COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L'ÉDUCATION
Mercredi 11 mai 2011
La séance est ouverte à dix heures.
(Présidence de M. Christian Kert, vice-président de la Commission)
La Commission des affaires culturelles et de l'éducation organise une table ronde, ouverte à la presse, sur la valorisation du patrimoine culturel français, réunissant Mme Isabelle Lemesle, présidente du Centre des monuments nationaux ; Mme Françoise Benhamou, professeur à l'université Paris XIII et M. Davis Thesmar, professeur à HEC, auteurs du rapport « Valoriser le patrimoine culturel de la France » pour le Conseil d'analyse économique.
Je vous souhaite la bienvenue à cette table ronde.
Les réflexions autour de la valorisation du patrimoine culturel prennent aujourd'hui un cours nouveau, au-delà de sujets largement médiatisés – comme l'avenir de l'Hôtel de la Marine – sur lesquels je ne pense pas qu'il soit utile de revenir. Après le rapport que le sénateur Albéric de Montgolfier a remis au Président de la République en octobre 2010, celui du Conseil d'analyse économique est venu rappeler les enjeux et l'impact de la valorisation du patrimoine culturel. Dans le même temps, la question du mécénat prend de l'importance ; c'est d'ailleurs pourquoi nous avons constitué une mission d'information sur ce sujet, dont le rapporteur est notre collègue Michel Herbillon. Enfin, le patrimoine monumental de l'État a fait l'objet d'une initiative législative au Sénat, alors que de multiples questions se posent, tant à l'État qu'aux collectivités locales : l'attractivité économique du patrimoine culturel est-elle réellement prise en compte par l'ensemble des acteurs du secteur ? Quelles bonnes pratiques pourraient être mises en avant ? Quels sont les critères d'un modèle économique performant, susceptible de valoriser le patrimoine culturel tout en garantissant de manière pérenne l'égal accès à ce patrimoine ?
Nous avons achevé il y a quelques mois à peine ce rapport sur la valorisation du patrimoine culturel qui nous a amenés à nous interroger sur ce qu'il représente aujourd'hui du point de vue tant des revenus qu'il génère que des charges qu'il entraîne et des moyens d'y faire face.
Nous avons décidé de nous centrer sur le « noyau dur » c'est-à-dire aussi bien le patrimoine protégé – monuments historiques qu'ils soient classés ou inscrits, collections nationales, sites archéologiques, zones de protection – que le patrimoine immatériel – en tant que tel et en tant que valorisation du patrimoine matériel à travers des images, des politiques de marque, etc.
Ce patrimoine, incroyablement riche, est disséminé dans toute la France. Toutefois, l'offre se concentre dans certaines régions, mieux dotées que d'autres, et la demande est extrêmement concentrée puisque 50 à 60 % des visites se déroulent dans cinq grands monuments ou musées, parfois même dans certaines parties des bâtiments seulement.
Il n'y a pratiquement pas de déclassements et notre patrimoine est donc en croissance constante, tendance qu'il va falloir gérer car la charge est également structurellement en croissance tandis que l'état du patrimoine est décevant en regard des efforts consentis par la collectivité – propriétaires privés, collectivités locales et État – que nous avons évalués à 1,5 milliard d'euros par an. Bien entendu, cela ne signifie pas que le ministère de la culture y consacre la moitié de son budget, puisqu'une grande partie des financements provient, notamment, des collectivités territoriales.
Concernant le patrimoine immatériel en lui-même, nous avons essayé de mettre l'accent sur deux éléments : les savoir-faire et les métiers d'art, qui représentent 43 000 emplois et ont d'importants effets externes en tant que vecteurs non seulement de transmission de tradition mais aussi d'exportation.
S'agissant de la valorisation immatérielle du patrimoine, nous nous sommes penchés sur la politique de numérisation en considérant que le patrimoine numérisé était un bien public qui avait vocation à être mis à la disposition de tous.
Le patrimoine occupe une grande place dans notre économie. Il représente plus de 100 000 emplois directs et dix fois plus d'emplois indirects, si l'on en croit de nombreuses études. C'est sans doute un peu excessif, mais ses retombées ne sont certes pas négligeables.
Au-delà de ce constat, notre travail était destiné avant tout à proposer des pistes de travail et des recommandations.
En nous positionnant en tant qu'économistes, nous sommes partis d'un certain nombre de défaillances de marché et nous avons regardé en quoi le fonctionnement naturel des marchés ne saurait répondre aux besoins liés au patrimoine, qui est à l'évidence un bien public, avec une valeur d'usage, mais aussi de non usage puisqu'il s'adresse aussi bien aux générations présentes que futures. C'est très important puisque cela influe sur ce que les citoyens consentiront à payer pour leur patrimoine.
On peut aussi lui attribuer à la fois une valeur d'existence – les Français y étant attachés même s'ils ne visitent pas spécialement de monuments ou de musées – et une valeur d'option car ils peuvent souhaiter le faire un jour dans leur vie. C'est à ce double titre qu'ils sont disposés à ce qu'une partie de leurs impôts aille à sa conservation.
Tout cela nous a amenés à démontrer que se contenter du paiement des usagers se traduirait par une sorte de « sous-production d'entretien » du patrimoine. Il est donc légitime que la puissance publique agisse, soit directement à travers des systèmes de subventions, soit indirectement à travers la fiscalité. Il est important de le rappeler à l'heure où l'on a tendance à se dire que le secteur privé pourrait prendre assez aisément le relais de nombreuses dépenses publiques : en ce domaine, les choses sont peut-être un peu plus compliquées.
Nous avons essayé d'identifier les externalités positives liées au patrimoine.
Bien entendu, la première est liée au tourisme, qui bénéficie largement du patrimoine : bien que ce soit difficile à apprécier, selon la plupart des études un quart du tourisme relèverait d'une dimension patrimoniale. De notre côté, nous avons tenté d'évaluer la demi-journée de tourisme culturel qu'un étranger décide d'ajouter à son voyage – même si l'objectif initial n'a rien de culturel. Cela représente des rentrées financières considérables, qui sont consignées dans le rapport. Paradoxalement, nous avons constaté que les professionnels du tourisme contribuent de façon très marginale au financement de ce patrimoine alors que, réciproquement, plus le patrimoine est valorisé et mis en avant, plus ces professionnels profitent de son existence. Cela nous a conduits à faire une recommandation importante. Par ailleurs, il ne faut pas sous-estimer les effets externes négatifs du tourisme : congestion des services publics, difficulté à entrer dans les monuments les plus visités, éviction de l'emploi par rapport à d'autres secteurs. Au total, il y avait véritablement un travail à mener sur cette question.
D'autres externalités positives sont à mentionner, en particulier le fait que le patrimoine incorpore de la connaissance, de l'histoire, ce qui peut conduire à des préconisations en termes de formation et d'éducation. Ainsi, les écoles pourraient être incitées à faire venir les enfants dans les lieux patrimoniaux.
J'évoquais les externalités négatives liées à la très grande fréquentation de certains monuments : nous avons constaté que certains visiteurs seraient prêts à payer plus cher pour visiter dans des conditions plus agréables.
Nous avons fait un certain nombre de recommandations. Celles qui ont fait le plus de bruit concernent le tourisme.
