La Commission a procédé à l'audition, lors d'une réunion ouverte à la presse, de Mme Fadela Amara, secrétaire d'État chargée de la politique de la ville, sur les crédits de la mission « Ville et logement » pour le projet de loi de finances pour 2011 (n° 2824).
Madame la secrétaire d'État, je vous prie de nous excuser pour le quiproquo qui a conduit à nous priver de votre présence lors de notre dernière réunion et je vous remercie d'avoir accepté si rapidement un nouveau rendez-vous.
Vous avez eu à coeur d'apporter un nouveau souffle à la politique de la ville en initiant la dynamique « Espoir banlieues », dès janvier 2008. Vous êtes chargée de la mise en oeuvre de ce que l'on a été jusqu'à surnommer le « Plan Marshall des banlieues ». Considérez-vous que les moyens financiers dont vous disposez au titre du programme 147 « Politique de la ville » soient suffisants pour mener à bien une telle ambition ?
L'effort à destination des quartiers ne transite pas uniquement via ce programme ; dans le cadre de certaines politiques de droit commun, les quartiers prioritaires bénéficient de moyens supplémentaires par rapport au reste du territoire. En 2010, l'État leur consacrait au total près de 3,7 milliards d'euros. Quelle appréciation portez-vous sur les moyens accordés aux quartiers prioritaires ? Permettent-ils d'enclencher une dynamique positive ?
En ce qui concerne le financement de la rénovation urbaine, le projet de loi de finances pour 2011 prévoit de compléter la contribution d'Action logement par le produit de l'imposition sur les revenus locatifs, dont les bailleurs sociaux ne seront plus exonérés. Considérez-vous que ce circuit de financement sera de nature à pérenniser le financement du PNRU, le Plan national de rénovation urbaine ? Surtout, permettra-t-il de lancer le PNRU 2 ?
Enfin, j'ai été, dans cette Assemblée, à l'origine des zones franches urbaines – ZFU – et des zones de redynamisation urbaine – ZRU. L'idée était de faire en sorte que les inégalités territoriales donnent lieu à un traitement fiscal différencié, de prendre des mesures inégalitaires pour rétablir l'égalité dans les territoires. Je constate aujourd'hui que la politique des zones franches dans les quartiers prioritaires est menacée d'extinction à moyen terme. Pouvez-vous nous dire ce qu'il en est, et si vous avez envisagé un dispositif pour les remplacer ?
Chacun connaît la situation économique et budgétaire de notre pays et les contraintes fortes qui ont pesé sur l'élaboration du budget. Je ne reviendrai pas sur le contexte qui a entouré la préparation de celui de la politique de la ville.
Les crédits de paiement du programme 147 diminuent de 12 %, ce qui portera la dotation budgétaire à 618,5 millions d'euros, auxquels il convient d'ajouter 467 millions de dépenses fiscales rattachées au programme.
Pour lever ici toute ambiguïté, je précise d'emblée que la capacité d'intervention de l'ACSÉ, l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances, s'agissant des contrats urbains de cohésion sociale – les CUCS – sera préservée par rapport à 2010.
Cette diminution de 12 % est en effet imputable pour une large part aux prévisions de l'ACOSS, l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, qui a revu à la baisse le montant du remboursement des exonérations de charges sociales dans les zones franches urbaines.
De même, un cinquième de la baisse des crédits du programme s'explique par diverses mesures de transfert de crédits et de rationalisation concernant le fonctionnement des structures – SG-CIV (Secrétariat général du Comité interministériel des villes), ACSÉ, EPIDE (Établissement public d'insertion de la défense), ANRU –, et par l'apurement des dettes héritées de l'ex-Fonds interministériel des villes.
En ce qui concerne les dépenses d'intervention de l'ACSÉ, les besoins locaux ont été pris en compte. Ainsi, seuls 0,45 million d'euros sur les 2 millions prévus se sont révélés nécessaires au financement du Busing. Après trois ans de mise en oeuvre, les crédits ont donc été ajustés à leur coût réel.
Par ailleurs, conformément à la logique de la dynamique « Espoir banlieues », certaines mesures ayant fait l'objet d'une expérimentation seront prises en charge par le droit commun et généralisées. C'est le cas notamment du contrat d'insertion à la vie sociale pour les jeunes sous main de justice.
Je conduis actuellement, en lien avec mes collègues, un travail de clarification des financements afin de mettre ceux-ci en cohérence avec les objectifs de nos programmes budgétaires respectifs. Par exemple, les services d'aide aux victimes d'urgence – SAVU –, dont le ressort excède très largement les quartiers, ainsi que les intervenants sociaux en commissariat ont vocation à être financés par le droit commun.
Toutes ces mesures nous ont permis de nous conformer aux orientations budgétaires arrêtées par le Premier ministre tout en préservant nos priorités d'actions en faveur des habitants des quartiers et des communes les plus pauvres.
Ainsi, au regard des crédits inscrits en loi de finances pour 2010, et à périmètre constant, l'ajustement portant sur les actions territorialisées de l'ACSÉ ne devrait pas excéder 3 %.
J'ajoute que dans le cadre du budget triennal, les crédits relatifs aux CUCS devraient être stabilisés au niveau de 2011, ce qui devrait permettre aux acteurs de terrain de bénéficier de davantage de visibilité.
J'en viens à la première de mes trois actions prioritaires, relative à l'égalité des chances et à l'éducation. Le budget des projets éducatifs des internats d'excellence augmente de 3 millions d'euros et passe à 7,1 millions, ce qui, dans le contexte actuel, traduit un effort réel en faveur de la politique de la ville. Les « cordées de la réussite », qui consistent en un accompagnement soutenu de lycéens par des grandes écoles ou universités, seront dotées de 4 millions d'euros. Après 149 cordées en 2009 et 250 en 2010, l'objectif est d'atteindre 300 en 2011. De plus, 4 200 élèves devraient être concernés par des mesures d'accompagnement destinées à favoriser l'accès aux classes préparatoires aux grandes écoles.
Par ailleurs, et conformément aux engagements du Président de la République, 23,6 millions d'euros – dont 5, 6 millions d'euros de crédits de paiement en 2011 – seront dégagés dans le cadre du budget triennal pour casser les ghettos en reconstruisant des collèges dégradés.
