La Commission entend Mme Rolande Ruellan, présidente de la sixième chambre de la Cour des comptes, sur un rapport demandé à la Cour des comptes, en application de l'article 58-2° de la LOLF, relatif aux comptes et à la gestion de l'Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS) depuis sa création.
J'ai le plaisir de souhaiter en votre nom la bienvenue à Mme Rolande Ruellan, présidente de la sixième chambre de la Cour des comptes, accompagnée de Mme Marianne Lévy-Rosenwald, présidente de section, de M. Christian Phéline, rapporteur et responsable du secteur santé, et de M. Simon Berthoux, auditeur à la Cour.
La commission des Finances vient d'adopter, sur le rapport de M. Gérard Bapt, les crédits de la mission « Santé ».
C'est également sur sa proposition que le bureau de la Commission a décidé, après concertation avec nos collègues des affaires sociales, de demander une enquête sur l'EPRUS. Ce travail, qui va nous être présenté, rappelle les difficultés qui ont accompagné la mise en place de l'établissement. Il nous a semblé naturel de saisir la Cour pour faire le point sereinement. Nous vous remercions de la contribution que vous apporterez à notre réflexion.
Je vais m'y efforcer, mais il est probable que vous sachiez déjà tout grâce à la commission d'enquête que vous avez constituée.
La demande nous a été adressée à la fin du mois de décembre de l'année dernière. MM. Bapt et Door nous ont confirmé, au mois de février, que la commande portait plus généralement sur les comptes et la gestion de l'EPRUS depuis sa création.
En mai dernier, la commission d'enquête a bien voulu nous auditionner à huis clos, car nos travaux n'étaient pas encore achevés et ils n'avaient donné lieu ni à un débat collégial au sein de la Cour, ni à procédure contradictoire.
Le contrôle a été réalisé par Christian Phéline, avec le concours d'autres spécialistes de la Cour. A la demande de la commission des Affaires sociales du Sénat, nous avons réalisé en parallèle un travail sur la gestion et l'utilisation des fonds destinés à la campagne de lutte contre la grippe A, auquel Simon Berthoux a notamment participé. Ces deux rapports comportent une partie commune, relative au rôle de l'EPRUS dans l'acquisition des vaccins.
Nous n'avons pas jugé utile de convoquer les acteurs déjà auditionnés par les commissions d'enquête des deux Assemblées : nous avons préféré nous appuyer sur les comptes rendus des auditions et travailler selon nos propres méthodes. Nous avons ainsi réalisé des enquêtes sur pièces et sur place, aussi bien à l'EPRUS que dans les départements.
Je rappelle que l'EPRUS est un établissement public administratif créé par la loi du 5 mars 2007 pour remplir deux missions principales : acquérir et gérer des stocks pour faire face à des catastrophes sanitaires, mais aussi constituer et gérer un corps de réserve sanitaire. Entré en action en août 2007, il a connu des débuts très difficiles : à la veille du déclenchement de la campagne de lutte contre la pandémie, il était à peine en état de marche.
Le rapport examine successivement les caractéristiques du nouvel établissement, la façon dont il a été mis en place, la façon dont il a mis en oeuvre ses missions, notamment à l'occasion de la récente pandémie, enfin les conditions de son financement.
L'EPRUS est un nouvel opérateur de l'État. Il existait auparavant un plan d'intervention contre les risques de type nucléaire, radiologique, biologique ou chimique, et des stocks d'antibiotiques, d'antidotes, de masques de protection, d'antiviraux, de vaccins avaient été constitués. La Cour avait eu à en connaître à l'occasion de ses travaux sur l'exécution budgétaire et sur les comptes de l'État. Ces plus importants stocks civils de l'État représentaient 210 millions d'euros fin 2005. La Cour avait critiqué leur gestion directe par l'État, relevant différents problèmes en matière d'inventaire physique, de traçabilité, de suivi logistique et comptable, mais aussi de validité des produits après leur date de péremption. En juin 2008, elle avait adressé un référé « confidentiel défense » sur la gestion de ces stocks stratégiques. La ministre avait répondu, au mois d'octobre suivant, que la mise en place de l'EPRUS permettrait d'apporter les réponses nécessaires.
La création d'un tel établissement public administratif paraît totalement justifiée à la Cour, car les missions exercées ne relèvent pas d'une administration centrale. L'utilité de cet établissement de petite taille, qui emploie 35 personnes, n'est pas en cause. Le problème est qu'il dispose de pouvoirs limités, même si c'est un choix que l'on peut comprendre : l'État, garant de la politique de santé publique, conserve la responsabilité principale en cas de crise sanitaire, d'origine terroriste ou épidémique.
La loi charge l'établissement d'acquérir, de fabriquer, d'importer, de distribuer et d'exporter des produits et services nécessaires à la protection de la population, et d'assurer la gestion administrative et financière d'une réserve sanitaire. Il peut également financer des actions de prévention des risques sanitaires majeurs. C'est dans ce cadre que l'EPRUS a financé des masques destinés aux administrations et qu'il a indemnisé les professionnels réquisitionnés. La loi en a fait un simple exécutant des décisions du ministre de la santé, un logisticien chargé d'acheter et de gérer des stocks sanitaires à la demande du ministre.
Son conseil d'administration paritaire, qui réunit l'État et l'assurance-maladie, a des pouvoirs très limitées : les décisions prises par le directeur sur instruction du ministre ne sont pas soumises au conseil d'administration. Tout ce qui concerne les marchés et les conventions est donc exclu de sa compétence, bien que l'assurance maladie finance la moitié des dépenses.
La convention entre l'État et l'EPRUS, signée au début de l'année 2009, témoigne d'une conception extrêmement extensive des pouvoirs de l'État à l'égard de l'établissement. Sur ce point, vous me permettrez de renvoyer aux pages 19 et 20 du rapport. L'EPRUS est « tenu en laisse », si j'ose dire, par le ministère de la santé. La convention avait même prévu que les stocks acquis par l'EPRUS demeuraient la propriété de l'État.
L'EPRUS a également signé une convention avec l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSaPS), qui vise notamment les expertises réalisées par l'agence sur la validité des produits stockés. Une convention a par ailleurs été signée avec la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) et l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) : la CNAMTS finance la moitié des dépenses de l'EPRUS, via l'ACOSS, sur la base des appels de l'établissement. Les fonds restent abrités au sein de la trésorerie de la sécurité sociale tant que l'EPRUS n'en a pas besoin.
Les débuts de l'établissement ont été compliqués par des divergences stratégiques entre son premier directeur et le ministère de la santé. Le directeur actuel, M. Coudert, a reçu une lettre de mission qui lui demandait notamment d'installer l'établissement à la Plaine de France, de constituer une réserve sanitaire et de créer un établissement pharmaceutique. Hormis la constitution de la réserve sanitaire, ces missions ont été accomplies, mais nous déplorons l'absence de tout contrat pluriannuel. Les indicateurs de la mission « Santé » ne peuvent s'y substituer.
Le transfert des stocks sanitaires de l'État a constitué une lourde tâche lors du démarrage effectif de l'EPRUS. Il a fallu constituer en son sein un établissement pharmaceutique. Une fois cet établissement autorisé par l'AFSSaPS, en mars 2009, les stocks de vaccins ont pu être transférés, ainsi que tous les marchés déjà passés, y compris ceux qui étaient achevés – l'exigence de traçabilité l'exigeait.
Conformément à une demande formulée par la Cour et en application de la norme comptable n° 8, les stocks ne figurent plus dans le bilan de l'État, mais dans celui de l'EPRUS. Alors qu'ils ne représentaient que 552 millions d'euros au 31 décembre 2008, leur valeur brute a dépassé un milliard d'euros au 31 décembre 2009.
Nous avons ensuite procédé à une étude de la passation des marchés, qui a eu lieu dans différents cadres : celui des procédures définis par le code des marchés publics (CMP) ; celui de l'article 3-7° du même code, qui dispense de respecter les procédures du code lorsque un marché exige le secret et doit s'accompagner, pour son exécution, de mesures particulières de sécurité, ou bien lorsque la protection des intérêts essentiels de l'État est en jeu ; celui des conventions passées avec l'UGAP (Union des groupements d'achats publics) ; celui d'une convention passée avec la direction centrale du service de santé des armées au sujet d'un antivirus spécifique.
De 2007 à 2009, des marchés concernant des médicaments, des dispositifs médicaux et des services, ou concernant la réserve sanitaire, ont été conclus pour un montant de 584 millions d'euros. Les vaccins et les médicaments acquis pour lutter contre la pandémie H1N1 représentent, à eux seuls, 72 % des achats en 2009.
La Cour a observé des améliorations dans l'organisation de l'EPRUS en matière de passation des marchés. Elle s'est professionnalisée, même si l'établissement demeure une petite structure. Nous avons constaté, en examinant un échantillon de marchés passés dans le cadre du CMP, que l'EPRUS respecte les règles en vigueur. S'agissant des marchés passés en dehors du CMP, la Cour a émis des doutes sur le bien fondé du recours à cette procédure en tant que telle, mais elle n'a pas constaté d'anomalies majeures dans les marchés examinés.
J'en viens à la mise en oeuvre des missions de l'EPRUS. La Cour avait déjà appelé l'attention sur la durée de validité des stocks sanitaire et sur les règles de leur valorisation à l'époque où ils étaient gérés par l'État. La durée de validité des antiviraux et des vaccins est fixée par l'autorisation de mise sur le marché (AMM). Or un médicament ayant dépassé la date de péremption peut continuer à présenter une certaine efficacité. Compte tenu du coût des stocks, il est problématique de s'en débarrasser. Comme la Cour a déjà eu l'occasion de l'indiquer, il est urgent de définir une procédure d'appréciation des stocks et de renouvellement. L'AFSSaPS a proposé, après avoir réalisé des tests, d'augmenter la durée d'utilisation de certains produits, mais elle n'a pas le pouvoir d'en décider. Elle réalise une expertise scientifique, sans pouvoir assumer la responsabilité juridique d'une éventuelle décision.
Une solution a pourtant été proposée : la validité des produits pourrait être contrôlée chaque année par des examens réalisés en laboratoire, et les produits destinés aux stocks d'urgence ne mentionneraient plus de date limite ; seuls figureraient alors la date de fabrication et le numéro du lot concerné. Mais l'AFSSaPS est réticente à l'idée de créer deux catégories de médicaments, les uns pourvus d'une date limite, fixée dans le cadre de l'AMM, les autres sans date limite. En l'absence de base légale, aucune solution n'est envisageable pour le moment.
Dans l'hypothèse où la décision serait prise par l'AFSSaPS, la logique voudrait que l'État en assume la responsabilité.
L'AFFSAPS n'est qu'un opérateur scientifique. Il faudrait une disposition législative habilitant l'État à garantir la validité des produits sur la base des tests réalisés.
L'agence n'est pas qu'un simple opérateur. Son directeur général prend prendre la décision de retirer un produit du marché…
Les questions de péremption ont évidemment des traductions comptables en matière de dépréciation des stocks. Alors que l'EPRUS a longtemps récusé la notion d'« utilisabilité », il a prévu de déprécier, à partir de la fin de l'année, la totalité de la valeur des articles périmés mais non détruits, dès lors que l'AFSSaPS n'a pas formellement étendu leur durée de validité. Nous restons, en revanche, dans l'incertitude pour les autres produits.
Cette question a, bien sûr, une incidence sur le renouvellement des produits : on ignore quand il faut les détruire et les sortir des stocks. Il n'existe pas aujourd'hui de politique de renouvellement bien établie. Compte tenu des masses financières en jeu, mieux vaudrait procéder à un étalement dans le temps.
Je ne reviens pas, pour le moment, sur le stockage des produits, qui pose des questions essentielles en matière de sécurité et de disponibilité – certains produits doivent être rapidement accessibles –, mais aussi en matière de conditions de conservation. Je rappellerai seulement qu'il existe un projet de stockage à Vitry-le-François, dans une enceinte militaire. La gestion logistique et les systèmes d'information constituent des enjeux considérables : il faut assurer la traçabilité des stocks et parvenir à savoir à tout moment où on en est.
