d'élaborer une stratégie de communication aussi complète que possible. Notre travail se nourrit de toutes les formes d'études d'opinion, qu'il s'agisse de baromètres, de pré et post tests de campagnes, de groupes qualitatifs ciblés, etc. Il se fonde également sur l'analyse permanente des chiffres de l'accidentalité : qui se tue ? A quel âge ? En appartenant à quel sexe – ce dernier critère étant, on le sait, très clivant - ?
Comme nous l'avons vu, il convient désormais de s'adresser aux personnes qui mettent en danger les autres et elles-mêmes. La communication de la sécurité routière fait l'objet d'un marché quadriennal – qui vient d'être renouvelé – avec une agence de communication, laquelle décline la stratégie quadriennale en plans annuels en fonction des évolutions de l'accidentalité et des modes de communication - cf. la prise en compte de l'apparition des Smartphones et des réseaux sociaux.
Dans le champ de la communication, l'action très soutenue du Délégué interministériel à la sécurité routière mérite d'être rappelée puisque le Délégué donne environ 200 interviews par an, cependant que son service de presse répond à 600 sollicitations annuelles. Il s'agit de mener une communication pro active car il a été établi que plus on parle de la sécurité routière, quelle que soit la tonalité du message, mieux c'est pour l'accidentalité.
Chaque campagne d'envergure fait l'objet de pré et post tests. Dans le processus d'élaboration d'une campagne, il y a l'identification de pistes créatives, puis leur validation par des groupes qualitatifs pour prévenir d'éventuelles erreurs d'interprétation. Une fois que la campagne s'est déroulée, nous procédons à un test quantitatif sur un échantillon de 1000 personnes, à partir de questions quasi barométrisées sur les thèmes « la campagne a-t-elle été vue ? » et « a-t-elle été efficace ? ».
De nouveaux axes et leviers de communication doivent être recherchés en permanence. Je pense notamment à la campagne de spots télévisés de 30 secondes intitulée « Les coups de fil », où l'on comprend que la personne qui décroche son téléphone apprend la perte d'un proche dans un accident de la route. Nous avons constaté que, dans les publics les plus récalcitrants – en gros, les jeunes hommes –, cette campagne avait eu un retentissement considérable car si eux-mêmes étaient assez imperméables aux messages de prévention, l'idée que leur mère puisse être confrontée à une telle annonce les perturbait fortement.
De même, le court-métrage de six minutes exclusivement diffusé sur Internet et intitulé « Insoutenable » a rencontré un succès phénoménal puisqu'il s'agit de la vidéo la plus vue sur les plateformes Internet en 2010. Son impact a été encore augmenté par l'énorme buzz qu'il a suscité.
Parallèlement, les leviers classiques de communication doivent être actionnés : pédagogie du risque et de la règle, rappel de l'idée qu'il n'y a pas de fatalité, absence de relâchement de l'action publique face à la demande de sécurité routière.
A l'heure où l'on voit – et c'est heureux ! – de moins en moins d'accidents sur le bord des routes, il importe de montrer la réalité des faits sans céder pour autant à la tentation du trash pour le trash. En outre, l'exposition des tragédies de la route doit toujours s'accompagner d'un message délivrant une solution, en veillant à s'adresser à l'interlocuteur sans injonction ni infantilisation. Il est de notre responsabilité de faire appel à l'intelligence de nos concitoyens.
En fonction de la cible et du support, une grande variété de registres s'offre à nous. Il y a le registre de l'émotion, dont témoigne la campagne « Les coups de fil » que j'évoquais à l'instant. Celui de l'indignation, avec le film « Insoutenable ». L'exemplarité, par le rappel des centaines de milliers de vies sauvées depuis un demi-siècle. La prévention, bien sûr, avec le personnage du conducteur sobre appelé SAM, très bien identifié par les 18-25 ans, l'idée étant de créer une véritable « génération sécurité routière », en profitant du fait qu'elle a déjà intégré un grand nombre de bonnes pratiques comme le bouclage de la ceinture de sécurité. Enfin, il y a le registre de l'humour et de la connivence, avec la campagne sur le gilet jaune réalisée avec la complicité de Karl Lagerfeld, qui a presque fait de la chasuble réfléchissante un objet fashion !
