La Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes a procédé à l'audition de M. Philippe Dorge, directeur des relations sociales et du travail du groupe PSA Peugeot Citroën et M. Hervé Pichon, délégué pour les relations avec les institutions publiques françaises.
L'audition commence à seize heures quinze.
Je suis particulièrement heureuse d'accueillir cet après-midi deux membres de la direction du groupe PSA Peugeot Citroën, pour deux raisons : la première est que son principal site de production de moteurs est situé à Trémery, en Moselle, dans ma circonscription ; la seconde est que le groupe a obtenu le label Égalité professionnelle.
Le groupe PSA est en effet bien noté par les agences de notation sociale. Depuis une dizaine d'années, il développe une culture des relations sociales par l'intermédiaire de sa politique maison de relations humaines, selon un processus d'amélioration permanente. Le patron du groupe, Philippe Varin, nous a demandé d'aller au-delà, et de développer la gestion individuelle. À cet effet, nous avons signé des accords collectifs et défini un contrat social, en relation avec les organisations syndicales.
Le groupe a inauguré l'Université PSA. Philippe Varin a confié à Claude Brunet, le nouveau directeur des relations humaines (DRH), la gestion du système d'excellence opérationnelle et la formation des cadres supérieurs et des dirigeants. La partie relations sociales a été confiée à Denis Martin, le directeur industriel. Quant à moi, j'ai un double rattachement hiérarchique : DRH de la direction industrielle, et, à ce titre, responsable des 55 000 salariés d'Europe, j'en réfère à Claude Brunet pour tout ce qui relève des affaires sociales et des syndicats, mais également de la sécurité et de la santé au travail. Dès son arrivée, Philippe Varin a en effet souhaité une baisse du taux de fréquence des accidents du travail au sein du groupe. Nous avons donc mis en place un management de la sécurité, dont la mission est de mener une politique efficace, conduite au travers de vingt-trois exigences standard que nous avons formalisées et qui s'appliquent sur l'ensemble des sites PSA. Lorsqu'un accident se produit, il est analysé avec la même méthodologie quels que soient l'usine et le pays dans lesquels il advient – ce qui nous permet de bénéficier d'un retour d'expérience transversal.
L'Université PSA a pour mission d'élever le niveau des compétences dans tous les métiers du groupe. Nous y appliquons les principes du knowledge management – management des savoirs dans l'entreprise –, dans la continuité de la gestion par filières métier appliquée auparavant. Au sein de chacun des vingt-trois métiers du groupe – depuis les ateliers de montage et de ferrage jusqu'à la direction des ressources humaines en passant par le service juridique –, le responsable définit les compétences clés de son domaine et les parcours qualifiants. L'Université récupère tous ces savoir-faire, dans l'objectif de labelliser le contenu des formations.
Vous êtes directeur des relations sociales et du travail, mais également membre du comité directeur du groupe PSA. Combien de femmes celui-ci compte-t-il parmi ses membres ?
Le taux de féminisation des cadres supérieurs est passé de 6 à 11 %. Philippe Varin a demandé à chacune des directions du groupe de dépasser le taux de 7 % de femmes en 2011. Cet objectif est l'un des éléments de mon contrat.
Comptez-vous favoriser les carrières des femmes pour qu'elles puissent par la suite intégrer les comités directeurs ?
Oui, et Philippe Varin a souhaité que cette démarche soit quantifiée. Il faut objectiver tous les processus de relations humaines. C'est plus facile dans les secteurs où les talents sont également répartis entre femmes et hommes, mais ce n'est pas le cas dans l'industrie. Partant d'une situation décalée, nous devons nous fixer des objectifs et des indicateurs.
Je voudrais à nouveau saluer les accords PSA de 2005. Je les cite toujours en exemple. Le groupe, sur la base de la loi de 2001, a adopté des critères pertinents et les a étendus à l'ensemble des sites.
Madame la présidente, nous vous remettrons un exposé qui reprend l'historique de la façon dont le groupe PSA a appliqué les accords.
