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Commission des affaires économiques

Séance du 7 octobre 2009 à 18h00

Résumé de la séance

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  • carbone
  • ménages
  • taxe
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La séance

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Commission des affaires économiques

La commission a entendu M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'Écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat, sur la « taxe carbone ».

PermalienPhoto de Patrick Ollier

Nous sommes très heureux, M. le ministre d'État, de vous auditionner de nouveau, aujourd'hui sur la taxe carbone.

Je me félicite, pour ma part, que l'électricité ait été exclue de l'assiette de cette taxe. Demeure toutefois le problème des pointes de consommation. Où en sont les réflexions du groupe de travail que vous avez mis en place sur le sujet ?

On parle d'instituer une taxe carbone à l'importation sur le marché européen. Est-ce réaliste et à quel horizon ?

Le Gouvernement a choisi de compenser intégralement la future taxe carbone pour les particuliers en modulant le montant restitué en fonction du lieu de vie, rural ou urbain, et de la composition des ménages. Pourriez-vous nous expliquer plus en détail les mécanismes prévus qui doivent bénéficier davantage aux ménages les plus défavorisés ?

Enfin, même si notre Commission n'est plus directement compétente sur le sujet, elle soutient le combat difficile que vous menez en vue du futur sommet de Copenhague. Pourriez-vous nous dire quelques mots des perspectives ?

PermalienJean-Louis Borloo, ministre d'état, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat

La mutation de l'économie et des comportements dans laquelle nous sommes engagés entre aussi directement dans le champ de compétences de votre commission.

Proposant dans le projet de loi de finances pour 2010 d'instituer une contribution climat-énergie, appelée aussi taxe carbone ou anti-carbone, l'exécutif ne fait que mettre en oeuvre à la lettre une disposition votée par le Parlement, l'article 2 de la loi Grenelle I disposant en effet « que l'État étudiera la création d'une contribution, dite climat-énergie, en vue d'encourager les comportements sobres en carbone et en énergie. Cette contribution aura pour effet d'intégrer les émissions de gaz à effet de serre dans les systèmes de prix par la taxation des consommations d'énergies fossiles. Elle sera strictement compensée (…) de façon à préserver le pouvoir d'achat des ménages et la compétitivité des entreprises. »

Il y a là derrière deux idées asses simples. On ne peut pas continuer de faire croire que les émissions de CO2 ne sont pas fatales à notre planète ni que les énergies fossiles seraient inépuisables. Il faut adresser un signal clair sur ce point : personne ne le conteste, ni les experts du GIEC, ni Sir Nicholas Stern qui, dans un rapport, estime le coût de l'inaction dix fois supérieur à celui de l'action. Il serait irresponsable de ne pas anticiper les évolutions et de ne pas engager les mutations nécessaires. En effet, les plus vulnérables des continents et, en leur sein, les pays les plus fragiles, seraient les premiers à faire les frais de cette irresponsabilité, et partout dans le monde, les populations les plus pauvres en seraient aussi les premières victimes. Il n'est pas sérieux de prétendre que le prix actuel du baril de Brent pourrait se maintenir dans les cinquante ans à venir et l'on ne peut pas décider d'investir dans des équipements lourds de production d'énergies renouvelables en fonction des cours erratiques du pétrole. La première idée est qu'il faut taxer le carbone et les énergies fossiles, pas les ménages ni les entreprises.

La deuxième idée, tout aussi simple, est celle du bonus-malus. Si ce principe ne fait plus guère débat, demeurent les questions des modalités de sa mise en oeuvre et de son intensité. Lorsque nous avons institué le bonus-malus écologique sur les véhicules, nous avons été accusés, notamment par les médias, de réinstaurer la vignette. Il a fallu que le dispositif entre en vigueur pour que l'on comprenne qu'il ne s'agissait pas d'une nouvelle taxe – le dispositif coûterait même plutôt pour l'instant au budget de l'État ! – et que l'on constate qu'il a eu des effets sur le marché. Arguant qu'une réduction de quelques centaines d'euros sur une dépense de 10 000 à 15 000 euros ne modifierait pas les comportements des acheteurs d'automobiles, les constructeurs eux-mêmes, études à l'appui, expliquaient que le marché ne serait modifié qu'à la marge. Or, tout à l'inverse, 52 % du marché se sont déplacés – peut-être en aurait-il été d'ailleurs de même avec un bonus de quelques dizaines d'euros ! Qui jusque-là, entrant chez un concessionnaire automobile, se demandait combien de CO2 émettait le véhicule qu'il envisageait d'acheter ? Personne ! Dès l'institution du bonus-malus, qui a appelé l'attention des consommateurs sur cet élément à la fois vital et moral, cela est devenu un critère d'achat. Nul n'est donc en mesure aujourd'hui d'évaluer précisément l'incidence de la future contribution climat-énergie : la seule chose certaine, qui fait d'ailleurs l'objet d'un large consensus international, est qu'il faut qu'à l'horizon de quinze ou vingt ans, le prix de la tonne avoisine 100 euros.

Une conférence d'experts, sans se substituer en rien au Parlement, a été réunie pour formuler des recommandations sur cette contribution. Elle a pointé le risque d'une double peine pour les habitants des zones rurales, qui n'ont d'autre choix que d'utiliser leur véhicule et qui vivent le plus souvent en habitat individuel. Pour le reste, la contribution doit-elle progresser de manière linéaire, asymptotique ou exponentielle ? Il vous appartiendra d'en décider. Un consensus s'est en revanche fait jour sur la nécessité d'une compensation car il ne s'agit bien que de taxer le carbone. Le prix de départ de la tonne a fait l'objet de longs débats, certains souhaitant qu'il soit d'emblée assez haut, d'autres préférant qu'il soit plus bas et augmenté progressivement… L'important est de donner un signal prix clair et de prévoir une augmentation progressive.