Le droit à une seconde chance constitue également, avec 7 800 élèves accompagnés, un pilier de cette politique. Les Écoles de la deuxième chance continuent d'essaimer et les engagements du programme 147 en ce domaine seront maintenus. Au total, 123 millions d'euros – soit 20 % du programme – seront consacrés à l'éducation et à l'accès aux savoirs de base. Les crédits du volet CUCS, quant à eux, sont maintenus à 22 millions d'euros.
De son côté, la Réussite éducative bénéficiera d'une dotation de 83 millions d'euros. En 2011, 530 projets seront financés, bénéficiant à 136 000 enfants – dont je souhaite qu'à court terme au moins 70 % puissent suivre un parcours individualisé.
Ma deuxième priorité concerne l'emploi et le développement économique, auxquels sont consacrés 43 % de mon budget, soit 265 millions d'euros. Les crédits du volet emploi et développement des CUCS sont en augmentation de 23 %, afin de capitaliser sur les actions menées dans le cadre du plan de relance. J'ai par ailleurs décidé de confier la présidence d'un groupe de travail sur les zones franches urbaines, le développement économique et l'emploi dans les quartiers à Éric Raoult.
Je tiens à votre disposition la liste des membres de cette commission, qui comprend des personnalités éminentes et est politiquement équilibrée.
S'agissant du développement économique, je tiens à souligner le dynamisme des habitants des quartiers, qui se sont pleinement approprié le statut d'auto-entrepreneur : environ 30 % des nouvelles installations d'établissements dans les ZFU ont en effet été réalisées sous ce statut. Cet esprit d'initiative, qui va à l'encontre des idées reçues sur l'assistanat, j'entends l'accompagner en 2011.
Dans les zones urbaines sensibles, le taux de chômage des jeunes actifs a frôlé les 30 % en 2009. Il reste 8 000 contrats d'autonomie à signer en 2011 ; vous comprendrez que je ne puisse pas m'en contenter. La situation, en termes d'accès à l'emploi, me préoccupe, car elle n'est pas socialement soutenable. Je sais que les habitants des quartiers expriment une attente vis-à-vis des pouvoirs publics et je ferai donc des propositions à ce sujet. Je souhaite notamment des exonérations de charges sociales ciblées sur les jeunes des quartiers, et plus seulement sur les territoires.
Le troisième axe prioritaire, doté d'un budget de 125 millions d'euros – soit 20 % des crédits du programme –, concerne le lien social, le soutien aux associations, les adultes relais, la citoyenneté et la lutte contre les discriminations.
J'entends en particulier, après les avoir évaluées, encourager les actions de promotion du civisme et du vivre-ensemble. Une enveloppe de 76,6 millions d'euros permettra de financer 4 230 postes d'adultes relais, tout en offrant des parcours de professionnalisation aux intéressés.
Je souhaite également mentionner le soutien à la parentalité et l'émancipation des femmes : c'est tout le sens des actions de proximité que je mène en matière de développement des modes de garde d'enfant ou d'accès aux droits, sans parler du soutien à l'action menée par Alain Ducasse auprès des femmes des quartiers, notamment à Sarcelles. Cette priorité a vocation à être déclinée dans toutes les thématiques des CUCS et fera l'objet d'un suivi particulier en 2011.
Comme vous l'avez souligné, monsieur le président, le programme 147 n'est pas la seule source de financement de la dynamique « Espoir banlieue ». Les crédits spécifiques dont j'ai la charge complètent l'effort financier global réalisé par l'État et de ses partenaires au titre de la politique de la ville.
Dans un contexte de gel des dotations, une progression de la Dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale – DSUCS – n'était pas acquise d'avance. Elle augmentera pourtant de 6 %, pour atteindre un total de 77 millions d'euros en 2011. Deux ans après l'adoption du plan Borloo, il convenait de saluer ce geste.
Quant au montant de la dotation de développement urbain – DDU –, il est maintenu à 50 millions d'euros pour les trois prochaines années. Pour la Seine-Saint-Denis, cela représente 8,6 millions d'euros en 2010.
Cet effort en faveur des communes les plus pauvres trouve son prolongement dans le projet de loi de finances, avec la création d'un fonds de péréquation pour lequel je me suis, avec d'autres, beaucoup battue.
S'agissant des actions des ministères, je rappellerai simplement que l'Éducation nationale apportera à l'éducation prioritaire un milliard d'euros en 2011 – dont plus de 260 millions pour l'accompagnement éducatif –, tandis que le ministère de la jeunesse et de la vie associative consacrera aux jeunes des quartiers près du quart de son budget et 65 % du fonds d'expérimentation jeunesse.
De son côté, la fondation Total vient d'annoncer qu'elle abondera le fonctionnement des internats d'excellence de 2,5 millions d'euros, via le fonds d'expérimentation.
Enfin, la Caisse nationale d'allocations familiales s'implique fortement dans le développement des modes de garde dans les quartiers ; elle devrait y consacrer près de 25 millions d'euros en 2011 et 73 millions d'euros en trois ans.
J'en viens au Plan national de rénovation urbaine. La capacité d'affectation de l'Agence nationale de rénovation urbaine – ANRU –, abondée par des produits financiers, est désormais de 12,621 milliards d'euros. Le comité d'engagement de l'ANRU a validé des projets de rénovation urbaine portant sur 480 quartiers, dont 464 font l'objet de conventions signées, ce qui représente plus de 42 milliards d'euros de travaux programmés pour les cinq prochaines années.
Les engagements et les paiements de l'Agence se sont accélérés en 2009 : le montant total des engagements, 2,1 milliards d'euros, représente le double du niveau annuel moyen constaté sur les deux exercices précédents. Aujourd'hui, on construit plus qu'on ne démolit.
Mais, rançon de ce succès, nous sommes désormais entrés dans ce qu'on appelle la « bosse de l'ANRU », avec un besoin de financement plus important. Ainsi, pour l'année 2011, les besoins de trésorerie de l'Agence sont évalués à 250 millions d'euros.
Dans ce contexte, afin de permettre à l'ANRU de clôturer l'exercice 2011 et les suivants avec un niveau de trésorerie sécurisé, le projet de loi de finances pour 2011 propose de compléter les financements actuels en ayant recours à une partie du fonds géré par la CGLLS, la Caisse de garantie du logement locatif social, alimenté par une contribution des bailleurs sociaux. Toutefois, pour tenir compte des remarques pertinentes exprimées par un certain nombre de parlementaires quant à la nécessité de proposer un financement plus juste et d'assurer une meilleure péréquation, le secrétaire d'État au logement travaille, en concertation avec les organismes bailleurs, à l'élaboration de nouvelles propositions.