L'efficacité de nos actions repose sur l'alternance des moyens et des registres et sur la qualité des partenariats noués avec tout le réseau des acteurs de la sécurité routière – associations, entreprises, acteurs économiques et institutionnels…
est une agence de conseil en communication d'environ 120 personnes. Elle a été sous contrat avec la DSCR entre 2001 et 2011 grâce à deux renouvellements successifs, en 2004 et en 2007. Depuis dix ans, toutes les campagnes de communication de la sécurité routière ont été créées par notre agence, ce qui a nécessité une forte implication de notre part dans cette thématique et un suivi régulier des enquêtes d'opinion. Sur un sujet tel que celui de la sécurité routière, il faut insister sur l'importance du long terme. Je peux aujourd'hui parler de cette collaboration de façon tout à fait libre dans la mesure où cette dernière s'est inscrite sur le long terme et où elle est désormais achevée. J'en retire quelques convictions personnelles.
En premier lieu, les succès rencontrés ont été le fruit d'une forte volonté politique, d'actions de contrôle et de sanction intelligentes et d'effort de communication. Cette dernière ne s'est pas bornée à accroître l'acceptabilité sociale de la politique de sécurité routière, elle a engendré une réelle demande sociale chez les Français, notamment depuis 2002. Les Français étaient demandeurs de davantage de sécurité routière. Ceci explique que la mise en place des radars ait été acceptée : elle était comprise. Un cercle vertueux s'est donc instauré jusqu'en 2011 entre la demande sociale, les sanctions et la communication. Cependant, nous avons atteint un palier en 2010. Pour le dire simplement, nous avions fait le plein des gens raisonnables et nous arrivions au noyau dur.
Ce cercle vertueux a pris fin sous l'action combinée de deux facteurs. Le rattachement de la DSCR au ministère de l'intérieur a produit un basculement dans l'opinion publique, qui a eu l'impression d'une verbalisation à la chaîne. L'aménagement du permis à points a également eu des conséquences désastreuses. Dans les études d'opinion, 31 % des Français ont dit avoir modifié leur comportement à la suite de cet aménagement. Des mesures fortes ont donc été annoncées, mais qui n'ont pas été comprises car la majorité de nos concitoyens respectent les règles. Ils ont eu le sentiment d'être infantilisés et punis à cause des mauvais chiffres de la sécurité routière, ce qui a provoqué un risque de rejet d'une politique qui était bien acceptée jusqu'à présent.
En fait, ce n'est pas le nombre d'accidents qui a augmenté, mais leur gravité. Il n'est pas rare que des accidents mortels soient le fait de personnes circulant avec 2,5 grammes d'alcool par litre de sang. L'opinion juge donc que les comportements provoquant des accidents mortels résultent de phénomènes marginaux et excessifs et ne comprend pas pourquoi des dépassements de limitations de vitesse de quelques kilomètres heure sont punis. Il est problématique que la peur d'être sanctionné devienne plus forte que la peur de l'accident. En conséquence, les gens s'organisent pour éviter les radars – alors qu'ils sont, de surcroît, rarement contrôlés par les forces de l'ordre qui n'en ont pas les moyens.
La spirale vertueuse a donc connu des ratés, notamment ces derniers mois. Mais si l'on a atteint un palier, il ne s'agit aucunement d'une limite.
Ce que vous avez dit me semble particulièrement intéressant : même s'il n'existe pas de seuil incompressible, « on a fait le plein des gens raisonnables » et il reste désormais le noyau dur, d'où l'impression que les progrès seront plus difficiles. Je souhaiterais vous interroger sur les conséquences que vous en tirez, notamment dans le domaine de l'action publique. Qu'est-ce qui explique les réactions virulentes au CISR du 11 mai ? Vous avez avancé un élément d'explication, à savoir que les mesures annoncées concernaient chacun et non pas les « irréductibles », y en a-t-il d'autres ? Vous avez dit que tout le monde était d'accord sur les objectifs de la sécurité routière. Mais comment expliquer que la politique menée ne soit pas source de satisfaction mais de polémiques ?
Je souhaiterais également poser une question à M. Hamelin et à Mme Ragot-Court qui ont contribué à un ouvrage sur le contrôle sanction automatisé en France et à l'étranger. Où ce système est-il le mieux accepté et existe-t-il partout des polémiques analogues à celles que l'on connaît en France ?