En 2003, le groupe PSA a signé avec les organisations syndicales un premier accord d'une durée de trois ans sur le développement de l'emploi féminin et de l'égalité entre les femmes et les hommes. Si le groupe a signé cet accord, c'est tout simplement pour appliquer la loi. Nous partions d'une situation dont nous n'étions pas très fiers, car compte tenu du faible taux de féminisation des écoles d'ingénieurs et des filières techniques – environ 14 % –, le monde industriel était très loin de la parité. Jusque dans les années 1990, on trouvait très peu de femmes dans les usines car il leur était interdit de travailler la nuit. Nous avons décidé de progresser sur ce point. Le rapport de situation comparée nous a permis d'établir un diagnostic et de définir des indicateurs. Nous sommes, je le répète, dans un processus d'amélioration permanente. Nous avons nommé une commission de suivi Égalité au niveau central et doté chacun de nos établissements d'une commission ad hoc.
En 2004, le groupe a également signé l'accord sur la diversité et la cohésion sociale dans l'entreprise. Nous avons pris soin de séparer ces deux négociations, bien que l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes soit un aspect de l'égalité des chances.
C'est à cette époque qu'est né le label Égalité, à l'initiative de Mme Nicole Ameline, suivi par le label Diversité, tous deux délivrés par l'Agence française de normalisation (AFNOR). Le groupe PSA a obtenu les deux labels et s'apprête à signer un troisième accord sur l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.
Le bilan tel que nous le présentons aux organisations syndicales, précise les cinq domaines de nos engagements : féminisation des recrutements et mixité de l'emploi ; égalité salariale et promotionnelle ; mixité dans les parcours professionnels, à savoir la féminisation des métiers et des compétences, en lien avec la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC). En effet, les femmes sont souvent concentrées dans les métiers qui évoluent peu. Lorsque nous souhaitons nommer un directeur d'usine, nous constatons que le « vivier » ne contient pas de femmes, simplement parce qu'aucune femme n'a occupé un poste de chef de fabrication. Il faut donc faire évoluer la mixité au sein des filières. Le quatrième champ de l'accord concerne l'amélioration des conditions de vie et de travail – il s'agit de concilier vie professionnelle et vie familiale. Nous avons fait le choix d'y intégrer la question des violences conjugales, en lien avec la politique publique et les campagnes de prévention engagées pour prévenir ces violences. Enfin, le cinquième domaine de l'accord porte sur la communication et la sensibilisation.
Votre travail a été exemplaire. Le rapport annuel de situation comparée (RSC) est-il intégré à votre bilan, comme le prévoit la loi de 2006 ?
Sachant que les syndicats considèrent que l'égalité professionnelle ne constitue pas véritablement une question prioritaire, que pensent-ils de l'obligation de présenter un RSC ?
En France, la tendance n'est pas à la simplification. Cela se vérifie dans le domaine de l'audit social. Le bilan social, né à la fin des années 1970, a constitué un progrès important, mais il est totalement périmé tant par rapport à la loi sur les nouvelles régulations économiques, dite loi NRE, qu'aux normes internationales de type Global Network initiative. C'est là l'avis des quelques professeurs d'université, tel que Jacques Igalens, professeur d'audit social à l'université de Toulouse, qui travaillent sur cette question, mais aussi celui de l'Institut de l'audit social (IAS).
Le RSC est une très bonne base, mais il faut laisser une marge de liberté au dialogue social et conserver une certaine dose de volontariat. Il ne serait pas opérationnel de fixer dans la loi des critères trop exigeants. Il faut laisser aux entreprises le temps d'atteindre une certaine maturité. Cela peut prendre jusqu'à huit ou neuf ans.
Les organisations syndicales sont selon moi favorables au RSC. Il serait d'ailleurs intéressant de pouvoir l'adapter à chaque entreprise, car certains indicateurs ne peuvent être jugés qu'en fonction de la taille de celle-ci.
L'accord que nous venons de signer comporte un objectif au niveau du management supérieur qui ne figurait pas dans les accords antérieurs. Actuellement, sur les huit personnes qui composent le comité de direction général de PSA, il n'y a qu'une femme ; au sein du comité des directeurs, qui compte 80 personnes, on ne compte que 6 % de femmes.
Parmi les cadres supérieurs, sous-directeurs et directeurs, nous avons 7 % de femmes. J'ai pour mission d'augmenter de 10 % en un an le nombre de femmes à la direction industrielle en les recrutant au sein des cadres et en faisant appel aux candidatures extérieures.