Vous le constatez, j'ai tout fait, dans un cadre contraint, pour préserver le budget de nos interventions territorialisées. Je défends plus que jamais le principe de la mobilisation du droit commun sur laquelle repose la dynamique « Espoir banlieues ». Certes, il y a encore à faire dans ce domaine, mais nous savons tous que le principe est bon et qu'il doit être renforcé.
L'évolution positive récente de certaines zones urbaines sensibles montre que la réduction des écarts n'est pas une utopie. À la condition que tous les acteurs concernés se mobilisent, nous pouvons donc atteindre cet objectif essentiel, clé du mieux-vivre des habitants les plus démunis de notre pays.
En matière de politique de la ville, le montant des autorisations d'engagement demandées au titre de l'année 2011, qui s'élève à 618 millions d'euros, est en baisse par rapport à l'année précédente. La restriction budgétaire touche le montant des crédits de paiement inscrits au projet de loi de finances dans une proportion sensiblement similaire.
Toutefois, il convient de nuancer cette analyse en remarquant que l'action n° 2 « Revitalisation économique et emploi », qui regroupe les crédits dédiés aux compensations, au bénéfice des régimes de sécurité sociale, des exonérations de charges en zones franches urbaines, absorbe une part prépondérante de la variation entre les deux années.
Constatant que l'action n°l du programme, qui porte l'essentiel des crédits à destination des quartiers, ne connaît pas de baisse significative, j'oserai donc la remarque suivante : « l'essentiel est sauf ! » Le maintien d'un tel niveau d'engagement constitue en effet un signal fort pour les acteurs de la politique de la ville. Je soulignerai toutefois l'incertitude qui pèse sur les moyens attribués aux acteurs de la politique de la ville, et qui vient atténuer quelque peu mon sentiment de satisfaction.
Les opérateurs principaux de la politique de la ville que sont l'ANRU et l'ACSÉ signent des « contrats » d'objectif et de performance mais ne reçoivent aucune garantie quant aux moyens, financiers ou humains, de les réaliser. C'est un bien curieux contrat que celui qui ne lie qu'une seule des deux parties. Pourquoi, madame la secrétaire d'État, n'a-t-on pas inclus de clause de moyens dans les conventions signées avec l'ANRU et l'ACSÉ ?
Les porteurs de projets de rénovation urbaine n'ont pas à redouter la cessation des paiements de l'ANRU, car le financement du PNRU à hauteur de 12 milliards d'euros est garanti par la loi. Cependant, compte tenu de la complexité du montage, couplée aux difficultés d'Action Logement, je ne peux manquer d'être inquiet : le PNRU 2 verra-t-il le jour ? Même s'ils sont importants, les effets dans le temps de la rénovation urbaine sont limités. S'il n'est pas suivi d'un deuxième plan, le PNRU verra donc ses effets fragilisés. Qu'adviendra-t-il, dans ces conditions, des quartiers rénovés, et, a fortiori, des quartiers qui n'ont pas pu bénéficier de la première vague de rénovation ?
Le SG-CIV, l'ANRU et l'ACSÉ, soit l'ensemble des services centraux chargés du pilotage de la politique de la ville, m'ont confié leur inquiétude quant à la situation des services déconcentrés de l'État. La RGPP, révision générale des politiques publiques, engendre jusqu'à présent autant, sinon davantage, de désorganisation que de rationalisation. Certes, le facteur temps doit être pris en compte. Mais les directeurs des services déconcentrés se décrivent – je cite une note interne de l'ANRU – comme des « robots RGPP à deux lames ». Pire, alors que le niveau départemental, opérationnel, subit de plein fouet les restrictions budgétaires, l'échelon régional, plus éloigné du terrain, grossit. Mon sentiment est que l'on ne peut pas mener une politique de la ville digne de ce nom uniquement à coup de tableurs Excel. Peut-on espérer d'autres méthodes avec d'autres moyens ?
À ces incertitudes qui pèsent sur les administrations publiques s'ajoute la perspective de l'extinction des zones franches. Comment ferons-nous pour y éviter l'exode progressif de l'activité économique ? J'ai conscience du coût économique des zones franches ; je sais aussi que leur effet porte davantage sur la localisation de l'activité que sur la création d'emploi : deux tiers des entreprises en zone franche bénéficieraient, dit-on, d'un effet d'aubaine. Soit, mais n'est-il pas dangereux de les supprimer sans autre forme de procès ? Au moins faudrait-il envisager leur succession !
Vous comprendrez bien qu'après avoir recueilli tous ces éléments lors des auditions budgétaires, je n'aie plus la vision optimiste que la seule lecture du projet annuel de performances pouvait faire naître. Je m'interroge sur les perspectives futures, car on est en train de fragiliser une présence publique locale nécessaire à la mise en oeuvre de la politique de la ville. Celle-ci peut d'ailleurs à tout moment subir un « coup de rabot » ; la non-reconduction du PNRU, en particulier, mettrait en péril les résultats auxquels elle est parvenue. Les collectivités pourront-elles assurer le relais ?
Interrogeons nous maintenant sur la gouvernance de la politique de la ville. La question de fond est celle de l'échelle. Trop de politiques sont encore conçues au niveau national, puis plaquées sur les quartiers. Je crois que l'on passe ainsi à côté de la réalité des quartiers. Comme l'écrivait Steinbeck, « chaque ville diffère de toutes les autres : il n'y en a pas deux semblables. Une ville a des émotions d'ensemble ». Peut-être ne faut-il pas une politique de la ville, mais plutôt une politique des villes.
Ne conviendrait-il pas d'associer davantage les élus locaux à la conception de la politique de la ville ? Pourquoi ne pas les rendre responsables, au sens politique du terme, de la mise en oeuvre des dispositifs à destination des quartiers, en leur octroyant des compétences étendues en même temps que des crédits fongibles ?
Comment comptez-vous mettre en cohérence la nouvelle géographie prioritaire et la géographie contractuelle ? Comment parvenir à un zonage qui n'ait pas pour effet pervers de renforcer la perception négative des quartiers ? Autrement dit, faut-il conserver le quartier comme l'échelle d'action de la politique de la ville ou préférer une approche communale, voire intercommunale ?