Nous avons proposé d'augmenter – dans des proportions qu'il puisse supporter – l'effort que ce secteur consent en faveur du patrimoine à travers une augmentation de la taxe de séjour très légère – moins d'un euro par nuitée – mais qui pourrait rapporter, en raison du nombre de touristes, un milliard d'euros, qui irait directement à la conservation et à la réhabilitation.
Nous avons ensuite suggéré d'augmenter de manière assez significative le tarif d'entrée dans les musées et les monuments historiques subventionnés par l'État, pour les non résidents de l'Union européenne. Je tiens à m'en expliquer, car une telle suggestion a pu faire grincer des dents : d'une part, les non résidents ne contribuent pas au financement de ces établissements par leurs impôts, d'autre part, le consentement à payer de celui qui vient de très loin est à l'évidence plus grand. De nombreuses études économiques s'appuient sur une logique de yield management, c'est-à-dire de tarification très différenciée suivant les types d'usagers et leur consentement à payer. Cela ne signifie pas qu'il faille procéder à une augmentation uniforme ; on pourrait conserver un tarif « étudiant » ou « jeune » très faible quelle que soit l'origine des visiteurs.
L'idée est d'améliorer la gestion tarifaire. Nous avons également pensé, après avoir constaté que l'encombrement pouvait varier grandement suivant les périodes de l'année et les heures, qu'il serait intéressant de s'inspirer de ce qui a été fait au Louvre, en essayant d'adapter les tarifs aux heures de la journée, et éventuellement aux jours de la semaine, tout en veillant à ne pas trop compliquer la tarification, qui doit rester transparente.
Nous préconisons aussi, en toute logique, d'accélérer les politiques de numérisation, notamment en passant des alliances avec les grands moteurs de recherche, bien évidemment dans des conditions acceptables.
Par ailleurs, mettre gratuitement le patrimoine numérisé à la disposition du grand public – évidemment pas pour des usages commerciaux présenterait le triple intérêt d'élargir la diffusion de la connaissance, avec tous les effets de levier que cela suppose ; dans un contexte de « guerre » des cultures, de donner sa place à la France et de faire connaître l'extraordinaire patrimoine immatériel dont nous disposons ; de permettre de travailler avec les écoles. Nous préconisons d'ailleurs que l'on évalue le travail qu'elles effectuent en faveur de la connaissance du patrimoine par les jeunes et que l'on récompense les plus dynamiques en la matière.
Il est tout à fait souhaitable de mettre ce patrimoine numérisé à la disposition de tous. Nous proposons même d'aller un peu plus loin, en rendant transparentes un certain nombre de procédures – à qui et quand on a acheté les oeuvres, etc. Ainsi, les consommateurs seraient mieux informés et ceux qui le souhaitent pourraient savoir comment ce patrimoine est entré dans notre stock de capital patrimonial.
Enfin, nous nous sommes penchés sur les savoir-faire et les métiers d'art. Il nous est apparu que la richesse considérable dont dispose la France n'était peut-être pas suffisamment mise en valeur, notamment à l'étranger : nous manquons de sites bien conçus et aisément consultables. La politique menée dans ce domaine nous a semblé excessivement malthusienne. Nous préconisons un plus gros effort d'exportation de ces savoir-faire, grâce à des subventions plus fréquentes.
Je me réjouis de pouvoir vous apporter l'expertise du Centre des monuments nationaux qui est véritablement au coeur de votre sujet. En effet, la nécessité de valoriser le patrimoine culturel est une préoccupation que les responsables des grandes institutions culturelles de l'État et des collectivités locales partagent de longue date.
Avec 8 600 000 visiteurs chaque année, le Centre des monuments nationaux est le premier opérateur public culturel touristique français, un peu devant le Louvre ; nous sommes présents sur cent points du territoire, au travers des monuments que l'État nous confie ; notre budget est de 120 millions ; 1 400 agents travaillent avec nous.
Quand on préside un établissement de cette nature, on est d'abord un « patron » qui rend des comptes à son actionnaire – l'État – et qui se soucie de valoriser le patrimoine qu'il gère. Mais, à la différence du monde de l'entreprise, notre moteur est l'intérêt général et nous avons une mission de service public : conserver ce patrimoine pour le transmettre aux générations futures comme d'autres l'ont fait avant nous et faire connaître au plus grand nombre le patrimoine d'aujourd'hui. C'est dans ce contexte que nous avons à « gérer » un patrimoine extraordinaire et diversifié, qui va des grottes préhistoriques aux villas contemporaines.
Notre fonctionnement repose sur un système de péréquation que, dans leur proposition de loi relative à la relance éventuelle du transfert des monuments historiques de l'État aux collectivités locales, dont votre Assemblée est saisie, les sénateurs Legendre et Férat proposent d'inscrire dans la loi. De fait, ainsi que l'a dit Mme Benhamou, sur la centaine de monuments qui nous ont été confiés, six rapportent de l'argent et tous les autres en perdent. Comme ceux qui en gagnent permettent d'ouvrir à la visite l'ensemble des autres, on peut dire que nous pratiquons une « solidarité nationale patrimoniale » à laquelle nous sommes très attachés comme j'espère que vous le serez vous-même dans votre rôle de législateurs.
Avec nos 8 600 000 visiteurs, nous sommes un acteur économique créateur de richesses. Selon les études de public, la première motivation des visiteurs étrangers est d'ordre culturel – c'est du moins ce qu'ils disent car, même si nous ne pouvons ne pas en tenir compte, je me méfie beaucoup de ces études.
Nous sommes aussi une structure publique à laquelle l'État a délégué une compétence et qui doit l'exercer avec son soutien. Mais nous devons naturellement développer nos ressources propres pour faire plus et mieux. Pour ce faire, nous mettons l'économie au service de la culture, et non le contraire : c'est toute la philosophie de notre démarche.
C'est parce que les monuments nationaux sont les grands témoins de notre histoire et de l'histoire de l'architecture que l'État en est encore aujourd'hui le propriétaire et le gestionnaire.
S'agissant du rapport que Mme Benhamou vous a présenté, nous ne pouvons qu'être favorables à la proposition de trouver un mode de financement supplémentaire pour la conservation du patrimoine, à laquelle nous consacrons chaque année 40 des 120 millions de notre budget. Cette dépense est totalement prise en charge par l'État, modulo quelques mécénats. Je pourrai d'ailleurs revenir sur ce dernier : les Assises internationales du mécénat d'entreprise qui viennent de se tenir à Marseille ont confirmé qu'il a changé de nature ; il est désormais plus pérenne et plus solidaire.
Ancienne directrice de cabinet du ministre du tourisme, je considère que le taux de la taxe de séjour est certes important mais que la difficulté tient à la perception de cet impôt déclaratif : il y a une incohérence entre les sommes déclarées et les sommes perçues.
L'augmentation des tarifs pour les non résidents de l'Union européenne, elle n'aurait qu'un effet résiduel puisque la majeure partie de nos visiteurs est française ou européenne, le taux de visiteurs étrangers variant énormément d'un monument à l'autre. La fréquentation étant directement proportionnelle à la notoriété du monument, nous avons 1 500 000 visiteurs à l'Arc de Triomphe et 1 700 à Chareil-Cintrat, en Auvergne... Quels que soient les efforts considérables que nous déployons, en France comme à l'étranger, auprès du grand public comme des professionnels du tourisme, la marge d'augmentation reste donc modeste. Il convient également de prendre en considération l'image d'elle-même que la France veut donner aux pays émergents.