Le rapport de situation comparée est intéressant, car il montre la régularité de la progression des carrières. Il faut parvenir à fissurer le « plafond de verre » ! Nous avons, Jean-François Copé et moi-même, déposé récemment une proposition de loi visant à imposer un quota de 40 % de femmes dans les conseils d'administration des sociétés cotées. Je ne comprends pas que certains souhaitent légiférer sur les comités directeurs, car il suffit de respecter le rapport annuel.
Il est important de nommer des femmes, mais il ne faudrait pas pour cela organiser un management parallèle. La plupart des entreprises ont compris l'urgence de l'égalité professionnelle, et beaucoup préfèrent anticiper avant de devoir se conformer à une législation. Si nous voulons nommer des femmes, il faut les mettre en situation de prendre les commandes. Philippe Varin souhaite que pour chaque nomination soient proposés trois candidats – une personne du sérail, une femme et une candidature internationale. Il faut en outre intéresser le management à la féminisation. Moi-même, je devrai, au cours de cette année, recruter sept femmes.
Ce n'est pas rien ! Le groupe PSA représente combien de sites sur l'ensemble de la planète ?
Nous avons une vingtaine de sites en France, une trentaine dans le monde.
Pour recruter une femme, j'utilise nos systèmes de pronostic. Je choisis parmi une liste de vingt-cinq femmes celle qui conviendra le mieux. Cette année, je vais étudier la candidature de dix femmes.
Existe-t-il une différence entre les hommes et les femmes par rapport à la tranche d'âge au cours de laquelle s'effectue leur recrutement ?
Chez PSA, 10 % des cadres de plus de 50 ans sont des femmes, mais elles représentent 30 % des cadres de 35 ans. C'est le fruit de la politique que nous conduisons depuis les années 2000. Nous cherchons à recruter un plus grand nombre de femmes ingénieurs.
Mais notre politique doit aussi porter ses fruits dans l'immédiat, comme nous y engagent nos accords. Nous nous attachons à assurer un taux de féminisation suffisant pour différentes catégories, comme celle des techniciens, sans négliger le recrutement extérieur. Il faut trouver un équilibre, car les femmes qui sont dans l'entreprise ne supportent pas toujours très bien de voir une femme de l'extérieur occuper un poste de direction. Pour une entreprise industrielle comme la nôtre, l'enjeu n'est pas la parité, mais l'égalité.
J'en reviens au label. PSA, je le répète, fait partie du club des entreprises labellisées, qui vient de devenir européen. La délégation interministérielle semble porter un jugement négatif sur cette évolution…
Si vous attendez la réaction de la délégation interministérielle, vous pouvez dormir en paix ! Je salue l'action de votre groupe, qui a su prendre le train en marche et poursuivre sa politique, sans le soutien des pouvoirs publics, même si Nicole Ameline a été exemplaire…
Nous avons en effet perdu la trace de la politique publique.
C'est un problème majeur. Il n'y a aucune continuité dans la politique menée en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes. Chacun veut poser sa pierre : c'est une bonne chose, mais il aurait été préférable de poursuivre ce que Nicole Ameline avait enclenché.
C'est exact. Au lieu de faire voter une loi pour marquer son passage, chaque ministre devrait organiser l'administration sur cette question et animer le débat. Par exemple, il serait facile pour les pouvoirs publics d'encourager les entreprises qui ont obtenu le label, par le biais d'aides publiques. Qui, aujourd'hui, connaît le label Égalité professionnelle ? Personne.
Je me suis rendu dans nos concessions Peugeot et Citroën pour leur demander de présenter le label aux clients. Cela n'a pas été facile…
Jean-Pierre Jouyet, lors de l'examen de notre proposition de loi, nous a fait la même suggestion !
Les commerçants comprendront très vite qu'ils ont intérêt à mettre en avant le label Égalité. J'ai demandé qu'il figure sur les plaquettes du groupe, à côté du label Diversité, conformément à l'axe 5 de notre accord sur la communication et la sensibilisation.
M. Philippe Dorge présente à Mme la présidente le rapport de situation détaillée du groupe PSA qui détaille la situation de l'entreprise en matière d'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes.
Vous avez accompli un travail remarquable, que j'attendais depuis longtemps. Je m'efforce depuis dix ans de faire comprendre l'importance d'un tel document.