En ce qui concerne la communication, certains intervenants, tels que M. Namias, nous ont dit que son impact avait diminué après le passage de M. Heitz et de Mme Petit à la DSCR. Ceci peut-il expliquer les réactions aux annonces du CISR du 11 mai ? La mission souhaiterait pouvoir disposer des actions de communication qui ont été menées ces dernières années ainsi que le rôle respectif de la DSCR et de l'agence Lowe Strateus dans la définition de ces campagnes.
Dans nos circonscriptions, la peur d'être « attrapé » revient fréquemment. Les gens ont l'impression que l'on se focalise sur la vitesse et sur l'alcool alors que les accidents peuvent être liés à beaucoup d'autres circonstances (la présence de drogue, l'obscurité…) ou à la présence d'usagers vulnérables (personnes âgées, conducteurs de deux roues…). Or, ces facteurs semblent être peu pris en compte dans la politique menée.
En matière de communication, certains pays vont assez loin dans la diffusion d'images choc. Est-ce une bonne méthode ? Faut-il cibler les campagnes en direction des récalcitrants ou continuer à mener des campagnes grand public ?
À mon sens, il faut associer prévention, sanctions et communication pour mener la meilleure politique possible en matière de sécurité routière, sans viser pour autant le zéro accident, qui est une utopie.
Il est essentiel de remettre sans cesse l'ouvrage sur le métier, dans la mesure où les jeunes doivent être continuellement sensibilisés.
Je m'interroge sur les actions de communication menées sur le thème des motards, qui représentent plus de 20 % des tués sur la route. Je suis d'ailleurs surpris par l'absence de dialogue entre ces derniers et les pouvoirs publics.
Je tiens également à préciser que l'augmentation du nombre d'accidents au début de l'année 2011 a été observée non seulement en France mais dans de nombreux autres pays européens. Il est donc erroné d'en faire porter la responsabilité aux députés et à l'aménagement du permis à points. D'ailleurs, je rappelle que la LOPPSI 2 a également durci un certain nombre de sanctions.
Les accidents graves sont causés non seulement par l'alcool mais aussi par la drogue et par ce que l'on pourrait appeler des « imprudences incompréhensibles ». Il en résulte un sentiment de disproportion entre l'ampleur de la répression et la gravité de la faute. Nos concitoyens nous décrivent fréquemment cette impression d'injustice dans nos circonscriptions.
Enfin, selon certains, la conduite sans permis concernerait jusqu'à 10 % des conducteurs. Y a-t-il des actions de communication prévues en la matière ?
Il est nécessaire de ménager un temps à la pédagogie, c'est ce qui a manqué en mai 2011. Mais peut-on quantifier le temps nécessaire pour préparer l'opinion à certaines annonces ?
Je m'interroge sur le ciblage des politiques de sécurité routière. La vitesse est en tête des priorités mais elle n'est plus la première cause d'accidents. Ne faudrait-il pas augmenter les contrôles à la sortie des boîtes de nuit, l'alcool étant la première cause d'accidents ?
M. de Laurens a indiqué qu'il ne fallait pas infantiliser les conducteurs. Dans cette perspective, ne faudrait-il pas présenter les mesures prises de manière positive, en donnant le sentiment à celui qui ne se sent pas concerné qu'il trahit la cause de la sécurité routière ?
Enfin, quand on cible une mesure de communication, par exemple sur les jeunes, observe-t-on une diminution de l'accidentalité dans la catégorie visée ?
Considérez-vous que le fait d'avoir modifié le permis à points ait été une erreur ?
Avez-vous envisagé des campagnes en direction des conducteurs de deux roues motorisés ? Ces derniers ont tendance à se positionner en victimes, tous les accidents étant provoqués par des fautes des automobilistes.
Enfin, communiquez-vous sur le coût des accidents ? On entend en effet fréquemment que la politique de sécurité routière vise à remplir les caisses de l'État.
En écho à M. Raimbourg, je voudrais souligner la vulnérabilité des conducteurs de deux roues motorisés. Ne faudrait-il pas envisager des campagnes de communication sur des équipements tels que le gilet airbag, afin d'inviter les conducteurs à s'en doter ?
