Présence aux réunions de la commission
La séance est ouverte à dix heures quinze.
Mes chers collègues, je souhaite vous rappeler les nouvelles dispositions de notre Règlement s'agissant des présences en commission et plus précisément celles relatives à la gestion des absences aux réunions du mercredi matin.
L'article 42 du Règlement, alinéa 3, prévoit qu'au-delà de deux absences mensuelles à une réunion de commission permanente le mercredi matin, si l'Assemblée ne tient pas elle-même séance, chaque absence donne lieu à une retenue de 25 % sur le montant de l'indemnité de fonction, soit 352 euros par absence.
Je précise que le dispositif ne s'applique pas aux membres du Bureau de l'Assemblée ainsi qu'aux quatre présidents des groupes et aux 22 députés des départements, territoires et collectivités d'Outre-Mer.
J'indique également que l'absence à une réunion n'est pas non plus prise en compte pour les députés appartenant à une assemblée internationale ou européenne et aux députés présents au même moment dans une autre commission permanente, quelle que soit l'heure de cette réunion ;
Je vous informe que le Bureau de l'Assemblée nationale a par ailleurs décidé que ne serait pas prise en compte une absence justifiée par un des motifs d'excuse visés par l'article 42, alinéa 2 :
– maladie, accident ou événement familial grave empêchant le parlementaire de se déplacer ;
– mission temporaire confiée par le gouvernement ;
– service militaire ;
– empêchement insurmontable.
Le Bureau a notamment considéré lors de sa réunion du 14 octobre dernier que l'assistance à une réunion d'une commission d'enquête, d'une mission d'information ou d'un autre organe de l'Assemblée constitue un empêchement insurmontable constituant un motif d'excuse. En revanche, le fait de participer à une réunion de la commission chargée des affaires européennes ne constitue pas une excuse valable d'absence en commission permanente. Mais de fait la commission chargée des affaires européennes se réunira désormais le jeudi.
Les députés qui demandent à être excusés pour un de ces motifs doivent adresser par écrit – courrier, fax ou mail – une déclaration au secrétariat de la commission précisant le motif de l'excuse.
J'en viens aux modalités d'application. Comme vous le savez, il vous est demandé d'émarger sur une feuille de présence. Je précise que cette feuille est simplement destinée à répondre aux contestations de députés qui n'ont pas été portés présents ou excusés sur la liste des présents et des excusés.
A la fin de chaque mois, après pointage des députés exemptés de l'obligation de présence et des députés excusés, la liste complète des députés absents au sens de l'article 42, alinéa 3 sera transmise aux questeurs qui feront procéder aux retenues.
Enfin, j'indique que de manière générale, la liste des députés présents et excusés lors de chaque réunion de commission est désormais publiée à la suite du compte rendu de ladite réunion, mis en ligne sur le site de l'Assemblée nationale, sans aucune mention particulière concernant les excuses et leur nature.
Je ne m'exprime pas ici à titre purement personnel mais aussi au nom de nombreux collègues de toutes les tendances politiques avec lesquels j'ai eu l'occasion de discuter de ces questions au cours des derniers jours. Cette nouvelle disposition du règlement me semble parfaitement contestable. Ceux qui l'ont prise ont cédé à la démagogie et à un populisme intolérable. Depuis vingt-huit ans que je siège dans cette Assemblée, je n'ai jamais connu une dérive aussi inacceptable. C'est parfois l'honneur d'un responsable politique que de dire non. Les membres de la commission se sont opposés au transfert de la salle de la commission sans obtenir gain de cause. Nous subissons maintenant une nouvelle vilenie : alors que le relevé des présences effectué par le secrétariat n'a jamais posé de problème, on nous demande aujourd'hui de signer en plus une liste d'émargement. C'est à se demander quand une pointeuse sera installée dans nos salles de réunions ! Je pense qu'il faut refuser de signer. L'absurdité du dispositif est encore renforcée par le fait que seules les absences du mercredi sont prises en compte, laissant supposer que les réunions qui se tiennent le mardi ou le mercredi après-midi sont sans importance, et qu'il suffit d'assister à une des réunions du mercredi matin pour ne pas être sanctionné.
Je suis parfaitement d'accord avec vous sur le fait que le relevé des présences effectué par le secrétariat est parfaitement fiable. C'est d'ailleurs lui qui continuera à faire foi, que les parlementaires aient ou non signé la liste d'émargement puisque celle-ci ne sera utilisée qu'en cas de contestation. Pour ce qui est du changement de salle, nos contestations répétées de cette décision n'ont pas abouti. Force est néanmoins de reconnaître aujourd'hui que lorsque nous sommes nombreux comme c'est le cas ce matin, nous n'aurions pas pu tous prendre place dans notre ancienne salle du Palais Bourbon qui ne comptait qu'une quarantaine de places, alors que celle dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui, une fois réaménagée, pourra accueillir une soixantaine de parlementaires.