Vous avez raison. En matière de salaires, par exemple, le rapport de situation comparée analyse les écarts entre les hommes et les femmes – certains s'expliquent par l'ancienneté. Comme vous pouvez le constater, les chiffres qui ne se justifient pas sont soulignés en rouge. Certains écarts sont structurels. Ce document permet au manager de préparer la campagne salariale de l'année suivante en orientant le budget spécifique des augmentations individuelles. Dans le cadre de la préparation des négociations salariales, qui auront lieu la semaine prochaine, nous prévoyons de consacrer 10 % du budget des augmentations individuelles au traitement des écarts.
Dès qu'il a pris la tête du groupe, Philippe Varin a pris en main la question de l'égalité professionnelle pour les 55 000 salariés du groupe. Il attache une grande importance à son rôle au sommet de la pyramide et entend donner l'exemple en nommant des femmes parmi les cadres supérieurs et les dirigeants.
Ainsi qu'au conseil de surveillance, composé de cinq femmes sur une vingtaine de membres.
Dont deux femmes de la famille du constructeur.
Le groupe PSA a réussi à établir un rapport de situation comparée : pourquoi est-ce trop complexe pour certaines entreprises ?
Il faut que les entreprises y trouvent un intérêt. Le bilan social, lui, est une obligation légale.
C'est également le cas du RSC. Si les entreprises ne l'établissent pas, c'est que leurs dirigeants n'ont pas intérêt à rechercher l'égalité professionnelle.
Les dirigeants doivent s'intéresser à la question – j'y suis personnellement très sensible car j'ai quatre filles… Traiter le sujet de l'égalité professionnelle implique de reconsidérer l'ensemble du processus des relations humaines dans l'entreprise. C'est un facteur de progrès social, mais il oblige la direction générale à remettre en question la façon dont elle recrute, dont elle distribue les augmentations individuelles, et à se demander si les conditions de travail sont satisfaisantes.
Instaurer la mixité est une excellente chose. Notre site d'Aulnay-sous-Bois, dont le taux de féminisation n'est que de 4 %, connaît un certain nombre de problèmes sociaux.
Le label donne à la puissance publique des moyens d'action sur les entreprises, en particulier sur les grands groupes, avec la notation sociale et le rapport de situation comparée. Sans toutefois aller jusqu'à un système de bonus-malus, la puissance publique devrait pouvoir intéresser les entreprises qui se comportent bien.
Alors que j'avais un contact très difficile avec M. Seillière, Mme Parisot, lors de l'élaboration de notre proposition de loi, a bien compris que ces contrôles étaient un mal nécessaire. Les entreprises qui se comportent comme la vôtre sont rares. Tout le monde doit parvenir à admettre que ces contrôles sont un facteur d'évolution pour l'entreprise et d'amélioration des conditions de travail.
J'ai compris, en visitant le site de Trémery, l'intérêt d'améliorer l'ergonomie des postes de travail : cela facilite les conditions de travail des femmes mais aussi celles des hommes. Je le répète, je suis très satisfaite du travail que vous avez accompli chez PSA.
S'agissant du processus de labellisation, l'AFNOR poursuit son travail, et notre commission fait de même. Comme je vous l'indiquais, nous avons tenu à intégrer dans notre bilan la prévention des violences conjugales, suivant en cela l'exemple du site PSA de Madrid.
Deux auditeurs sociaux, labellisés et certifiés par l'Institut international de l'audit social (IAS), travaillent au sein de la DRH, avec pour mission de préparer les accords, de vérifier leur application sur le terrain auprès des services de recrutement et d'aider à la mise en place des politiques du groupe. L'audit social vérifie qu'il n'y a pas d'écart entre la politique annoncée, les engagements et la réalité.
Nous avons aussi subi des vents contraires. La crise nous a amenés à mettre en place un plan de départs volontaires. Ce plan concerne davantage de femmes que d'hommes, mais le taux de féminisation chez PSA n'a pas changé depuis deux ans, et toute crise a une fin. L'important est d'agir dans la durée.
L'audition s'achève à dix-sept heures quinze.
La Délégation procède ensuite à l'audition de Mme Élisabeth Tomé-Gertheinrichs, chef du service des droits des femmes et de l'égalité entre les femmes et les hommes au ministère des solidarités et de la cohésion sociale et Mme Catherine Laret Bedel, chef du bureau de l'égalité entre les femmes et les hommes dans la vie professionnelle au ministère des solidarités et de la cohésion sociale
La séance est ouverte à dix-sept heures vingt-cinq.