A peine créé, l'EPRUS a été conduit à passer des marchés considérables pour l'acquisition de vaccins dans le cadre de la lutte contre l'épidémie H1N1. Ces marchés ont représenté 446 millions d'euros entre 2009 et 2010, ce montant n'inclut pas les antiviraux déjà en stock, ni les masques qui auraient dû être renouvelés parce qu'ils étaient arrivés à la date de péremption. Sur ce point, le Gouvernement a présenté un décret d'avance que vous avez trouvé contestable, le renouvellement des masques faisant partie des missions normales de l'EPRUS en l'absence de toute pandémie.
Les acquisitions de vaccins ont été réalisées sous la forme d'avenants à deux contrats déjà signés avec Sanofi Pasteur et Novartis dans le cadre de la lutte contre la grippe aviaire, et de deux contrats soumis à l'article 3-7° du code des marchés publics, le plus important d'entre eux ayant été signé avec GSK, et l'autre avec Baxter. Au total, 94 millions de doses ont été commandées afin de vacciner l'ensemble de la population à raison de deux doses par personne – on avait estimé que 25 % de la population n'accepteraient pas de vaccination. Les deux contrats préexistants ne permettant pas de fournir un tel nombre de doses, il a fallu se tourner vers d'autres fournisseurs, notamment GSK, qui était le seul à promettre de fournir 50 millions de doses.
La France s'est alors trouvée en concurrence avec d'autres pays face aux quelques laboratoires qui pouvaient assurer une production aussi importante dans de si brefs délais. Une course de vitesse s'est engagée, chaque État ayant peur de ne pas pouvoir protéger sa population s'il s'y prenait trop tard. Sans prétendre que les laboratoires ont fait du chantage, on peut dire qu'ils ont exercé une pression lorsqu'ils ont fait savoir qu'ils ne s'engageraient pas à fournir des vaccins au-delà d'une certaine date. C'est un élément qu'il faut retenir à la décharge des pouvoirs publics.
Quatre contrats ont été conclus en juillet et en août 2009 pour un montant de 712 millions d'euros TTC. L'achat de 50 millions de doses ayant été finalement annulé, le coût des vaccins s'est élevé à 382 millions d'euros, y compris les indemnités de résiliation partielle.
Les marchés ont été passés dans des conditions très particulières : leur passation a été très encadrée par la ministre et par son cabinet. La politique de commande et de négociation a été exclusivement définie par le ministère, tant en ce qui concerne les décisions de principe que les éléments de négociation. Parfois, la pré-négociation a même été conduite directement par le ministère. Il faut se replacer dans le contexte d'urgence de l'époque pour le comprendre.
Il n'y a pas eu de discussion. On aurait pourtant pu essayer de renégocier les prix dans le cadre des contrats déjà passés avec Sanofi et Novartis. Quand on sait que le prix demandé par GSK était de sept euros, dont six euros pour le seul adjuvant et un euro pour l'antigène, on peut se demander si le prix des vaccins sans adjuvant n'aurait pas dû être beaucoup plus faible.
Je le répète : il n'y a pas eu de négociation sur les prix. Ce n'est pas l'EPRUS qui en a décidé ainsi, mais le ministère. Nous avons même constaté, en réalisant l'étude demandée par le Sénat, que les instructions sont remontées jusqu'au Premier ministre et à l'Elysée. La prise de décision a dépassé de très loin l'EPRUS, qui s'est contenté de signer et d'exécuter des marchés en partie pré-négociés. Nous en concluons qu'il y a eu une sorte de partage du pouvoir adjudicateur.
J'ajoute que le recours à l'article 3-7° du code des marchés publics, qui fait l'objet d'une étroite surveillance de la Commission européenne, a été quasiment dicté à l'EPRUS dans une lettre qui lui était adressée. La rédaction des contrats a également été prédéterminée. On est donc allé bien au-delà de ce que prévoyait la lettre de la loi et de la convention signée avec l'EPRUS. Les contacts préalables avec les laboratoires ont été établis directement par le cabinet de la ministre.
Les quantités, les prix et les conditions de résiliation ont été exclus de la négociation. Nous avons par ailleurs établi que les conditions très restrictives qui encadrent le recours à l'article 3-7° du CMP n'étaient pas réunies. Il aurait été possible de recourir à l'article 35-II-1° du même code, qui permet en cas d'urgence impérieuse de contracter sans publicité et sans mise en concurrence, mais en respectant un certain nombre de garanties, telles que les règles régissant l'octroi des avances et des acomptes aux fournisseurs. De fait, ce ne sont pas les laboratoires, mais plutôt les États qui étaient en concurrence.
Malgré d'importantes incertitudes sur le virus, dont on redoutait des mutations, et sur la date de disponibilité des vaccins – les laboratoires ne s'engageaient pas sur les délais, de telle sorte qu'on ne pouvait pas savoir s'il serait possible de vacciner toute la population avant le début de l'épidémie –, des commandes fermes ont été passées. Aucune clause conditionnelle n'a été prévue, ni aucune clause de renégociation.
Le conditionnement en multidoses a été imposé par certains laboratoires, tels que GSK, et des clauses d'irresponsabilité ont laissé aux pouvoirs publics le soin d'apporter la preuve de la faute du fabricant, même si ces clauses ont été adoucies par rapport aux premières exigences de GSK. Heureusement qu'il n'y a pas eu d'accident grave à la suite des vaccinations ! L'État est, en revanche, resté ferme sur l'exigence, essentielle, de l'obtention d'une AMM.
Ces autorisations ont été très vite délivrées, mais les délais ont été longs à cause de la faiblesse du rendement antigénique du vaccin. On sait par ailleurs que l'Agence européenne du médicament avait indiqué, dès le 20 novembre 2009, qu'une seule dose suffirait. Il est vrai que le Haut conseil de la santé publique s'est prononcé un peu plus tard, mais on aurait tout de même pu éviter d'attendre le début du mois de janvier pour procéder à la dénonciation, unilatérale ou négociée, d'une partie des commandes. Des vaccins ont donc été produits en quantités excessives pendant toute cette période. On savait aussi, compte tenu de la faible létalité du virus, que le niveau d'adhésion de la population à la vaccination serait faible.
Les réductions de commande ont fait l'objet d'une négociation pour un contrat passé avec Sanofi et de trois décisions unilatérales à l'égard de GSK, de Novartis et de Sanofi. Il n'y a finalement pas eu de recours contre ces décisions unilatérales. Le montant des indemnisations versées n'a donc pas dépassé les 48 millions prévus. Les délais de recours sont expirés depuis la fin du mois d'août dernier.
Au total, la dépense s'élève à 382 millions TTC pour 44 millions de doses. Seuls six millions de doses ont été utilisés en France pour la vaccination de 5,3 millions de personnes – certaines d'entre elles ont reçu deux doses, soit parce qu'elles ont été vaccinées tout au début de la campagne, soit parce qu'il s'agissait d'enfants qui n'étaient pas du tout protégés à l'origine. Des doses ont été revendues à Monaco et au Qatar, mais la facture n'en a été allégée que de 6,8 millions d'euros.
Les pertes en lignes, sujet sur lequel nous revenons plus en détail dans le rapport réalisé pour le Sénat, ont été considérables. Certaines doses devaient être détruites, soit parce que la chaîne du froid a été rompue, soit parce qu'elles ont été ouvertes sans que les dix doses conditionnées ensemble soient utilisées, mais on constate également qu'une partie des vaccins a été tout simplement perdue. L'EPRUS n'était pas responsable des doses en dehors de ses propres plateformes départementales. On ignore combien il en reste dans les centres de vaccination et dans les pharmacies. Cela étant, ces doses seront périmées au plus tard en novembre 2011, et l'actuel vaccin contre la grippe saisonnière inclut la souche H1N1 : les doses restantes ne présentent donc plus d'utilité.
J'en viens à la réserve sanitaire, dont la constitution était la première mission assignée à l'EPRUS lors de sa création, à l'initiative du Sénat. Après la canicule de l'été 2003 et l'épidémie de chikungunya, il s'agissait de disposer d'un corps de professionnels de santé volontaires ayant bénéficié d'une formation préalable, dotés de modalités propres d'indemnisation, jouissant d'une protection personnelle et susceptibles d'intervenir très rapidement, y compris à l'étranger. Deux types de réserves étaient prévus : une réserve d'intervention, plutôt formée de professionnels en activité, et une réserve de renfort, composée d'étudiants et de retraités, même si le partage entre les deux types de réserves n'était pas très clair. Les effectifs prévus – 1 000 professionnels de santé pour la réserve d'intervention et 20 000 pour la réserve de renfort – étaient trop ambitieux par rapport au nombre d'étudiants et de professionnels retraités depuis moins de trois ans disponibles.
Je rappelle, en outre, que l'appel à la réserve doit être décidé par arrêté conjoint du ministre de la santé et du ministre chargé de la sécurité civile et qu'une doctrine d'emploi de la réserve a été annexée au contrat entre l'État et l'EPRUS.
Le dispositif est monté en charge très lentement et il n'a jamais été vraiment utilisé selon les règles prévues, sauf dans trois cas relatifs à l'épidémie grippale et un cas à Haïti. Pour le reste, c'est la procédure de réquisition, en vigueur depuis longtemps, qui a été utilisée pour obtenir le concours des professionnels de santé. L'Agence européenne du médicament ayant exigé la présence d'un médecin, il a fallu solliciter très vite des médecins dans les centres de vaccination. Des flottements importants ont été alors constatés : des confusions dans les références aux articles du code, ou encore des sollicitations de médecins par voie d'arrêté du seul ministre de la santé, voire par simple lettre. Tout cela ne pose pas seulement des problèmes au plan procédural, mais aussi au plan budgétaire, car les financements de la CNAMTS ne doivent pas être affectés à la réserve sanitaire. Toutefois, il faut être conscient qu'il n'existait pas, en l'absence de réserve sanitaire opérationnelle, d'autre solution que les réquisitions de médecins auxquelles les services déconcentrés sont habitués.
Au plan budgétaire, les crédits destinés à la réserve sanitaire n'ont pas été entièrement consommés, car la réserve est montée très lentement en charge, et les conditions ont été desserrées.
L'expérience récente devrait servir à repenser la réserve sanitaire. Une réflexion a d'ailleurs été lancée, dans tous les ministères concernés, pour coordonner les différentes catégories de réserves actuelles : il s'agirait de constituer une sorte de grande réserve de sécurité nationale, incluant les pompiers, les militaires, la sécurité civile et la réserve sanitaire.
J'en terminerai par les modalités de financement, question à laquelle votre Commission est naturellement sensible. Un principe de financement paritaire a été retenu pour les dépenses concernant les produits stratégiques et les produits nécessaires pour les actions de prévention, ce qui exclut la réserve sanitaire, comme je l'ai indiqué tout à l'heure. Le principe s'apprécie sur trois exercices consécutifs, mais on ne sait pas encore s'il s'applique aux dépenses décaissées ou aux dépenses encourues.
Les dépenses de l'État ont été imputées sur le programme 204 de la mission « Santé », à l'action n° 16, et sur le programme 128 de la mission « Sécurité civile ». Le bilan n'a toujours pas été réalisé pour les années 2007 à 2009, mais nous avons observé un surfinancement de l'État et plus encore de l'Assurance maladie. Les versements ne se faisant qu'en fonction des besoins, la sécurité sociale conserve les fonds dans sa trésorerie, mais les sommes considérées restent dues à l'EPRUS.
Les prévisions 2010 font état de 184 millions de dotations inutilisées en provenance de l'Assurance maladie et de 42 millions en provenance de l'État. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 prévoit un reversement de 100 millions à la CNAMTS.