Je suis tout à fait d'accord avec François Loncle. Après avoir effectué vingt-quatre ans de mandat, je trouve ce nouveau procédé humiliant. La semaine dernière, je me trouvais à Kinshasa en tant que président du groupe d'amitié. Si on applique strictement les règles que M. le Président vient de lire, ce déplacement ne constitue pas une excuse valable. Il me semble que la moindre des choses serait de saisir l'organe compétent en cette matière pour adapter les règles à ce type de situation.
Même si cette situation n'est effectivement pas explicitement prévue dans notre règlement, il est évident que ce type de déplacement pris en charge par l'Assemblée nationale constitue une excuse valable à une absence en commission.
Je ne suis certes députée que depuis le début de cette législature mais il me semble que ce type de sanctions bafoue le suffrage universel. En cas de maladie, faudra-t-il fournir un certificat médical ? Moi qui suis mariée à un médecin, pourrai-je fournir une attestation qu'il aura délivrée ? Quand nous restons en circonscription pour accueillir le président de la République ou un ministre, cette absence pourra-t-elle échapper à la sanction ?
Je ne vois pas comment un certificat médical pourrait être contesté mais quoi qu'il en soit nous n'aurons pas à entrer dans ce degré de détail. Pour le reste, j'apprécierai avec le Bureau de la commission les situations au cas par cas.
Nous sommes victimes d'une pratique totalement infantilisante qui n'est même plus de mise dans les écoles de la République ! Nous devons réagir de manière collective en assumant la responsabilité de nos autres activités sans céder à la démagogie médiatique qui a conduit à l'adoption de cette disposition. J'effectue de nombreux voyages, je suis membre de la mission d'information sur le voile intégral, je fais partie du Bureau de l'Assemblée et je participe prochainement à un déplacement organisé dans le cadre d'un groupe d'études à vocation internationale qui n'est pas pris en charge par l'Assemblée : dans lesquelles de ces situations mon absence sera-t-elle sanctionnée ? De mon point de vue, les députés ne doivent des comptes qu'à leurs électeurs.
Il me semble que la question de l'émargement et celle de la retenue financière sont fondamentalement différentes. L'émargement ne pose pas vraiment problème puisque les absences seront enregistrées à partir de la liste de présences faite par les administrateurs que la personne ait émargé ou non. Le principe de la retenue présente certes un côté désagréable pour les parlementaires qui assistent régulièrement aux travaux de l'Assemblée, mais il vise en fait les députés, qui représentent environ 20 % des 577, qui ne viennent jamais. Ce sont eux qui posent réellement problème et que l'on veut sanctionner.
Cette nouvelle règle n'est pas la seule à être problématique. Je trouve absurde que les parlementaires soient évalués sur des critères purement quantitatifs comme le nombre de leurs prises de parole ou de questions écrites ou orales qu'ils ont posées. Or, ce sont les seules données qui figurent sur le site de l'Assemblée nationale lui-même. La conséquence en sera une multiplication des interventions dépourvues d'intérêt, destinées uniquement à faire du chiffre, au détriment de la qualité de nos débats.
Je vous ferai tout de même observer que le nouveau Règlement a été voté par la majorité ! Il est vrai que celle-ci l'a probablement voté sans être consciente des conséquences des nouvelles dispositions du Règlement… Celle dont il est question ici est évidemment ridicule car elle ne résout pas le problème de l'absentéisme dont la véritable cause est le cumul des mandats. C'est à celui-ci qu'il faut s'attaquer !
Une partie des absences est moins liée au cumul des mandats qu'aux occupations professionnelles de certains députés.
Heureusement que le ridicule ne tue pas, sans quoi nous saurions tous morts ! J'ai signé la liste d'émargement en entrant dans la salle par réflexe. Il me semble qu'il faudrait que le Président adresse un courrier aux membres du Bureau pour faire part de notre consternation. Je crains comme notre collègue Hervé Gaymard que nos séances s'allongent à cause de la multiplication des interventions dont le seul objectif est d'améliorer les statistiques que les médias commentent. Qu'adviendra-t-il des absences liées à la participation à des réunions de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe ou de l'Assemblée parlementaire de la Francophonie ? Je crois moi aussi que seuls les électeurs ont le droit de juger notre travail.
Les dispositions du Règlement excluent de prendre en compte les absences des parlementaires à une réunion de la commission dès lors qu'ils participent par exemple aux travaux de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe dont nous ne maîtrisons pas le calendrier. Je vais naturellement adresser en votre nom une lettre au Président de l'Assemblée.
