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Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république

Séance du 9 mars 2011 à 10h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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La séance

Source

La séance est ouverte à 10 heures 30.

Présidence de M. Jean-Luc Warsmann, président.

La Commission examine, sur le rapport de M. Didier Quentin, le rapport d'information de la mission d'information sur le bilan et l'adaptation de la législation relative à l'accueil et l'habitat des gens du voyage.

PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Nous allons examiner le rapport de la mission d'information sur le bilan et l'adaptation de la législation relative à l'accueil et l'habitat des gens du voyage, présidée par M. Didier Quentin, qui en est également le rapporteur, MM. Charles de La Verpillière et Dominique Raimbourg étant membres de cette mission.

PermalienPhoto de Didier Quentin

Mes chers collègues, je vous présente aujourd'hui le rapport de la mission d'information sur le bilan et l'adaptation de la législation relative à l'accueil des gens du voyage qui a été adopté hier à l'unanimité de ses membres. Vous vous souvenez que ce rapport marque l'aboutissement du travail à bien des égards constructif et pragmatique que Charles de la Verpillière, Dominique Raimbourg et moi-même avons entrepris voici plusieurs mois déjà sur l'accueil et l'habitat des gens du voyage. Nous sommes là face à une question qui se pose de manière récurrente, notamment chaque été, à l'ensemble des élus.

L'élaboration du rapport nous a conduit à entendre, au fil de quelques vingt-cinq auditions et d'un déplacement dans l'Ain, de nombreux fonctionnaires, acteurs de la société civile, élus locaux et évidemment associations représentant les gens du voyage. J'insiste ici sur le nombre des personnes auditionnées parce que de mon point de vue, la diversité de leur profil constitue la manifestation la plus évidente de l'une de nos volontés constantes : se garder de tout a priori et appréhender les questions que peuvent poser l'accueil et l'habitat des gens du voyage dans une perspective plus vaste.

Dans cette optique, nous n'avons pas souhaité borné le champ de nos investigations à la seule évaluation de la loi du 5 juillet 2000, dite loi « Besson ». Nous avons choisi de traiter également des questions pratiques de maintien de l'ordre ainsi du problème plus général des modalités de l'insertion des gens du voyage dans la société française.

Au terme de cette longue réflexion – une réflexion de plus d'une année – quelques constats s'imposent.

S'agissant de l'application de la loi du 5 juillet 2000, le premier constat est que la réalisation des objectifs de création et d'aménagement d'aires permanentes d'accueil accuse un certain retard : même si les 96 départements métropolitains ont adopté les schémas départementaux prévus par la loi, à la fin de l'année 2009 seuls 48 % des prescriptions des schémas avaient été réalisées. Il faut dire que ces créations et aménagements représentent un investissement coûteux et qu'il existe des obstacles objectifs, chacun d'entre vous le sait. Je pense ici à la disponibilité foncière, aux contraintes naturelles qui limitent la possibilité d'implantation d'aires permanentes (telles que le relief, la nature du terrain et à la nécessité de protéger des paysages), à la durée souvent longue des procédures d'urbanisme – puisque il faut souvent réviser le plan local d'urbanisme – et, enfin, le coût réel des aires de stationnement, souvent sous-évalué dans le calcul des subventions de l'État.

Suivant un deuxième constat, les aires d'accueil ne répondent plus nécessairement aux besoins de la population des gens du voyage. Celle-ci connaît des évolutions profondes mais contradictoires entre une tendance assez largement répandue à la semi-sédentarisation et la persistance d'une tradition d'itinérance.

Ce dernier trait – cette évolution sociologique – nous amène d'ailleurs à formuler un troisième constat : celui de l'émergence de deux problématiques nouvelles que constituent celles des « grands passages » mais également de l'aménagement de terrains familiaux. En raison de leur nouveauté, ces deux problématiques ne pouvaient sans doute pas être prises en compte dans le cadre de la loi de 2000 et il convient d'y apporter des réponses appropriées.