L'intégralité des dépenses de l'EPRUS liées à la prévention de la grippe H1N1, soit 446 millions, a été financée par des dotations votées en loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) et en loi de finances pour 2009. Les crédits pour 2010 sont donc excessifs, ce qui conduit à d'importants reports de crédits – 226 millions à la fin de l'année. On peut penser que cette situation conduira à une réduction des dotations futures de l'assurance maladie et de l'État, mais l'absence de bilan triennal ne facilite pas la tâche.
Les modalités de financement retenues nous paraissent quelque peu contestables. Une avance massive de 879 millions de la CNAMTS a ainsi été prévue pour préfinancer l'achat des vaccins. Cette procédure a été justifiée par l'urgence, alors qu'on aurait pu recourir à un décret d'avance, solution également très rapide. L'argument selon lequel il fallait éviter la constitution d'une réserve de trésorerie me semble plus convaincant : si un décret d'avance avait été adopté, les crédits n'auraient pas été mobilisés en fonction des besoins, mais immédiatement versés. En fin de compte, seuls 78 millions d'euros ont été utilisés.
Comme vous, nous avons en outre trouvé contestable le recours à un décret d'avance pour la fourniture de masques, mais je n'y reviens pas.
Une contribution exceptionnelle des organismes complémentaires d'assurance maladie a été prévue par la LFSS pour 2010. Initialement fixée à 0,94 % du chiffre d'affaires, elle a ensuite été ramenée à 0,77 %, car, les vaccins ayant bénéficié d'une AMM, le taux réduit de TVA s'est appliqué. Elle devrait finalement être réduite à 0,34 % par la LFSS pour 2011. Objet de nombreux amendements, le produit de cette contribution a été attribué à la CNAMTS, qui pourra ainsi financer la campagne des bons de vaccination. Au total, les soins imputables à la grippe A auront coûté 95 millions d'euros.
En conclusion, on peut dire que l'EPRUS a été soumis à rude épreuve alors même qu'il était à peine en état de fonctionner. Ce fut une expérimentation grandeur nature – et même davantage. Les critiques que nous formulons ne s'adressent pas tant à l'établissement lui-même, qui s'est comporté en bon exécutant, qu'aux autorités de tutelle. Ce sont elles qui ont réalisé tous les choix en matière de stratégie, de financement et de modalités techniques, y compris pour la passation des marchés.
Il faut maintenant se tourner vers l'avenir en tirant toutes les leçons possibles, aussi bien pour la gestion des pandémies que pour le fonctionnement de l'EPRUS lui-même : un bilan du cofinancement doit être enfin réalisé et il faut établir un contrat de performances pluriannuel pour définir des orientations en matière de réserve sanitaire, de doctrine de renouvellement des stocks, de stockage et de cofinancement.
Merci pour cet exposé fort complet et fort intéressant : vous avez répondu par anticipation aux questions que je souhaitais vous poser.
Nous n'avons hélas pas eu le temps d'étudier votre rapport avant cette audition qui, par certains aspects, me rappelle celles de la commission d'enquête sur la grippe…
Vous avez évoqué la relative faiblesse du conseil d'administration de l'établissement, mais avez-vous fait des propositions pour revoir le statut et les missions de l'EPRUS ?
Non, notre rapport ne comporte pas de propositions à cet égard.
Dans un article, un professeur de droit conteste la légalité des conditions dans lesquelles les contrats ont été passés, un peu dans l'urgence, entre l'État et les laboratoires. C'est aussi ce que vous pointez du doigt dans votre rapport.
Il y est même fait explicitement référence, page 70, à cet article de M. François Brenet : « Le droit des marchés publics, victime de la grippe A ? »
Quatre laboratoires ont été concernés, Sanofi et Novartis par des pré-contrats, GSK et Baxter lorsque l'OMS a lancé le signal d'urgence sanitaire. Si le pré-contrat permet de négocier, il présente l'inconvénient de reposer sur des hypothèses qui ne se confirment pas obligatoirement – en l'espèce, on était parti sur celle du virus H5N1 – et de porter sur des produits dont on ignore la nature, si ce n'est qu'ils sont de type vaccinal. Quant aux contrats passés dans l'urgence, leur principal défaut est qu'on est alors sous la pression : GSK a ainsi menacé, si la commande n'était pas passée tout de suite et au prix voulu, de livrer sa production à d'autres demandeurs. Il paraît donc difficile à un gestionnaire de faire un choix entre les deux formules.
J'avoue que j'ignorais le problème lié à la responsabilité lorsqu'un produit est prorogé. Certes, les vaccins ne le seront pas et les premiers seront d'ailleurs périmés dès ce mois-ci, mais il y a déjà eu des prorogations pour les antiviraux. Si je comprends bien, une initiative législative est nécessaire pour sortir de cette situation, mais je vois mal comment formuler un amendement au projet de loi de finances qui ne soit pas qualifié pas de cavalier budgétaire... Faut-il s'en remettre à l'initiative gouvernementale ou devrions-nous déposer une proposition de loi ?
Vous avez évoqué, madame Ruellan, le milliard d'euros de stocks au bilan de l'EPRUS ainsi que cette question des dates de péremption. Avez-vous une idée de l'effet de valorisation comptable qu'aurait une initiative législative permettant de prolonger la durée de validité du stock ?
Ma question a trait aux liens entre l'EPRUS et le ministère de la défense, dont nous avons examiné le budget ce matin même. Vous avez mentionné le projet de construction d'un hangar de stockage, sur une emprise militaire à Vitry-le-François. À la lecture de votre rapport, je n'ai pas l'impression qu'il s'agisse d'une cession, donc que le ministère puisse en attendre une recette immobilière. Le confirmez-vous ?
Plus généralement, quelles sont les relations entre l'EPRUS et le service de santé des armées, certaines de leurs missions semblant se recouper ?
M. Bapt a évoqué les pré-contrats. En fait, il s'agissait de contrats existants, qui auraient pu être mobilisés si le virus de la grippe aviaire avait prospéré, et auxquels des avenants ont été passés ultrieurement. On peut s'étonner qu'un avenant soit passé pour un virus à un contrat qui en concernait un autre, mais apparemment cela n'a pas posé problème. Il semble en outre assez difficile de se positionner par anticipation vis-à-vis d'un virus qu'on ne connaît pas…
Je ne vois pas d'autre solution qu'une disposition législative pour autoriser la prorogation de la responsabilité d'un produit, mais je n'ai pas compétence pour dire quel serait le vecteur le plus approprié.
La prorogation aurait effectivement un effet comptable mais l'on ne sait guère comment calculer les provisions pour dépréciation de stocks.
À ma connaissance, aucun loyer n'est prévu au profit du ministère de la défense pour le site de Vitry-le-François.
Il est probable que les gouvernements seront confrontés, dans les années qui viennent, à d'autres événements du même type, donc à la nécessité de réagir rapidement. À la lumière de votre analyse de la conduite des marchés et des décisions qui ont été prises, pensez-vous qu'il serait justifié de modifier la réglementation des marchés précisément pour permettre d'agir plus vite, c'est-à-dire de mettre la législation en conformité avec les faits ?
Mais j'ai une autre question, plus impertinente, à tel point qu'elle aurait pu être posée par notre collègue Jean-Pierre Brard… Le rapport de la Cour des comptes insiste sur l'impact de tout ceci sur les finances publiques, mais n'aurait-il pas été également utile de voir quel a été l'effet sur les résultats des quatre grands groupes pharmaceutiques concernés ? Ne pourrait-on, par exemple par l'intermédiaire des services fiscaux, voir s'ils en ont tiré des bénéfices exceptionnels ? A-t-on évalué la fluctuation de leurs cours en bourse en fonction des événements ? J'ajoute que, dans la mesure où l'État était en situation de faiblesse au regard du non-respect des marchés, si ces entreprises ont fini par accepter que ce contentieux se règle à l'amiable, c'est sans doute parce que, au bout du compte, cette affaire s'est soldée pour elles par des gains et non par des pertes.
Nous évoquons page 24 du rapport la coopération avec le service de santé des armées. Elle a fait l'objet d'une convention, en particulier sur la fabrication de produits par la pharmacie centrale des armées, sur le partage de responsabilités logistiques et sur les échanges de produits. Tout ceci est assez technique et bien maîtrisé de part et d'autre.
Il n'est pas question de déposséder les armées du site de Vitry-le-François, qui sera simplement utilisé en coopération. La responsabilité budgétaire des équipements a été débattue au conseil d'administration de l'EPRUS, qui doit maintenant définir avec sa tutelle les modes de financement. Il est en revanche un peu prématuré de se pencher sur les échanges ultérieurs de services et sur les compensations économiques.
S'agissant des prorogations, les réalités juridique et comptable sont quelque peu différentes, la seconde privilégiant fort logiquement les aspects pratiques. Les articles du code de la santé qui règlent les AMM et la responsabilité de l'AFSSaPS ne permettent pas de modifier la date de péremption – sauf à prendre une nouvelle AMM, ce qui supposerait une demande du laboratoire pour l'ensemble des stocks. Même si le ministère aurait sans doute jadis souhaité qu'il en aille différemment, il paraît aujourd'hui évident que le cadre légal ne permet pas de considérer qu'un certificat délivré par l'AFSSaPS – dont elle dit elle-même qu'il est purement technique – pourrait être l'équivalent juridique de l'AMM et opposable à ce titre.
C'est une question de responsabilité : si on utilise un produit simplement sur la base d'un tel certificat, le fournisseur est déchargé de sa responsabilité et les professionnels de santé pourraient être mis en cause en cas d'incident. On a pu envisager de recourir à l'article L. 3331-1 du code de la santé publique, qui permet au ministre, en cas de situation d'urgence grave, de prendre des dispositions qui dégagent la responsabilité de l'usage du produit, dans une mesure proportionnée au risque encouru, mais cela ne vaut pas pour des produits qui sont en stock de façon pérenne et dont l'utilisation ne paraît pas justifiée par une situation d'urgence.
Pour toutes ces raisons, la voie législative fait l'objet de réflexions depuis les premiers rapports de la Cour. Aux États-Unis, le stock d'État a un statut juridique particulier.
Cette réflexion juridique ne préjuge pas des questions logistiques, en particulier quant à la nécessité de réétiqueter les produits.
À partir du moment où l'AFSSaPs a délivré un certificat pour une catégorie de produits et où ce produit n'est pas détruit, du point de vue comptable, on peut admettre qu'il demeure « sanitairement » utilisable, même s'il y a des obstacles juridiques à son utilisation effective. Tout ceci ayant des incidences budgétaires, une demi-mesure a été prise en 2009. Entre temps, le ministère avait élaboré une doctrine aux termes de laquelle, dès lors qu'il a demandé à l'AFSSaPs de prendre une décision, même si cette dernière n'a pas été prise, on maintient en stock. Nous critiquons cette position : si la décision n'est pas prise avant la date de péremption, on doit opérer une dépréciation. Il semble qu'il y a désormais accord entre la comptabilité publique, le ministère de la santé et l'EPRUS, lequel nous a annoncé qu'il dépréciera fin 2010 tous les produits qui se trouveraient dans cette situation. Le rapport comporte un tableau qui montre ce que serait le rythme de dépréciation du milliard d'euros de stocks qui a été évoqué, dans l'hypothèse où on ne ferait rien. Si on perd plus d'un tiers de la somme les deux premières années, en raison du stock de vaccins antigrippaux, par la suite, les pertes sont de l'ordre de 150 millions chaque année et c'est dans cette proportion qu'il faut envisager un étalement des renouvellements.
Si le bilan du partage des dépenses entre l'État et l'assurance-maladie n'a pas été fait, l'article 6 du PLFSS pour 2011 prévoit un remboursement par l'EPRUS de 331,6 millions à l'assurance-maladie, ce qui correspond, peu ou prou, au report des dotations non consommées lors de la période 2006-2009.
Une autre disposition du PLFSS 2011, la réduction de 0,77 à 0,34 % du taux de la contribution demandée aux complémentaires, confirme ce que nous avançons dans le rapport.