La fédération française des motards en colère (FFMC) donne les chiffres suivants : 28 % des décès sont des conducteurs de deux roues motorisés mais si l'on tient compte de l'augmentation du nombre de conducteurs, qui est de 61 % sur les dix dernières années, la sinistralité a diminué de 50 %.
Pour ce qui est de l'alcool, il s'agit effectivement du premier facteur d'accidents. Il est nécessaire de sensibiliser l'entourage des personnes qui s'apprêtent à prendre le volant en état d'ébriété. Les films sur la conduite sous l'emprise de drogues (de la série SAM) pourraient servir de modèle.
Je voudrais apporter un témoignage au débat. J'ai récemment rencontré dans ma circonscription un conseil municipal des jeunes, qui a pris l'initiative de distribuer des brassards réfléchissants aux enfants de la commune, sur le thème « être vu, c'est la vie ». Il me semble que cela contribue à sensibiliser nos concitoyens dès le plus jeune âge.
Je souhaiterais faire deux remarques.
En premier lieu, l'un des acquis majeurs de la mission d'information est qu'il faut apprendre à se méfier des statistiques, qui peuvent varier entre le simple et le décuple et peuvent faire l'objet de multiples interprétations. Par exemple, on dit que 30 % des morts sur la route sont dues à l'alcool. Mais l'on sait que les accidents sont la conséquence d'un cumul de facteurs, tels que la vitesse, la drogue, le téléphone… Il faut donc faire attention à l'utilisation que l'on fait des chiffres, surtout lorsqu'ils sont mobilisés à l'appui d'une thèse.
En second lieu, je souhaiterais savoir s'il y a actuellement des projets de communication ? Attendrez-vous la fin des travaux de la mission d'information pour en lancer de nouveaux ou certains sont-ils d'ores et déjà prévus ?
Sur la question des vives réactions et des controverses qui ont suivi les décisions du dernier CISR, je répondrais volontiers, en observant les différents pays qui pratiquent une politique volontariste dans le domaine de la sécurité routière et, notamment, qui appliquent le contrôle sanction automatisé – merci d'ailleurs, à ce propos, d'avoir fait référence à mon livre : Les radars et nous –, que ces pays connaissent tous la controverse à un degré ou à un autre.
La question que l'on peut se poser c'est de savoir pourquoi la controverse apparaît aujourd'hui de manière aussi vive, alors qu'en fait, en 2004 par exemple, il y avait déjà eu beaucoup de débats sur l'implantation des radars, notamment avec la FFMC, mais que les controverses avaient fini par s'apaiser. Un élément de réponse pourrait être le fait qu'aujourd'hui les radars sont devenus un outil symbole de la politique conduite – une politique plutôt taxée de répressive – et qu'ils apparaissent même, en fait, comme le principal outil, voire même le seul outil, utilisé par le gouvernement.
Pourtant, notre politique de prévention routière est un mixte de différentes mesures, pour la plupart assez diversifiées. Pour rendre la politique de prévention routière mieux comprise, et donc plus acceptable, il faudrait davantage communiquer sur ce caractère mixte et diversifié. Plus généralement, en termes de communication, il est d'ailleurs toujours très important de savoir si l'on se focalise sur telle ou telle action ou si l'on présente, de manière exhaustive, tout ce que l'on fait.
Je complèterai ces remarques par trois observations. Tout d'abord, actuellement, dans le domaine de la sécurité routière, on peut remarquer qu'il y a un très grand nombre de voix qui s'expriment, que leur origine soit une source publique ou privée. Cette polyphonie n'aboutit par à un discours toujours très cohérent pour le grand public.
D'autre part, aujourd'hui, il semble que l'efficacité des radars soit moins avérée. A partir de là, beaucoup de barrières sautent qui empêchaient jusque là de critiquer l'outil. C'est ce que j'ai appelé dans mon livre « la spirale du silence ». Quand on a une opinion que l'on pense être minoritaire, fréquemment, on se censure, on ne l'exprime pas. En revanche, quand les freins disparaissent, la spirale s'inverse.
Enfin, on doit noter qu'aujourd'hui, les motards n'ont pas repris le leadership de la contestation. Ceux qui se mobilisent actuellement contre la politique suivie, ou contre les radars, sont d'autres acteurs, plus proches du grand public.