Pour ce qui est d'une taxe aux frontières de l'Europe, la France était la seule à défendre un tel mécanisme dit d'inclusion carbone, au motif que les pays soucieux de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre ne sauraient être pénalisés par rapport à ceux qui s'en exonèrent. Si nous étions seuls sur cette ligne, c'est que nous étions les seuls à croire que le paquet climat-énergie serait adopté, lequel ne l'aurait d'ailleurs pas été sans la détermination de notre pays et du Président de la République. En effet, au moment de conclure, tous les pays avaient peur. Maintenant que le paquet a été signé, tous se rallient au mécanisme d'ajustement aux frontières que nous proposions et que l'OMC a déclaré totalement compatible avec ses règles. Certaines positions de façade ne traduisaient finalement que le sentiment que l'on n'aboutirait pas sur ce paquet. Les États-Unis ont voté la mise en place d'une taxe équivalente il y a quelques mois. L'idéal en réalité serait de s'en passer car cela signifierait que Copenhague a été un succès. Mais il nous faut garantir la loyauté des échanges et éviter le dumping environnemental.

Comment vois-je le sommet de Copenhague qui va s'ouvrir dans sept semaines sur le sujet le plus important pour le monde aujourd'hui ? En octobre 2008, personne n'aurait misé un kopeck sur le fait que les vingt-sept pays européens, à l'unanimité, s'imposeraient des règles de réduction d'émissions de CO2 année après année, secteur par secteur, sous contrôle d'une Cour de justice, avec des pénalités en cas de non-respect de ces obligations. Il n'était pas évident de le faire accepter à un pays comme la Pologne qui devra, plus que tout autre, réduire ses émissions alors que son économie dépend du charbon et qu'elle compte encore 180 000 mineurs en Silésie ! Il fallait prévoir des mécanismes de solidarité afin que nul ne soit lésé et cela était si compliqué que le découragement aurait pu l'emporter.

Heureusement, la présidence de l'Union était alors assurée par la France et jamais je ne vous remercierai assez du soutien que vous m'avez manifesté certain vendredi au petit matin, qui m'a permis ensuite de négocier de manière beaucoup plus détendue avec mes homologues européens. Si la loi Grenelle I n'avait pas été adoptée à l'unanimité et si les partis d'opposition et les syndicats avaient manifesté le moindre désaccord sur le plan national, notre position aurait été beaucoup plus difficile à tenir.

Forts de notre consensus national, nous avons pu être beaucoup plus convaincants vis-à-vis de nos partenaires européens. Je pense qu'il en va de même pour Copenhague. Tous les chefs d'État du monde sont désormais convaincus de la nécessité d'agir en matière de climat, sauf que devant la nécessité d'expliquer à leurs peuples l'urgence d'engager la mutation indispensable, tous ont peur, ce qui est compréhensible. Nous aussi aurions peur en France, quel que soit d'ailleurs l'exécutif, si nous n'avions pas mené la réflexion qui a précédé l'adoption de la loi Grenelle I.

Je ne suspecte pas une seconde le président Obama de ne pas vouloir agir – il a même fait campagne sur le thème du changement climatique -, mais il n'est pas en état de proposer à la nation américaine de réduire de 25 % à 40 % ses émissions de CO2 – au mieux, pourra-t-il proposer 5 %, et encore devra-t-il obtenir l'aval du Sénat, autant dire que ce sera zéro au final. Et tous les autres pays en sont là eux aussi. Ils n'ont pas compris que c'était une formidable opportunité, indépendamment d'une absolue nécessité.

Les négociateurs, actuellement réunis à Bangkok, y débattent de cinq axes stratégiques avec chiffrages afférents, sur lesquels les dirigeants eux-mêmes ne se sont pas encore mis d'accord. Je pense être le ministre de l'écologie qui a relativement le plus de poids dans son gouvernement de tous les titulaires de ce portefeuille de par le monde. Pour autant, tout se jouera au niveau des chefs d'État. La mutation demandée est gigantesque. Le succès de Copenhague passera par un franc leadership franco-européen. Il suppose aussi de simplifier considérablement les enjeux et d'accepter que les choses soient réglées différemment selon les pays, tant dans la forme que dans le niveau des engagements. La Chine, par exemple, ne veut pas d'un traité à l'européenne parce que ce type d'engagement n'est pas dans sa culture : il faudra pour elle plutôt mettre au point un engagement unilatéral contraignant.

Même s'il n'y a qu'une chance sur dix mille que Copenhague aboutisse, je veux y croire, comme j'ai cru à la magie du Grenelle en France et du paquet climat-énergie en Europe. L'engagement de la France sera décisif : il n'y a pas d'autre pays au monde aujourd'hui capable de faire réussir ce sommet. Je rencontrerai après-demain à Addis-Abeba le Premier ministre éthiopien, qui représentera l'Afrique à Copenhague. Si un programme de développement des énergies renouvelables sur le continent africain ne devait pas y être aussi adopté, Copenhague serait un échec.

Moins de 20 % des Africains ont aujourd'hui accès à l'énergie. Cela est d'autant plus inacceptable que le continent possède un potentiel considérable d'énergies renouvelables. La solidarité climatique est une obligation morale à l'endroit de l'Afrique, de tous les pays les plus pauvres, des îles les plus vulnérables. Ce plan justice-climat doit être financé exclusivement par des fonds publics. Je fais ici le pari que l'on trouvera des financements innovants ou alternatifs. La puissance de la proposition à l'endroit des pays les plus pauvres sera telle qu'elle ne pourra être contestée et comme elle ne sera pas financée directement par les budgets, elle le sera par des financements innovants.