M. Couanau a posé une question très iconoclaste sur la modification de la réglementation des marchés, dont un article permet, en cas d'urgence, de s'affranchir de beaucoup de règles, tout en conservant quelques garde-fous. Nous disons simplement qu'il ne fallait pas priver l'EPRUS de toute garantie alors que les intérêts vitaux du pays n'étaient pas menacés à un point justifiant cette entorse aux principes. Outre que les assouplissements du code des marchés publics intervenus ces dernières années permettent déjà d'agir, mieux vaut ne pas s'affranchir de toutes règles lorsque des sommes aussi importantes sont en jeu.
Merci beaucoup.
Je suis persuadé que les conseils de la Cour seront très utiles aux pouvoirs publics pour gérer au mieux à l'avenir des événements de ce genre, qui m'apparaissent inéluctables face d'une part à la loterie sanitaire que représente l'adaptation à l'homme des virus animaux, d'autre part à l'application généralisée du principe de précaution, notamment sur le plan politique.
Membres présents ou excusés
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire
Réunion du jeudi 14 octobre 2010 à 11 h 30
Présents. - M. Gérard Bapt, M. Michel Bouvard, M. Jérôme Cahuzac, M. René Couanau, M. Louis Giscard d'Estaing, M. Jean-Louis Idiart, Mme Marie-Anne Montchamp
COMMUNICATION
A LA COMMISSION DES FINANCES, DE L'ECONOMIE GENERALE ET DU CONTRÔLE BUDGETAIRE
(article 58-2 de la LOLF)
ET À LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
(article LO 132-3-1 du code des juridictions financières)
DE L'ASSEMBLEE NATIONALE
LES COMPTES ET LA GESTION
DE L'ETABLISSEMENT DE PRÉPARATION
ET DE RÉPONSE AUX URGENCES SANITAIRES (EPRUS) DEPUIS SA CRÉATION
Septembre 2010
AVERTISSEMENT
Le rapport qui suit a été établi sur la demande formulée par la Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire et la Commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale par une lettre du 3 décembre 2009 se référant à l'article 47-2 de la Constitution, relative à l'élaboration d'un rapport d'enquête « sur les comptes et la gestion de l'EPRUS depuis sa création ». En conséquence, la présente enquête a été conduite dans le cadre des articles 58-2 de la LOLF et LO 132-3-1 du code des juridictions financières. Les observations de la Cour ont été soumises à la direction de l'EPRUS et aux administrations concernées afin de recevoir leurs remarques qui ont été prises en compte dans la rédaction finale de ce rapport.
SOMMAIRE
Avertissement
Synthèse
INTRODUCTION
PARTIE I : UN NOUVEL OPERATEUR DE l'ETAT 9
A. UN NOUVEL ETABLISSEMENT PUBLIC ADMINISTRATIF 9
1. Les urgences sanitaires : un enjeu majeur 9
2. Les limites d'une gestion directe par l'Etat 10
3. Le choix de la création d'un établissement public 10
4. Un nouvel opérateur de l'Etat, cofinancé par l'assurance maladie 12
B. UNE MISSION DE MISE EN ŒUVRE ET NON D'ORIENTATION STRATEGIQUE 13
1. Un établissement chargé d'importantes missions de mise en oeuvre 13
2. Un pouvoir d'impulsion relevant toujours du ministre 14
3. Un conseil d'administration à la compétence limitée 16
PARTIE II : LA MISE EN PLACE DE L'ETABLISSEMENT 18
A. LA FORMALISATION DES RAPPORTS AVEC LA TUTELLE ET LES PRINCIPAUX PARTENAIRES 18
1. La convention Etat-EPRUS 18
2. L'exercice de la tutelle 20
3. La convention avec la CNAMTS et l'ACOSS 21
4. La convention avec l'AFSSaPS 21
5. Les relations avec le ministère de la défense et le ministère de l'intérieur 22
6. Contrat de performance : une négociation toujours différée 24
B. LE RECRUTEMENT DU PERSONNEL ET SON ORGANISATION 27
1. La direction et l'organigramme 27
2. Les effectifs 27
3. Les rémunérations 28
4. Le règlement intérieur 28
5. Les astreintes 29
C. LES LOCAUX ET LES INVESTISSEMENTS 29
1. Le déménagement à Saint-Denis 29
2. Les investissements informatiques et les outils de gestion 30
D. LE TRANSFERT DES STOCKS SANITAIRES 31
1. L'établissement pharmaceutique : une mise en place différée de deux ans 31
2. Un transfert désormais achevé du pouvoir adjudicateur 32
3. Une inscription des stocks s'opérant désormais dans la comptabilité de l'établissement 32
E. LA PASSATION DES MARCHES 34
1. Les commandes de l'établissement 34
2. Organisation et contrôle des procédures 37
3. Observations sur quelques marchés et conventions 38
PARTIE III : LA MISE EN ŒUVRE DES MISSIONS 42
A. LA GESTION DES STOCKS SANITAIRES 42
1. Les durées de validité et les règles de valorisation 42
2. La programmation des renouvellements 52
3. Le stockage 53
4. La gestion logistique et le système d'information 56
B. LA GESTION DES STOCKS ACQUIS POUR LA LUTTE CONTRE L'EPIDEMIE H1N1. 58
1. Des commandes massives 59
2. La passation des marchés 62
3. L'exécution et la renégociation des contrats relatifs aux vaccins 84
4. Les reventes et dons internationaux de vaccins 91
5. La gestion logistique des produits 92
6. L'utilisation du stock de produits de prévention H1N1 : un premier bilan 96
C. LA CONSTITUTION ET L'ORGANISATION DE LA RESERVE SANITAIRE 100
1. Réglementation et « doctrine d'emploi » de la réserve 101
2. La constitution de la réserve 103
3. Une utilisation encore limitée de la réserve sanitaire au regard d'autres modalités de mobilisation des ressources humaines 106
4. Une gestion budgétaire marquée par des risques importants et une sous-consommation de départ 111
5. Une réorientation nécessaire 112
D. LES ACTIVITES INTERNATIONALES 113
1. Plusieurs interventions d'urgence à l'étranger 113
2. Des coopérations internationales encore limitées 115
PARTIE IV : LE FINANCEMENT DE L'EPRUS 116
A. Un financement à parité par l'Etat et les régimes obligatoires de base d'assurance maladie 116
1. Un principe légal clairement affirmé 116
2. Un surfinancement de l'EPRUS, déséquilibré au détriment de l'assurance maladie 117
3. Un bilan toujours en suspens à l'issue de la période 2007-2009 118
B. Des modalités pour partie contestables de financement des dépenses liées à la campagne de prévention contre la grippe H1N1 123
1. Une succession de décisions budgétaires modificatives en 2009 123
2. Un usage inapproprié de la procédure des décrets d'avance 124
3. Le recours à une avance de la CNAMTS pour préfinancer les dépenses liées à la pandémie grippale 125
4. Une révision budgétaire significative en décembre 2009 127
5. L'annulation partielle des commandes de vaccins 128
C. Les comptes de l'EPRUS 129
1. La formation du résultat 129
2. La physionomie du bilan 130
SYNTHESE
Issu en 2007 d'une proposition sénatoriale, l'EPRUS constitue un nouvel opérateur de l'Etat dans le domaine sanitaire. Sa création visait à la fois à surmonter les limites rencontrées par une gestion administrative directe de l'acquisition et la gestion des stocks publics de produits sanitaires et à mettre en place un nouveau cadre de mobilisation de personnels de santé aptes à faire face à des situations d'urgence, la réserve sanitaire.
1. Un établissement voué à des tâches de mise en oeuvre
Le législateur a entendu réserver à l'autorité ministérielle d'importants pouvoirs propres de décision dans la conduite de telles activités. Ce choix assigne des limites étroites à l'autonomie de l'établissement et au pouvoir délibératif de son conseil d'administration, restriction qui s'est trouvée sensiblement accrue par les termes assez impérieux de la convention passée début 2009 entre l'Etat et l'EPRUS et par les instructions particulièrement impératives et détaillées adressées à ce dernier au sujet de la passation puis de la renégociation des marchés relatifs à la campagne de lutte contre la grippe H1N1. Dans ces conditions, l'association de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) au conseil d'administration souhaitée par le législateur conserve un caractère relativement formel, alors même que l'assurance maladie est appelée à cofinancer les principales activités de l'établissement, dans la limite d'un plafond légal de 50 % des dépenses concernées.
Si la complexité des tâches de constitution de gestion logistique des stocks comme de la réserve sanitaire suffit à justifier la création d'un établissement public, l'autonomie de celui-ci doit légitimement se concilier avec la responsabilité de conception stratégique qui revient à l'Etat dans un domaine aussi sensible. Dans la recherche délicate d'un tel équilibre, il est impératif qu'au-delà d'une phase de mise en place puis d'une situation d'urgence, le mode d'exercice de la tutelle fasse désormais plus substantiellement droit au potentiel d'expertise et de proposition de l'établissement et à la pleine information de son conseil d'administration.
2. Une mise en place difficile
La mise en place de l'EPRUS a été marquée par d'importantes hésitations ou difficultés qui se sont traduites par le départ de son premier directeur général à l'été 2008 et par d'importants retards dans la constitution de ses effectifs, la passation des conventions prévues avec l'Etat et les différents partenaires institutionnels de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) et de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSaPS), la constitution juridique d'un établissement pharmaceutique apte à gérer des stocks de produits de santé, le transfert effectif du pouvoir adjudicateur et le recrutement des premiers effectifs de la réserve sanitaire.
Ce n'est qu'à la fin du printemps 2009 que l'établissement a pu réunir les conditions d'une intervention opérationnelle. Cette même période a également permis de réaliser d'importants progrès en matière de système d'information ou d'outils de gestion, d'arrêter les grandes lignes d'un schéma directeur de stockage et d'aboutir, à partir des comptes 2009, à des modes d'enregistrement des stocks et de leur péremption tendant à se conformer aux recommandations de la Cour.
Ces premières mesures d'organisation ont permis à l'établissement de répondre pour l'essentiel en bon ordre de marche aux tâches qui lui ont été confiées à partir de la mi 2009 dans la gestion de la campagne contre la grippe H1N1 qui a constitué pour lui un « baptême du feu ».
3. Un rouage essentiel de la campagne de lutte contre la grippe H1N1
Conçue et conduite par les pouvoirs publics dans un climat d'urgence, la stratégie de vaccination générale alors retenue faisait reposer sur l'EPRUS tant la négociation de contrats de fournitures sanitaires d'un montant élevé que les tâches logistiques de mise en place des vaccins et autres produits de santé puis de remontée de ceux qui n'avaient pas été utilisés.
Les conditions dans lesquelles ont été conduites tant la passation des contrats que leur renégociation font apparaître de multiples faiblesses qui relèvent cependant davantage de la stratégie de négociation définie par la tutelle que des tâches de pure exécution réservées à l'établissement : recours discutable à l'article 3-7° du code des marchés publics, absence de clauses conditionnelles permettant un ajustement aux incertitudes sur les délais et les quantités, exigences imposées par les fournisseurs en matière de prix, de mode de conditionnement ou de clauses d'irresponsabilité, caractère tardif de la dénonciation unilatérale des contrats (l'indemnisation due aux fournisseurs à l'issue de celle-ci s'élève en définitive à 48,5 M€).
De même un bilan quantitatif de la vaccination met en lumière la très faible proportion de doses effectivement utilisées sur le territoire national (13,4 % des livraisons) ainsi que la part élevée (13) des vaccins mis en place qui ont été perdus ou devront être détruits. Ces constats ne mettent pas en cause la responsabilité logistique de l'établissement qui s'arrêtait au stade des répartiteurs. La mise en place des produits de la campagne H1N1 a au demeurant permis à l'EPRUS d'anticiper la mise en place de plateformes logistiques zonales. D'importants progrès sont également en cours pour mieux assurer la cohérence entre inventaire physique et comptabilisation des stocks.