J'apporterai également quelques réponses de manière cursive. Tout d'abord une remarque : on a l'impression que, derrière les questions, le fonds commun de pensée, c'est que la sécurité incombe entièrement aux conducteurs. Les questions, et plus généralement la politique suivie, reflètent le souci, en quelque sorte, de mettre à jour et d'influencer l'intentionnalité des comportements. De telles actions sur les comportements ne sont pas négligeables ; mais, néanmoins, une attention trop exclusive portée aux seules habitudes des conducteurs ne doit par conduire, non plus, à négliger d'autres éléments, des éléments sur lesquels on pourrait également agir.
A propos des deux roues motorisés, un stéréotype en vogue actuellement sur les motards correspond un peu à l'image suivante : « un conducteur qui, en général, roule très vite et est relativement imprévisible ». La communication publique, au service des mesures adoptées par les différentes autorités responsables, tend à oublier tous ceux qui ne sont pas dans le stéréotype. D'où l'incompréhension – voire la victimisation – de tous ceux qui ne se reconnaissent pas dans cette image. C'est un point important sur lequel il faut réfléchir lorsque l'on veut faire de la communication diversifiée, en fonction des clivages retenus, catégories par catégories ; si les catégories deviennent des stéréotypes, non seulement il n'y a aucune adhésion de la part des personnes que l'on veut sensibiliser, mais, au contraire, on suscite des postures de victimes.
On doit relever, d'autre part, que les automobilistes qui font eux-mêmes de la moto sont moins impliqués dans les accidents avec les deux roues motorisés. Beaucoup de problèmes semblent provenir, au fond, d'un manque de familiarité avec les deux-roues. En matière d'acceptabilité des mesures concernant tant les deux-roues motorisés que les conducteurs d'autos, en tant que ces derniers peuvent avoir des liens étroits avec les motos (lors des remontées de files par exemple), il faudrait donc faire des signes clairs et précis pour indiquer que tous font partie intégrante d'une même communauté et que – s'agissant spécifiquement des motards – on reconnaît que les autres participent à leur accidentalité.
La communication doit être ciblée sur la pratique. Plus encore que les automobilistes, les différentes catégories de conducteurs de deux-roues motorisés ne sont pas homogènes. Il y a les passionnés, les conducteurs de petites cylindrées, de scooters, etc. L'exposition au risque n'est pas la même. Il faut tenir compte des différents comportements et sous-comportements.
La communication doit tenir compte aussi des différences d'âge et d'expérience. Une expérimentation récente a été mise en place : on a présenté à différentes catégories de conducteurs de petites scènes routières reliées à leur accidentologie spécifique. On demandait à ces conducteurs d'évaluer la dangerosité des scènes. Au terme de l'expérience, on s'est aperçu que, plus les conducteurs avaient de l'expérience, et plus leurs réactions ou leurs attentes étaient pertinentes en matière d'accidentologie. A l'inverse, les jeunes avaient tendance à surestimer les capacités des véhicules ainsi que leurs compétences propres.
Une bonne acceptabilité sociale suppose donc, pour telle ou telle mesure, que l'on cible sur la pratique et, au-delà, que l'on cible également sur les sous-parties spécifiques de la population qui vont être visées expressément par la mesure.
La communication n'est également efficace que si elle est couplée avec la répression. Sinon, sans la peur de la sanction, l'effet de l'information ne fonctionne qu'à très court terme.
Il faut aussi se méfier – on l'a constaté en Suède – de la surabondance des signalisations qui tendent à aboutir, en fait, à une baisse de l'attention. C'est ce qui pourrait se passer si l'on couplait la pratique de telle ou telle cylindrée, chez les motards, avec le port d'un brassard fluorescent par exemple. Il pourrait y avoir des effets pervers.
Je tiens à préciser qu'il n'existe aucune étude d'opinion concernant le rattachement de la DSCR au ministère de l'intérieur. De même, il n'existe pas d'étude concernant les blogs et quantifiant un éventuel mécontentement lié au fait que la délégation a été rattachée à ce département ministériel.
S'agissant de l'alcool, onze millions de contrôles d'alcoolémie sont réalisés chaque année et 22 % des Français reconnaissent avoir été contrôlés au moins une fois.
On procède à 100.000 dépistages par an.
C'est aussi un problème de technique. Je crois qu'actuellement on met au point des « languettes » qui sont plus simples d'utilisation et d'un résultat plus efficace.