Au terme de cette année d'audition et de réflexion, nous avons acquis la conviction que, par-delà une véritable montée en puissance des investissements des collectivités locales, les pouvoirs publics et l'État en particulier doivent redéfinir une véritable politique d'accueil des gens du voyage, une politique qui, quoi qu'il en soit, ne saurait se limiter à la multiplication des équipements et places de stationnement.

Dans ce but, la mission a retenu trois orientations déclinées en quinze propositions que je vous résume ici rapidement.

La première orientation porte sur l'achèvement les plans de création et d'aménagement des aires permanentes d'accueil et la promotion d'un habitat adapté. A cet effet, la mission préconise notamment :

– premièrement, de rendre plus aisée et systématique l'utilisation par les préfets de leur pouvoir de substitution en cas de non respect des obligations fixées par la loi et des engagements pris dans le cadre des schémas départementaux ;

– deuxièmement, de maintenir le dispositif de subventionnement par l'État des aires d'accueil prévues par les schémas départementaux ;

– troisièmement, de prendre en compte les emplacements dans les aires d'accueil au titre des obligations en matière de logement social ;

– quatrièmement, de prévoir explicitement dans la loi que les plans locaux d'urbanisme et les documents en tenant lieu doivent prendre en compte les besoins des gens du voyage ;

– enfin d'inscrire les objectifs de création des terrains familiaux dans les schémas départementaux afin de mieux répartir les obligations d'accueil et d'habitat des gens du voyage.

La deuxième orientation vise à mieux organiser les « grands passages » en responsabilisant les acteurs concernés. Ceci suppose aux yeux de la mission :

– d'abord, le transfert à l'État de la compétence pour désigner les terrains des « grands passages », maîtriser le foncier, procéder aux aménagements, prévoir et organiser l'occupation des terrains ;

– ensuite, renoncer à imposer des terrains permanents pour les « grands passages » et alléger les normes d'aménagement de ces terrains.

La troisième et dernière orientation de la mission dépasse, quant à elle, en partie le strict cadre de la loi du 5 juillet 2000 pour les raisons que j'ai exposées précédemment. Elle touche en effet à un principe essentiel autour duquel les membres de la mission ont pu se retrouver. Je veux parler de l'équilibre entre une reconnaissance des droits et le nécessaire rappel des devoirs. Sous réserve des nécessités du maintien de l'ordre qui sont essentielles, on ne saurait dénier aux gens du voyage des libertés et droits reconnus sur le territoire de la République.

Aussi, la mission propose-t-elle d'abord – et j'insiste sur ce point – le remplacement des titres de circulation par une « carte de résident itinérant », étant entendu que la possession de ce titre serait facultative et conditionnerait avant tout l'accès aux aires permanentes d'accueil. Il s'agit là de l'aboutissement de nos réflexions dont j'avais rappelé la nécessité de respecter les conclusions lors du débat que nous avons eu dans l'hémicycle à ce sujet le 26 janvier dernier. A l'occasion de l'examen de la proposition de loi déposée par notre collègue Dominique Raimbourg, j'avais en effet insisté sur la nécessité d'attendre que notre mission rende ses conclusions.

Ensuite, il est proposé la réduction de la durée de résidence dans une même commune nécessaire à l'inscription sur les listes électorales de trois années à six mois, à l'instar des règles applicables aux sans domicile fixe, car on ne voit pas pourquoi des règles différentes en la matière s'appliqueraient aux gens du voyage.

Enfin, la mission propose le renforcement dans les schémas départementaux des dispositions concernant l'accès aux droits sociaux et l'amélioration de la scolarisation des enfants, en particulier des jeunes filles – qui détiennent les clés du progrès comme en bien d'autres domaines.

Mais l'on ne saurait davantage admettre qu'en raison des particularités de leur mode de vie, certains de nos concitoyens s'exonèrent du respect des obligations et des principes qui permettent la vie en société. Je le répète : les gens du voyage ont certes des droits mais également des devoirs. Dans cet esprit, la mission entend :

– d'abord, rendre possible l'évacuation forcée des terrains occupés illégalement à la demande des maires qui ont respecté leurs obligations en matière d'aménagement d'aires permanentes d'accueil ; nous constatons tous en effet que les élus locaux sont trop souvent désarmés face à ces problèmes ;

– ensuite réglementer les « grands passages » en exigeant que les groupes de gens du voyage qui y participent déclarent à l'avance leur passage et désignent un responsable pour la sécurité. Là encore, nous manquons souvent de moyens pour faire face aux problèmes posés par les « grands passages ». Ceci est d'autant plus vrai que dans les groupes concernés, il n'y a souvent plus de patriarche qui puisse comme autrefois exercer une autorité.