4. Un financement ayant fait massivement appel à l'assurance maladie en 2009
Le financement de la campagne de vaccination et de l'acquisition des vaccins s'est fondé sur des procédures budgétaires parfois discutables et en faisant recours à une avance de l'assurance maladie. La loi prévoit que le plafond s'imposant aux apports de celle-ci s'applique sur trois exercices. Le respect de ce plafond doit être apprécié au vu des dépenses constatées à fin 2009. En conséquence, l'administration s'est engagée à ce que la parité de financement entre l'Etat et l'assurance maladie soit rétablie à l'occasion des lois de finances et de financement de la sécurité sociale votées fin 2010.
5. La « réserve sanitaire » : une doctrine de constitution et d'emploi à repenser
Compte-tenu du faible avancement de la constitution de la réserve sanitaire, la mobilisation de personnels de santé pour la campagne de vaccination s'est faite pour l'essentiel sous le régime de la réquisition. Les quelques actions ayant fait recours, en France ou à l'étranger, aux effectifs de la réserve mettent en lumière par ailleurs le caractère contraignant des procédures d'utilisation prévues par la loi et les incertitudes juridiques affectant les dispositifs plus souples parfois employés.
De manière plus générale, les difficultés de recrutement rencontrées conduisent à s'interroger sur la pertinence de la doctrine d'emploi adoptée jusqu'à présent et à envisager une réorientation profonde tendant à une décentralisation des recrutements qui mettrait à profit le savoir-faire acquis localement dans l'expérience des procédures de réquisition.
Une réflexion interministérielle engagée sous l'égide du Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) tend par ailleurs à replacer le développement attendu de la réserve sanitaire dans la perspective plus large d'une « réserve de sécurité nationale » qui fédèrerait les diverses réserves susceptibles d'intervenir en situation de crise.
6. La nécessité d'un contrat de performances
La conclusion du contrat de performances entre l'Etat et l'EPRUS a été différée jusqu'à présent par les difficultés de mise en place de l'établissement puis par les urgences liées à la campagne de vaccination. Un tel document, couvrant au moins trois années, serait indispensable pour arrêter, au vu de l'expérience récente, les orientations à prendre en matière de constitution de la réserve sanitaire, de doctrine de renouvellement des divers stocks et de rationnalisation du stockage. Les administrations se sont engagées à ce qu'il soit établi d'ici la fin 2010. Il serait indispensable à son réalisme qu'il décrive le cadre pluriannuel de cofinancement de ces diverses missions.
INTRODUCTION
L'Etablissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS) est un établissement public administratif de l'Etat créé par la loi n° 2007-294 du 5 mars 2007 « relative à la préparation du système de santé à des menaces sanitaires de grande ampleur », elle-même issue d'une proposition de loi déposée par le sénateur Francis Giraud le 24 novembre 2006. Les dispositions législatives le concernant ont été codifiées aux nouveaux articles L. 3135-1 à 5 du code de la santé publique (CSP). L'établissement a reçu son appellation dans le décret d'organisation n° 2007-1273 du 27 août 2007, codifié aux articles R. 3135-1 à 13 de ce même code.
Le législateur lui a confié deux missions principales, d'une part, d'assurer l'acquisition et la gestion des stocks sanitaires publics destinés à faire face à des situations d'urgence, tâche qui était antérieurement sous la responsabilité directe du ministère chargé de la santé, d'autre part, de procéder à la constitution et à la gestion d'un nouveau « corps de réserve sanitaire » dont la mise en place a été prévue par la même loi du 5 mars 2007 dans des dispositions codifiées aux articles L. 3132-1 à 3134-3 du CSP.
Le nouvel établissement est entré en fonction à la fin du mois d'août 2007 et a connu une première mise à l'épreuve à travers le rôle opérationnel majeur que lui a imparti la politique gouvernementale de lutte contre la pandémie grippale H1N1.
Parallèlement à l'enquête dont rend compte le présent rapport, la Cour a examiné, selon la procédure juridictionnelle qui lui est propre, les comptes de l'EPRUS pour les exercices 2007 et 2008. Si la présente communication s'attache à présenter les conditions d'ensemble dans lesquelles ont été conclus les importants marchés de fourniture de produits sanitaires dont l'établissement a assuré la passation et leur incidence pour les finances publiques, le contrôle détaillé de cette passation a dû, dans les délais impartis à cette enquête, se limiter à un échantillon de ces divers contrats tout en examinant de manière plus systématique les conditions dans lesquelles ont été négociées puis partiellement remises en cause les commandes de produits, principalement de vaccins, relatifs à la lutte contre la pandémie H1N1.
Par ailleurs, la Cour a également été saisie le 28 décembre 2009 par la Commission des affaires sociales du Sénat d'une demande d'enquête « sur l'utilisation des fonds mobilisés pour la lutte contre la pandémie grippale A H1N1 ». L'enquête en vue de l'établissement de cette autre communication a été conduite dans le même calendrier que celle dont il est ici rendu compte. Les deux communications ayant, pour partie, un objet commun, plusieurs développements qui y figurent comportent une rédaction voisine.
Enfin, il convient de rappeler l'existence du rapport établi pour la Commission des finances du Sénat par M. Jean-Jacques Jégou sur la gestion par l'EPRUS des stocks de produits de santé1 qui, s'il ne traite pas du recrutement et de la gestion de la « réserve sanitaire » et reste antérieur à l'implication de l'établissement dans la phase opérationnelle de lutte contre la pandémie grippale, analyse en détail les dispositions prises au cours des deux premières années d'existence de l'EPRUS pour sa mise en place et en ce qui concerne la gestion des stocks sanitaires d'urgence. La communication examinera successivement les principes ayant présidé à la création de ce nouvel opérateur de l'Etat dans le champ de la politique sanitaire (I), les divers aspects de sa mise en place (II), la manière dont il s'est acquitté, notamment lors de la campagne de lutte contre la grippe H1N1, des missions qui lui ont été confiées par la loi (III) et enfin son financement (IV).
PARTIE I : UN NOUVEL OPERATEUR DE l'ETAT
La conception ayant présidé à la constitution de l'EPRUS est marquée à la fois par la volonté de confier à un établissement public des missions logistiques en matière d'urgences sanitaires dont la gestion directe par l'Etat semblait difficile (A) et par le souci de conserver un pilotage ministériel de ces activités opérationnelles (B).
A. un nouvel etablissement public administratif
1. Les urgences sanitaires : un enjeu majeur
Plusieurs événements des années récentes ont rappelé à la conscience collective l'existence de risques de grande ampleur pour la santé tenant à la possible survenue d'événements naturels ou climatiques, comme la canicule de l'été 2003, épidémiologiques, comme l'apparition du chikungunya, de cas humains de la grippe aviaire en Asie et d'épidémies localisées de méningite, ou politiques, comme les attentats terroristes du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis.
Si de tels événements restent pour une large part imprévisibles, l'idée s'est renforcée que l'efficacité des réponses à ces risques tient principalement à l'existence préalable de dispositifs y préparant de manière anticipée. C'est ainsi que, devant la possible recrudescence de menaces terroristes, les pouvoirs publics ont entendu mettre en place un plan gouvernemental d'intervention face aux risques de type nucléaire, radiologique, biologique ou chimique (NRBC), décliné dans les trois volets biologique (« Biotox »), chimique (« Piratox ») et nucléaire (« Piratome »). De même, dès 2005, a été élaboré, en réponse à la menace tenant au virus H5N1, un premier plan de prévention et de lutte contre la pandémie grippale qui a fait l'objet depuis de plusieurs actualisations et d'exercices de simulation. La réponse aux épidémies de méningite, pour sa part, fait l'objet d'une circulaire du 23 octobre 2006.
Ces différents dispositifs ont conduit au cours de la dernière décennie à la constitution par l'Etat d'importants stocks de produits et matériels de santé destinés à la prévention ou au soin des populations susceptibles d'être touchées par les diverses menaces concernées.
A l'égard des risques NRBC, la France a ainsi acquis des antibiotiques (Ciflox, Oflocet, Tavanic), des antidotes (Cyanokit, Contrathion, Kelocyanor), de l'iode stable destiné à parer aux effets d'une irradiation nucléaire, des vaccins antivarioliques et du matériel d'injection.
Face aux risques de pandémie grippale, a été constitué un stock de masques de protection (masques chirurgicaux, destinés aux patients, et FFP2, pour la protection des personnels de santé), d'antiviraux (Tamiflu, Relenza, Oseltamivir poudre), de vaccins (H5N1 et H1N1) et de matériels de vaccination.
Enfin, des vaccins (MenBvac, Neisvac, Ménomune) ont également été acquis pour faire face aux accès récurrents de méningite.
L'acquisition de cet ensemble de produits, et les premiers renouvellements nécessités par la péremption de certains d'entre eux, ont représenté un enjeu financier majeur. La valeur totale du stock sanitaire national atteignait 210 M€ dès 2005, soit plus de la moitié des stocks de l'Etat hors défense. Suite à une forte croissance correspondant aux achats liés à la pandémie grippale, sa valeur brute, telle qu'enregistrée dans les comptes de l'EPRUS au 31 décembre 2009, a dépassé le milliard d'euros. Ce montant correspond à un volume de produits dont le stockage représente plus de 110 000 palettes et qui comprend désormais 156 références.
2. Les limites d'une gestion directe par l'Etat
Jusqu'en 2007, l'acquisition et la gestion de ces stocks sanitaires publics ont été pour l'essentiel assurées directement par le ministère de la santé, cette responsabilité étant confiée au département des situations d'urgence sanitaire (DESUS) créé en 2004 au sein de la direction générale de la santé (DGS). Plusieurs contrôles ont mis en lumière les difficultés rencontrées dans cette gestion directe, difficultés qui ont en définitive conduit à rechercher une meilleure organisation par l'externalisation des fonctions commerciales et logistiques auprès d'un opérateur autonome.
Par des observations successives formulées à partir de ses travaux d'évaluation de la comptabilité du ministère de la santé pour l'année 2005, La Cour avait précocement contribué à alerter les pouvoirs publics sur les risques rencontrés dans la gestion des stocks sanitaires d'urgence. Ces observations soulignaient à la fois la fragilité de l'outil de suivi logistique des produits, les incertitudes comptables tenant à l'absence de séparation claire entre coûts d'achat et charges de stockage et à la méconnaissance des coûts de remplacement, et les incertitudes juridiques tenant au maintien dans le stock de produits ayant dépassé leur date officielle de péremption. Elles ont contribué à ce que ces risques soient pris en compte comme « élevés » dans le « plan d'action ministériel » établi en 2006.
Pour sa part, un rapport de la mission d'audit, d'évaluation et de contrôle (direction générale de la comptabilité publique) sur les « Stocks des médicaments du ministère de la santé et des solidarités »2 faisait également apparaître d'importantes lacunes en matière d'application informatique et de contrôle interne et soulignait la nécessité de mieux fiabiliser l'inventaire physique et la traçabilité des différents stocks et d'assurer une réelle corrélation de l'information avec les nombreux prestataires de stockage.
3. Le choix de la création d'un établissement public
De 2002 à 2006 le financement des mesures sanitaires de crise a été assuré par le budget de l'Etat et l'assurance maladie par l'intermédiaire de deux fonds de concours 35-1-6-955, créé en 2002, et 35-1-6-900, créé en 2003. Dans ce cadre, le financement des divers plans de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (« Biotox », « Pandémie grippale », « Epidémiologie ») fut, sur cette même période assuré quasi exclusivement (775 M€ sur 830) par l'assurance maladie.
Lors de son examen de la loi de financement de la sécurité sociale pour 20063, le Conseil constitutionnel a jugé que cette contribution ne revêtait pas le caractère « volontaire » que l'article 17 de la LOLF exige pour les versements aux fonds de concours et n'a validé les articles en cause que sous réserve d'une mise en conformité à compter de l'année 2007.
Une solution qui s'avéra transitoire fut adoptée par la loi de financement pour 2007 avec la création sous forme d'un établissement public dédié à ce financement du Fonds de prévention des risques sanitaires (FOPRIS), dont la gestion fut confiée au Fonds de solidarité vieillesse (FSV).