Lors de votre dernière audition devant notre commission, en septembre, vous avez déclaré « faire du passage au droit commun votre politique », ajoutant que votre objectif était de rassembler l'ensemble des acteurs concernés. Qu'entendez-vous par là ? S'agit-il de permettre aux acteurs locaux de modifier, d'un commun accord, les politiques de droit commun en fonction des particularités des quartiers dont ils ont la charge ?
Considérez-vous que la DSU et la DDU soient des outils adaptés à la résolution des problèmes des quartiers ? Je pense, pour ma part, que la richesse d'une collectivité territoriale et celle de ses habitants sont parfois déconnectées. Donner davantage de moyens à une commune ou une agglomération sans l'obliger à un fléchage strict des crédits vers les quartiers prioritaires améliore-t-il leur situation ?
Vos réponses nourriront notre réflexion sur la politique de la ville, laquelle est, je crois, à un moment charnière de son histoire. Nous avons multiplié les dispositifs de discrimination positive à destination des habitants des quartiers, mais leur caractère stéréotypé a limité leurs résultats. Il nous faut désormais aller plus loin en cessant d'occulter le caractère territorial de la politique de la ville.
En juin, vous refusiez, madame la secrétaire d'État, que la politique de la ville souffre des restrictions budgétaires et de la politique de rigueur. Force est de constater que ses crédits, à l'instar de ceux destinés au logement, diminuent de façon drastique. En 2009, on constatait une réduction de 350 millions et la fin du financement de l'ANRU par l'État ; en 2010, la baisse était de 48 millions ; elle sera de 83 millions en 2011. Comme l'a dit Michel Piron, l'essentiel est sauf, mais où ? Certes, ce programme ne vise qu'une partie de la politique de la ville, mais elle est importante puisqu'elle comprend le financement de l'ANRU et de l'ACSÉ. Et qu'en est-il du PNRU 2 ?
Tout le monde s'accorde à reconnaître les besoins et les enjeux immenses que recouvre la politique de la ville. Le rapport de nos collègues François Goulard et François Pupponi est très clair : les écarts en termes de pauvreté, de chômage, d'accès aux soins et de résultats scolaires n'ont pas été réduits depuis la loi de 2003. À certains endroits, ils se maintiennent à des niveaux préoccupants. Même s'il faut noter les efforts déployés en faveur du bâti, on ne peut éluder la question des enjeux sociaux.
Permettez-moi d'exprimer, sur ce point, mes plus profondes inquiétudes. L'Union nationale pour l'habitat des jeunes (UNHAJ) m'a interpellé quant à la suppression envisagée des postes du fonds de coopération de la jeunesse et de l'éducation populaire (FONJEP). Ce fonds, qui finance des associations oeuvrant pour le développement de l'emploi et de la médiation dans les quartiers difficiles, enregistre une perte de 5 millions, soit plus de 50 % de son budget. Les crédits en faveur des associations assurant le maintien du lien social baissent de 3 millions. Pouvez-vous rassurer ces associations quant à la pérennité de leur action et de leurs ressources ?
Je suis d'accord avec Michel Piron quant à la nécessité de renforcer le pouvoir des maires et des conseils municipaux, à condition que les moyens financiers et matériels soient bien affectés. Par ailleurs, les élus doivent pouvoir compter sur la réactivité des services de l'État dans l'instruction et le suivi des dossiers. Il nous arrive trop souvent, après avoir négocié et instruit d'importants dossiers pendant de longues années, de nous trouver face au mur de l'administration. Parfois même, les règles du jeu ont changé. Ainsi en va-t-il des projets ANRU, discutés âprement avec les populations, dont nous ne savons ce qu'il adviendra.
Le groupe UMP salue l'engagement du Gouvernement dans le maintien de crédits importants en faveur de la politique de la ville. Les mesures de la dynamique Espoir banlieues méritent d'être soulignées : près de 29 000 contrats autonomie ont été signés depuis juin 2008 ; 300 délégués du préfet ont pris leurs fonctions dans les quartiers prioritaires ; l'accompagnement éducatif permet aux élèves volontaires de bénéficier d'une aide aux devoirs, d'activités culturelles ou sportives dans le cadre de leur école ou de leur collège.
Tous, nous saluons la rénovation urbaine menée par l'ANRU dans le cadre du PNRU. D'aucuns s'inquiètent de la pérennité des moyens de l'agence : où en est le dialogue entre députés de la majorité et Gouvernement ? Une solution a-t-elle été trouvée ? Pensez-vous que le PNRU 2 sera lancé, ainsi que le Premier ministre semblait l'annoncer en filigrane de son discours lors de l'installation du Conseil national des villes le 25 mai dernier ?
Comme le rapporteur, je m'interroge sur la politique « des villes ». Délocaliser les moyens, au plus près de chacun des quartiers, ne permettrait-il pas de les utiliser de façon plus souple et plus efficace ?
Depuis 2008, les autorisations d'engagements ont chuté de 40 % ! Dans le cadre de la programmation triennale les crédits auront baissé de 50 % en 2013. Cette diminution dramatique s'explique par la fin du financement de l'ANRU par l'État et par l'extinction des zones franches urbaines.
Les quartiers auront ainsi perdu 550 millions en cinq ans, alors que la situation est alarmante : une enquête de l'ANRU montre que les inégalités n'ont pas reculé et qu'elles se sont même aggravées. En trente ans de politique de la ville, nous n'avons pas été capables de fixer des objectifs clairs, nous n'avons pas su mobiliser le droit commun et nous avons mal évalué les actions et leurs résultats. Par ailleurs, les documents budgétaires restent étrangement flous quant à la participation de chaque ministère au financement des quartiers.
La politique de la ville est une politique transversale, qui, pour être imposée aux grands ministères – notamment au ministère de l'emploi, le grand absent dans ces quartiers – doit être directement rattachée au Premier ministre. Elle ne fonctionne vraiment que dans les quartiers des villes disposant des moyens nécessaires pour la mettre en oeuvre. En revanche, elle se trouve en échec dans les « villes-quartiers », comme Montfermeil ou Clichy-sous-bois. Quand 80 % de la ville est classé « zone urbaine sensible », c'est toute la ville qui est en difficulté.