Un mot sur les pointes de consommation d'électricité que vous avez évoquées, M. le président. Un groupe de travail a en effet été mis en place qui réfléchit à une gestion par les tarifs et une gestion technique. Ce travail est d'autant plus crucial que je crois au projet français de développement des véhicules électriques, après les accords signés entre les constructeurs, les distributeurs, les énergéticiens et l'État. Le problème ne pourra que s'accentuer : il faut donc trouver des solutions.

PermalienPhoto de Patrick Ollier

Merci de cet exposé passionnant. Nous sommes heureux d'avoir partagé avec vous ce moment d'ambition commune pour la France et les intérêts que vous défendez en son nom.

PermalienPhoto de Daniel Paul

Je pense comme vous, M. le président, que l'électricité doit être exclue de l'assiette de la taxe carbone – je n'y reviens pas. Lors des débats sur la loi Grenelle I, nous avions bien dit qu'il fallait taxer le carbone, pas les ménages. Hélas, telle qu'envisagée, cette taxe carbone est socialement injuste et écologiquement inefficace, comme le soulignent d'ailleurs de nombreux acteurs, bien au-delà des parlementaires communistes.

Dans ma circonscription, nombre d'ensembles d'habitat social et autres copropriétés, dont la consommation d'énergie atteint 150 à 180 kWm², n'ont tout simplement pas les moyens de procéder aux travaux d'isolation thermique nécessaires. De même, dans de nombreux quartiers de ma ville, les habitants ne peuvent faire autrement qu'utiliser leur véhicule personnel. Ce sont ces personnes-là qui subiront de plein fouet l'augmentation du prix des carburants, alors même qu'avec la crise, un nombre croissant d'entre elles subit le chômage, rencontre de plus en plus de difficultés tandis que le risque de délocalisations d'entreprises est maximal.

Le prix de la tonne de CO2 a été fixé à 17 euros pour la première année. Mais comment évoluera-t-il et quid de la compensation ? Jusqu'à quel niveau de prix suivra-t-elle ? Enfin, ne serait-il pas judicieux dans la période qui vient que les pays de l'Union européenne s'accordent pour ne pas remettre en cause les tarifs réglementés de l'énergie ?

PermalienPhoto de Serge Poignant

M. le ministre d'État, vous avez vraiment resitué l'enjeu du carbone au niveau où il doit l'être. La taxe carbone, c'est un signal prix destiné à infléchir les comportements. Tout ce qui sera fait en ce sens ne pourra que renforcer l'influence de la France en Europe et de l'Europe dans le monde.

Certains, comme notre collègue Daniel Paul, ne voient dans la taxe carbone qu'une taxe de plus, mais dans son propre groupe parlementaire, d'autres auraient souhaité qu'elle fût fixée d'emblée à un niveau plus élevé. Pour ma part, je trouve la décision volontariste du Gouvernement à la fois courageuse et responsable. Il ne faut en effet pénaliser ni les ménages ni les entreprises ni le monde agricole, mais au contraire faire en sorte qu'à terme, chacun y gagne.

Si à Poznan, le Président de la République française n'avait pas fait preuve de la détermination sans faille qui a été la sienne et s'il n'avait pas usé de toute son influence, cette conférence sur le climat aurait échoué, la feuille de route de Bali aurait été enterrée et il n'aurait même plus été question de sommet de Copenhague. Tout se joue en effet au niveau des chefs d'État et de gouvernement - sans rien enlever à votre action, M. le ministre, non plus d'ailleurs qu'à la nôtre. Même si rien n'est gagné d'avance, je forme le voeu que l'on puisse avancer efficacement à Copenhague.

L'institution en France de cette taxe carbone, qu'il vaut mieux appeler en effet contribution climat-énergie, nous permettra après qu'elle aura été mise en place partout en Europe, d'imposer un mécanisme d'inclusion carbone aux frontières européennes.

Je rencontrais hier soir, avec le sénateur Bruno Sido, le directeur de l'énergie : trois réunions de copilotage et sept ateliers sont prévus, l'une essentiellement technique, l'autre portant sur le financement et la dernière devant aboutir à des conclusions. Dans l'esprit du Grenelle, y participeront tous les acteurs intéressés. Le problème de la question de la gestion des pointes de consommation d'électricité est en effet crucial et doit être réglé.

Enfin, quelle progressivité envisagez-vous pour la taxe carbone ?

PermalienPhoto de François Brottes

Merci d'avoir rappelé, M. le ministre d'État, que nous avons eu le sens des responsabilités lors du débat sur le Grenelle de l'environnement, en acceptant que le débat s'accélère afin que vous puissiez vous prévaloir du vote unanime du Parlement français lors de la négociation européenne qui allait suivre.

Si nous sommes favorables au principe d'une fiscalité écologique, nous considérons qu'elle ne peut être isolée du reste de la fiscalité. Or, nous sommes en profond désaccord avec certaines dispositions de la politique fiscale du Gouvernement telles que le bouclier fiscal. Il est injuste de taxer d'égale façon, fût-ce au nom de l'écologie, les pauvres, qui n'ont pas les moyens de s'acheter des comportements vertueux, et les riches qui, eux, ne s'apercevront même pas de ce qui leur sera prélevé.

Nous pensons aussi que toutes les énergies devraient être soumises à la future taxe, et pas seulement les énergies fossiles. En effet, l'électricité d'origine nucléaire serait insuffisante sans les centrales thermiques à flamme pour faire face aux pics de consommation. Les deux sont liées. Il n'y a donc aucune raison d'exclure l'électricité de l'assiette de la taxe.