Je vous remercie beaucoup, madame, d'être à nouveau parmi nous afin de poursuivre votre audition commencée la semaine dernière.
Pouvez-vous revenir sur la composition des effectifs de votre service ?
Le service des droits des femmes et de l'égalité entre les femmes et les hommes du ministère des solidarités et de la cohésion sociale compte 187 personnes : 142 réparties sur l'ensemble du territoire – dans notre réseau – et 45 en administration centrale, dont une vingtaine affectée aux fonctions support – ressources humaines, statistiques, élaboration des chiffres clés, communication, etc. Ces vingt agents sont les seuls à avoir été mutualisés avec les équipes de gestion de la Direction générale de la cohésion sociale (DGCS), le reste des effectifs étant indépendant et dédié aux missions « Droits des femmes et égalité entre les femmes et les hommes ».
Nous gérons nous-mêmes le plafond d'emplois « Égalité entre les hommes et les femmes » et le suivi des équivalents temps plein – il n'y a aucune fusion entre nos effectifs affectés aux droits des femmes et ceux du programme 124 « Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative ».
Il y a une – ou un – chargée de mission par département. Néanmoins, conformément à l'organisation antérieure à la révision générale des politiques publiques (RGPP), ce peut être la déléguée régionale et sa collaboratrice – ou son collaborateur – qui prennent en charge la fonction de chargé(e) de mission départementale. Ensuite, lors de la mise en oeuvre de la RGPP, la consigne a été de plutôt favoriser une implantation départementale : un certain nombre de nos collaboratrices sont alors parties dans un département pour exercer leurs fonctions. Dans deux ou trois régions, par exemple en Franche-Comté, la situation antérieure est maintenue à la demande du préfet. En Bretagne, la situation évolue : nous aurons bientôt une chargée de mission départementale pour l'Ille-et-Vilaine, alors qu'auparavant les deux fonctions étaient assumées par la déléguée régionale et sa collaboratrice.
Le chargé de mission dans les Alpes-de-Haute-Provence fait un travail remarquable. Mais il est le seul homme dans toute la France à exercer cette fonction. Il serait d'ailleurs intéressant de l'auditionner : les hommes voient peut-être mieux les choses…
Nous sommes favorables à la masculinisation de la fonction et pensons utile d'arriver progressivement à une mixité dans les équipes.
Un certain nombre d'entreprises s'investissent pour établir un rapport de situation comparée (RSC). PSA, en s'appuyant sur la loi de 2001 relative à l'égalité professionnelle, est exemplaire dans ce domaine.
Effectivement, le nouvel accord 2011 de PSA, encore plus approfondi que celui de 2006, me laisse admirative. Il est donc faux de dire que l'établissement d'un RSC est difficile : c'est simplement une question de volonté ! Comment le faire comprendre ?
Comme je vous l'ai dit la semaine dernière, il existe des résistances collectives. C'est pourquoi les décrets d'application de l'article 99 de la loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites devront ne pas être en retrait : ils devront être les garants d'une généralisation du RSC pour nous permettre d'être très exigeants vis-à-vis de nos partenaires.
Je pense que nous avons perdu beaucoup de temps depuis la loi de 2006 sur l'égalité salariale, et j'espère que les décrets imposeront la rédaction du RSC, sans faire d'amalgame avec le plan d'actions.
Tout l'enjeu est là. Les décrets devront définir le RSC comme l'instrument essentiel de la politique de l'égalité dans une entreprise, et cadrer son contenu.
En Poitou-Charentes, la déléguée régionale est également déléguée départementale, et les moyens dont elle dispose sont insuffisants. Dans cette région, nous a-t-elle dit, seuls 79 RSC ont été réalisés et 17 accords « égalité professionnelle » signés.
En revanche, la délégation aux droits des femmes de Poitou-Charentes a réalisé il y a quelques années un guide très intéressant, qui a servi de modèle dans les autres régions.
Effectivement, nous sommes dans une logique de mise en commun des bonnes pratiques. Les déléguées régionales et les chargées de mission départementales réalisent souvent des brochures « concurrentes ». Celle de Poitou-Charentes est exemplaire, d'autres sont de moins bonne qualité, d'où l'intérêt de mutualiser et de diffuser les bons outils sur le territoire.