Si le Louvre est parvenu avec beaucoup d'efficacité et de talent à faire varier les tarifs selon les heures de la journée, on ne saurait en tirer des conclusions trop générales car il s'agit d'un monument urbain et, surtout, du plus grand musée du monde. La question mérite d'être étudiée, mais dans les monuments de province, la faiblesse de la fréquentation, notamment l'hiver, ne s'explique pas par le niveau des tarifs…
Enfin, la numérisation me semble une piste extrêmement intéressante. Les grandes institutions y travaillent déjà en constituant des bases de données. Elles ont aujourd'hui leurs sites internet où elles présentent les tarifs, les modalités d'accès et les monuments eux-mêmes. Pour autant, dans la mesure où nous croulons tous aujourd'hui sous les informations, je pense que ce n'est pas forcément par cette voie que nous capterons davantage de public. Qui plus est, le spectacle du monde n'est pas le monde : voir un monument sur internet, ce n'est pas le visiter ! La finalité de notre travail ne se résume pas à la diffusion de la connaissance, qui n'en reste pas moins au coeur de mes préoccupations, puisque je suis le « patron » des Éditions du patrimoine. Mais l'expérience de la visite d'un monument est irremplaçable et nous devons la faire partager à des publics plus nombreux.
J'illustrerai mon propos par un exemple. Hier, j'ai inauguré une exposition d'art contemporain à l'abbaye du Thoronet, merveilleuse abbaye cistercienne, mais peu fréquentée car au milieu de nulle part. À ma demande, Johan Creten, un artiste belge qui travaille en France, avait réalisé une création – autour de l'abeille car nous avons pris cette année les animaux comme thème principal – qu'il a mise en dialogue, dans le cloître, avec l'éblouissante architecture de l'abbaye. Mais cela suppose toute une politique de valorisation, de présentation et de promotion. De fait, c'est par l'événementiel que l'on attire le public dans les monuments. Nous baignons aujourd'hui dans un univers culturel « concurrentiel » où l'on propose des milliers de possibilités, sur internet ou dans les guides. Pourquoi aller au Thoronet plutôt qu'ailleurs ? Parce que l'on vous indique que c'est une abbaye cistercienne merveilleuse, mais surtout qu'elle abritera pendant six mois une extraordinaire exposition. Car la visite d'un monument est aussi une expérience à vivre. Elle touche aussi bien aux domaines du sensible que de la connaissance.
Enfin, l'action éducative est une de nos priorités. Nous menons de nombreux travaux en commun avec l'éducation nationale. J'ai signé l'an dernier avec M. Luc Chatel une convention au titre de laquelle des professeurs « relais » pourront nous accompagner dans la préparation des programmes de visite et des documents mis à la disposition des enseignants des établissements, en cohérence avec les programmes d'enseignement de l'histoire des arts.
(Présidence de Mme Michèle Tabarot, présidente de la Commission)
Mes collègues seront sans doute nombreux à vous interroger sur la proposition de relever la taxe de séjour. Pour ma part, je ferai quelques réserves quant à une éventuelle augmentation des tarifs d'entrée dans les monuments nationaux pour les non résidents de l'Union européenne. Outre que ce patrimoine appartient à l'humanité, comme l'UNESCO nous le rappelle suffisamment, je ne vois pas comment, à l'heure de la mondialisation, distinguer un visiteur ressortissant de l'UE de celui qui ne l'est pas. Ce serait choquant et matériellement difficile : quelle question faudrait-il poser à la caisse ?
Par ailleurs, madame Lemesle, vous avez utilisé sciemment un langage économique, tout en soulignant que vous mettiez l'économie au service du patrimoine. Quels rapports entretenez-vous avec des structures comme Atout France, l'Agence de développement touristique de la France, qui s'appuie sur notre patrimoine et le met en valeur et qui tient le même discours économique et volontariste que vous ?
Merci, madame Lemesle, pour la passion que vous mettez à défendre notre patrimoine commun.
C'est à juste titre, madame Benhamou, que vous distinguez patrimoines matériel et immatériel. Nous partageons aussi vos objectifs : « Rendre accessibles au plus grand nombre les oeuvres capitales de l'humanité et de la France ; sauvegarder, protéger, enrichir et mettre en valeur le patrimoine dans son infinie diversité et dans toutes ses composantes ; encourager les initiatives culturelles locales, développer les liens entre les politiques culturelles de l'État et celles des collectivités locales. »
L'effort public en faveur du patrimoine n'ayant été que de 1,5 milliard d'euros en 2010, vous jugez nécessaire de trouver d'autres formes de financement en sollicitant, notamment, le mécénat culturel au travers des fondations. Pour ma part, je crains que l'on remette ainsi en question le bénévolat des structures associatives locales qui, souvent, se consacrent à la défense du patrimoine.
Selon vous, comme toutes les politiques publiques, la valorisation et l'entretien du patrimoine doivent être évalués. Mais avec quels instruments ?
Certes, les outils numériques peuvent promouvoir le patrimoine dans sa diversité, mais il faut, Mme Lemesle l'a rappelé, préserver les activités événementielles, concrètes.
Afin que le patrimoine immatériel soit mis gratuitement à disposition du public, vous préconisez de financer la numérisation des oeuvres par le grand emprunt, mais celui-ci est déjà très largement sollicité.
Vos préconisations sont essentiellement d'ordre financier.
Faire passer la taxe de séjour de 1 % à 6 % du tarif de nuitée serait aussi injuste qu'inégalitaire puisque cela toucherait aussi bien les clients des campings que ceux des hôtels classés, et sanctionnerait plus particulièrement les sites à caractère rural accueillant une clientèle familiale. Pour moi, l'augmentation de la participation financière du tourisme doit s'intégrer dans une vraie réforme fiscale.
Vous proposez de moduler les tarifs d'entrée en fonction des heures et des périodes. Certes, de grandes structures comme le Louvre récupèrent ainsi près de 25 millions d'euros par an, mais pour nombre de monuments dans nos régions, cela risque de compliquer la gestion et de la rendre plus onéreuse.
Augmenter les prix d'entrée acquittés par les visiteurs étrangers non ressortissants de l'Union européenne serait discriminatoire et préjudiciable au rayonnement de la France, qui reste une des premières destinations touristiques mondiales.
Autoriser les musées à vendre des oeuvres « selon une procédure très encadrée et limitée », remettrait en cause l'inaliénabilité des collections publiques. Il serait pour cela impératif de passer par la loi.
Enfin, vous préconisez, pour réguler la fréquentation des visites dans certains musées et sur certains sites saturés, d'instituer des péages à l'entrée des centres villes. Une telle mesure serait à la fois discriminatoire puisqu'elle défavoriserait les ménages modestes et dangereuse pour les collectivités, notamment pour les communes dont les commerces des centres villes ont plus que jamais besoin d'être revitalisés.
Notre immense patrimoine, matériel et immatériel, construit par les générations successives permet aux populations de se tourner vers leur propre histoire.
Je suis comme vous profondément attachée à la valorisation de ce patrimoine, qui doit être conservé dans les meilleures conditions et ouvert à tous, car c'est un gage de la démocratisation de l'accès à la culture.
Parmi vos propositions destinées à relever ce défi, l'augmentation de la taxe de séjour, la différenciation des tarifs et les péages risquent d'être préjudiciables aux populations les moins favorisées.