S'agissant de l'efficacité de la communication, nous avons été confrontés au problème de ceux qui, souvent grands contrevenants, ne sont pas sensibles aux campagnes et n'écoutent même pas en direct les slogans. Nous avons alors choisi de ne plus dire « ne faites pas » mais de passer par le contrôle social. Tel est le cas pour les gros consommateurs d'alcool. Nous avons communiqué sur le thème : « Ne laissez pas une personne conduire… ». Car, aujourd'hui, il faut noter qu'au moins 50 % des accidents les plus graves et qui mettent en cause l'alcool sont causés par des personnes qui ont un très fort taux d'alcoolémie (supérieur à 1,2 gramme). Ces personnes, quand elles s'apprêtent à conduire, n'ont plus le discernement. Il faut donc renvoyer à des tiers pour que ces derniers les dissuadent de prendre leur voiture.
Nous avons remis à la mission parlementaire un dossier qui recense toutes les campagnes de communication qui ont été réalisées ces dernières années. Je ne pense pas qu'on puisse dire que la garde a été baissée depuis 2008. Si M. Namias a eu cette impression, c'est que, ayant cessé son mandat à cette date, il a peut-être été moins sensible à nos efforts depuis lors.
Actuellement, la délégation réalise moins de courts-métrages pour la télévision mais ses spots sont toujours présents dans certaines émissions (« C'est pas sorcier », « Auto-moto »). La présence de la délégation apparaît peut-être moins, de la sorte, sur le petit écran, mais le travail de fond de sensibilisation à la sécurité routière reste effectif.
En ce qui concerne les deux-roues motorisés, une concertation nationale a eu lieu sous l'égide du Délégué interministériel à la sécurité routière. Les questions liées à l'équipement des motards ont occupé une grande place dans la concertation. Un guide destiné aux deux-roues est sorti récemment, faisant le point sur tous les problèmes évoqués au cours des tables rondes, et il a été très largement diffusé.
La surmortalité des deux-roues – c'est tout à fait vrai – reste un grave problème auquel est confrontée la prévention routière. Tout se passe comme si les deux-roues motorisés restaient, malgré tout, moins concernés par les progrès de la sécurité routière.
En termes de communication, nous avons consacré beaucoup d'énergie à la sensibilisation des motards aux questions de prévention routière. En 2010, notamment, on a créé un site internet dédié, on a délivré des informations sur le délit de débridage, on a lancé une campagne de distribution de post-it sur les pare-brise des voitures pour les inciter à faire attention aux motards, etc. Et l'on peut constater qu'en 2010, même si les progrès restent encore insuffisants, la mortalité des motards a baissé (entre 10 et 20 % selon les types d'usagers). Cela n'est sans doute pas sans lien avec l'action de la DSCR.
A propos des slogans et des campagnes télévisées de la prévention routière, la question a été posée de savoir si les thématiques abordées n'étaient pas trop trash. Pour ma part, je pense que non. Les courts-métrages de la DSCR ne font jamais du trash par goût ou par esthétisme. Il s'agit de montrer la réalité concrète de l'accident et de faire de la pédagogie en prenant appui sur des images tirées de la réalité.
Sur les phénomènes d'hypovigilance – et la possibilité de généraliser les bandes bruyantes sur autoroute pour lutter contre l'endormissement –, la DSCR reconnaît qu'il s'agit là d'une préoccupation tout à fait fondée, cause d'environ 30 % des accidents. La DSCR a fait des campagnes, cet été, avec les sociétés d'autoroutes pour anticiper et prévenir les phénomènes de perte d'attention au volant. Mais ces campagnes ne sont pas encore suffisantes et la somnolence demeure une source d'accidents majeure qu'il va falloir considérer avec attention.
Je ne reviens pas sur ce qui a été dit sur les motocyclistes et sur le point de savoir s'ils étaient toujours fautifs en cas d'accidents. La communication doit effectivement les associer à la collectivité des conducteurs et leur montrer que l'on reconnaît qu'ils peuvent être aussi victimes des autres usagers de la route.
Enfin, sur la question des « radars pompes à fric », la récrimination du public est bien connue et elle est très difficile à remettre en cause. Les usagers, en général, ne critiquent pas l'efficacité des radars et leur intérêt pour la sécurité routière ; mais ils ont beaucoup de difficultés à admettre – ce qui est pourtant le cas – que les recettes perçues ne vont pas principalement alimenter les caisses de l'Etat. En ce domaine, il faut faire de la pédagogie soutenue.