Nous considérons également que le produit de cette taxe serait plus efficace sur le plan écologique s'il était spécifiquement affecté à des investissements destinés à développer des énergies moins polluantes.

Enfin, s'agissant de la compensation, il ne suffit pas de distinguer entre ruraux et urbains. Il faut aussi tenir compte de la différence obligée de comportements entre habitants de certaines banlieues et des centres villes. Il est aussi profondément injuste de ne pas tenir compte du niveau de revenus et de rembourser un même montant à tous. Je ne m'étendrai pas sur le fait que les chèques de restitution parviendront aux contribuables à quelques semaines des élections régionales, avant même que la taxe ait été mise en place…

S'agissant des tarifs de l'énergie, j'ai participé à la commission Champsaur qui devait formuler des recommandations pour la sortie des tarifs réglementés, appelés, de par la loi actuelle, à disparaître, tarif réglementé transitoire d'ajustement du marché (TaRTAM) compris. La taxe carbone ne sera pas sans incidence sur les tarifs. Pourriez-vous nous en dire davantage ? Je regrette que l'avant-projet de loi qui circule déjà n'ait pas été transmis aux membres de la Commission Champsaur ni aux parlementaires ici présents.

Quel impact pourrait avoir sur notre industrie, qui s'en inquiète à juste titre, la gestion des quotas d'émissions, le marché étant si fluctuant qu'il est parfois totalement inefficace et que, comme tout marché, il incite à la spéculation, avec tous les effets pervers que l'on sait ? Est-ce là une formule d'avenir ? J'en doute fortement et suis de ceux qui pensent qu'il faudrait fixer un seuil haut et un seuil bas en dessous duquel il soit impossible de descendre.

Enfin, on ne peut pas dissocier le sommet de Copenhague des négociations en cours à l'OMC – vous avez parlé de la Chine, mais on pourrait aussi parler de l'Algérie et de son gaz… Comment la dimension environnementale avec un mécanisme d'inclusion carbone aux frontières sera-t-elle prise en compte à l'OMC ?

PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Nous vous avons écouté également avec beaucoup d'intérêt, M. le ministre d'État, exposer les enjeux du sommet de Copenhague.

Je ne partage pas l'avis de notre collège François Brottes sur l'inclusion de l'électricité dans l'assiette de la taxe au motif des pointes de consommation d'électricité. La part du thermique par rapport au nucléaire dans la production électrique de notre pays est ultra-marginale. EDF doit communiquer ses chiffres en toute transparence afin que le débat puisse, une fois pour toutes, être clos en toute connaissance de cause.

Nous soutenons la taxe carbone qui constitue en effet un signal prix et pensons qu'il faut assumer pleinement ce signal. Les dérogations ne doivent donc pas être trop nombreuses. Il ne doit y en avoir de très ciblées que pour certaines professions qui, à l'évidence, ne peuvent supporter un fardeau supplémentaire – je pense aux agriculteurs, aux serristes, aux transporteurs routiers… – et de très limitées pour les ménages. Contrairement à certains collègues, nous ne pensons pas qu'il faille dédommager les collectivités. À elles d'infléchir leurs comportements – et c'est un maire qui vous parle.

Il serait bon de disposer d'une visibilité pluriannuelle quant à l'évolution de la taxe et de tenir un discours de vérité. L'objectif, avez-vous dit, est de porter, à terme, le prix de la tonne à 100 euros. Pourquoi le taire ? Nos concitoyens sont prêts à entendre certaines vérités. Quelles sont les intentions du Gouvernement à moyen terme ?

Si je ne suis pas d'accord avec François Brottes sur les pointes de consommation électrique, je partage en revanche tout à fait son avis sur le marché des quotas d'émissions de CO2. Lors de son audition, Michel Rocard nous a dit combien ce marché fonctionnait mal, du fait de divers blocages mais aussi de la spéculation. On peut dès lors s'interroger sur la coexistence des deux dispositifs de quotas et de taxe. Pourquoi ne pas « européaniser » la taxe carbone, comme on l'a fait de la TVA, et la substituer à ces quotas qui marchent mal ? Quel est votre avis sur ce point ?

PermalienPhoto de Annick Le Loch

Les pêcheurs sont de gros consommateurs de gazole, sans disposer d'aucune alternative puisque la flotte détruite n'est pas remplacée. On ne construit plus de bateaux neufs susceptibles d'avoir des moteurs plus sobres en énergie. Des exonérations à hauteur de 50 % ou 75 % seraient prévues pour 2010. Des mesures spécifiques d'accompagnement sont-elles prévues pour les années ultérieures ?

Je souhaiterais également que soit prise en compte la situation particulière des îliens, notamment des petites îles non raccordées au réseau EDF. À Sein, dans ma circonscription, un ambitieux programme d'économies d'énergie a été mis en place par les collectivités, en lien avec l'ADEME et EDF. Des subventions ont ainsi été accordées aux habitants pour s'équiper par exemple en appareils frigorifiques moins consommateurs d'énergie et en ampoules basse consommation. Un cercle vertueux a été enclenché qui a permis aux ménages de faire de substantielles économies mais aussi de réduire considérablement les émissions de CO2. De tels programmes devraient être développés sur d'autres îles. Quid de la taxe carbone pour ces îliens ?