Le pilotage du réseau, auquel nous demandons de mettre en oeuvre les priorités qui ont été fixées, est un enjeu essentiel. D'où le programme d'actions interministérielles dont Mme Bachelot-Narquin, ministre des solidarités et de la cohésion sociale, parlera dans les prochaines semaines, et notre demande d'élaboration d'un programme stratégique régional en matière d'égalité entre les femmes et les hommes que le préfet fera passer en comité d'action régionale (CAR).
La Commission nationale de la négociation collective du 6 novembre 2009, où les partenaires sociaux s'étaient réunis à l'initiative de M. Xavier Darcos, alors ministre du travail, m'avait confortée dans l'idée que le sujet de l'égalité professionnelle n'avancerait pas tant que des sanctions financières ne seraient pas prévues.
Après la loi du 23 mars 2006 relative à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes, des groupes de travail ont été mis en place, dont un sous l'égide de Mme Anne de Ravaran, directrice juridique Ressources humaines du groupe Thalès. Un guide sur le rapport de situation comparée (RSC), issu du groupe de travail de 2007-2008, figure à la fois sur notre site et sur celui du ministère du travail.
Le groupe PSA s'est appuyé, lui, sur la loi de 2001 ! Ses premiers accords ont été conclus en 2003 et, aujourd'hui, son RSC s'améliore constamment. C'est la preuve que les critères pertinents contenus dans la loi de 2001 étaient suffisants ; malheureusement, les entreprises ne s'en sont pas emparées.
C'est la raison pour laquelle le groupe de travail sur le RSC était conduit par un directeur des ressources humaines (DRH) d'entreprise qui s'adressait, avant tout, aux entreprises pour répondre à leurs demandes et voir ce qu'elles étaient capables de faire.
L'utilisation du guide est patente : des rapports de situation comparée ont été réalisés et des accords conclus. Le nombre des accords a d'ailleurs progressé en 2009, de 4,8 % à 6 %.
L'article 99 de la loi portant réforme des retraites mentionne un accord relatif à l'égalité professionnelle ou, à défaut, un plan d'action reposant sur le rapport de situation comparée qui, de ce fait, est enrichi. Il doit ainsi comporter des objectifs de progression, un bilan et l'évaluation des coûts. Cet enrichissement constituera une base de négociation pour les partenaires sociaux.
Dans son nouvel accord 2011-2013 qui sera prochainement signé, PSA a ajouté les violences. C'est la politique de l'égalité telle que je la conçois.
L'enseigne Champion, devenue Carrefour Market, propose de signer un accord du même genre.
Le site de la Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES), du ministère du travail, présente des accords de branche relatifs à l'égalité professionnelle, dont je vous ai apporté quelques exemplaires. Celui de l'Observatoire sur la responsabilité sociétale des entreprises (ORSE) présente quelques accords de branche et d'entreprise.
Il faut l'accélérer. Les entreprises qui se sont investies pour aboutir à des accords, notamment les entreprises labellisées comme PSA, sont convaincues que les progrès réalisés en collaboration avec les partenaires sociaux constituent un investissement à long terme.
Pour nous, la disposition législative ambitieuse qu'est l'article 99 de la loi de 2010 portant réforme des retraites doit être mise en musique.
D'autant que la loi de 2006 prévoyait que de nouvelles dispositions législatives devraient définir des sanctions avant 2010.
Le montant de la pénalité désormais fixé à 1 % de la masse salariale est-il une bonne chose ? N'aurait-il pas été préférable d'imaginer une sanction autre que celle du modèle des dispositifs relatifs à l'emploi des seniors et des handicapés ?
La sanction est modulable et le montant de 1 % constitue un maximum. Je crois donc beaucoup plus à l'obligation de transparence qu'à la sanction. D'où, encore une fois, l'importance du contenu des décrets d'application. L'obligation de transparence permet aux organisations syndicales et même aux pouvoirs publics motivés de passer à l'étape suivante, c'est-à-dire à l'établissement d'un palmarès des entreprises mettant en oeuvre l'égalité professionnelle.
Il était difficile de proposer une autre formule au titre de la sanction, sachant que le Conseil d'État avait exigé un montant maximal au regard des efforts déployés par l'entreprise. Or, les efforts sont difficiles à mesurer. C'est pourquoi nous sommes un peu circonspectes en la matière.
La palette des sanctions possibles est limitée. Mais montrer du doigt une entreprise crée une pression d'une autre nature : c'est tout l'intérêt de la transparence.