Par ailleurs, faire payer davantage les visiteurs venant de l'extérieur de l'Union européenne porterait atteinte à l'image de la France, notamment auprès des pays émergents et tout particulièrement de ceux de la francophonie, auxquels nous adressons des messages sur le rayonnement de la langue et de la culture française !
Comme Mme Lemesle, je pense que la numérisation, qui est un formidable outil de mise à disposition des connaissances, ne présente bien évidemment pas le même intérêt que les visites, qui permettent d'approcher concrètement un objet ou un monument et qu'il convient donc de développer, quitte à les encourager par l'organisation d'événements.
Je comprends d'autant mieux que Mme Lemesle évoque le transfert de certains monuments aux collectivités locales, qu'elle nous a fait observer que 6 seulement sur 96 dégagent des bénéfices… Mais, les collectivités territoriales ayant de plus en plus de mal à boucler leur budget, elles ont tendance à rogner non pas sur les crédits de l'équipement ou de l'aide sociale, mais sur ceux du sport ou de la culture. Il ne faut donc pas trop compter sur elles pour remplacer l'État.
De fait, le programme « patrimoines » du budget de l'État a diminué de 30 % et les crédits d'acquisitions de 12 %. La valorisation du patrimoine a bien sûr un coût, mais c'est aussi d'un investissement, qui concourt au développement du tourisme. Il est donc légitime que le budget de la nation y contribue.
Enfin, avez-vous évalué les effets de la gratuité. ?
Le rapport évoque la possibilité de relever le prix de la taxe de séjour appliquée aux nuitées d'hôtel afin de faire participer davantage les acteurs du tourisme au financement de la préservation du patrimoine. Certes, le patrimoine, notamment historique, de notre pays, contribue à son attractivité, mais il est inégalement réparti sur le territoire et une telle hausse uniforme serait donc injuste. Envisagez-vous d'autres pistes ?
Ce rapport n'a rien de ronronnant. Il propose des pistes nouvelles et permet de créer le débat. Vous y rappelez, notamment, que la dépense culturelle est utile, dans la mesure où elle participe très activement à l'attractivité de nombre de territoires.
Le Haut conseil des musées de France, au sein duquel j'ai l'honneur de représenter l'Assemblée nationale, a mis beaucoup de temps à attribuer le label « Musée de France » à nombre de musées. Au-delà de son aspect honorifique, pensez-vous qu'il a contribué à valoriser ces musées et à les rendre plus attractifs ?
Pensez-vous par ailleurs qu'il y a trop de musées en France, ce qui banaliserait la notion même de musée ?
Enfin, à l'occasion de l'examen du texte sur la restitution de têtes maories à la Nouvelle-Zélande, nous avons débattu de l'inaliénabilité des oeuvres. Quel regard portez-vous sur la manière dont sont gérées les collections dans notre pays ? À partir du moment où les oeuvres sont inaliénables, pourquoi les stocker dans des réserves où elles sont si nombreuses qu'on finit par ne plus savoir ce qui s'y trouve.
Si le patrimoine peut dégager des revenus, ce n'est pas le cas des langues régionales, qui font partie du patrimoine immatériel de notre pays. Mais laisser s'affaiblir, voire disparaître, certaines d'entre elles, constituerait une perte de substance à la fois pour notre patrimoine et pour notre culture. Envisagez-vous d'affecter une partie des sommes que rapportent les monuments au soutien des langues régionales ? Car si les collectivités territoriales jouent un rôle primordial en la matière, l'État ne fait pas grand-chose, hormis dans le domaine de l'éducation. Nous souhaitons qu'une loi intervienne en ce sens.
Par ailleurs, ce sont les collectivités qui fixent le montant de la taxe de séjour, qui a été instituée pour renforcer l'attractivité de certains territoires. À mon sens, mieux vaudrait prélever une somme qui serait calculée à partir d'un taux appliqué à cette taxe qu'un montant forfaitaire qui risquerait d'entraîner parfois une augmentation considérable.
Le tourisme lié au patrimoine culturel est une activité économique non délocalisable et rentable, qui représente 25 % de l'activité touristique globale. Pour promouvoir ce tourisme culturel, ne serait-il pas souhaitable de renforcer les relations entre tous les acteurs concernés ? Je pense au ministère de la culture, au secrétariat d'État au tourisme, à Atout France, mais aussi aux comités régionaux et départementaux du tourisme et aux collectivités territoriales.
J'avais déjà entendu Mme Lemesle à l'occasion de la préparation de mon rapport sur la valorisation de notre patrimoine. Le Centre des monuments nationaux fonctionne d'une façon très satisfaisante : il mériterait de gérer bien davantage de monuments et de devenir un véritable « office du tourisme national ».
Notre pays a la chance unique de disposer d'un patrimoine riche et diversifié, qui justifierait d'ailleurs que l'on crée un label « France, terre de patrimoine » ou « terre de culture ». Mais notre politique touristique liée au patrimoine manque d'agressivité. Faute de circuits nationaux, les touristes visitent toujours les mêmes endroits : les Chinois ne connaissent que Paris et le Mont-Saint-Michel et cela joue au détriment des autres territoires.
Augmenter le produit de la taxe de séjour est une bonne piste, à condition d'en modifier les bases et d'abandonner le système déclaratif, qui est complètement dépassé : la taxe de séjour devrait reposer sur des bases collectives, libre à chacun, ensuite, d'en déterminer le taux.
Je terminerai sur ce constat : dans nos aéroports parisiens, par exemple à Roissy, on ne voit même pas une photo du patrimoine national ! Or sa valorisation doit commencer à tous les points d'entrée sur notre territoire. Il y a une véritable politique à mener en la matière.
La démocratisation de l'accès à la culture est un enjeu majeur. Personnellement, j'aurais souhaité que l'on prenne davantage en considération le citoyen et que l'on s'interroge sur sa place et son implication dans le dispositif : les meilleurs ambassadeurs sont ceux qui se trouvent au plus près des infrastructures existantes.
Vous avez suggéré que l'on ouvre nos bâtiments à d'autres manifestations. C'est une façon d'associer l'événementiel à la stratégie culturelle. J'y suis tout à fait favorable, d'autant que j'ai pu en apprécier les résultats très positifs à l'occasion de « Lille 2004 », événement auquel tous les partenaires ont été associés, de Lille à la Belgique et de Lille à l'extrémité sud du département. Le fait d'avoir intégré tous ces territoires dans une telle manifestation a créé une véritable dynamique, à la fois culturelle et touristique.
L'éducation nationale a un rôle à jouer dans la valorisation de notre patrimoine. Il faut donc mener une politique d'accompagnement dans les écoles. Mais il faut aussi désenclaver certains lieux, qui n'ont pas toujours accès à internet.
Concernant la filière touristique, j'aimerais enfin savoir comment vous envisagez le partenariat de proximité, notamment avec les offices du tourisme, les comités départementaux et régionaux du tourisme, les syndicats d'initiative. Nous nous sommes en effet aperçus que ceux qui sont en charge du développement touristique au niveau territorial ne savent pas toujours ce qu'il y a à voir à proximité des lieux d'accueil ou d'hébergement.
Un mot d'un autre sujet car certains événements récents nous inquiètent et nous sommes, en tant que représentants de la Nation, très mal à l'aise quand on nous interpelle sur le système des quotas. Je souhaite donc, madame la Présidente, que nous auditionnions prochainement les responsables de la Fédération française de football.