Pour ceux qui ne respectent pas la loi, il faut faire preuve d'une grande fermeté ; comme l'indique le titre que la mission a choisi pour son rapport, le respect des droits et des devoirs est la condition nécessaire pour rétablir un climat de confiance dont nous manquons aujourd'hui sur le sujet.

Mes chers collègues, je crois que ces mesures sont véritablement des mesures de bon sens, des mesures qui, non seulement, contribueront à une meilleure application de la loi mais permettront également de poursuivre, sans angélisme ou diabolisation mais avec un sens aigu des réalités, la longue tradition de tolérance dont notre pays s'honore vis-à-vis des gens du voyage.

C'est pourquoi avec Charles de la Verpillière et Dominique Raimbourg, je vous demande d'autoriser la publication du rapport que je viens de vous présenter.

Je vous en remercie par avance.

PermalienPhoto de Dominique Raimbourg

Beaucoup a été dit par le rapporteur. Pour ma part, je souhaiterais insister sur le caractère équilibré du résultat des travaux de notre mission d'information.

Ce rapport est tout d'abord équilibré car il fait entrer les gens du voyage dans un dispositif de droit commun, en proposant de faciliter l'accès au droit de vote, de leur attribuer plus aisément la carte nationale d'identité, de supprimer les titres de circulation dont les membres des forces de l'ordre reconnaissent eux-mêmes l'inutilité et enfin d'assimiler les aires d'accueil aux logements sociaux pris en compte au titre des contingents prévus par la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU).

Ce rapport est également équilibré en ce qu'il préconise une relance des aires d'accueil, avec une demande de relance de la politique de subvention et une substitution de l'autorité préfectorale en cas de défaillance des communes. De même, une attention tout particulière est portée au renforcement des droits sociaux des gens du voyage et à la scolarisation de leurs enfants.

Ce rapport propose enfin un nouvel équilibre entre les instances publiques, grâce au renvoi de la gestion des grands passages à l'État et au recours possible à la force publique, à la demande des maires des communes qui respectent leurs obligations d'accueil, pour l'évacuation des terrains indûment occupés.

Pour toutes ces raisons, le travail auquel notre mission d'information a abouti me paraît satisfaisant. Reste à mettre en oeuvre les propositions qu'il contient.

PermalienPhoto de Michel Hunault

À la lecture du travail de la mission d'information, certains chiffres sont édifiants. Pour ce qui concerne la scolarisation des enfants des gens du voyage notamment, l'on apprend que si 70 % des filles vont à l'école, seulement 30 % poursuivent un cursus annuel complet. De ce fait, ne pensez-vous pas qu'il serait opportun de conditionner plus étroitement la mise en oeuvre des droits sociaux à la scolarisation effective des mineurs ?

PermalienPhoto de Guy Geoffroy

Je m'associe aux remarques saluant la qualité et l'équilibre du travail de cette mission d'information et de son rapporteur. Ce rapport dresse un constat convergeant avec mes observations d'élu de terrain appliquant scrupuleusement depuis vingt ans la législation en vigueur sur ce sujet et j'adhère à 98 % aux analyses et propositions formulées.

S'agissant des aires de grand passage cependant, mon expérience personnelle m'incline à penser que la mobilité des terrains, parfois avancée comme un moyen de résoudre certaines difficultés d'accueil, serait une « fausse bonne idée ».