Vous faites de l'emploi votre priorité. Mais là encore, les chiffres parlent d'eux-mêmes : avec la fin des zones franches, les crédits destinés à la revitalisation économique et à l'emploi sont passés de 375 millions en 2008 à 222 millions en 2011. Autant de crédits en moins qui permettaient aux habitants des quartiers, et pas seulement les jeunes, de trouver un emploi malgré les discriminations qui pèsent sur eux.
La DSU sera fléchée sur les 250 communes les plus pauvres et la DDU est maintenue à 50 millions : cela va dans le bon sens. Mais le remplacement des fonds départementaux et du fonds de solidarité des communes de la région Ile-de-France (FSRIF), par le fonds national de péréquation nous inquiète. Nous ne connaissons ni son montant ni les conditions d'attribution. Surtout, l'article 53 du PLF prévoit qu'à partir de 2012, les dotations de péréquation seront affectées aux intercommunalités. Cela marque une rupture dans la politique de la ville. Nous considérons pour notre part que seules les communes ont la capacité de mettre en oeuvre des politiques transversales.
Vous avez décidé d'expérimenter de nouveaux CUCS dans cinquante sites. Mais comment seront-ils financés en 2011 ? Le budget ne semble pas être appelé à augmenter.
Enfin, les crédits destinés à la réussite éducative sont amputés de 7 millions ; quelle sera l'évolution du PRE et des actions « coup de pouce » en 2011 ?
Sans le rôle d'aiguillon joué par l'État depuis trente ans, les élus locaux ne se seraient pas investis aussi fortement dans la politique de la ville et n'auraient pas pu utiliser tous ces dispositifs.
Dans un contexte économique tel que celui que nous connaissons aujourd'hui, et après avoir entendu Jacques Attali prôner une réduction annuelle des dépenses publiques de l'ordre de 50 milliards, il faudrait être hypocrite pour ne pas voir que les crédits de la politique de la ville sont, eux aussi, affectés par le repli de l'État.
Quelles seront vos priorités et quels critères de sélection pensez-vous utiliser pour attribuer des crédits, forcément plus rares ? Lors de votre dernière audition, je vous avais mise en garde contre le syndrome des grandes métropoles. Si vous appliquez des critères sociaux –chômage, niveau de ressources, etc. – vous vous apercevrez que certains quartiers de villes moyennes passeront au rouge vif.
Pourriez-vous faire taire les rumeurs concernant la taxe de 2,5 % appliquée aux loyers HLM ? Est-elle destinée à financer l'ANRU ?
Contrairement à François Pupponi, je me demande s'il ne serait pas préférable d'orienter la politique de la ville là où il y a de l'argent : les intercommunalités et les régions.
Le contrat d'autonomie est un dispositif très coûteux. Sur les 28 000 contrats signés, combien ont débouché sur un emploi stable ?
Je vous félicite, madame la secrétaire d'État, pour votre action dans les quartiers difficiles, où, malgré la crise, vous avez tenté d'apporter quelque espoir. La situation est particulièrement difficile outre-mer : en un an, le chômage a augmenté de 14,5 % à la Réunion. Comment comptez-vous décliner vos actions dans l'ensemble des territoires ultra-marins ?
Trois ans après leur lancement, les 24 écoles de la deuxième chance affichent un bilan plus qu'honorable. Ces structures, présentes dans 33 départements, s'adressent aux 18-25 ans sortis du système scolaire sans qualification et leur proposent une formation de 8 à 10 mois en alternance. Le nombre de sorties positives avoisinait les 60 % en 2009, ce qui est rarement le cas de structures analogues. Ne pensez-vous pas que ce dispositif devrait faire partie des priorités de la politique de la ville en matière de formation ? Comptez-vous implanter davantage d'écoles de la deuxième chance dans les quartiers difficiles et les zones urbaines sensibles ?
L'éducation est un pilier essentiel de la politique de la ville. Or les écoles sont souvent des ghettos, sans mixité sociale. Pour lutter contre ce phénomène, vous avez mis en place plusieurs dispositifs comme les cordées de la réussite, l'accompagnement aux grandes écoles, les internats d'excellence ou les écoles de la deuxième chance. Pouvez-vous évaluer leur efficacité ? Pensez-vous à d'autres dispositifs pour compléter cet ensemble ?
Les opérations du PNRU 1 se dérouleront jusqu'en 2014 et, pour certaines, jusqu'en 2020. Mais qu'advient-il de la rénovation des secteurs hors ANRU, en ZUS ou hors ZUS ? Les quartiers continuent à se dégrader, et nous ne pourrons malheureusement plus compter sur les bailleurs sociaux pour s'autofinancer car ils contribueront dès 2011 au financement de l'ANRU. Sans contester les besoins de cette dernière, le désengagement de l'État, le prélèvement du 1 % et la contribution des bailleurs sociaux entraveront le développement de l'offre nouvelle de logements. Comment comptez-vous lutter contre la ghettoïsation ? Peut-on encore aujourd'hui parler de mixité sociale ?
La pauvreté et le chômage restent à des niveaux élevés dans les quartiers sensibles. Pourquoi n'entend-on plus parler du plan Espoir banlieues, lancé en 2008 ? Ses objectifs – désenclaver les quartiers, fournir du travail aux habitants, lutter contre l'échec scolaire et la délinquance – ne semblent pas avoir été atteints.
Je suis très inquiet de la baisse des crédits destinés aux associations, qui effectuent un travail incomparable dans les quartiers. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Vous vous êtes efforcée, dans un contexte budgétaire contraint, à faire en sorte que la politique de la ville ne soit pas le tonneau des Danaïdes qu'elle fut il y a quelques années. Il était acquis que la démarche « zéro valeur » du Gouvernement s'appliquerait aussi à votre budget.
Votre stratégie est pragmatique et concrète ; elle repose sur trois piliers clairement identifiés : l'éducation et l'égalité des chances ; l'emploi et le développement économique ; le renforcement du lien social.
Sans socle économique fort, il ne peut y avoir de politique sociale pérenne. Comment comptez-vous sortir du dispositif des ZFU ? Avez-vous pensé à sanctionner les effets d'aubaine qui se manifestent ?
Malgré la RGPP, comment l'État se donne-t-il les moyens d'assumer sa mission ? Je pense notamment aux 300 délégués de préfet.