Je m'étonne, madame Benhamou, que l'excellent rapport que vous nous avez présenté, soit muet sur la place du mécénat. Vous avez pourtant dit justement que l'économie doit être au service de la culture, et non l'inverse. Pour ma part, je suis convaincu que le mécénat peut être un relais à un moment où les collectivités manquent d'argent. Je me suis d'ailleurs rendu, moi aussi, aux Assises internationales du mécénat d'entreprise, à Marseille.
J'aimerais enfin savoir comment l'on pourrait mettre fin au contentieux qui nous oppose à Google, lequel continue d'ailleurs à numériser le patrimoine des bibliothèques françaises.
Un constat plutôt qu'une question : madame Benhamou, vous recommandez d'améliorer le dispositif d'évaluation des politiques de soutien et des retombées du patrimoine, en créant, notamment, un ficher national du patrimoine protégé qui donnerait des renseignements sur les dépenses en investissement, les recettes, le nombre de visiteurs, des renseignements d'ordre socio-démographique, etc. mais, malgré le développement des outils informatiques et de l'accès à internet, il restera en France des zones beaucoup moins visitées que d'autres.
Ayant sur le territoire de ma commune le domaine national de Saint-Cloud, je salue l'action que mène Mme Lemesle à la tête du Centre des monuments nationaux ainsi que sa gestion soucieuse d'un équilibre entre les sites les plus porteurs sur le plan économique et les autres.
Je suis sensible aux arguments en faveur de la démocratisation et de l'accès à la culture : j'ai moi-même ouvert un accès gratuit à la médiathèque de Saint-Cloud. Pour autant, je m'interroge quant aux effets de la gratuité, en particulier auprès des plus jeunes, pour qui la culture est un moyen de se construire. En effet, en ce qu'elle renvoie la culture à une image de bien de consommation, la gratuité n'est-elle pas quelque peu antinomique avec notre volonté de mettre en avant ses valeurs et son impact dans la société, de valoriser le patrimoine historique, de souligner les liens avec l'histoire ?
Par ailleurs, la culture a un coût, que je pense, sans état d'âme, qu'il faut assumer car elle est utile à nos sociétés, mais force est de constater que nous sommes tous – État et collectivités locales – à la recherche de financements. Dès lors, je serai plus nuancé que certains de mes collègues sur la question de la politique tarifaire différenciée. En effet, si je comprends les réticences morales de notre collègue de Panafieu, je ne suis pas certain que les tarifs d'accès à nos monuments aient un effet direct sur l'image de notre pays à l'étranger. Lorsqu'un visiteur chinois ou japonais vient en France dans le cadre d'un voyage organisé qui comporte la visite du Louvre, outre que je doute qu'il connaisse le tarif supporté par un Européen, je ne pense pas que quelques euros de plus ou de moins changent quoi que ce soit pour lui. Il me semble donc nécessaire de poursuivre la réflexion à ce propos, en s'intéressant en particulier à l'impact économique réel d'une telle mesure.
Certes, il existe des professeurs relais et un accompagnement, mais cela me paraît tout à fait insuffisant au regard de l'importance que revêt l'accès du public scolaire aux monuments historiques et au patrimoine culturel en général. Ainsi, dans nos écoles élémentaires, les enseignants ne disposent pas des moyens de se déplacer avec leurs classes.
Comme Alain Marc, je veux par ailleurs insister sur l'importance du patrimoine linguistique, notamment des langues régionales, et rappeler que nous attendons toujours la loi qui avait été promise par Mme Albanel.
Enfin, je suis bien évidemment hostile à l'idée de transférer la charge des monuments de l'État vers les collectivités territoriales. J'ai eu l'occasion de m'intéresser à ce sujet lors que, dans ma circonscription, on a proposé aux collectivités de reprendre le château des ducs d'Épernon à Cadillac : outre que le principe ne nous séduisait guère, faute de pouvoir conduire des discussions sérieuses autour d'un véritable projet, nous avons été amenés à renoncer à ce transfert.
Lorsque vous soulignez dans votre rapport la nécessité de « reconsidérer les liens entre culture et économie », vous montrez que l'on en a aujourd'hui heureusement fini avec l'idée qu'il est vulgaire de parler d'argent à propos de la culture.
Le mot patrimoine vient du latin patrimonium, héritage du père, et, si Malraux disait que « l'héritage ne se transmet pas, il se conquiert », il me semble que, par vos travaux, vous participez à cette conquête.
L'attribution par l'Unesco du label « patrimoine mondial » a d'incontestables retombées économiques, que nous avons toutefois du mal à mesurer dans ma ville de Besançon et dont je crains qu'elles ne soient quelque peu diluées si ce label est attribué à tout va.
Vous avez, madame Lemesle, insisté sur l'attractivité, qui passe par les tarifs mais aussi par l'amélioration des conditions d'accueil et par des relations renforcées avec la SNCF. Où en est l'idée que nous avions précédemment émise que les jeunes de nos régions bénéficient d'un tarif réduit pour se rendre dans les musées nationaux ?
Même si cela n'entre pas exactement dans le champ de la présente table ronde, comment vous paraît-il possible de préserver notre patrimoine vernaculaire, c'est-à-dire ce petit patrimoine issu de la vie de tous les jours et constitué de lavoirs, de moulins, de fours à pain, etc. ?
Enfin ne convient-il pas de veiller également à ne pas élargir à l'excès le champ du patrimoine immatériel, dans lequel sont entrées récemment la gastronomie française et la tauromachie ?
En octobre dernier, dans un rapport sur la valorisation du patrimoine culturel, un sénateur a mis en cause le travail effectué par la Fondation du patrimoine, qui mobilise pourtant, dans le cadre du mécénat, entreprises, associations et public, qui soutient financièrement de nombreux projets de restauration et de valorisation du petit patrimoine de nos régions, au bénéfice de l'emploi local. Que pensez-vous de son action ?
Par ailleurs, vous indiquez dans votre rapport que les procédures de protection des monuments inscrits et classés datent de 1913 et de 1961. Ne convient-il pas de les faire évoluer ?
Vous écrivez également que cette protection est permanente mais irrégulière. Or, élue de Midi-Pyrénées, une des régions qui possèdent le plus de monuments inscrits et classés, je sais que de tels monuments sont attractifs, qu'ils suscitent de nombreuses visites et qu'ils contribuent à la valorisation touristique. Quelles pratiques vous paraîtrait-il utile de développer en la matière ?
Vous êtes, Madame Lemesle, ouverte au partenariat privé. À ce propos, le projet relatif à l'Hôtel de la Marine, monument emblématique sur un site qui ne l'est pas moins, a suscité des réactions de rejet. Quel regard portez-vous sur ce projet ? Posez-vous une limite aux interventions privées ?
Les métiers d'art, qui interviennent d'une façon physique sur les bâtiments, jouent un rôle capital dans la sauvegarde et la mise en valeur du patrimoine, qu'il soit ou non classé. Vous les avez évoqués, madame Benhamou, en traitant du soutien à l'exportation, mais dans les territoires à forte concentration patrimoniale comme le mien – je suis élu de la Dordogne – ils sont aussi importants pour l'économie locale et pour l'emploi.