PermalienPhoto de Philippe Armand Martin

Je me félicite de l'adoption du paquet climat-énergie grâce à la volonté de la France. Pour ce qui est de la taxe carbone, de quelque nom qu'on la pare, c'est bel et bien de l'argent que nos concitoyens devront verser à l'État. Les classes moyennes, qui la subiront de plein fouet, doutent fortement de se la voir restituer intégralement. Selon quels critères précis s'opérera la redistribution ? En deçà de quel niveau de vie sera-t-on éligible au chèque vert ? Comment feront ceux qui ne peuvent se chauffer autrement qu'au fioul ou au gaz ?

PermalienPhoto de Frédérique Massat

Lorsque nous avons voté la loi Grenelle I, nous avons bien dit que nous ne vous signions pas un chèque en blanc, M. le ministre d'État.

La taxe carbone sera neutre pour les ménages et pour les entreprises, nous dit-on. La recette attendue s'élève tout de même à 4,5 milliards d'euros, dont 1,9 milliard acquitté par les entreprises et 2,65 milliards par les ménages. Élue d'un département très rural, l'Ariège, je m'inquiète de la compensation prévue pour les ménages. Un rapide calcul montre que les personnes obligées de prendre leur voiture pour aller travailler en seront de leur poche de 200 euros par an : avec 2,16 euros de plus sur chaque plein de quarante litres et 54 euros de plus pour mille litres de fioul, tel sera bien le surcoût annuel en dépit d'un remboursement de 61 euros pour un célibataire et de 122 euros pour un couple sans enfant.

Cette taxe constituera en outre une charge supplémentaire pour les collectivités : il serait bon que son produit soit affecté à la construction d'équipements durables qu'elles pourraient utiliser. Un fonds d'affectation spéciale est-il prévu, de façon que le produit de cette taxe aille bien au développement durable et puisse aider les territoires ruraux qui ne possèdent aujourd'hui ni train ni aucun autre mode de transport collectif à promouvoir des transports alternatifs à la voiture personnelle ?

PermalienPhoto de Thierry Benoit

Je me félicite que l'on taxe les pollutions plutôt que le travail et que l'on réoriente les pratiques en matière de fabrication, de transformation et de commercialisation, notamment dans le domaine industriel. Pour autant, envisagez-vous, dans le cadre de la réorientation des comportements des consommateurs et des usagers vers des pratiques plus vertueuses, d'afficher rapidement sur les produits de grande consommation le bilan carbone – ce qui ne pourra d'ailleurs que convaincre les industriels d'utiliser, par exemple, du granit breton plutôt qu'un granit chinois ?

Par ailleurs, que comptez-vous faire pour que cette approche vertueuse trouve sa concrétisation dans le cadre européen ? Qu'il s'agisse de l'industrie ou de l'agriculture, tous les débats tournent en effet autour de la question de l'harmonisation fiscale, environnementale, sanitaire et sociale.

PermalienPhoto de Louis-Joseph Manscour

En ma qualité d'îlien, je constate tous les jours les effets du changement climatique : c'est ainsi qu'en ce mois d'octobre, la température en Martinique est de 32 degrés bien que nous soyons en période d'hivernage. Le fait que l'on y compte par ailleurs 200 000 véhicules pour 400 000 habitants, cela en l'absence d'organisation des transports, montre toute l'importance d'une prise de conscience des problèmes dans nos territoires.

À cet égard, fixer la taxe carbone à 17 euros par tonne de CO2 rejetée n'est pas suffisamment dissuasif car cela ne permet pas de peser sur les comportements. Que comptez-vous faire à cet effet ?

Par ailleurs, la situation des ménages ruraux étant par définition très délicate du fait d'une facture énergétique élevée et de l'absence de transports collectifs, quelles mesures envisagez-vous pour leur venir en aide ?

Sachant, enfin, que le Président de la République avait annoncé que la totalité du produit de la taxe viendrait en compensation des dépenses des ménages, est-ce en réalité le seul produit de la taxe prélevée sur les ménages qui reviendra à ces derniers ou est-ce le produit global, c'est-à-dire y compris la taxe prélevée sur les entreprises ?

PermalienPhoto de Lionel Tardy

La taxe carbone, dit-on, serait neutre pour les ménages et les entreprises. Ces dernières comptaient par ailleurs sur la suppression de la part investissement de la taxe professionnelle. Ce qu'elles donnent d'un côté est donc largement repris de l'autre.

Dans le cadre de la restitution aux ménages, deux critères ont été retenus : la taille de la famille et la zone d'habitation. Or d'autres critères auraient pu être pris en compte, par exemple le climat : si, dans le Nord, on se chauffe et, dans le Sud, on climatise, on utilise souvent dans le premier cas du fioul et, dans le second, exclusivement de l'électricité qui est moins taxée.

Je comprends que l'on veuille s'en tenir aux grands principes, mais étant confrontés à nombre de questions forcément très terre à terre à propos de cette taxe, en particulier sur son montant, nous avons besoin d'informations précises.

PermalienPhoto de Marie-Lou Marcel

La fiscalité écologique n'est conçue que sous une forme coercitive. D'autres pistes originales n'auraient-elles pu être envisagées, en faveur notamment de produits à valeur écologique qui n'entameraient pas le pouvoir d'achat de nos concitoyens ?

En outre, l'outil qu'est la taxe carbone n'est pas adapté à la diversité de nos territoires. Dans l'Aveyron, par exemple, les infrastructures routières et ferroviaires sont insuffisantes. De tels territoires seront donc soumis à une double peine, leur situation excentrée conduisant leurs habitants à polluer sans que cela résulte de leur volonté.

Pourquoi par ailleurs la taxe pénalise-t-elle certaines professions, en particulier les agriculteurs et les transporteurs ?

Enfin, n'est-il pas paradoxal, dans le contexte actuel, de fermer des gares de fret ferroviaire et des lignes voyageurs et donc de faire basculer du rail vers la route le transport du fret et des voyageurs ?