En effet, même lorsqu'ils respectent leurs obligations d'accueil, les élus locaux sont souvent confrontés à une sorte de jeu du chat et de la souris de la part de certains groupes de gens du voyage. Il est plus facile de convaincre les groupes quand on est en mesure de leur présenter à l'avance un terrain affecté aux grands passages, le dialogue entre la municipalité et ces communautés se révélant alors fructueux. Lorsque les agglomérations disposent de plusieurs aires d'accueil, dont les vocations sont différentes, il est quasiment sûr que les communautés de gens du voyage réclament à leur arrivée de visiter chaque aire d'accueil et se livrent à des négociations dilatoires pour choisir leur emplacement.

En conséquence, s'il ne faut pas exclure totalement l'hypothèse de la mobilité des terrains, il ne faut pas non plus envisager de la généraliser. Dans mon agglomération, deux communes ont accepté d'augmenter les places de leurs aires d'accueil ordinaires, en échange du consentement d'une troisième à mettre à disposition un terrain de son ressort pour les grands passages sans qu'il y ait eu besoin de grands aménagements. C'est d'ailleurs l'esprit du rapport que d'éviter des solutions coûteuses. L'idée est donc de s'adapter aux réalités locales en refusant tout ce qui pourrait s'apparenter à des manoeuvres dilatoires.

PermalienPhoto de Jacques Lamblin

Étant moi-même fortement impliqué sur ce sujet pour le compte du groupe politique auquel j'appartiens, je pense être bien placé pour juger très positivement ce rapport d'information.

En effet, le transfert de compétences aux établissements publics de coopération intercommunale élargit le champ des possibilités foncières. De même, l'harmonisation des tarifs entre les différentes aires d'accueil constitue une idée intéressante, le schéma interdépartemental semblant représenter le bon échelon pour procéder à cette harmonisation. Par ailleurs, l'organisation des grands passages sous l'égide de l'État s'avère également pertinent. Enfin, les propositions formulées au sujet d'une meilleure reconnaissance des droits et des devoirs des intéressés sont pleines de sagesse.

Il me semble néanmoins important de mettre en exergue ce qui constitue, à mes yeux, une évolution essentielle et le véritable noeud des problèmes, à savoir la transformation du mode de vie des gens du voyage vers une plus grande sédentarisation. Cela peut d'ailleurs paraître paradoxal, à l'heure où les pouvoirs publics veillent à mieux prendre en compte les spécificités de la vie itinérante.

Je crois qu'il nous faut tirer les leçons de ce constat en nous évertuant, plutôt qu'à séquencer les étapes de cette évolution, à accompagner les gens du voyage sur la voie de la normalisation et de l'assimilation. Enferrer les gens du voyage dans des règles spécifiques ne constitue-t-il pas un combat d'arrière-garde ? Il me semble que la collectivité nationale devrait davantage porter son effort sur l'aide aux personnes que financer des structures d'accueil, ce qui permettrait de résoudre de nombreux problèmes, notamment sociaux.

PermalienPhoto de Yves Nicolin

J'aimerais savoir quelles seront les traductions législatives de ce rapport et leur échéancier éventuel. Quant à la proposition de rendre possible l'évacuation forcée rapide des gens du voyage pour les maires des communes qui respectent leurs obligations d'accueil, le rapport insiste beaucoup sur les difficultés de la mettre en oeuvre. S'agit-il donc d'une simple évocation de ce qui vous apparaît souhaitable en dépit de difficultés pratiques ou d'une proposition concrètement applicable ?

PermalienPhoto de Christian Vanneste

Je souhaiterais aborder trois questions qui, à mon avis, auraient dû figurer dans le rapport.

J'ai le souvenir du vote d'un texte, lorsque Nicolas Sarkozy était ministre de l'Intérieur, s'appuyant sur la loi Besson pour permettre les expulsions immédiates d'occupants illégaux de terrains privés lorsque les communes avaient respecté leurs obligations et je suis donc surpris de la recommandation du rapport en ce sens, qui semble signifier que cette disposition n'a finalement pas été appliquée par le passé.

Pour ce qui concerne les droits et devoirs des gens du voyage, il me semble que cette question ne peut faire abstraction de la situation socio-économique des intéressés. Dispose-t-on d'études précises sur ce sujet, et notamment sur leur taux d'emploi ainsi que leur insertion dans l'économie française ?