Or, si les choses se passent globalement de manière satisfaisante pour le patrimoine classé, il n'en va pas de même pour le reste du patrimoine, surtout lorsque l'argent se fait rare. Faute d'une véritable reconnaissance de la qualification et de la compétence d'artisans pourtant accoutumés à travailler avec les Monuments historiques et les Architectes des bâtiments de France, ils sont de plus en plus fréquemment victimes de la concurrence d'auto-entrepreneurs et l'on voit de la sorte disparaître des savoir-faire, des métiers, des entreprises pourtant indispensables à la sauvegarde de notre patrimoine. Je voulais dénoncer cette évolution préoccupante.
Protéger le patrimoine, le mettre en valeur, mieux le faire connaître est un enjeu essentiel en termes d'attractivité touristique mais aussi de démocratisation culturelle. Mais il s'agit aussi d'un véritable enjeu national car le patrimoine est un repère, un élément d'identité et de reconnaissance, en particulier pour les jeunes, j'en ai fait l'expérience dans ma commune. J'aimerais donc savoir, madame Lemesle, quelles actions vous menez pour faire sortir ces jeunes de leur quartier, pour leur faire mieux connaître la ville, le département et la région où ils habitent, et favoriser ainsi leur insertion sociale. Au-delà, il serait utile de leur faire connaître l'Europe, qui compte un grand nombre de monuments remarquables porteurs de l'histoire de notre continent. Des initiatives en ce sens sont-elles prises en commun, au sein de l'Union, par les institutions similaires à la vôtre ?
Je serais par ailleurs, comme nombre de mes collègues, fort intéressé de connaître le bilan de la gratuité d'accès aux monuments.
Enfin, on entend souvent dire que le mécénat culturel serait en recul par rapport à d'autres formes de mécénat. Tel n'est toutefois pas le sentiment du président de la Fondation de France. Quelles constatations faites-vous vous-mêmes à cet égard ?
La cinquième recommandation du rapport souligne la faiblesse de la formation des Français en histoire de l'art et préconise que le ministère de l'éducation introduise cette discipline dans les programmes et que les enseignants développent davantage de projets destinés à favoriser l'accès de leurs élèves à la culture.
La onzième recommandation traite de la notion d'empreinte culturelle du territoire et cite l'exemple de la Seine-Saint-Denis, dont le patrimoine religieux, monumental et industriel constitue un véritable creuset de développement économique, social et culturel. Or, l'accès à la culture y est difficile et complexe. Comment dès lors parvenir à une véritable appropriation des lieux du patrimoine culturel par les habitants afin de mettre cette empreinte culturelle en valeur et de créer de la sorte une relation gagnant-gagnant ?
Vous évoquez par ailleurs la nécessaire rencontre entre les mondes de l'éducation, de la culture et de l'économie, mais quelles sont vos préconisations concrètes pour y parvenir ?
Je suis moi aussi intéressé par les constats que vous faites en matière de gratuité. Nous l'avons tous plus ou moins pratiquée, nous l'avons vu faire dans les pays étrangers ; les résultats sont mitigés mais je persiste à penser qu'il s'agit de l'une des meilleures formules pour mettre notre patrimoine à la portée au moins des résidents et les scolaires.
Je ne crois pas par ailleurs que la taxe de séjour soit une bonne piste, d'abord parce que, en raison de son caractère déclaratif, la programmation de la recette est incertaine ; ensuite parce que je ne suis pas certain, au regard des importants besoins des communes touristiques, que son produit irait en priorité aux musées et à la culture.
Si nous sommes la plupart du temps amenés à refuser le transfert du patrimoine de l'État aux communes, c'est parce que cela se fait dans de très mauvaises conditions : outre que nous ne disposons d'aucune possibilité de discuter l'offre qui nous est faite, aucun projet n'est élaboré avec les services de l'État. Ce dernier ferait bien de s'inspirer de l'exemple de la fondation privée canadienne Macdonald Stewart, qui vient non seulement de léguer à la ville de Saint-Malo la maison de Jacques Cartier, beau monument remis en état grâce à cette fondation, mais aussi, sans même que nous le lui demandions, de nous offrir le financement de plusieurs années de fonctionnement. Voilà un geste élégant et pratique : dans un tel cas, on ne refuse pas…
Pour se constituer, les fondations privées bénéficient d'avantages fiscaux, parfois importants. Ainsi, plusieurs collections ont pris la forme de fondations et sont exposées, souvent dans d'excellentes conditions, le patrimoine demeurant privé. Ne pourrait-on imaginer une sorte de contrepartie à la niche fiscale, afin que l'État en soit également bénéficiaire ? Il me semble que cela rapporterait plus d'argent que toutes les solutions qui nous ont été présentées…
Le rapport prône la vente, certes encadrée, d'oeuvres qui dorment dans les réserves de nos musées. Mais si tel est le cas, au moins dans les musées de Toulouse, par exemple au musée Saint Raymond, c'est d'abord par manque de place. Pour sa part, Jean Clair considère que ces réserves ne sont pas exploitées parce que les rênes des musées ne sont plus tenues par les conservateurs, issus d'une formation spécifique, mais par des gestionnaires, plus ou moins versés dans la chose artistique et dans la défense de la cause esthétique. Qu'en pensez-vous ?
Nous avons tiré de nos auditions le sentiment que la France est un pays où les collections des musées sont gérées de manière très centrale : même si les procédures d'acquisition sont en théorie décentralisées, tout finit par remonter à l'État jacobin, qui a du mal à lâcher la main et à accorder plus d'autonomie aux différentes institutions.
Vous avez été nombreux à nous interroger sur les tarifs des musées et sur la proposition de les différencier selon que le visiteur appartient ou non à l'Union européenne. Il me semble que le rayonnement de notre pays ne tient pas uniquement aux tarifs, mais surtout au bon entretien de notre patrimoine. N'oublions pas en outre qu'il s'agit bien évidemment d'instaurer un système de péréquation, afin de mettre en valeur des patrimoines régionaux parfois en déshérence.
On nous dit qu'une augmentation des tarifs irait à l'encontre de l'objectif de démocratisation. Mais la plupart des études réalisées à propos de la gratuité montrent que les publics qui en bénéficient profitent d'un effet d'aubaine et que son application conduit en fait à une redistribution à l'envers.
S'agissant de la tarification différenciée, il me semble qu'une variation de quelques euros du prix du billet d'accès au Louvre n'a guère d'effet dissuasif sur un étranger qui a payé plusieurs milliers d'euros son voyage en Europe. Les études ont montré que l'élasticité de la demande au prix est très faible. Il est vrai que l'application peut être difficile. On pourrait prévoir un tarif unique, mais qui ouvrirait le droit à plusieurs mois de visite, ce qui profiterait aux résidents. Une telle discrimination par le prix est pratiquée, sans réaction particulière, dans de nombreux secteurs de l'économie.
En ce qui concerne la taxe de séjour, nous sommes partis de l'idée que le tourisme est un grand secteur de l'économie qui génère plusieurs milliards d'euros de chiffre d'affaires et de valeur ajoutée par an et qui bénéficie gratuitement d'un patrimoine entretenu par le contribuable. C'est une externalité : lorsqu'un touriste vient à Paris pour profiter de la beauté de rues bien entretenues grâce aux contribuables, l'hôtelier lui fait payer son séjour… Par ailleurs, dans la mesure où le déficit du Louvre représente à peu près la moitié de son budget, dès lorsqu'un touriste y pénètre, il reçoit en fait, de la part du contribuable, une subvention à hauteur de 50 % du coût de sa visite. Le secteur du tourisme bénéficiant énormément de l'entretien du patrimoine il paraîtrait juste qu'il en finance une part, ce qui permettrait en outre d'améliorer cet entretien, ce dont le tourisme bénéficierait en retour. Il faut être conscient qu'un milliard d'euros représente beaucoup pour le patrimoine et fort peu pour le tourisme !