Le sénateur Jégou, rapporteur pour avis du projet de loi de financement, avait fait adopter lors de sa discussion plusieurs dispositions tendant à encadrer le recours au financement par l'assurance-maladie, le montant de la contribution de celle-ci devant être désormais fixé dans la loi de financement de la sécurité sociale, et non plus par arrêté, et plafonné à 50 % du budget de l'établissement. Corrélativement, les régimes d'assurance maladie étaient représentés au sein du conseil d'administration du Fonds à parité avec l'Etat.
Cette formule d'un organisme à vocation purement financière fit cependant long feu, le Parlement étant saisi de la proposition de loi n° 159 (2006-2007) déposée le 24 novembre 2006 par le sénateur Giraud et « relative à la préparation du système de santé à des menaces de grande ampleur ». Son adoption a conduit dès mars 2007 à la création d'un nouvel établissement public administratif de l'Etat, reprenant les biens, droits et obligations du FOPRIS, mais qui s'est vu confier par la loi des missions opérationnelles importantes tant au regard de la gestion des stocks sanitaires jusque là assurée directement par l'Etat que pour le recrutement et la gestion de la « réserve sanitaire » mise en place par cette même loi qui en définit ainsi le rôle au premier paragraphe du nouvel article L. 3132-1 du CSP :
« En vue de répondre aux situations de catastrophe, d'urgence ou de crise sanitaire grave sur le territoire national, il est institué un corps de réserve sanitaire ayant pour objet de compléter, en cas d'évènement excédant leurs moyens habituels, ceux mis en oeuvre dans le cadre de leurs missions de sécurité civile ; ce corps de réserve est constitué de professionnels et anciens professionnels de santé et d'autres personnes répondant à des conditions d'activité, d'expérience professionnelle ou de niveau de formation fixées, en tant que de besoin, par arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité civile ».
Prenant acte des faiblesses de la gestion antérieure des stocks sanitaires, faiblesses que des rapporteurs parlementaires avaient également relevées à plusieurs reprises, la création d'un établissement public proposée par le sénateur Giraud4 visait notamment à offrir un cadre escompté plus propice à la solution de ces divers problèmes. Elle avait aussi pour objectif de remédier aux « conditions fragiles » et à l'insuffisance en personnels dédiés dans lesquelles la DGS assurait jusque-là la gestion du stock sanitaire national5.
La Cour, à la suite de ses premières observations sur les risques encourus par la gestion des stocks sanitaires, avait mené sur cette même question une enquête spécifique conduite sous le régime « confidentiel défense ». Ses principales conclusions ont fait l'objet d'un référé adressé au ministre chargé de la santé le 26 juin 2008. Ce courrier signé du Premier président, prenant acte de la création récente de l'EPRUS comme opérateur de l'Etat, posait la question du contrôle que l'Etat garderait sur des stocks d'une importance stratégique.
De manière plus générale, il soulignait que ce nouvel outil institutionnel, pour autant qu'il devienne opérationnel, ne saurait résoudre les problèmes rencontrés tant que la puissance publique n'aurait pas pris les décisions stratégiques qui lui reviennent, ni prévu et mis en place une organisation administrative et sanitaire garantissant que la prorogation de produits officiellement périmés s'effectue dans des conditions optimales de responsabilité et de sécurité.
Dans sa réponse en date du 17 octobre 2008, le ministre chargé de la santé après avoir présenté son analyse de la situation et des nécessités de renouvellement des divers stocks concernés saluait la création de l'EPRUS comme une étape importante dans la rationalisation de la gestion des stocks grâce, notamment, à la mise en place d'un système d'information performant , et faisait droit à l'observation de la Cour, en ouvrant à une réflexion sur une organisation administrative et sanitaire propre à sécuriser l'emploi par les professionnels de santé de ces produits en cas d'urgence et en vue de définir des modalités et dispositions à mettre en place pour encadrer l'éventuelles prorogation de la validité des produits.
Pour autant, en 2008, la Cour constatait encore, devant les retards et tensions ayant marqué la phase de mise en place de l'établissement, que cet exercice « au plan des transferts de compétence, de la fixation du partage de la gestion des stocks, de la détermination d'une doctrine comptable aura été une année blanche ». Quand au rapport Jégou, publié quelques mois plus tard, il relevait qu'à la veille de l'épreuve de la pandémie H1N1, l'EPRUS faisait encore l'objet d'« attentes fortes » autant que d'« interrogations » sur sa capacité à rationaliser et professionnaliser la gestion des stocks qui lui avait été transférée.
4. Un nouvel opérateur de l'Etat, cofinancé par l'assurance maladie
La loi du 5 mars 2007 a confirmé les principes adoptés pour le FOPRIS en ce qui concerne la participation des organismes d'assurance maladie à l'administration et au financement de l'établissement public :
- l'article L. 3135-2 du CSP prévoit que le conseil d'administration est constitué « à parité, de représentants de l'Etat et de représentants des régimes obligatoires d'assurance maladie » ;
- l'article L. 3135-4 qui énumère les ressources de l'établissement prévoit « une contribution à la charge des régimes obligatoires d'assurance maladie dont le montant est fixé chaque année par la loi de financement de la sécurité sociale » et précise que son montant « ne peut excéder 50 % des dépenses de l'établissement public au titre des missions mentionnées au deuxième alinéa de l'article L. 3135-1 ». Cette formulation exclut tant les dépenses afférentes à la réserve sanitaire que celle entreprises en cas d'indisponibilité exceptionnelle de certains produits, mais inclut celles tenant au « financement d'autres actions de prévention ». L'article L. 3135-4 indique également que « le respect de ce plafond est apprécié sur trois exercices consécutifs ».
A partir du projet de loi de finances pour 2008, le nouvel établissement s'est inscrit dans la liste des opérateurs de l'Etat au côté des diverses agences sanitaires. Selon la nomenclature des missions alors en vigueur, il a trouvé place dans la mission interministérielle « Sécurité sanitaire » au sein du programme 228 « Veille et sécurité sanitaire » dépendant du ministre chargé de la santé, où son action relevait de l'action préexistante n° 2 « Gestion des urgences, des situations exceptionnelles et des crises » et, de manière assez indirecte, de l'objectif 1 « Améliorer la préparation et la qualité de la gestion des alertes sanitaires » et des deux indicateurs qui lui sont associés.
Un important remembrement de la cartographie des projets annuels de performance a conduit à partir de l'exercice 2009 à supprimer la mission « Sécurité sanitaire » pour regrouper dans la mission « Santé » l'ensemble des actions impliquant le ministère chargé de la santé. Dans ce cadre, c'est le nouveau programme 204 « Veille et sécurité sanitaire » qui accueille une action n° 16 intitulée « Réponse aux alertes et gestion des urgences, des situations exceptionnelles et des crises sanitaires ». S'y rattache l'objectif 7 intitulé « Améliorer le système de défense sanitaire en vue de faire face aux menaces » qui comporte désormais trois indicateurs. Cette typologie n'a pas été modifiée en 2010 sous réserve de la suppression de deux des indicateurs de l'exercice précédent et de la création d'un nouveau (voir infra, partie II, A, 6).
La description du financement et de l'activité de l'établissement reste partielle dans les documents budgétaires associés aux projets de lois de finances compte-tenu du principe de cofinancement par l'assurance maladie et de la part élevée des moyens qui, face à la survenue de la pandémie H1N1, lui ont été apportés courant 2009 par avance de cette dernière ou, au titre de l'Etat, par voie de décret d'avance ou à travers la loi de finances rectificative. Les rapports annuels de performance pour 2008 et 2009 retracent cependant les conditions contrastées de l'exécution budgétaire de ces deux exercices (voir infra, partie IV, B).
B. Une mission de mise en oeuvre et non d'orientation strategique
1. Un établissement chargé d'importantes missions de mise en oeuvre
La plus large part des dispositions de la loi du 5 mars 2007 et du titre « Menaces sanitaires graves » du CSP où elles se trouvent codifiées6, est destinée à décrire la « constitution et l'organisation du corps de réserve sanitaire », les « dispositions applicables aux réservistes sanitaires » et les « règles d'emploi de la réserve ». Ces principes législatifs ont appelé de nombreuses mesures d'application par décret en Conseil d'Etat7.
C'est par ailleurs au titre de la mission d'« assurer la gestion administrative et financière de la réserve sanitaire » que la création d'un nouvel établissement public est introduite à l'article L. 3135-1 du CSP, le transfert de la tâche jusque là ministérielle visant à « acquérir, fabriquer, importer, distribuer et exporter des produits et services nécessaires à la protection de la population face aux menaces sanitaires graves » ne résultant que, dans un second alinéa, d'une mission qui lui est « également » confiée. A cet effet, ce même article dispose que l'EPRUS ouvrira un « établissement pharmaceutique », au sens du CSP, propre à conduire des actions relatives à des médicaments et produits de santé, disposition dont la mise en oeuvre a fait l'objet d'un important retard (voir infra, partie II, D, 1) :
« Lorsque les actions menées par l'établissement public concernent des médicaments, produits et objets mentionnés à l'article L. 4211-1 du présent code, elles sont réalisées par un établissement pharmaceutique qui en assure, le cas échéant, l'exploitation».
Aucune disposition légale nouvelle n'a, en revanche, été prise concernant le statut des produits relevant du stock sanitaire d'urgence qui, de ce fait, au-delà des modalités publiques de leur gestion, restent soumis aux contraintes de la réglementation de droit commun des médicaments et des dispositifs médicaux.
Ces deux tâches principales ne sont cependant pas exclusives d'autres missions susceptibles d'être confiées à l'établissement à l'initiative du ministre de la santé. L'article L. 3135-1 du CSP prévoit en effet, au titre de son second alinéa, que le nouvel établissement « peut également financer des actions de prévention des risques sanitaires majeurs » et qu'il peut également :
« mener à la demande du ministre chargé de la santé, les mêmes actions pour des médicaments, des dispositifs médicaux ou des dispositifs médicaux de diagnostic in vitro répondant à des besoins de santé publique, thérapeutiques ou diagnostiques, non couverts par ailleurs, qui font l'objet notamment d'une rupture ou d'une cession de commercialisation, d'une production en quantité insuffisante ou lorsque toutes les formes nécessaires ne sont pas disponibles ».
La première de ces dispositions a pu être utilisée, lors de la campagne de lutte contre la grippe H1N1, tant pour confier à l'EPRUS l'acquisition de masques à destination des différentes administrations8 que pour mettre à sa charge l'indemnisation des professionnels de santé retraités ou sans emploi réquisitionnés à l'occasion de la campagne de vaccination9. Dans les deux cas cependant et bien que ces deux actions aient été conduites en référence juridique au deuxième alinéa de l'article L. 3135-1 du CSP, la destination administrative de la première action et le caractère régalien de la seconde ont conduit à ne pas faire recours au mécanisme de cofinancement par l'assurance maladie.
2. Un pouvoir d'impulsion relevant toujours du ministre
Si la loi du 5 mars 2007 a délégué à un établissement autonome la gestion tant des stocks d'urgence que de la réserve sanitaire, elle a entendu réserver au ministre chargé de la santé la responsabilité d'orienter la constitution et la mise en oeuvre de ces deux moyens d'intervention en cas de crise sanitaire. Plusieurs dispositions en ce sens méritent d'être signalées :
- s'agissant de la réserve sanitaire, l'article L. 3134-1 dispose que son emploi en cas de situations le justifiant relève des « ministres chargés de la santé et de la sécurité civile » qui « peuvent conjointement » y « faire appel par arrêté motivé ». L'article 3135-1 confie par ailleurs à un décret en Conseil d'Etat la mission de définir « les modalités de mise en oeuvre et d'emploi de la réserve au plan territorial, sous l'autorité des représentants de l'Etat compétents » ;
- s'agissant des stocks sanitaires, ce même article précise que c'est « à la demande du ministre chargé de la santé » que l'établissement exerce sa mission d'acquisition et de gestion de tous produits. Il en va de même pour les actions en cas d'indisponibilité exceptionnelle de ceux-ci ;
- enfin, l'article L. 3135-2 indique que l'EPRUS est soumis « à un contrôle de l'Etat adapté à la nature particulière de sa mission » et que, si le directeur général « agit au nom de l'Etat », il « prend les actes nécessaires à l'accomplissement des missions que le ministre chargé de la santé confie à l'établissement ».