Enfin, les problèmes qui ont éclaté l'été dernier à Saint-Aignan, dans le Loir-et-Cher, posent la question d'une relation éventuelle entre nomadisme et délinquance organisée. Résoudre ces problèmes suppose de mieux identifier et appréhender une telle relation.

PermalienPhoto de Étienne Blanc

Ce rapport contient une foule de renseignements et d'indications utiles, ce qui me conduit à m'associer aux félicitations déjà adressées aux membres de la mission d'information.

Je souhaiterais néanmoins approfondir l'épineux et lancinant problème de la dégradation des aires de passage. Comment les surveiller et garantir le recouvrement des dommages, ce qui pose la question du cautionnement ? Il y a un flou juridique. Quel est, par exemple, le montant de la caution, Elle doit être proportionnée à l'usage. Sur ce sujet, on n'est pas allé au fond des choses.

J'observe également que certaines communautés nourrissent les unes à l'égard des autres de profondes incompatibilités, qui rendent leur coexistence sur des aires de grands passages assez difficile. Le rapport ne propose à cet égard qu'une réponse indirecte, à travers la désignation de représentants responsables pour chaque groupe de gens du voyage, ce qui peut faciliter le dialogue.

Enfin, s'agissant des stationnements illégaux, si les arrêtés préfectoraux d'évacuation et les décisions des présidents de tribunaux de grande instance en référé constituent indéniablement la voie la plus définitive d'y remédier, il me semble que les maires disposant de polices municipales ne sont pas non plus démunis dès lors que les contraventions de stationnement à l'encontre des véhicules des gens du voyage peuvent représenter un moyen de pression et de dissuasion. D'ailleurs, de ce point de vue, le fait de ne pas avoir acquitté le paiement de telles contraventions constitue une vraie contrainte pour le propriétaire de véhicule au moment où il souhaite le revendre. Ce moyen d'action ne doit donc pas être négligé.

PermalienPhoto de Maryse Joissains-Masini

Les questions évoquées ce matin sont bien connues des maires. Je crains que, malgré ce rapport, tout ne soit pas encore réglé, la question des dégradations notamment demeurant préoccupante.

Dans ma commune, nous avons construit des aires permettant la coexistence de plusieurs communautés de gens du voyage grâce à un système de partage de territoire au sein de ces aires. Nous constatons tout de même des dérivations de lignes électriques ou des dégradations de bornes à eau. EDF accepte d'ouvrir des lignes alors que toutes les conditions ne sont pas respectées ce qui peut poser le problème de la responsabilité du maire en cas d'incident. Dans ma commune, les enfants des gens du voyage sont scolarisés et les aires d'accueil sont conformes à la réglementation mais du côté des devoirs des gens du voyage, un certain flou demeure. La justice accorde souvent des délais pour l'évacuation des terrains occupés illégalement ce que la population avoisinante ne comprend pas.

Ainsi des gens du voyage s'étaient installés à côté d'une aire d'accueil mais la justice a considéré que cela n'était pas très grave. Il convient de prévoir un encadrement plus drastique des devoirs des gens du voyage.

PermalienPhoto de Jean-Louis Touraine

Je me félicite également des avancées proposées par le rapport qui contient des progrès en termes de droits et des précisions en termes de devoirs. Deux bonnes propositions reprennent celles d'une proposition de loi que j'avais cosignée et qui n'avait pas été adoptée par notre Assemblée en janvier dernier. La proposition n° 13 tend à supprimer la condition de résidence de trois ans pour accéder à l'inscription sur les listes électorales. La proposition n° 14 vise à supprimer les titres de circulation et à instaurer une « carte de résident itinérant ». Je souligne qu'il faut veiller à ce qu'aucune mention spécifique n'apparaisse sur les cartes nationales d'identité, afin que toute discrimination disparaisse. Enfin, je m'associe à la question posée sur les suites à donner aux propositions de ce rapport car je rappelle qu'un recours peut, à tout moment, être formé contre les dispositions discriminatoires en vigueur pour ce qui concerne les titres de circulation.

