Mes collègues membres de la mission d‘information et moi-même sommes conscients de ne pas avoir répondu à toutes les questions et à tous les problèmes auxquels les élus peuvent être confrontés, en particulier ceux liés aux « grands passages ». Je vais m'efforcer de répondre à l'ensemble des questions posées par nos collègues.
S'agissant de la suggestion de M. Michel Hunault concernant le problème de la faible assiduité scolaire des enfants des gens du voyage, je crois que l'on peut effectivement envisager d'établir un lien par exemple entre le montant des allocations familiales versées et le degré de scolarisation de ces enfants et, en particulier, des filles. Il importe également de coopérer davantage avec le Centre national d'enseignement à distance (CNED) mais je retiens la proposition de notre collègue.
Concernant le caractère non permanent des terrains susceptibles d'accueillir les « grands passages », je comprends les observations que M. Guy Geoffroy tire de son expérience de terrain, cette proposition pouvant apparaître comme une « fausse bonne idée ». L'accueil des « grands passages » est cependant un véritable problème. De mon point de vue, nous pourrions utiliser un certain nombre de terrains domaniaux de l'État comme par exemple, des terrains militaires désaffectés. La mission a également évoqué les terrains en jachère mais cette solution suppose d'apporter des assouplissements aux règles en vigueur au sein de l'Union européenne, puisque ces terrains ne doivent pas avoir d'autre destination. Toutefois, chacun d'entre nous est conscient qu'à certaines périodes de l'année, en particulier pendant la saison estivale, les gens du voyage s'installent plus volontiers aux abords des littoraux et des zones touristiques et ne s'établissent pas sur des terrains militaires. Pour revenir aux interrogations de notre collègue, je tiens à souligner que la proposition sur l'utilisation de terrains non permanents n'est pas catégorique. C'est une possibilité que la mission avance et on peut poursuivre la réflexion.
Je répondrai aux suggestions de M. Jacques Lamblin, qui connaît bien la question des « grands passages » en sa qualité de maire, que tout ce qui peut contribuer à la sédentarisation des gens du voyage va dans le bon sens. Ce que l'on constate, c'est, d'une part, une tendance à la sédentarisation pendant toute une partie de l'année notamment pour permettre la scolarisation des enfants et, d'autre part, la conservation d'une tradition d'itinérance, notamment pendant les mois d'été. Par ailleurs, la sédentarisation est favorisée dans la mesure où l'on n'enferme pas les gens du voyage dans un statut de population d'itinérants. C'est pourquoi nous leur accordons des droits et que nous avons estimé nécessaire de supprimer les titres de circulation. Ces titres pouvaient revêtir un caractère discriminatoire, mais on doit aussi noter qu'ils remplaçaient le carnet anthropométrique prévu dans une loi de 1912 et qui représentait une disposition autrement plus choquante. La « carte de résident itinérant » qui remplacera ces titres a un caractère facultatif et doit avant tout permettre l'exercice des droits. De même, la création de terrains familiaux peut favoriser la sédentarisation complète. Elle constitue une phase de transition puisqu'elle peut permettre l'installation de gens du voyage dans des conditions acceptables. Vous en avez sans doute fait l'expérience en tant qu'élus. Il arrive souvent que des gens du voyage occupent un terrain avec de nombreuses caravanes, ce qui peut être source de problème pour la commune. Avec l'aménagement des terrains familiaux, les gens du voyage continueront à vivre en caravanes mais sur des terrains spécifiques et auront accès à des équipements collectifs comme des sanitaires, des cuisines, etc.
Quoi qu'il en soit, je remercie notre collègue Yves Nicolin pour ses propositions qui doivent être prises en considération dans le débat. Nous ferons tout pour que l'ensemble des recommandations retenues par la mission soit mis en oeuvre. Nous avons ainsi transmis nos propositions au sénateur Pierre Hérisson qui suit ces problèmes au Sénat et auquel le Gouvernement a confié une nouvelle mission censée aboutir au mois d'avril 2011. Nous sommes donc amenés à travailler en collaboration avec lui. Dans cette perspective, je tiens ici à dire notre souhait que la Commission nationale consultative des gens du voyage que préside le sénateur Hérisson soit réactivée. Cette instance peut en effet oeuvrer à la responsabilisation des gens du voyage parce qu'elle comprend en son sein les associations les représentant.