PermalienPhoto de Jean-Michel Villaumé

Le système forfaitaire retenu pour compenser les dépenses des ménages se traduit par des inégalités en fonction de la composition de ces derniers, des modes de chauffage, des zones géographiques, des habitudes de transport... Comment comptez-vous pallier ces difficultés, vis-à-vis notamment des ruraux qui, en dépit de la compensation, connaîtront un solde négatif pouvant aller de 79 euros pour des ménages aisés à 180 euros pour des ménages pauvres ?

PermalienPhoto de Antoine Herth

Selon le statut de l'entreprise, la compensation pourrait ne pas exister : il en irait ainsi pour les entreprises coopératives. S'agissant par ailleurs des régions rurales, un travail spécifique est à effectuer. Selon le Grenelle 2 en effet, toute collectivité de plus de 50 000 habitants devrait mettre en oeuvre un plan climat territorial et donc engager une réflexion collective. Or ce seuil n'est atteint que rarement en pleine campagne. Quelle alternative pourrait être proposée à ces populations qui ont une marche plus haute à franchir que d'autres pour sortir d'un environnement carboné, en particulier en matière de déplacements ? Enfin, comment allez-vous porter le débat à l'échelle européenne ?

PermalienJean-Louis Borloo, ministre d'état, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat

Une remarque d'ordre général d'abord : au fond, tout le monde est d'accord sur le principe, mais personne ne veut assumer au prétexte que ce n'est ni la bonne modalité, ni le bon moment, ni la bonne cible territoriale – sachant bien sûr que personne, ou presque, ne se veut dans la petitesse.

M. Paul, vous ne pouvez pas dire que la taxe carbone est socialement injuste. C'est au contraire le fait de ne pas anticiper les évolutions à venir qui le serait. Sinon, ce serait celui qui n'a pas le choix qui serait perdant à terme. Ce ne sont pas en effet les plus fortunés qui seront perdants quand le pétrole Brent sera à 100 dollars, mais, comme je le soulignais, les continents les plus vulnérables et, au sein de ces derniers, les pays les plus vulnérables et, dans chacun de ces pays, les foyers les plus vulnérables.

Par ailleurs, un bonus-malus n'a pas de vocation redistributive par nature : c'est un message adressé aux acteurs de la production et de la consommation. En revanche, c'est incidemment qu'il aura un effet redistributif : toutes les études le montrent, les déciles les plus élevés consomment quatre fois plus que les déciles les moins élevés.

Ce qu'il faut, c'est garder en tête le dispositif global, même s'il conviendra de l'ajuster : l'idée générale est d'avoir, pour la population urbaine, un système à somme nulle – sachant qu'une commission indépendante, où siégeront majorité et opposition, veillera en permanence à l'évolution de la contribution dite climat énergie. Dans ce système, les cinq premiers déciles de revenu des ménages urbains et les huit premiers déciles en zone rurale toucheront plus que la moyenne de leur consommation. Certes, il peut toujours y avoir des cas particuliers, mais si on entre dans ce raisonnement, ce seront alors dix-neuf millions de cas particuliers... À un moment, il faut accepter de faire l'histoire, d'autant que la redistribution forfaitaire a tout de même été recommandée par la commission Rocard. Il faut faire simple, même s'il se trouve, M. Brottes, que la restitution aux ménages interviendra au mois de février, c'est-à-dire au moment du versement du premier tiers de l'impôt sur le revenu...

J'en arrive à cette vieille idée qui circule selon laquelle les recettes en la matière auraient été mieux employées pour des investissements durables. De grâce, M. Brottes et Mme Massat, oubliez cette idée ! De tels investissements relèvent en effet du droit commun, qu'il s'agisse du chantier de la rénovation thermique des bâtiments, de l'éco-prêt à taux zéro, du crédit d'impôt « développement durable » prévu à l'article 200 quater du code général des impôts, ou encore du doublement des lignes à grande vitesse et, en dix-huit mois, de celles des tramways. C'est si l'argent de la contribution était versé au budget général que l'on aurait pu me faire des reproches !

PermalienPhoto de François Brottes

Il aurait été possible de flécher les investissements, par exemple en faveur du changement de chaudière.

PermalienJean-Louis Borloo, ministre d'état, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat

Non seulement on ne peut pas demander à tout le monde de changer de chaudière, mais il faut savoir, pour reprendre l'exemple de l'article 200 quater, que les compteurs en la matière ont explosé, les sommes en jeu passant en douze mois de 1,4 milliard d'euros à 2,8 milliards. Plus généralement, c'est un programme d'investissements de plus de 440 milliards d'euros qui est prévu pour assurer la mutation écologique ! Ce n'est, je le répète, que si les recettes avaient été employées pour financer le budget général, en faisant ainsi reprendre d'une main les avantages fiscaux accordés de l'autre, que l'on aurait pu nous faire des reproches.

Que l'on critique, par exemple, la vitesse d'exécution des chantiers thermiques des bâtiments ou des logements, c'est une chose. Mais que l'on se serve de l'écologie pour faire de la fiscalité de droit commun, voilà en revanche une idée qui serait folle voire mortelle et en tout cas contraire – au-delà d'un quelconque bénéfice à court terme pour un gouvernement quel qu'il soit – à l'intérêt de la France elle-même pour les vingt ans à venir.

Imaginez que l'on dise que les cinquante-deux projets signés avec trente-huit agglomérations voilà quatre mois seraient finalement payés avec la contribution climat-énergie : ce ne serait pas sérieux ! Savoir si c'est le carbone ou les ménages que l'on taxe, voilà plutôt un vrai sujet de discussion entre nous !