PermalienPhoto de Didier Quentin

Mes collègues membres de la mission d‘information et moi-même sommes conscients de ne pas avoir répondu à toutes les questions et à tous les problèmes auxquels les élus peuvent être confrontés, en particulier ceux liés aux « grands passages ». Je vais m'efforcer de répondre à l'ensemble des questions posées par nos collègues.

S'agissant de la suggestion de M. Michel Hunault concernant le problème de la faible assiduité scolaire des enfants des gens du voyage, je crois que l'on peut effectivement envisager d'établir un lien par exemple entre le montant des allocations familiales versées et le degré de scolarisation de ces enfants et, en particulier, des filles. Il importe également de coopérer davantage avec le Centre national d'enseignement à distance (CNED) mais je retiens la proposition de notre collègue.

Concernant le caractère non permanent des terrains susceptibles d'accueillir les « grands passages », je comprends les observations que M. Guy Geoffroy tire de son expérience de terrain, cette proposition pouvant apparaître comme une « fausse bonne idée ». L'accueil des « grands passages » est cependant un véritable problème. De mon point de vue, nous pourrions utiliser un certain nombre de terrains domaniaux de l'État comme par exemple, des terrains militaires désaffectés. La mission a également évoqué les terrains en jachère mais cette solution suppose d'apporter des assouplissements aux règles en vigueur au sein de l'Union européenne, puisque ces terrains ne doivent pas avoir d'autre destination. Toutefois, chacun d'entre nous est conscient qu'à certaines périodes de l'année, en particulier pendant la saison estivale, les gens du voyage s'installent plus volontiers aux abords des littoraux et des zones touristiques et ne s'établissent pas sur des terrains militaires. Pour revenir aux interrogations de notre collègue, je tiens à souligner que la proposition sur l'utilisation de terrains non permanents n'est pas catégorique. C'est une possibilité que la mission avance et on peut poursuivre la réflexion.

Je répondrai aux suggestions de M. Jacques Lamblin, qui connaît bien la question des « grands passages » en sa qualité de maire, que tout ce qui peut contribuer à la sédentarisation des gens du voyage va dans le bon sens. Ce que l'on constate, c'est, d'une part, une tendance à la sédentarisation pendant toute une partie de l'année notamment pour permettre la scolarisation des enfants et, d'autre part, la conservation d'une tradition d'itinérance, notamment pendant les mois d'été. Par ailleurs, la sédentarisation est favorisée dans la mesure où l'on n'enferme pas les gens du voyage dans un statut de population d'itinérants. C'est pourquoi nous leur accordons des droits et que nous avons estimé nécessaire de supprimer les titres de circulation. Ces titres pouvaient revêtir un caractère discriminatoire, mais on doit aussi noter qu'ils remplaçaient le carnet anthropométrique prévu dans une loi de 1912 et qui représentait une disposition autrement plus choquante. La « carte de résident itinérant » qui remplacera ces titres a un caractère facultatif et doit avant tout permettre l'exercice des droits. De même, la création de terrains familiaux peut favoriser la sédentarisation complète. Elle constitue une phase de transition puisqu'elle peut permettre l'installation de gens du voyage dans des conditions acceptables. Vous en avez sans doute fait l'expérience en tant qu'élus. Il arrive souvent que des gens du voyage occupent un terrain avec de nombreuses caravanes, ce qui peut être source de problème pour la commune. Avec l'aménagement des terrains familiaux, les gens du voyage continueront à vivre en caravanes mais sur des terrains spécifiques et auront accès à des équipements collectifs comme des sanitaires, des cuisines, etc.

Quoi qu'il en soit, je remercie notre collègue Yves Nicolin pour ses propositions qui doivent être prises en considération dans le débat. Nous ferons tout pour que l'ensemble des recommandations retenues par la mission soit mis en oeuvre. Nous avons ainsi transmis nos propositions au sénateur Pierre Hérisson qui suit ces problèmes au Sénat et auquel le Gouvernement a confié une nouvelle mission censée aboutir au mois d'avril 2011. Nous sommes donc amenés à travailler en collaboration avec lui. Dans cette perspective, je tiens ici à dire notre souhait que la Commission nationale consultative des gens du voyage que préside le sénateur Hérisson soit réactivée. Cette instance peut en effet oeuvrer à la responsabilisation des gens du voyage parce qu'elle comprend en son sein les associations les représentant.