Si l'on rattachait le Délégué interministériel, en tant que Haut-Commissaire ou Secrétaire d'Etat, au Premier Ministre, ne pensez-vous pas que la DSCR aurait plus de facilité à exercer ses missions et à assurer la nécessaire coordination de toutes les actions conduites dans le domaine de la sécurité routière ?
Je pense que le ralentissement de l'économie que l'on a constaté sur la période 20092010 a eu aussi un impact sur la moindre attention portée par nos concitoyens aux problèmes de la sécurité routière. C'est un peu ce que rappelait, d'ailleurs, notre collègue Jacques Myard au moment des débats sur la loi LOPPSI 2. En période de crise, ces sujets deviennent secondaires pour les administrés. Dans ce cas, le gouvernement ne fait pas du tout ce qu'il veut ; en même temps, il convient de ne pas multiplier les contraintes sur nos compatriotes. Tel est le sens de la fameuse phrase : « Cessez d'emmerder les Français ».
Il ne faut pas non plus baisser les bras ou tomber dans le laxisme.
Je rappellerai moi-même une phrase que j'ai prononcée, également dans le cadre des débats sur la loi LOPPSI 2. « Si vous touchez au permis à points, vous ne manquerez pas d'avoir des morts supplémentaires sur les routes ».
Je peux indiquer que, selon des enquêtes d'opinion, 31 % des sondés, soit environ 12 millions de personnes, ont déclaré avoir changé leurs comportements après la loi LOPPSI 2. Le changement s'est manifesté dans le sens d'un moindre respect des règles, dans la mesure où les conducteurs avaient moins peur de perdre des points.
D'autre part, en avril 2011, un autre sondage a montré que, pour la première fois, le pourcentage de ceux qui déclaraient respecter les règles en toutes circonstances était tombé en dessous de la barre des 50 %, à 48 % très exactement. Cela veut dire qu'il y a 52 % des conducteurs qui reconnaissent implicitement que, face à une réglementation, ils font ce qu'ils veulent. Ce chiffre est d'autant plus significatif que le pourcentage de ceux qui reconnaissent observer strictement les règles n'a fait que croître depuis 2002. Aujourd'hui, par conséquent, on peut parler du libre arbitre comme forme et expression de la résistance face à la réglementation.
En même temps, la demande de sévérité face aux contrevenants dans le domaine de la circulation routière est majoritaire. Cela veut dire que les décideurs et les élus sont placés dans une situation difficile car, au fond, les demandes et les comportements sont tout à fait contradictoires.
En ce qui concerne la lutte contre la vitesse excessive, on doit noter que le souci de ne pas baisser la garde en ce domaine provient tout autant des préoccupations des médias et de l'opinion publique que de l'effet des campagnes officielles. En effet, la dernière campagne de la DSCR sur la vitesse remonte à 2006, ce qui n'est pas si récent.
En même temps, quand on compare ce que dépensent annuellement les agences de communication de Renault et de PSA – les chiffres avoisinant les 300 millions d'euros – et ce que dépense la DSCR pour ses actions de prévention (de l'ordre de 17 millions d'euros), la balance est très défavorable à la délégation interministérielle. On comprendra que celle-ci ne peut pas tout faire, ni agir simultanément sur tous les publics.
De ce point de vue, il est bien entendu plus opérant qu'elle essaie de toucher toute la population, sur des actions de communication d'intérêt général, plutôt qu'elle ne procède « cible par cible ».
La communication n'est pas le seul vecteur, si l'on veut agir sur la sécurité routière. Je prendrai l'exemple de ma commune : Maisons-Laffitte. Quand j'ai débuté mon mandat de maire, on enregistrait 96 accidents corporels. En travaillant uniquement sur les infrastructures, nous sommes arrivés à faire tomber les chiffres à 6 accidents. Auriez-vous des compléments à m'apporter sur ce sujet ?
Plusieurs intervenants ont dit que l'on arrivait actuellement à un pallier dans la diminution des victimes des accidents automobiles, un noyau de personnes – plus ou moins important – ne manifestant aucune écoute à l'égard des messages de prévention routière.
