J'apporterai également quelques réponses de manière cursive. Tout d'abord une remarque : on a l'impression que, derrière les questions, le fonds commun de pensée, c'est que la sécurité incombe entièrement aux conducteurs. Les questions, et plus généralement la politique suivie, reflètent le souci, en quelque sorte, de mettre à jour et d'influencer l'intentionnalité des comportements. De telles actions sur les comportements ne sont pas négligeables ; mais, néanmoins, une attention trop exclusive portée aux seules habitudes des conducteurs ne doit par conduire, non plus, à négliger d'autres éléments, des éléments sur lesquels on pourrait également agir.
A propos des deux roues motorisés, un stéréotype en vogue actuellement sur les motards correspond un peu à l'image suivante : « un conducteur qui, en général, roule très vite et est relativement imprévisible ». La communication publique, au service des mesures adoptées par les différentes autorités responsables, tend à oublier tous ceux qui ne sont pas dans le stéréotype. D'où l'incompréhension – voire la victimisation – de tous ceux qui ne se reconnaissent pas dans cette image. C'est un point important sur lequel il faut réfléchir lorsque l'on veut faire de la communication diversifiée, en fonction des clivages retenus, catégories par catégories ; si les catégories deviennent des stéréotypes, non seulement il n'y a aucune adhésion de la part des personnes que l'on veut sensibiliser, mais, au contraire, on suscite des postures de victimes.
On doit relever, d'autre part, que les automobilistes qui font eux-mêmes de la moto sont moins impliqués dans les accidents avec les deux roues motorisés. Beaucoup de problèmes semblent provenir, au fond, d'un manque de familiarité avec les deux-roues. En matière d'acceptabilité des mesures concernant tant les deux-roues motorisés que les conducteurs d'autos, en tant que ces derniers peuvent avoir des liens étroits avec les motos (lors des remontées de files par exemple), il faudrait donc faire des signes clairs et précis pour indiquer que tous font partie intégrante d'une même communauté et que – s'agissant spécifiquement des motards – on reconnaît que les autres participent à leur accidentalité.
La communication doit être ciblée sur la pratique. Plus encore que les automobilistes, les différentes catégories de conducteurs de deux-roues motorisés ne sont pas homogènes. Il y a les passionnés, les conducteurs de petites cylindrées, de scooters, etc. L'exposition au risque n'est pas la même. Il faut tenir compte des différents comportements et sous-comportements.
La communication doit tenir compte aussi des différences d'âge et d'expérience. Une expérimentation récente a été mise en place : on a présenté à différentes catégories de conducteurs de petites scènes routières reliées à leur accidentologie spécifique. On demandait à ces conducteurs d'évaluer la dangerosité des scènes. Au terme de l'expérience, on s'est aperçu que, plus les conducteurs avaient de l'expérience, et plus leurs réactions ou leurs attentes étaient pertinentes en matière d'accidentologie. A l'inverse, les jeunes avaient tendance à surestimer les capacités des véhicules ainsi que leurs compétences propres.
Une bonne acceptabilité sociale suppose donc, pour telle ou telle mesure, que l'on cible sur la pratique et, au-delà, que l'on cible également sur les sous-parties spécifiques de la population qui vont être visées expressément par la mesure.
La communication n'est également efficace que si elle est couplée avec la répression. Sinon, sans la peur de la sanction, l'effet de l'information ne fonctionne qu'à très court terme.
Il faut aussi se méfier – on l'a constaté en Suède – de la surabondance des signalisations qui tendent à aboutir, en fait, à une baisse de l'attention. C'est ce qui pourrait se passer si l'on couplait la pratique de telle ou telle cylindrée, chez les motards, avec le port d'un brassard fluorescent par exemple. Il pourrait y avoir des effets pervers.