Pour répondre à la question de notre collègue Christian Vanneste sur l'évacuation forcée des terrains occupés illégalement, je veux souligner que la mission a entendu lever un verrou juridique en précisant les obligations des collectivités et en les recentrant sur les aires permanentes d'accueil et non plus en tenant compte des terrains de « grand passage » qui ont été ou non aménagés.

Je partage volontiers les remarques de Mme Maryse Joissains-Masini. Les dégradations, comme par exemple, les branchements sauvages sur les réseaux électriques, qui accompagnent parfois les « grands passages » sont sources de tension. Elles nourrissent l'hostilité et les réactions négatives que peuvent éprouver les populations vers des gens du voyage qui – il faut le reconnaître –, pour certains d'entre eux, ne se comportent pas toujours correctement. Or, je dirais, si vous me passez l'expression, que l'on ne peut vouloir être des Français à part entière et entièrement à part suivant les circonstances.

Concernant le problème de la réparation de ces dégradations éventuelles et de la possibilité d'un cautionnement, les associations que nous avons rencontrées, pour les plus responsables d'entre elles, sont d'accord pour faire des constats et que des cautions soient versées.

En réalité, chacun mesure que la question fondamentale est la responsabilisation des gens du voyage et la meilleure organisation des « grands passages ».

Sur la question posée par M. Christian Vanneste au sujet de la délinquance, je tiens à rappeler que le suivi de cette délinquance est difficile puisque la loi n'autorise pas la tenue de telles statistiques – ce qui d'ailleurs ne permet pas la conduite de politiques de discrimination positive ou plus justement d'affirmative action. Néanmoins, il existe un office central de lutte contre la délinquance itinérante qui suit ces faits et dont nous avons entendu les responsables. On pourrait sans doute développer des informations plus précises sur le montant des ressources perçues par les gens du voyage car leur niveau conditionne le bénéfice des prestations sociales et la fiscalité supportée. C'est d'ailleurs un autre sujet de tension puisque certains gens du voyage tirent des ressources d'activités parfaitement reconnues et traditionnelles comme par exemple, la participation aux vendanges ou à la récolte des fruits et légumes mais participent aussi au phénomène du travail clandestin.

La déclaration préalable des « grands passages » est, à mes yeux, une mesure essentielle qui doit contribuer à la responsabilisation des gens du voyage. De ce point de vue, il faut établir une meilleure collaboration entre les pouvoirs publics et les associations de gens du voyage qui, par leur diversité notamment au plan confessionnel, n'entretiennent pas nécessairement de bonnes relations.

J'insiste sur le fait que nous avons conscience des difficultés des maires. Pour y répondre, il faut sans doute davantage de moyens, une plus grande réactivité des préfets et des sous-préfets, une meilleure répression des stationnements illégaux. Je le répète : notre rapport ne prétend pas être exhaustif et nous avons cherché à parvenir à un équilibre.

Je tiens à conclure mon propos sur la question de la dénomination de « gens du voyage ». C'est un terme administratif qui a été adopté voici quelques décennies en remplacement d'appellations au caractère plus péjoratif. Je note qu'elle semble avoir abouti à l'effet inverse. Il faut sans doute remédier à cela mais aussi prendre conscience que le terme « gens du voyage » recouvre des populations très diverses et hétérogènes qui se distinguent des Rroms. Les gens du voyage dont il a été question dans ce rapport sont des citoyens français pour la plupart. C'est à ce titre qu'ils ont des droits mais aussi des devoirs. Nous avons cherché un équilibre et une certaine mesure dans ce rapport : in medio stat virtus.

PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Je remercie monsieur le rapporteur pour ces travaux. Je propose maintenant à la commission d'autoriser la publication du rapport.

Conformément à l'article 145 du Règlement, la Commission autorise à l'unanimité le dépôt du rapport d'information en vue de sa publication.

La séance est levée à 11 heures 30.