Concernant les copropriétés, M. Paul, les possibilités offertes tant par les dispositions de l'article 200 quater que par l'éco-prêt à taux zéro, ouvert aux copropriétaires, permettent, cas unique dans l'histoire de la fiscalité, de cumuler deux avantages. En outre, le Sénat vient, dans le cadre du projet de loi Grenelle 2, de rendre possible pour une majorité qualifiée d'imposer des travaux d'économies d'énergie à l'ensemble d'une copropriété. Un copropriétaire n'a pas à bloquer la volonté d'un autre d'économiser de l'énergie.

S'agissant des questions portant sur la progressivité de la compensation de la taxe carbone – crédit d'impôt ou chèque vert –, je précise plus particulièrement à M. Poignant qu'elle devra être obligatoirement parallèle à celle de la taxe. La commission paritaire qui sera mise en place aura vocation à la faire évoluer selon une certaine pente. Ce ne sera donc pas le seul exécutif qui décidera, mais la majorité et l'opposition, la société civile et le Gouvernement, sous une présidence qui sera proposée à une personnalité indiscutable et choisie par tous. La double progressivité – à la fois de la contribution et de son remboursement – est bien un point fondamental.

La fiscalité écologique, avez-vous dit M. Brottes, ne peut être isolée du reste de la fiscalité. Dont acte. C'est toutefois une remarque qui vaut pour tout : pour le bonus-malus écologique appliqué aux voitures ou encore pour le crédit d'impôt en faveur de l'agriculture biologique.

Il serait en tout cas essentiel, M. Poignant, que MM. Brottes et Dionis du Séjour participent aux réunions de copilotage auxquelles vous avez fait allusion afin de parvenir une fois pour toutes à un diagnostic, partagé entre personnes de bonne foi, concernant la gestion des pointes de consommation assurées par les centrales thermiques à flamme.

Pour ce qui est, M. Brottes et M. Dionis du Séjour, du marché des quotas d'émissions que vous avez évoqué, sachez que tout marché avec quotas gratuits serait par nature d'une volatilité très élevée. En tout cas, si la mise en place des instruments a connu des ratés, ne serait-ce que du fait du différentiel de TVA d'un pays à un autre, ce marché a eu un réel impact puisque, dans les pays soumis à quotas d'émissions, c'est tout de même le secteur industriel qui, depuis quelques années, a le plus réduit ses émissions. Si je prends en France l'exemple des secteurs du bâtiment, des transports et de l'industrie, c'est ce dernier qui a réduit ses émissions. Peut-être n'y a-t-il pas de rapport de cause à effet, mais le résultat est à souligner, même si sur un plan plus général il n'est pas très satisfaisant.

Dès lors que l'on est entré dans une dynamique de quotas payants, la pression sur ces derniers va s'intensifier et la volatilité probablement se réduire. N'oublions pas toutefois qu'il ne s'agit que d'un instrument parmi d'autres.

Concernant les outils internationaux, on ne pourra pas continuer sans disposer d'un organisme international de régulation environnementale. Cela n'aurait pas de sens d'avoir une Organisation mondiale du commerce (OMC) et pas d'Organisation mondiale de l'énergie (OME). Un des enjeux de Copenhague est d'ailleurs de se doter d'un outil de suivi du sommet. Et à un moment ou à un autre, l'OME devra pouvoir poser des questions préjudicielles à l'OMC. À côté d'une ONU dédiée à la paix, trois outils sont nécessaires : l'OMC, l'OME et l'OIT – l'Organisation internationale du travail.

Je suis bien d'accord, M. Dionis du Séjour, sur la nécessité à la fois d'une visibilité pluriannuelle de la progressivité et d'une européanisation du marché.

M. Martin, le chèque vert ou le crédit d'impôt aura un caractère forfaitaire. Je ne crois pas beaucoup au truc trop malin en politique... La date de février correspond aux échéances fiscales.

Je comprends, Mme Massat, votre préoccupation concernant la taxe carbone, mais de quoi s'agit-il en l'occurrence sinon d'un changement de modèle, à savoir investir pour réduire les consommations – encore que pour l'éco-conduite, par exemple, il n'y ait pas besoin d'investissement ? Quant aux collectivités locales, non seulement les gains de productivité possibles dans le domaine énergétique sont pour elles énormes, mais elles auraient certainement réalisé ceux qui leur sont demandés – moins par l'État lui-même d'ailleurs que par la nation tout entière. Pour prendre l'exemple de mon ministère, le programme de réhabilitation d'une dizaine de milliards d'euros des 80 000 mètres carrés de son administration centrale sera rentabilisé en six ans.

Vous avez posé, M. Benoit, une question vitale. Notre société ne pourra pas continuer à vivre en pensant que la composition d'un produit est neutre et que son prix actuel de marché est son vrai prix. Aussi, dès la fin de l'année, 300 premiers produits auront leur étiquette écologique de consommation de CO2, la généralisation de l'étiquetage étant proposée par le Grenelle 2 pour la fin 2011. À l'évidence, c'est toute notre économie que l'on va ainsi modifier. Si l'on ne va pas plus vite, c'est parce qu'en la matière tout dépend de la fiabilité de l'information concernant la composition des produits.

Je ne sais pas, M. Manscour, si le prix fixé par tonne de CO2 rejetée est dissuasif ou non. Je constate simplement que le seuil fixé pour le bonus-malus automobile a été dissuasif, bien que l'on nous ait affirmé le contraire à l'époque. Il conviendra simplement de s'adapter, sachant que tout repose sur la progressivité. Quant au produit restitué aux ménages, il s'agira bien du produit versé par ces derniers. Il a d'ailleurs bien été précisé que l'opération serait neutre en termes de pouvoir d'achat. Certes, ce ne sera pas neutre pour tous, mais on assistera bien à une redistribution sociale incidente : pour une famille aisée qui dispose d'une maison de campagne, le coût sera plus élevé que pour les autres.