Ce budget en baisse révèle le décalage entre l'urgence sociale des quartiers et l'engagement financier de l'État, même si une partie des financements sont extrabudgétaires.
Ce n'est pas tant un problème de zonage qui nous interroge, mais la méthode : est-il encore crédible de vouloir gérer une politique de la ville au niveau central, alors que l'efficacité des actions suppose réactivité, adaptation aux réalités de terrain et gestion de proximité ? Ne faut-il pas changer, dès aujourd'hui, la politique de la ville en décentralisant les crédits et en les affectant directement aux maires ?
Nous prenons acte de votre soutien au projet de taxer la trésorerie des bailleurs sociaux pour financer la rénovation urbaine. Je rappelle qu'aux termes de la loi, l'ANRU doit bénéficier d'une dotation de douze milliards d'euros. L'Agence n'a reçu qu'un milliard des six milliards d'euros qui devaient provenir du budget de l'État. Que se passera-t-il en 2012, lorsqu'il faudra fournir 1,5 milliard au titre de l'ANRU, que l'avenant avec les partenaires sociaux du 1 % logement sera achevé et que vous aurez largement puisé dans les caisses des bailleurs ? Est-il nécessaire dans ces conditions de poursuivre l'action n° 4 de votre programme, alors que vous ne défendez, en fait de budget, que des stratégies de prélèvement sur tous les acteurs du logement ?
Par ailleurs, en matière de démolition et de reconstruction, les chiffres que vous nous avez donnés ne sont conformes ni à ceux de Gilles Carrez, ni à ceux du rapport 2009 du comité d'évaluation et de suivi de l'ANRU. Pour l'instant, le nombre de démolitions dépasse toujours celui des reconstructions.
Enfin, le rapport 2009 indique qu'on reconstruit beaucoup moins de logement de plus de quatre pièces qu'il n'en est démoli. De ce fait le parc de logements reconstitué après démolition ne correspond pas à la réalité vécue par les habitants.
Dernièrement, le maire de Clichy-sous-Bois disait dans Libération tout le bien qu'il pensait de l'ANRU et de la rénovation de sa ville. Avez-vous des résultats quantifiés en termes de revitalisation des quartiers, d'emplois et plus généralement dans le domaine du vivre-ensemble ? Vous avez évoqué le recours massif au statut d'auto-entrepreneur par les jeunes : qu'avez-vous prévu pour donner plus de stabilité à ce statut ? Les résultats des internats d'excellence sont-ils bons ? Envisagez-vous des partenariats plus larges avec des entreprises locales ou de grands groupes, qui offrent des opportunités de formation plus importantes ? Que peut-on dire du traitement par notre pays de la question des banlieues au regard des pays qui rencontrent les mêmes problèmes ?
Si, pour notre rapporteur, « l'essentiel est sauf », je dirai quant à moi, s'agissant du financement de la politique de la Ville, que l'essentiel est partout sauf dans le budget de l'État ! M. Le Bouillonnec l'a montré, chiffres à l'appui. Ce qui nous intéresse, nous, parlementaires, c'est que vous nous disiez concrètement ce que l'État est prêt, aujourd'hui, à mettre sur la table pour ces quartiers. Loin de partager le point de vue de certains collègues, qui voient dans ces quartiers un boulet pour notre pays, je pense au contraire qu'ils sont notre énergie positive.
Qu'on nous dise très concrètement ce qui se passerait si les 770 millions d'euros du 1 % logement et les 260 millions prélevés sur les réserves des organismes HLM pour la rénovation urbaine disparaissaient du jour au lendemain. Je souhaiterais, pour ma part, que nous puissions examiner les budgets consolidés de certaines grandes politiques publiques, en tenant compte, non seulement des financements de l'État, mais également de ceux en provenance des collectivités territoriales ou de certains acteurs privés, s'agissant notamment de l'éducation, de l'emploi ou de la sécurité.
S'agissant de la lutte contre les discriminations, question à laquelle je sais que vous êtes sensible, le débat n'a absolument pas avancé : en dépit des promesses que vous aviez opposées il y a deux ans à notre proposition de loi, nous n'avons rien vu venir. Même sur la question de la discrimination à l'adresse, qui semblait pourtant faire l'objet d'un consensus parmi les membres de notre commission, nous n'avançons pas. Le rapporteur a cité Steinbeck, n'oublions donc pas qu'à force de faire du surplace nous risquons de voir mûrir Les Raisins de la colère…
La Fédération nationale des associations d'entrepreneurs s'inquiète de la fin programmée le 31 décembre 2011 de l'ouverture des droits ZFU, et de la remise en cause des exonérations fiscales et sociales dont bénéficient les entreprises situées dans ces zones afin notamment de favoriser l'emploi des jeunes dans les quartiers sensibles. Entendez-vous, madame la secrétaire d'État, créer le groupe de travail réclamé par la Fédération et par de nombreux parlementaires afin d'appréhender l'après 2011 ?
On doit s'interroger, madame la secrétaire d'État, sur les effets collatéraux de certaines décisions qui ne relèvent pas de votre domaine de compétence. Comment analysez-vous l'incidence des récentes coupes claires opérées dans le budget des contrats d'accompagnement dans l'emploi, qui bénéficient très souvent aux activités dans les quartiers ? Ne pensez-vous pas par ailleurs que la suppression de la taxe professionnelle et la création du statut d'auto-entrepreneur, en transformant la France entière en une immense zone franche, ont porté préjudice à la spécificité des zones franches urbaines ?
Je m'inquiète des effets sur nos territoires, non seulement de la RGPP mais de la réforme des collectivités territoriales, qui risque d'aggraver le manque de moyens dont elles souffrent, notamment avec la fin des financements croisés et la suppression de la clause de compétence générale. Comment cette réforme s'articulera-t-elle avec la politique de la Ville ?
Je m'inquiète par ailleurs du désengagement de l'État du financement de la vie associative, le budget des postes FONJEP devant passer de 9,4 à 4,7 millions d'euros. La fonction d'animation et de gestion assurée par le Fonds, au travers des milieux associatifs, est pourtant essentielle pour ces territoires. Par quoi comptez-vous remplacer ce dispositif dans les quartiers ?