S'agissant de la numérisation, ce n'est pas parce que nous sommes submergés d'informations qu'il convient d'en diffuser moins. Nous avons surtout voulu dire, à propos de la numérisation du patrimoine matériel, que, parce qu'il s'agit de biens publics utilisés par la société civile pour faire des choix, l'État devait jouer son rôle de producteur de données et les mettre gratuitement à disposition du public, y compris des opérateurs commerciaux qui voudraient réaliser des guides ou développer des applications pour smartphones. Je ne pense pas que développer l'information risque de concentrer les flux touristiques sur quelques zones, mais au contraire de les rééquilibrer au profit de celles qui souffrent d'un déficit de notoriété.
L'inaliénabilité a été évoquée à plusieurs reprises. Cette question était déjà posée par la loi de 2002, qui n'est pratiquement pas appliquée. Cela ne doit devenir en aucun cas un mode de financement des acquisitions ou, pire encore, du fonctionnement, mais servir, de manière marginale et extrêmement contrôlée par des commissions d'experts, à la gestion des collections. Dès lors que nous la posons en ces termes, cette question n'est pas de la compétence des économistes mais des historiens d'art et des conservateurs.
Il y a eu en effet beaucoup d'études sur la gratuité. Certes, lorsqu'un musée devient gratuit, la fréquentation augmente, mais cela tient également à toute la communication qui est conduite à cette occasion et l'effet a tendance à retomber.
S'il peut certes y avoir des barrières financières, le fait d'aller ou de ne pas aller au musée ne tient pas essentiellement à des questions d'argent, mais surtout à un problème culturel. Cela nous renvoie par conséquent à la question de l'éducation, que nous jugeons fondamentale bien que nous ne lui ayons consacré que peu de lignes dans le rapport : il faut tout mettre en oeuvre pour favoriser l'accès, en particulier des enfants, au patrimoine, ce qui implique un effort des établissements scolaires, peut-être des incitations, mais surtout une formation des enseignants, dans laquelle ces disciplines sont aujourd'hui totalement absentes.
Faute d'avoir travaillé sur les langues régionales, nous ne pouvons apporter de réponse aux questions qui nous ont été posées à ce propos.
S'agissant des pistes de financement, nous ne proposons en aucun cas de péage : bien au contraire nous rejetons cette idée, à partir de l'exemple de Londres et de ce qui est envisagé à Venise.
Enfin, il me paraît difficile d'affirmer que l'offre est trop importante, mais il faut mieux la faire connaître, peut-être mieux l'organiser, hiérarchiser les dépenses et les efforts.
Je remercie tout d'abord les membres de votre Commission pour l'important travail de fond qu'ils fournissent, comme à l'accoutumée, sur ce sujet important.
Qu'il y ait de malentendu à propos de la décentralisation : je n'ai pas proposé de transférer aux collectivités locales les monuments déficitaires ! Bien au contraire, je souhaite préserver le système de péréquation dont le but est précisément de permettre la prise en charge de ces monuments, qui sont bien plus nombreux que ceux qui réalisent des bénéfices.
Il me semble que le débat des années 1980 sur ce qui relève respectivement de l'État et des collectivités locales est aujourd'hui dépassé : les grandes lois de décentralisation sont désormais entrées dans notre culture et dans notre mode de fonctionnement. « Comment travailler ensemble ? » telle est maintenant la question essentielle pour l'avenir du patrimoine.
Opérateur de l'État, le Centre des monuments nationaux regroupe 96 monuments. Nous avons, pour chacun, un schéma directeur de développement grâce auquel nous savons, pour chacun des métiers que nous exerçons – conservation, développement scientifique, développement culturel, édition, mais aussi développement économique –, ce que nous voulons faire dans les cinq ou dix ans qui viennent. Mais tout ceci ne saurait bien évidemment être mis en oeuvre sans un partenariat approfondi avec les collectivités locales et avec les partenaires économiques. Pour cela, nous travaillons monument par monument, territoire par territoire parce qu'un monument n'est pas « posé » sur un territoire, il lui appartient et il appartient à son économie : dans certains lieux, si un château disparaissait, il n'y aurait plus aucune activité économique… Nous avons donc conscience de l'importance de notre rôle comme du fait que nous ne pouvons le jouer pleinement qu'en partenariat avec les collectivités locales.
Vous avez évoqué, madame Faure, le château de Cadillac : je ne vois pas comment la commune pourrait supporter l'énorme déficit annuel. De même, nous avons célébré l'année dernière le onzième centenaire de la fondation de l'abbaye de Cluny – voilà, monsieur Herbillon, un élément de l'histoire de l'Europe – il est bien évident qu'une commune de 4 000 habitants ne saurait supporter le million d'euros de déficit annuel ! On voit bien que la présence de l'État est structurante, et je m'en réjouis. Cela ne signifie nullement que nous n'avons pas à travailler avec les collectivités locales, les institutions culturelles, les partenaires déconcentrés de l'État pour aboutir à un projet commun. Chacun est dans son rôle et dans sa responsabilité et nous dialoguons dans un respect mutuel.
J'ajoute que je ne suis pas favorable à la décentralisation des décisions d'investissement, qui nécessitent un véritable savoir-faire. Certes, l'institution que je préside compte 30 administrateurs qui gèrent au quotidien, sur le territoire et en lien avec lui, les monuments dont nous sommes chargés, mais nous fonctionnons de manière centralisée et l'économie du système repose sur le fait que nous avons à Paris 300 experts au service des 96 monuments. Outre qu'il serait économiquement absurde de démultiplier une telle expertise sur le territoire, je doute que l'on trouverait un nombre suffisant de personnes qui en dispose.
La gratuité a eu pour nous un effet considérable : sur 8,6 millions de visiteurs, 2,9 millions entrent gratuitement. Cela signifie que des visiteurs payants sont devenus des visiteurs gratuits. Il s'agit d'un sujet d'importance pour une institution dont les deux tiers des ressources propres, soit 43 millions d'euros, proviennent chaque année de la fréquentation : modifier la structure des entrées revient donc à mettre davantage à la charge du contribuable. Ouvrir un monument à la visite à un coût, mais le visiteur gratuit a également un coût et il faut donc s'interroger véritablement sur l'efficacité de la gratuité, dont je ne suis pas certain qu'elle soit la bonne réponse à notre préoccupation commune qu'est la démocratisation de l'accès à la culture. À titre personnel, je serais davantage favorable à ce que l'on mette l'accent sur le financement d'actions spécifiques en direction des publics les plus éloignés de la culture, pour des motifs physiques, intellectuels, géographiques, etc.