Au vu de ces dispositions, le rapport Jégou précité constate que « l'EPRUS est placé sous le contrôle étroit de la DGS et est cantonné à un rôle de strict logisticien » et qu'il « ne participe pas à la planification ni à l'élaboration des plans de réponse aux urgences sanitaires », situation qui « semble d'ailleurs avoir été à l'origine de divergences entre la première équipe dirigeante de l'EPRUS et le ministère de la santé ». Il y voit une sérieuse « question de positionnement » et est conduit « à s'interroger sur l'opportunité de la création de l'EPRUS » alors même qu'il lui semble « difficile d'envisager une amélioration du dispositif si la DGS régit en détail son action, alors qu'elle a elle-même rencontré des difficultés importante, par le passé, dans la réalisation des tâches qui lui incombaient ». En cela, il fait écho aux interrogations formulées à plusieurs reprises par la sénatrice Nicole BRICQ, rapporteure spéciale de la mission « Sécurité sanitaire » sur l'opportunité de mettre en place une telle structure.
Pour autant, le rapport Jégou n'a pas souhaité préconiser la suppression de l'établissement au vu notamment de sa relative « jeunesse » et préféré proposer qu'« un bilan de l'action menée par l'EPRUS soit dressé une fois le risque pandémique passé, afin d'apprécier toute la mesure du rôle effectif dévolu à l'établissement, ainsi que la « valeur ajoutée » apportée par sa création ». Il souligne par ailleurs qu'en cas de maintien, l'EPRUS devrait, pour le moins, voir « sa participation à la phase de planification et de préparation aux menaces sanitaires être renforcée dans la mesure où l'établissement doit également pouvoir faire preuve de capacités d'anticipation, de réactivité et d'adaptation en cas de dysfonctionnement des plans de défense ».
De ce point de vue, le préambule de la convention passée début 2009 entre l'Etat et l'EPRUS exprime sans nul doute en des termes particulièrement impérieux le rôle directeur exclusif revendiqué en ce domaine par le ministère :
« Le ministère de la santé est garant de la politique de santé publique et de la réponse aux menaces sanitaires. A ce titre, il définit les stratégies de réponse aux menaces sanitaires et de prise en charge des actions collectives de santé publique. Il élabore les plans de réponse, définit la liste des contremesures médicales et des produits associés, s'assure des moyens nécessaires et en exprime la doctrine d'emploi.
Il est en charge de la gestion des crises sanitaires et apporte, le cas échéant, son concours aux autres ministères. Il assure, à ce titre, l'interface avec ces derniers ».
Dans le principe, il ne paraît pas illégitime que, dans un domaine d'action où l'Etat ne manque pas d'être principalement mis en cause dans sa responsabilité de gestion des crises, le rôle de pilotage stratégique soit clairement revendiqué par le ministère.
L'existence d'un opérateur autonome pour la mise en oeuvre financière, administrative et logistique des actions en découlant n'en est pas, pour autant, dépourvue d'intérêt. Elle conduit à constituer un pôle de compétences et d'expertise très spécialisé qu'il s'est avéré difficile d'organiser sous les contraintes d'une structure d'administration centrale. A la différence d'une gestion menée en régie sous la responsabilité directe du ministère, l'autonomie administrative, financière et comptable d'un tel établissement permet, en outre, d'identifier avec plus de transparence l'essentiel des moyens engagés à l'appui d'une telle mission. Enfin, la séparation des personnalités morales oblige à un plus grand formalisme dans le partage entre les décisions appartenant à l'autorité gouvernementale et les mesures d'exécution déléguées à l'établissement, ce qui peut contribuer à une plus claire évaluation des responsabilités de conception et de mise en oeuvre.
On le verra cependant, telle qu'elle a été conçue par le ministère, la mise en oeuvre d'un tel projet a conduit à réduire l'autonomie de l'établissement au-delà de ce qu'impliquaient les dispositions déjà limitatives de la loi :
- La convention passée avec le nouvel établissement public (voir infra, partie II, A, 1) prétend trancher la question de la propriété des stocks sanitaires dans un sens qui, pour le moins, sollicite fortement les termes de la loi et traduit selon des modalités singulièrement impérieuses le rôle assigné au ministère dans la conduite des activités de l'établissement. En cela, elle s'est refusée à faire droit au potentiel d'expertise attendu d'un organisme dédié, à lui reconnaître formellement des plages de proposition et de validation dans l'élaboration des stratégies de préparation et de réponse aux urgences sanitaires et à l'associer plus systématiquement aux procédures de décision.
- Dans le climat d'urgence où s'est mis en place le dispositif de lutte contre la grippe H1N1, le ministre chargé de la santé ne s'est pas limité à « demander » à l'EPRUS, ainsi que l'y invite la loi, de procéder aux acquisitions de vaccins et produits de santé jugés nécessaires à la stratégie sanitaire retenue ; il a cru, par l'intermédiaire de son cabinet, devoir prendre lui-même les contacts avec les laboratoires concernés, arrêter par avance des éléments essentiels de la négociation et donner à l'établissement les instructions les plus détaillées sur les procédures et la teneur même des contrats qu'il était supposé négocier et conclure (voir infra, partie III, B, 2). Outre les risques de toute nature qu'elle comporte, cette participation extensive à l'exercice d'un pouvoir adjudicateur légalement transféré à l'EPRUS excédait à l'évidence les prévisions de la loi de 2007 ; au-delà des circonstances exceptionnelles qui l'ont inspirée, elle ne saurait être considérée comme un mode normal d'exercice de la tutelle sur l'établissement.
3. Un conseil d'administration à la compétence limitée
Conformément à l'article R. 3135-2 du CSP, le conseil d'administration de l'établissement comprend, outre son président, douze représentants de l'Etat10 et douze représentants des régimes obligatoires d'assurance maladie11. Le rapport Jégou souligne cependant qu'en dépit de cette parité au sein du conseil d'administration, le rôle de l'assurance maladie dans la gestion du stock national santé et dans la détermination de la stratégie d'acquisition et de renouvellement est très réduit et « semble ainsi se limiter à celui de simple cofinanceur ».
Ceci est pleinement confirmé par le fait que les prérogatives du conseil d'administration lui-même se trouvent limitées par les dispositions constitutives de l'établissement qui font qu'échappent à sa compétence les actions mises en oeuvre par le directeur général sur demande directe du ministre ainsi que le prévoit expressément le dernier alinéa de l'article L. 3135-2. En conséquence, le 12° de l'article R. 3135-7 exclut formellement du champ de ses délibérations les contrats, marchés et conventions « passés à la demande du ministre chargé de la santé en application des dispositions des deuxième et troisième alinéa de l'article L. 3135-1 ». C'est dire que l'essentiel de l'activité de l'EPRUS tout au long de la période pandémique de 2009 s'est développé hors du contrôle de son organe délibérant.
Ce partage entre activités de la compétence du conseil et celles où le directeur général agit sur instruction directe du ministre ne va cependant pas sans incertitude juridique, comme en témoigne le débat qui a occupé la plus grande part du conseil d'administration du 2 mars dernier s'agissant de savoir si les dispositions de l'article R. 3135-7 suffisaient pour que le directeur général soit également habilité à négocier les conséquences de la modification unilatérale décidée par le ministre chargé de la santé des marchés de fourniture des vaccins H1N1, ou s'il fallait appliquer en l'espèce le 14° de ce même article qui prévoit que le conseil délibère des « actions en justice et (des) transactions portant sur un montant supérieur au seuil qu'il détermine ». A titre de précaution « dans cette affaire très délicate » visant à « consolider les supports juridiques » de la décision ministérielle et à éviter que l'issue des négociations puisse être attaquée sur ce point de forme, le conseil à en définitive adopté une résolution dont la rédaction reflète son embarras devant cette « zone d'ombre » du CSP :
« En application du deuxième alinéa de l'article R. 3135-7 du code de la santé publique, le conseil d'administration délègue, dans les conditions ci-après et dans la limite de ses compétences, au directeur général les décisions concernant les actions en justice et transactions mentionnées au 14° de l'article R. 3135-7.
La présente délégation est accordée pour les seules actions en justice et transactions qui, quel que soit leur montant, seraient engagées ou conclues consécutivement aux modifications unilatérales des marchés de fourniture de vaccins contre la grippe A(H1N1) notifiées à la demande de la ministre chargée de la santé publique.
Le directeur général informe le conseil d'administration, lors de chacune de ses séances, des actions en justice et transaction décidées, depuis la dernière séance ».
La situation juridique que reflète une telle décision manifeste une dissymétrie majeure entre le périmètre des dépenses sur lesquelles l'assurance maladie est engagée à assurer une parité de financement et le champ des questions sur lesquelles elle participe au pouvoir délibératif. Cet écart est encore accru par l'hypothèse, retenue dans les tableaux budgétaires prévisionnels établis lors du conseil d'administration du 7 mai 2010, selon laquelle les charges d'indemnisation faisant suite à la renégociation des contrats de vaccins H1N1 seraient elles mêmes financées à parité. La passation initiale des marchés comme la décision de leur annulation partielle échappant juridiquement au débat du conseil d'administration, l'assurance maladie se trouve ainsi à devoir financer pour moitié tant les coûts des commandes de départ que les conséquences de leur interruption, sans avoir eu à délibérer sur les conditions dont celles-ci auront été définies puis remises en cause par la seule décision du ministère.
La CNAMTS souligne par ailleurs que le champ des compétences reconnues à cet organe et celui qui en est exclu au titre des missions exercées à la demande du ministre peuvent parfois se recouper, le Ministre demandant à l'établissement la mise en oeuvre de plans d'achats et la passation des marchés et le conseil d'administration délibérant sur le budget, ce qu'il n'est en mesure de faire qu'à la condition de disposer d'une information suffisante sur les prévisions de dépenses , ce qui n'a pas toujours été le cas lors de la mise en place de l'établissement ou lorsque les exigences de confidentialité ou le secret défense ont été invoquées à l'appui d'une présentation restant « globale » des facteurs concernés.
Dans la mesure où les pouvoirs publics jugent nécessaire une organisation institutionnelle où une partie majeure des activités de l'établissement relève de la décision directe de l'autorité ministérielle, il convient de prévoir au bénéfice du conseil d'administration un droit à l'information sur la teneur de ces décisions lui permettant d'exercer de manière pleinement éclairée son rôle délibératif notamment dans le domaine budgétaire.
PARTIE II : LA MISE EN PLACE DE L'ETABLISSEMENT
La mise en place de l'établissement sera examinée du point de vue de la formalisation des rapports de l'établissement avec sa tutelle et ses principaux partenaires (A), du recrutement du personnel et de l'organisation des services (B), de son installation matérielle et des investissements notamment en informatique (C), du transfert des marchés et stocks antérieurement gérés par l'Etat (D) et des procédures de passation des marchés (E).
Le nouvel établissement public a été organisé par le décret du 27 août 2007 précité. La gestion du FOPRIS s'est poursuivie entre la date d'entrée en vigueur de la loi et le 29 août 2007, date à laquelle ses droits et obligations ont été transmis à l'EPRUS.