Enfin, vous vous êtes félicitée des effets du statut d'auto-entrepreneur pour la vie économique. Pour ma part, je souhaiterais savoir combien d'activités pérennes ont été effectivement développées grâce à ce statut dans les zones couvertes par la politique de la Ville et dans quels domaines ?
Autant on doit louer, madame la secrétaire d'État, la sensibilité dont vous savez faire preuve et votre connaissance des thématiques des quartiers – je les ai constatées en me rendant avec vous sur le terrain –, autant on ne peut qu'être frappé, en tant que parlementaire, par l'écart entre vos convictions et la réalité de votre politique.
Je m'associe aux interrogations que l'absence de financement de l'ANRU suscite chez mes collègues. Le prélèvement sur les réserves des bailleurs sociaux que vous envisagez sera évidemment répercuté sur les locataires, et in fine ce seront eux, plus sûrement que les crédits annoncés par l'État, qui devront financer la politique de la Ville. Je m'interroge par ailleurs sur le financement de la rénovation des quartiers situés en ZUS mais ne relevant pas de l'ANRU. Le directeur de l'ANRU nous a encore dit cet après-midi que son agence n'avait pas à financer des quartiers qui n'avaient pas passé de convention avec elle, contrairement aux allégations de l'État. Cela signifie concrètement qu'il n'y a pour ces quartiers aucune perspective de réhabilitation d'ici à 2020.
Avant de vous répondre sur le fond, je voudrais faire un sort à ce reproche de contradiction, qu'on m'a déjà maintes fois adressé. Je suis profondément convaincue que ces quartiers sont riches de talents et de compétences dont notre pays a besoin. Pour y être née, je connais parfaitement leurs problèmes et je sais comment les résoudre. Mais il y a en politique des contradictions qu'il faut savoir gérer. Par exemple, si tout le monde reconnaît en paroles la nécessité de réformer la géographie prioritaire et de concentrer les besoins dans les quartiers les plus déshérités, certains étant en voie de paupérisation extrême, cette volonté se heurte dans la réalité à certains égoïsmes locaux. Il faut à chaque fois rassembler, fédérer et convaincre, non seulement que la situation reste extrêmement tendue dans ces quartiers, mais que les enjeux dépassent la question de la fracture sociale : c'est le pacte républicain qui est en cause.
Je pense comme vous, monsieur le rapporteur, que la commune est l'échelon pertinent de la politique de la Ville, le maire étant le plus à même de connaître les besoins de ses administrés. Je crois cependant qu'on doit privilégier le binôme préfet-maire pour l'évaluation des besoins des quartiers les plus en difficulté. On peut certes envisager de donner une plus grande efficacité à la politique de la Ville en transférant au maire certaines compétences mineures. Reste qu'on ne pourra pas réduire les écarts territoriaux sans d'abord définir les territoires en difficulté et flécher les crédits qui leur sont destinés. Je connais par expérience le cas de certains quartiers tombés en déshérence en dépit des moyens qui étaient à la disposition du maire.
À propos du budget de l'ACSÉ, j'ai déjà dit combien la prise en charge par les politiques de droit commun était à mes yeux primordiale et conditionnait la réussite de la « Dynamique Espoir banlieues ». On ne peut pas demander à la politique de la Ville de régler à elle seule tous les problèmes des quartiers en difficultés et des villes pauvres. La réduction de la fracture territoriale passera par une mobilisation des politiques de droit commun, la politique de la Ville n'ayant pas vocation à s'y substituer mais devant s'y ajouter comme la cerise sur le gâteau. Cela suppose de bousculer des habitudes prises depuis longtemps. L'expérimentation des cinquante sites permettra précisément de mobiliser les ministres qui se sont engagés dans ce cadre, ce qui signifie des moyens financiers accrus.
Il n'y a pas d'inquiétude à avoir à propos des postes FONJEP, puisque nous avons maintenu les financements pour les trois prochaines années : il y aura toujours 5,6 millions d'euros pour les 780 postes.
En réalité, les crédits de l'ACSÉ subissent la baisse de 10 % qui frappe tous les opérateurs de l'État. La direction du budget refuse qu'on intègre la question des moyens dans le cadre du contrat d'objectifs et de performance de l'Agence qui a été préparé en lien étroit avec son directeur général, M. Frentz, qui en a accepté les termes.
Alors qu'en 2009, monsieur Pupponi, le programme de réussite éducative a consommé environ 70,1 millions d'euros, comme l'indique le rapport annuel de performances transmis au Parlement, le PLF prévoit quatre-vingt-trois millions d'euros pour ce programme. Son financement est donc renforcé.
Le budget global du dispositif du contrat d'autonomie est de 169 millions d'euros, 61,42 millions ayant été effectivement dépensés depuis la mise en place du dispositif. L'objectif est de 45 000 contrats signés en 2011 ; 34 448 contrats ont d'ores et déjà été signés ; 13 646 sont en cours ; en moyenne, 400 contrats sont signés par semaine. Il y a 8 334 sorties positives, 68 % en CDD de plus de six mois et en CDI, soit un taux de près de 40 % par rapport à l'ensemble des sorties.
Cela ne coûte pas plus cher qu'une place dans une école de la deuxième chance.
Si le contrat d'autonomie est si important à mes yeux, c'est qu'il s'agit d'une mesure spécifiquement destinée aux jeunes des cités. Le public visé est constitué, à plus de 70 %, de jeunes, qui ne sont inscrits ni au pôle-emploi ni à une mission locale, sans formation ni qualification. S'agissant d'un public en situation d'exclusion totale, un taux de sortie de 38 % est un succès. Tous ceux qui s'occupent d'insertion savent combien il est difficile de ramener ces jeunes dans une dynamique d'insertion : c'est un travail énorme que de les convaincre d'apprendre la culture de l'entreprise, de se lever le matin, de changer leurs comportements. De ce point de vue, le contrat d'autonomie est un dispositif efficace, même si certains départements sont moins performants que d'autres, en raison de leur difficulté à travailler en cohérence avec les pouvoirs publics et les PME.
Il a été décidé de proroger les CUCS jusqu'en 2014, les expérimentations devant être permises par la mobilisation des ministères dans le cadre de projets spécifiques.