Vous m'avez d'ailleurs également interrogée à leur propos : nous faisons énormément pour eux ! Nous menons une politique de mise en accessibilité des monuments nationaux aux personnes handicapées : nous nous efforçons de respecter la loi que vous avez votée, même s'il ne sera pas possible de permettre l'accès à tous les monuments nationaux – on ne va pas installer un ascenseur extérieur pour monter aux tours de Notre-Dame en haut desquelles il ne serait de toute façon pas possible de faire passer un fauteuil roulant… Mais nous faisons autant que nous pouvons. Ainsi, nous mettons cette année en accessibilité totale le palais du Tau de la cathédrale de Reims : le monument ayant été bombardé, il est assez facile d'en remodeler l'intérieur, ce que la législation relative aux monuments historiques interdit de faire dans bon nombre de monuments.
Par ailleurs, au sein de nos éditions, deux collections sont conçues pour les handicapés visuels et auditifs et vendues à un prix très raisonnable parce qu'elles sont financées par le mécénat.
On se demande souvent si ceux qui prennent des mesures ont pensé à leur application pratique ! Je me réjouis donc que Mme de Panafieu se soit demandé comment appliquer concrètement une tarification différenciée : lorsque 6000 visiteurs se présentent en une journée d'été à l'entrée du Mont-Saint-Michel, peut-on vraiment demander aux caissières de décider, « à la tête du client », quel tarif elles doivent appliquer en fonction de l'âge et de la nationalité ? Tout au contraire, nous nous sommes efforcés de diminuer le nombre des tarifs afin de simplifier la gestion. J'en appelle à la sagesse des parlementaires pour que l'on poursuive sur cette voie de la simplification !
Je confirme que le mécénat culturel est en baisse, tandis qu'il progresse dans d'autres domaines, notamment le sport et le développement durable. Je mettrai à la disposition de votre Commission les chiffres qui nous ont été fournis par l'Admical – Association pour le développement du mécénat industriel et commercial – lors des assises qui se sont tenues en début de semaine à Marseille. Cela doit nous amener à nous demander comment mieux séduire les mécènes potentiels. On observe depuis peu une forte tendance à la multiplication d'un mécénat culturel et patrimonial de petits montants de la part de PME qui s'investissent dans le territoire et qui sont en quête d'image et de visibilité. À ce propos, il est bien évident que lors que vous donnez 5 millions d'euros pour restaurer les vitraux de la Sainte-chapelle, vous disposez d'une énorme visibilité. Mais tout le monde n'est pas la Fondation Velux… Il est fréquent qu'un mécène ne puisse consacrer que 2000 euros au monument qui se trouve sur son territoire. C'est pour cela que, là où nous avons de gros chantiers – comme à Angers où 8 millions d'euros sont nécessaires pour reconstruire le logis du château royal qui a brûlé il y a deux ans –, nous nous efforçons, avec les chambres de commerce et d'industrie, de rassembler dans des clubs de partenaires les entreprises dont les contributions sont parfois modestes mais qui souhaitent marquer leur investissement.
Une autre forte tendance est celle du mécénat pérenne et solidaire : les mécènes sont prêts à nous accompagner dans des opérations culturelles dès lors que ces dimensions y sont présentes et nous développons donc de plus en plus de projets dans ce cadre. C'est par exemple le cas de l'installation à Vincennes d'une maquette tactile pour les publics handicapés ou du recours à des entreprises d'insertion sur certains chantiers, comme à Saint-Cloud.
Vous avez été nombreux à évoquer, à juste titre, la place du tourisme dans le dispositif. Le ministre du tourisme siège, aux côtés du ministre de la culture, au sein de notre conseil d'administration, mais tout ce qui est financé au titre du budget de l'État est supporté par le ministère de la culture.
Atout France est pour nous un partenaire naturel. Des bases de données comme FranceGuide.com sont mises à la disposition des professionnels. Ayant vocation à nous adresser au public, nous diffusons chaque année 9 millions de documents d'appel ; nous avons bien évidemment un site internet ; nous menons des campagnes d'affichage ; nous avons passé 80 conventions de partenariat avec des grands acteurs comme la RATP, la SNCF, mais aussi les collectivités locales. En effet, le visiteur cherche aujourd'hui une destination et non un monument : il vient à Paris, pas à l'Arc de Triomphe… Les choses sont compliquées lorsqu'il s'agit d'un Japonais, qui passe deux jours à Paris, qui visite Versailles ou le Louvre, mais qui est aussi là pour faire ses achats avenue Montaigne. Ensuite, il se rend au Mont-Saint-Michel dont l'architecture a, par chance, une correspondance avec la culture traditionnelle japonaise. Pour notre part, nous efforçons de le tirer vers la culture. On est là dans le tourisme de groupe et nous ne discutons qu'avec les opérateurs. Pour cela, nous sommes présents dans le monde entier, dont tous les workshops, les éductours, les initiatives d'Atout France. Nous avons édité un manuel technique de vente dématérialisé, que nous distribuons notamment dans les salons du tourisme, afin que les professionnels aient toutes les informations dont ils ont besoin pour vendre la destination du monument.
En France, la compétence tourisme est déployée à travers des organismes régionaux, départementaux et municipaux et cette complexité est pour nous source de difficultés. Ainsi, on ne peut pas compter sur un office du tourisme situé à 20 km d'un monument, mais dans un autre département, pour assurer sa promotion… J'appelle donc de mes voeux une simplification de cette organisation institutionnelle.
Beaucoup a été fait en matière de numérisation : de nombreuses bases de données sont déjà en ligne, avec une partie à destination des professionnels et des scientifiques, et une autre à destination du public. Nous aidons par ailleurs tous les éditeurs privés à mettre à jour les guides qui parlent de nous. À l'heure où l'on recherche des recettes supplémentaires, il convient de se demander qui finance quoi et qui en tire bénéfice.
S'agissant de l'Hôtel de la Marine, faisant partie de la commission présidée par Valéry Giscard d'Estaing je suis astreinte à une obligation de discrétion. Mais nous avons mesuré l'étendue de la réaction du public à l'annonce du projet et nous avons compris qu'elle a pour origine l'attachement viscéral des Français à leur patrimoine, quand bien même ils ne visitent guère les monuments et les musées et ils ignoraient tout de ce monument avant que la polémique ne naisse dans la presse. La seule idée que l'on pourrait sortir du patrimoine de l'État un monument aussi emblématique de notre histoire a choqué. Vous pouvez faire confiance au bon sens des membres de la commission pour préserver toutes les parties qui relèvent de cette conception emblématique, une activité d'une autre nature ne pouvant être envisagée que dans les autres parties. Il importe donc de caractériser les espaces en fonction de la valeur patrimoniale historique qu'on leur donne et de voir quels sont les usages les plus appropriés, dans une logique économique qui ne saurait consister à solliciter le budget de l'État, qui n'en a pas les moyens.
Il est vrai que notre rapport comporte peu de développements à propos du mécénat. En fait, il nous a semblé qu'il n'y avait pas lieu de renforcer les dispositifs fiscaux en sa faveur, qui sont déjà très importants. Qui plus est, le mécénat crée une dépendance vis-à-vis de la conjoncture et de la notoriété des établissements. On observe également une concurrence entre les mécénats culturel, social et humanitaire. Enfin, n'oublions pas que le mécénat représente un coût élevé pour les finances publiques, à hauteur de 60 % des sommes engagées. On peut donc y voir une forme de subvention indirecte dont il serait intéressant, dans le cadre du travail que vous avez engagé, de voir à quoi elle aboutit ex post.
En effet, nous conduisons une mission d'information sur les nouvelles formes de mécénat.
Merci beaucoup à tous d'avoir participé à cette discussion fort intéressante.
La séance est levée à douze heures dix.