Le premier directeur général, M. Bernard Boubé, préfet, antérieurement en fonctions au Secrétariat général de la défense nationale, a été nommé par décret du Président de la République le 29 août et est resté en fonction jusqu'à sa démission en juin 2008. La secrétaire générale, Mme Auburtin a assuré son intérim12 jusqu'à la nomination, le 16 octobre 2008, de l'actuel titulaire du poste, M. Thierry Coudert, administrateur civil hors classe. La première année de fonctionnement a été marquée, on l'a vu, par des frictions avec la tutelle et, comme le souligne le rapport Jégou, « de nombreuses incertitudes, tant en ce qui concerne la conception du rôle du nouvel établissement et son positionnement par rapport au ministère de la santé chargé de sa tutelle, que des modalités juridiques de transfert à l'EPRUS des principaux marchés passés antérieurement par la DGS ». Cette situation s'est traduite par d'importants retards dans la mise en place de l'établissement, en ce qui concerne notamment « son implantation, dans des conditions pérennes, la formalisation de ses relations avec la DGS et les problèmes juridiques soulevés par l'ouverture de l'établissement pharmaceutique ». Six mois ont alors été nécessaires pour que ces obstacles soient levés et que les principales conditions de l'opérationnalité de l'établissement soient réunies.
A. La formation des rapports avec la tutelle et les principaux partenaires
1. La convention Etat-EPRUS
Le rapport Jégou observe que « la tutelle exercée sur l'EPRUS se distingue de celle à laquelle sont soumises les autres agences de sécurité sanitaire, dans la mesure où l'établissement public exécute la plupart de ces actes à la demande expresse du ministre ». De fait, au-delà même des dispositions expresses de la loi en ce sens, la « convention cadre fixant les relations entre l'Etat et l'EPRUS dans l'exercice de ces missions », signée le 16 février 2009, organise l'ensemble de l'activité de l'établissement sur la base de directives émanant de la DGS. En tant que « chargée de mettre en oeuvre » les missions imparties au ministre chargé de la santé, cette dernière :
- « définit » annuellement, et le cas échéant « modifie », « le programme d'acquisition ou de renouvellement des stocks » (article 2.2) ;
- « adresse à l'EPRUS une commande écrite » pour « toute acquisition de produits » et en fixe « le calendrier d'exécution » (article 2.2) ;
- « participe en tant qu'expert à l'analyse des offres » (article 2.3) ;
- a « accès, à tout moment » aux stocks et peut y faire « des contrôles inopinés » (article 3.1) ;
- donne « instruction expresse » pour toute cession de produits (article 3.3) ;
- « fixe les objectifs » de gestion des stocks (article 3.5) ;
- « autorise » la destruction des stocks périmés ou altérés (article 3.10) ;
- « élabore » la doctrine de constitution et d'emploi de la réserve sanitaire, laquelle fait l'objet d'un « protocole additionnel » à la convention (articles 7 à 9).
L'établissement ne se voit expressément reconnaître de pouvoir d'alerte ou de proposition que dans les quelques domaines où il :
- « propose » les principes du « schéma directeur de stockage » (article 3.5) ;
- « participe au programme d'extension des durées de validité des produits » mis en oeuvre avec l'AFSSaPS et le ministère (article 3.9) ;
- « participe aux instances de gestion de crise mises en place par le ministre de la santé et l'assiste lorsque ce dernier apporte son concours à un autre ministère » (article 10).
L'EPRUS est en revanche soumis à de nombreuses obligations d'exécution, de compte rendu ou d'information du ministre et notamment :
- « instruit dans un délai d'un mois » les ordres d'acquisition et « en informe le ministre » (article 2.3) ;
- « adresse » au DGS les documents nécessaires à la passation des marchés et l'« informe » avec un an d'avance des marchés pluriannuels (article 2.3) ;
- « alerte » le ministre « sur les besoins de renouvellement des produits un an avant leur date de péremption » (article 3.9) ;
- « transmet » un état trimestriel des stocks (article 3.8), les documents nécessaires à la certification des comptes de l'Etat (article 5.1) et un état annuel de la valorisation des stocks (article 5.3), et « tient à jour » un état des autres produits que ceux relevant du stock d'urgence (article 6) ;
- « informe par écrit » des « modalités d'astreinte » mise en place dans l'établissement (article 11).
La convention ainsi passée traduit une application impérieuse, et parfois presque vexatoire, des prérogatives légales reconnues au ministère de la santé dans le pilotage tant stratégique que courant des activités de l'établissement. Selon la DGS, cette rédaction qu'elle qualifie plutôt de « précise et volontaire » visait délibérément à « clore les sujets de divergence qui avaient retardé la mise en place effective de l'établissement » et n'aurait, par la suite, pas fait « obstacle à une collaboration riche et empreinte de confiance ». Pour autant, la convention interprète fortement l'intention du législateur sur des points où elle n'était pas explicite. Tel est notamment le cas de son article 3.1 selon lequel tant les stocks acquis par l'EPRUS que ceux qui lui sont confiés « demeurent la propriété de l'Etat ». Pour aller indiscutablement dans ce sens, il aurait cependant fallu que la loi précise que les stocks transférés à l'EPRUS l'étaient afin que, selon l'expression retenue par la convention, il en assume « la garde », et que ses acquisitions étaient faites « pour le compte de l'Etat ». Tel n'est pas le cas.
La signature de cette convention début 2009 a mis un terme à une vive divergence d'appréciation qui avait opposé le ministère de la santé au premier directeur de l'établissement, M. Bernard Boubé, jusqu'à la démission de ce dernier en juin 2008, quant aux rôles respectifs qui pouvaient leur être reconnus sur la base des dispositions voulues par le Législateur13.
Quoi qu'il en soit, le système ainsi mis en place a au moins pour mérite d'assurer une formalisation des instructions données par l'Etat à son opérateur, propice à la claire identification et à la traçabilité des décisions prises par les pouvoirs publics dans un domaine particulièrement sensible de leur action. Au-delà des pouvoirs expressément confiés par la loi au ministre chargé de la santé en matière de gestion des situations d'urgence (voir supra, partie I.B.2), par la convention Etat-EPRUS, la DGS s'oblige en effet à formaliser chacune des décisions qu'elle revendique en matière de constitution, de gestion et de renouvellement des stocks d'urgence.
2. L'exercice de la tutelle
Le préambule de la convention Etat-EPRUS indique que « la direction générale de la santé et, en son sein, le département des urgences sanitaires (DUS), sont en charge de la tutelle administrative et financière de l'EPRUS ».Toutefois, le secrétaire général de la DGS assure de manière transversale le suivi des diverses agences sanitaires et il lui arrive de représenter le DGS au sein du conseil d'administration. En outre, le chef du département des urgences sanitaires est haut fonctionnaire de défense adjoint et, à ce titre, relève de l'autorité fonctionnelle du secrétaire général des ministères sociaux qui est également, pour ce même domaine, haut fonctionnaire de défense et de sécurité (HFDS)14.
Le DUS a été créé par l'arrêté du 11 mai 2007 portant organisation de la DGS qui restructurait la fonction sanitaire des ministères sociaux et pour prendre en compte la création alors toute récente de l'EPRUS. Conçu comme « l'entité unique au sein du ministère chargé de la santé qui a compétence pour recevoir et synthétiser les alertes sanitaires, décliner et mettre à jour les plans de réponse aux menaces », il regroupe les fonctions liées à la préparation et à la gestion d'alertes sanitaires précédemment réparties au sein de la DHOS (« Cellule de gestion des risques ») et des services du haut fonctionnaire de défense. Il a remplacé le DESUS, créé au sein de la DGS par arrêté du 14 octobre 2004 qui cumulait des fonctions d'administration centrale et la difficile gestion en régie directe des stocks d'urgence. Le rapport Jégou soulignait cependant que « la création de l'EPRUS n'a pas conduit à une diminution des effectifs de la DGS » et ne s'était traduite que par la suppression de deux postes de logisticiens récemment recrutés par le DESUS.
En tant qu'établissement public, l'EPRUS participe par ailleurs aux travaux du comité d'animation du système des agences (CASA) que la DGS a mis en place, en mai 2008, entre les diverses agences sanitaires en vue d'harmoniser et améliorer le fonctionnement des relations entre l'Etat et ses divers opérateurs intervenant dans la mise en oeuvre de la politique de santé. Lieu d'information mutuelle dans le suivi de la pandémie H1N1, cette instance a pu élaborer une « Charte qualité relative aux saisines par la DGS des établissements constituant le CASA » dont l'article 5 précise que « le suivi des saisines est assuré par la mise en place d'un tableau de bord, destiné à suivre l'ensemble des saisines de la DGS, et, dans chaque établissement, d'un outil de suivi des saisines en cours de traitement ».
A cette fin, un groupe de travail animé par l'AFSSET a proposé une maquette de tableau de bord qui devrait aboutir à la mise en place d'une application dédiée dont la saisie sera réalisée par la DGS. Pour sa part, l'EPRUS dispose déjà du logiciel ENNOV DOC qui enregistre les saisines et les réponses qui leur sont apportées, dont les dates respectives sont suivies sur tableur.
Depuis la création de l'EPRUS, un comité stratégique a été mis en place pour définir et suivre les orientations données à l'établissement dans ses différents domaines d'intervention. Présidé par le DGS, il est composé de représentants du ministère chargé de la santé (le secrétaire général, le haut fonctionnaire de défense et de sécurité, le DGS-adjoint, le chef du département des urgences sanitaires), de l'EPRUS (le directeur général, le directeur général adjoint et les chefs de pôles concernés), de l'AFSSaPS, du Service de santé des armées, du ministère de l'intérieur (direction de la sécurité civile). A chaque réunion, le DUS convoque les participants, établit en concertation avec l'EPRUS l'ordre du jour et rédige un projet de compte-rendu soumis à la validation du DGS.
Enfin l'article R. 3135-10 du CSP précise que l'EPRUS en tant qu'établissement public administratif de l'Etat est soumis au contrôle financier prévu par le décret n° 2005-757 du 4 juillet 2005. Un arrêté du 3 septembre 2007 a confié l'exercice de cette mission au contrôleur budgétaire et comptable du ministère chargé de la santé.
3. La convention avec la CNAMTS et l'ACOSS
Ainsi que prévu à l'article R. 3135-13 du CSP et à l'article 4.1 de la convention Etat-EPRUS, une convention a été signée le 9 mai 2009 avec ces deux organismes nationaux de sécurité sociale en vue de définir les modalités de versement à l'EPRUS de la « contribution des régimes obligatoires d'assurance maladie au financement de l'EPRUS »15.
Afin d'éviter une mobilisation excessive de la trésorerie du régime général de sécurité sociale, cette convention repose sur un mécanisme d'appel par l'EPRUS en fonction de ses besoins prévisionnels de trésorerie, l'établissement disposant ainsi d'un « droit de tirage » sur l'ACOSS à hauteur des dotations votées en LFSS non encore versées. A ce titre, l'EPRUS communique chaque mois à l'ACOSS un échéancier prévisionnel de demandes de versements pour les trois mois suivants, et, chaque année avant le 20 septembre, une prévision de demande annuelle pour l'exercice à venir. Un comité technique est prévu qui doit examiner, au moins une fois par an, le fonctionnement de ce mécanisme.
4. La convention avec l'AFSSaPS
L'activité de l'établissement en matière de stocks sanitaires requiert l'intervention de l'AFSSaPS à un double titre :
- en tant qu'autorité réglementaire et de police sanitaire, l'Agence autorise et contrôle l'établissement pharmaceutique de l'EPRUS qui doit lui fournir les états périodiques nécessaires et est soumis à ses inspections. L'établissement adresse également à l'Agence les pièces administratives relatives aux démarches d'acquisition, d'importation, de distribution de médicaments et de dispositifs médicaux, et assure les démarches administratives nécessaires à ces opérations.
En sa qualité d'exploitant pour l'Oseltamivir PG 30 mg comprimés16 et de distributeur pour les autres médicaments des stocks nationaux, l'EPRUS est en rapport constant avec l'AFSSAPS dans l'exercice de sa mission de pharmacovigilance sur ces produits.
- En tant qu'instance d'expertise sanitaire, l'AFFSaPS, à la demande du ministère de la santé, intervient notamment dans l'évaluation de la conservation et de la durée de validité des stocks stratégiques. L'EPRUS peut également demander