Les écoles de la deuxième chance ont accueilli 67 800 jeunes en 2010. Elles bénéficient de trois millions d'euros au titre de la politique de la Ville, et de vingt-six millions d'euros au titre du Fonds d'investissement social, le FISO. Les résultats sont bons, avec un taux de sortie de 62 %, dont 32 % dans l'emploi et 18 % dans une formation qualifiante. Certes nous travaillons en étroite collaboration avec les écoles de la deuxième chance, mais les régions sont un de leurs grands financeurs et si j'ai souhaité, dès mon arrivée au ministère, que la politique de la Ville soit partie prenante de cette expérience, je ne crois pas qu'elle ait à assumer une plus grande part de son financement.
M. Goulard et M. Pupponi, comme l'ensemble des élus, reconnaissent que le PNRU est un vrai succès. La transformation des quartiers est en marche, et pas seulement dans le domaine du bâti : la rénovation urbaine a également eu un impact en termes de sécurité, conséquence que nous n'avions pas à l'origine envisagée. Douze milliards d'euros ayant déjà été affectés à l'ensemble du programme, il n'est pas possible de répondre positivement à des demandes d'opérations complémentaires ou de projets nouveaux. C'est pourquoi je milite pour un PNRU 2, qui devra s'appuyer sur les enseignements du premier programme de rénovation urbaine. Il devra notamment être doté d'objectifs ambitieux en matière de développement durable. Il devra aussi pouvoir exercer un fort effet de levier sur l'emploi des habitants des quartiers, notamment dans les filières vertes. Il faudra également renforcer l'accompagnement social – je me félicite à ce propos de la signature, le 18 octobre, d'une convention entre l'ANRU et l'ACSÉ. Il devra enfin s'appuyer sur la géographie prioritaire.
Vous nous parlez de nouveaux objectifs, mais vous ne nous dites pas comment ce deuxième programme de rénovation urbaine sera financé.
Quid du financement des réhabilitations en ZUS ne relevant pas de l'ANRU ? Pour le moment, l'État et l'ANRU se renvoient la balle.
Je ne nie pas qu'il y ait un vrai problème. Cette question pourrait être placée au centre de ce deuxième programme de rénovation urbaine. Je dis simplement qu'il faudra terminer le travail.
Je viens de vous dire que les douze milliards ont déjà été affectés. Par ailleurs nous avons fait des propositions de financement.
Ce prélèvement vous surprend, monsieur Le Bouillonnec, mais pas moi. Des dizaines de milliers de personnes ont payé pendant de longues périodes des loyers et des charges correspondant à la location de logements pourtant très délabrés. Il s'agit maintenant de revaloriser ce patrimoine immobilier mais aussi de construire des logements – et la construction n'est-elle pas l'une des missions assignées aux bailleurs sociaux ?
J'insiste : vous êtes locataire dans un immeuble en si mauvais état que les fuites sont la norme et les boîtes à lettres éventrées, et l'on vous explique qu'un programme de rénovation va être engagé, financé par les loyers et les charges qu'ils ont payés. Qu'y a-t-il de choquant à cela ? L'essentiel, c'est que les gens vivent dans des conditions décentes.
A ce détail près qu'avec ce système, leurs charges vont augmenter ! Pour eux, c'est la double peine !
Si l'on en vient à parler d'un deuxième programme national de rénovation urbaine, c'est que le premier a connu un succès remarquable – et pourtant, avec quel scepticisme fut-il accueilli ! Il s'agissait alors de 170 quartiers ; nous en sommes à présent à 485. On peut bien sûr se plaindre que le verre ne soit pas assez plein : pour ma part, je salue l'engagement de la ministre, qui a souhaité aller plus loin en dépit d'un cadre budgétaire extrêmement contraint. Je ne doute pas qu'un deuxième programme national de rénovation urbaine suivra.
Encore faudrait-il rappeler aussi les conditions financières dans lesquelles les premières opérations se font, et ne pas oublier d'indiquer que sur les six milliards que l'État s'était engagé à verser, un seul a été débloqué ! Une fois encore, le ministre dit : « L'État fera » - mais que fera-t-il réellement ? Et de quelle manière finit-on le programme lancé ? Où irez-vous chercher, en 2011, l'argent que l'État ne verse plus ? Comment, sachant les conditions dans lesquelles le premier programme national de rénovation urbaine a été - ou n'a pas été - financé, imaginer en mener à bien un deuxième ?
Le financement est garanti par la loi.
Mais vous n'ignorez pas quelles sont les contraintes budgétaires !
Elles ne sont pas les mêmes pour tous ! Certains se serrent la ceinture plus que d'autres !
La politique de la ville a un prix.
Je vous remercie, madame la ministre, pour ces réponses, dont je comprends que certaines aient pu ne pas plaire aux groupes d'opposition.
M. Jean-Pierre Abelin, rapporteur pour avis pour le logement, a fait connaître son avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Ville et logement » pour 2011. Quel est l'avis de M. Michel Piron ?
Suivant l'avis de M. Jean-Pierre Abelin, rapporteur pour avis pour le logement et de M. Michel Piron, rapporteur pour avis pour la ville, la Commission donne un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Ville et logement » pour 2011.
Membres présents ou excusés
Commission des affaires économiques
Réunion du mardi 2 novembre 2010 à 21 h 30
Présents. - M. Alfred Almont, M. François Brottes, M. Jean-Pierre Decool, M. Jean Dionis du Séjour, M. William Dumas, M. Daniel Fasquelle, M. Daniel Goldberg, M. Pierre Gosnat, Mme Pascale Got, M. Jean-Pierre Grand, M. Louis Guédon, M. Henri Jibrayel, Mme Laure de La Raudière, M. Jean-Yves Le Bouillonnec, M. Michel Lefait, M. Michel Lejeune, Mme Annick Le Loch, Mme Jacqueline Maquet, M. Jean-Marie Morisset, M. Jean-Pierre Nicolas, M. Patrick Ollier, M. Michel Piron, M. Serge Poignant, Mme Josette Pons, M. Jean Proriol, M. François Pupponi, M. Francis Saint-Léger, M. Lionel Tardy, M. Alfred Trassy-Paillogues, M. René-Paul Victoria
Excusés. - M. Gabriel Biancheri, Mme Catherine Coutelle, Mme Geneviève Fioraso, M. Jacques Le Guen, Mme Marie-Lou Marcel, M. Bernard Reynès, M. Jean-Charles Taugourdeau
Assistaient également à la réunion. - M. Frédéric Cuvillier, M. Régis Juanico