Dans ce noyau de récalcitrants, quelle est la part de ceux que l'on peut proprement appeler les « chauffards » ? Leur nombre me paraît important. Par exemple, sur le trajet Rouen-Paris que j'emprunte fréquemment, il n'est pas rare que je sois doublé, en automobile, par environ une dizaine de véhicules – voitures ou motos – qui roulent à près de 200 kmh. Avez-vous prévu des mesures, ou des campagnes de sensibilisation spécifiques, pour que ces usagers, d'un type particulier, se trouvent circonscrits ou exclus, du fait même de leur entourage ?
Par ailleurs, l'insonorisation plus grande des moteurs des deux-roues ne serait-elle pas de nature à modifier les modes de conduite de leurs possesseurs ? On a en effet l'impression, parfois, que l'accélération, et donc la vitesse, sont recherchées non pas tant en elles-mêmes, mais pour la satisfaction de produire des décibels.
Pour les chauffards, il existe peu de statistiques. Toutefois, les grandes infractions à la vitesse limite autorisée sont inférieures en nombre aux grandes infractions liées à l'alcool. En fait, l'alcool reste la première cause de mortalité sur route…
Les statistiques en matière d'accidentologie ne sont pas si sûres que cela. Notamment, on sait très mal évaluer la part de chaque cause lorsqu'on a affaire à un accident à causes multiples. Il est donc difficile d'avoir une répartition très fiable entre les différentes causes de l'accidentologie et, a fortiori, d'avoir des avis tranchés sur telle ou telle cause, qu'elle vienne, soit disant, en première ou en seconde position. Et cela est d'ailleurs très ennuyeux, y compris pour les campagnes de communication. Car si l'on se trompe sur la nature des causes, on se trompe sur la communication.
Il y aura un débat sur les statistiques. A partir du moment où l'on voit que les chiffres sont un peu arbitraires, il y a deux possibilités : soit on les rejette ; soit on les prend au moins comme curseurs, fournis par les professionnels pour permettre d'apprécier l'accidentologie. Mais il est certain que la consommation d'alcool décroît. Ainsi, il y a beaucoup moins de consommation d'alcool, le midi, dans les cafés et les restaurants. Il y a aussi la question des choses que l'on sait difficilement quantifier, telle que l'hypovigilance. Là, on a affaire à un vrai problème.
Maintenant, en ce qui concerne les populations à cibler, comme le dit M. de Laurens : « on a fait le plein s'agissant des gens raisonnables ». Et il est vrai que 75 % des automobilistes sont en possession de tous leurs points. C'est sur les 25 % restants qu'il faut travailler, et notamment, parmi eux, sur la petite population qui n'a plus de points. D'où mes questions : Quelles sont les pratiques à l'étranger ? Quelles sont les campagnes de communication qui sont actuellement en cours ?
Nous n'avons pas de campagnes de communication en cours. Nous venons de notifier, la semaine dernière, un nouveau marché de communication à un nouveau titulaire de marché. Pour une prochaine campagne, nous réfléchissons à la « ringardisation » des comportements des chauffards.
Effectivement, mais nous estimons que, compte tenu de la relative ancienneté de cette campagne, les automobilistes peuvent avoir baissé la garde.
Je ferai à mon tour trois remarques. Tout d'abord, il convient d'observer que tous les pays étrangers qui mènent une politique active et volontariste en matière de sécurité routière affichent souvent l'objectif de « zéro mort ». D'autre part, il faut être bien conscient que les radars ne peuvent pas tout faire. Installer des radars, à partir de l'année 2002, c'était lutter contre les indulgences, faire cesser les gros délits en matière de vitesse, etc. Mais aujourd'hui cette politique commence à trouver ses limites. D'où ma troisième remarque : il faut des actions désormais très diversifiées et un mixage de différentes mesures.
On pourrait peut-être proposer des week-ends de communication à zéro mort. Ce serait une campagne combinée avec des opérations de terrain.
Nous avions fait cette proposition dans notre offre, en répondant au marché de la DSCR.
En guise de conclusion, je souhaiterais rappeler, pour ma part, qu'il me paraît important, dans ce débat sur l'acceptabilité sociale des mesures de prévention routière, d'éviter la confusion entre la chasse à l'infractionniste et la recherche des causes des accidents.
La table ronde s'achève à 11 heures 40.