Pour répondre à la question de notre collègue Christian Vanneste sur l'évacuation forcée des terrains occupés illégalement, je veux souligner que la mission a entendu lever un verrou juridique en précisant les obligations des collectivités et en les recentrant sur les aires permanentes d'accueil et non plus en tenant compte des terrains de « grand passage » qui ont été ou non aménagés.
Je partage volontiers les remarques de Mme Maryse Joissains-Masini. Les dégradations, comme par exemple, les branchements sauvages sur les réseaux électriques, qui accompagnent parfois les « grands passages » sont sources de tension. Elles nourrissent l'hostilité et les réactions négatives que peuvent éprouver les populations vers des gens du voyage qui – il faut le reconnaître –, pour certains d'entre eux, ne se comportent pas toujours correctement. Or, je dirais, si vous me passez l'expression, que l'on ne peut vouloir être des Français à part entière et entièrement à part suivant les circonstances.
Concernant le problème de la réparation de ces dégradations éventuelles et de la possibilité d'un cautionnement, les associations que nous avons rencontrées, pour les plus responsables d'entre elles, sont d'accord pour faire des constats et que des cautions soient versées.
En réalité, chacun mesure que la question fondamentale est la responsabilisation des gens du voyage et la meilleure organisation des « grands passages ».
Sur la question posée par M. Christian Vanneste au sujet de la délinquance, je tiens à rappeler que le suivi de cette délinquance est difficile puisque la loi n'autorise pas la tenue de telles statistiques – ce qui d'ailleurs ne permet pas la conduite de politiques de discrimination positive ou plus justement d'affirmative action. Néanmoins, il existe un office central de lutte contre la délinquance itinérante qui suit ces faits et dont nous avons entendu les responsables. On pourrait sans doute développer des informations plus précises sur le montant des ressources perçues par les gens du voyage car leur niveau conditionne le bénéfice des prestations sociales et la fiscalité supportée. C'est d'ailleurs un autre sujet de tension puisque certains gens du voyage tirent des ressources d'activités parfaitement reconnues et traditionnelles comme par exemple, la participation aux vendanges ou à la récolte des fruits et légumes mais participent aussi au phénomène du travail clandestin.
La déclaration préalable des « grands passages » est, à mes yeux, une mesure essentielle qui doit contribuer à la responsabilisation des gens du voyage. De ce point de vue, il faut établir une meilleure collaboration entre les pouvoirs publics et les associations de gens du voyage qui, par leur diversité notamment au plan confessionnel, n'entretiennent pas nécessairement de bonnes relations.
J'insiste sur le fait que nous avons conscience des difficultés des maires. Pour y répondre, il faut sans doute davantage de moyens, une plus grande réactivité des préfets et des sous-préfets, une meilleure répression des stationnements illégaux. Je le répète : notre rapport ne prétend pas être exhaustif et nous avons cherché à parvenir à un équilibre.
Je tiens à conclure mon propos sur la question de la dénomination de « gens du voyage ». C'est un terme administratif qui a été adopté voici quelques décennies en remplacement d'appellations au caractère plus péjoratif. Je note qu'elle semble avoir abouti à l'effet inverse. Il faut sans doute remédier à cela mais aussi prendre conscience que le terme « gens du voyage » recouvre des populations très diverses et hétérogènes qui se distinguent des Rroms. Les gens du voyage dont il a été question dans ce rapport sont des citoyens français pour la plupart. C'est à ce titre qu'ils ont des droits mais aussi des devoirs. Nous avons cherché un équilibre et une certaine mesure dans ce rapport : in medio stat virtus.