C'était la raison d'être de l'article 6 de la proposition de loi relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d'administration et de surveillance, que les sénateurs ont supprimé !
Je pense que la transparence ne suffit pas, d'autant que l'égalité professionnelle ne me semble pas intéresser beaucoup de gens. Les sanctions sont nécessaires : c'est bien pour cela que nous avons dû voter la loi sur la parité en politique. On peut toujours exiger l'établissement d'un rapport de situation comparée mais si le non-respect d'une obligation n'est pas sanctionné, les choses n'avanceront pas.
Le montant de 1 % est élevé. Si une entreprise cumule les pénalités « seniors », « handicapés » et « égalité femmes-hommes », cela fera beaucoup !
Je vous rappelle que dans un autre domaine, celui du logement social, il existe une obligation de faire, une sanction et une transparence. Or, les communes préfèrent payer les amendes.
Sur le principe, la sanction n'a pas été remise en cause. C'est en fait sa définition qui fait l'objet d'une réflexion. À ce sujet, le travail des délégations parlementaires est, pour nous, très important.
Elle est très volontaire sur la question, d'autant qu'elle est également membre du groupe des entreprises au CESE.
Il sera très important de mobiliser les petites et moyennes entreprises (PME) qui constituent le tissu économique de notre pays. Quelques initiatives ont été prises à leur intention, comme le Diagnostic égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, document proche du rapport de situation comparé (RSC), désormais mis à la disposition des entreprises de 19 à 49 salariés.
Les PME de plus de 50 salariés, soumises à la loi, sont accompagnées dans l'élaboration du RSC par les organismes paritaires collecteurs (OPCA) et l'AGEFOS PME qui travaille beaucoup sur l'égalité professionnelle.
Pour les entreprises de moins de 50 salariés, qui ne sont pas tenues d'établir un rapport de situation comparée, mais doivent avoir des objectifs en matière d'égalité professionnelle, la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV) a mis en oeuvre le diagnostic égalité professionnelle. À partir des données déclarées dans les déclarations automatisées des données sociales (DADS), ce document est mis à la disposition des entreprises dont il présente la situation comparée des salarié-e-s dans différents domaines : effectifs, embauches, départs, âge moyen, rémunérations... Ce tableau assez simple permet aux petites entreprises de mettre en évidence les inégalités qui peuvent exister entre les femmes et les hommes. À partir de là, les conseillers de l'AGEFOS PME peuvent se mobiliser pour les aider à construire des actions.
L'Association des experts-comptables, (ANECS) dont nous avons rencontré le président, ainsi que le principal diffuseur des logiciels de paie ont relayé cette question de l'égalité professionnelle en concevant une plaquette dédiée à ce sujet en direction des PME.
Vous avez raison : les petites entreprises constituent une cible privilégiée, car elles doivent impérativement être accompagnées.
Les contrats de mixité ont fait l'objet d'un bilan nuancé. Les entreprises pensaient que l'éligibilité au contrat de mixité ou au contrat pour l'égalité professionnelle était conditionnée à l'existence d'un accord d'entreprise préalable ou au nombre de salariés.
C'est pourquoi, en juin 2010 Mme Nadine Morano, alors secrétaire d'État chargée de la famille et des solidarités, a annoncé la mise en place d'un contrat unique dit « mixité égalité », qui lève toute ambiguïté sur les conditions d'éligibilité, puisqu'il permet aux entreprises de financer toute action en matière d'égalité professionnelle.
Ces contrats d'un nouveau genre seront soumis au mois de mars au Conseil supérieur de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, et les décrets paraîtront dans la foulée.
Il me semble fondamental d'établir un bilan de toutes les actions mises en oeuvre en matière d'égalité professionnelle, ne serait-ce que parce qu'il pourra un jour être demandé par les entreprises.
Effectivement, il serait intéressant que toutes les entreprises aient accès à un document de ce type, qui leur permettrait d'être mieux informées. Cela est d'ailleurs prévu.
Nous sommes convenues avec les déléguées régionales d'organiser un atelier qui portera sur un diagnostic partagé des dispositifs existants dans le but de faire émerger de nouvelles pistes d'actions. Nous avons en effet le sentiment que si beaucoup de choses intéressantes existent, elles devraient être complétées par de nouvelles actions.
La séance est levée à dix-huit heures vingt-cinq.