Votre remarque, M. Tardy, concernant la taxe professionnelle est fondée. Cependant, la contribution climat-énergie n'est pas conçue pour être une charge, mais pour adresser un signal afin que les acteurs, en l'occurrence les entreprises, lancent des investissements qui, in fine, leur feront gagner de l'argent. Il en est allé de même des quotas d'émissions européens : s'ils ont coûté de l'argent, ils ont permis de saisir des opportunités et il n'a pas été démontré que l'industrie européenne en a pâti, bien au contraire.

L'industrie ou le service qui n'entre pas dans cette logique perdra la bataille de la compétitivité. On ne doit se faire aucune illusion à cet égard. Avec la contribution, nous soutenons à la fois le pouvoir des ménages – sachant qu'à défaut nombre d'entre eux subiraient à terme un véritable drame –, et la compétitivité de nos entreprises.

La situation des îles, Mme Le Loch, est à l'évidence particulière, et c'est bien pourquoi nous prévoyons des moyens spécifiques en faveur de l'autonomie énergétique des îles, qu'elles soient de petite ou de grande taille. C'est ainsi qu'à La Réunion, le projet « Réunion 2030-GERRI » vise 50 % d'énergies renouvelables et, à vingt ans, l'autonomie énergétique – laquelle d'ailleurs échappe par définition à la contribution climat-énergie.

Pour ce qui est des moteurs de bateau, leur conception est le secteur qui a le moins progressé puisque le rapport, en termes de consommation, est de deux litres de gazole pour un kilo de poissons. C'est pourquoi il est proposé dans le Grenelle de la mer de consacrer 300 millions d'euros à la recherche en matière de moteurs du futur, au-delà des modifications techniques plutôt futées déjà proposées par des associations de pêcheurs.

Sachant que l'agriculture et la pêche bénéficieront d'une exonération de 75 % de la contribution climat-énergie, le produit de la taxe, soit les 25 % restant, permettront de financer des investissements pour les économies d'énergie dans ces secteurs.

Vous ne pouvez ignorer, Mme Marcel, que le transfert modal représente un investissement de 79 milliards d'euros, toutes collectivités confondues, ce qui permettra de faire en cinq ans ce que l'on a mis trente-cinq ans à réaliser. À cet égard, 500 millions d'euros chaque année seront consacrés à la régénération ferroviaire – laquelle avait d'ailleurs, pour dire les choses honnêtement, été prise en charge par les régions en lieu et place de l'État. La condition des sillons et du parc français est en effet catastrophique, pour reprendre les conclusions du rapport établi par l'École polytechnique fédérale de Lausanne. L'investissement en la matière est donc extrêmement puissant, qu'il s'agisse des autoroutes ferroviaires, des contournements ferrés ou encore des dessertes des ports, sachant que 92 % des sorties de port se font par camion, faute de solution ferroviaire. La ligne directrice adoptée pour corriger la situation, dont la responsabilité est collective, me paraît correcte.

Il est vrai, M. Herth, que les plans climat territoriaux nécessitent pour leur mise en oeuvre une certaine masse critique. Le ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire, Michel Mercier, devrait proposer un plan espace rural thermique relatif notamment aux centrales à bois. À l'évidence, il manque là un outil afin de rendre le secteur rural aussi performant que des secteurs plus urbanisés.

En conclusion, toute la politique suivie en la matière répond à une logique globale. Ce qui est en jeu, c'est l'avenir de nos enfants et celui de notre compétitivité. Pourtant, il aurait été beaucoup plus facile pour le Gouvernement de renvoyer à 2011 la mise en place pourtant vitale de la contribution climat-énergie, comme d'ailleurs cela avait été envisagé au départ. En tout cas, si le débat sur cette contribution reste ouvert, car l'on peut très bien s'être trompé sur tel ou tel point, au moins mérite-t-on avec cette mesure d'être entendu voire estimé.

PermalienPhoto de Patrick Ollier

Des explications étaient nécessaires pour mieux convaincre la Commission, et vous avez été à cet égard tout à fait convaincant, M. le ministre d'État.

Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mercredi 7 octobre 2009 à 18 h 15

Présents. - M. Jean-Paul Anciaux, M. Thierry Benoit, M. François Brottes, Mme Catherine Coutelle, M. Jean-Michel Couve, M. Jean Dionis du Séjour, Mme Corinne Erhel, Mme Geneviève Fioraso, M. Claude Gatignol, M. Daniel Goldberg, M. Pierre Gosnat, M. Jean Grellier, M. Louis Guédon, M. Antoine Herth, M. Jean-Yves Le Bouillonnec, M. Jean-Yves Le Déaut, Mme Annick Le Loch, M. François Loos, M. Louis-Joseph Manscour, Mme Marie-Lou Marcel, M. Philippe Armand Martin, Mme Frédérique Massat, M. Jean-Marie Morisset, M. Jean-Pierre Nicolas, M. Patrick Ollier, M. Daniel Paul, M. Michel Piron, M. Serge Poignant, Mme Josette Pons, M. Michel Raison, M. Bernard Reynès, M. Franck Reynier, Mme Chantal Robin-Rodrigo, M. Lionel Tardy, Mme Catherine Vautrin, M. Jean-Michel Villaumé

Excusés. - M. Henri Jibrayel, M. Pierre Lasbordes, M. Jean Proriol

Assistait également à la réunion. - M. Pascal Terrasse