Je trouve moi aussi parfaitement inacceptable que nous soyons soumis à une évaluation comme si nous étions à l'école. Je n'ai jamais vu ce type de pratiques dans d'autres assemblées ! Il me semble que les parlementaires ont le droit de voyager à leurs frais ou de répondre à des invitations. Ils peuvent aussi se déplacer au titre de leurs autres mandats. Le problème n'est pas celui d'une éventuelle perte financière, mais bien celui du fondement de notre légitimité qui repose sur notre élection. Nous devons entrer en résistance ! Je propose que nous refusions d'assister aux réunions du mercredi matin, tout en participant à celles des autres jours.
Je pense, comme plusieurs de mes collègues, que nous allons assister à des dérives regrettables en réunion et en séance publique. Les députés ont le droit de choisir comment ils remplissent leurs fonctions. La vision simpliste qu'en donnent les médias n'est pas digne du travail effectué par les parlementaires. Il faudrait au moins que la mention du nombre des questions posées par chacun des députés disparaisse du site de l'Assemblée. La question de notre salle de réunion aurait pu trouver une solution satisfaisante dans la mesure où il existe une grande salle disponible au Palais Bourbon. Cette option demeure ouverte. Je comprends que la participation aux travaux d'un autre organe de l'Assemblée nationale constituera une excuse valable, mais qu'en sera-t-il par exemple de la participation à la commission du renseignement ou à celle du secret, au sein de laquelle j'ai été nommé par le Président de notre Assemblée. Tout cela est absurde. Nous n'aurions jamais dû céder à la pression médiatique.
Dans tous les cas que vous citez, les excuses seront valables. Je reconnais que notre site sert de source d'information aux citoyens mais aussi aux médias.
Monsieur le Président, toutes les questions que je voulais poser l'ont déjà été, mais je m'étonne quand même que ce débat n'ait pas eu lieu avant.
De plus, je voudrais apporter mon témoignage. Je suis probablement la seule ici à avoir travaillé 35 ans en usine, et à avoir dû pointer pour justifier de ma présence. Je me souviens même avoir été sanctionnée pour une absence de 5 centièmes d'heure ! En arrivant dans cette maison, j'ai apprécié de pouvoir être considérée dans mon travail, ce qui ne serait plus le cas si l'on devait choisir pour nous les réunions auxquelles nous devons assister. Le site de l'Assemblée ne peut recenser seulement les absences, il faut également qu'il donne les excuses de chacun.
Enfin, je trouve inadmissible que les Députés ne soient jugés que sur leur quantité de travail. Certains seront-ils considérés comme paresseux parce qu'ils s'efforcent de faire un travail de qualité ?
Les réformes que nous débattons aujourd'hui évoquent pour moi deux citations de Talleyrand : « Appuyez-vous sur les principes, ils finiront bien par céder » et « Tout ce qui est excessif est insignifiant».
La statistique n'est pas un bon outil, il est clair que certains collègues travaillent énormément et ne seraient pas, pour autant, bien « notés » dans un cadre trop contraignant. Personnellement, je n'ai jamais autant travaillé en étant aussi peu payé que depuis que je siège au Parlement. A tout le moins, il faudrait hiérarchiser l'importance des réunions pour que les statistiques de présence aient un sens quelconque.
En réalité, le vrai problème de l'Assemblée est constitué par ces « hommes des bois », députés que nous ne voyons jamais et qui doivent être dénoncés pour cette inactivité.
Je souhaiterais, Monsieur le Président, que vous puissiez relayer ma requête formelle au Bureau. Je suis président du conseil d'administration d'Ubifrance, charge que j'essaie de remplir le plus consciencieusement possible, mais qui m'amène à être souvent occupé les mercredi matins. Notre prochain conseil d'administration a d'ailleurs lieu un mercredi matin. Pourriez-vous évoquer cette question devant le Bureau ?
Le climat de suspicion qui règne autour de nous est insupportable. Certes, nous sommes au service des gens, mais nous ne sommes pas leur serpillière. Or, les critiques que nous subissons ne sont que la première étape. Déjà, certains s'intéressent à nos dépenses : méfions-nous que l'on ne nous demande pas de justifier bientôt comment nous finançons l'achat de tubes de dentifrice !
Par ailleurs, la publication de statistiques sur le nombre de prises de parole va totalement contre l'idée d'un meilleur contrôle du temps des débats sujet, qui a déjà provoqué tant de polémiques.
Quelle est la position des autres présidents de commissions sur ces sujets ? Notre commission ne peut pas aller contre la réforme toute seule.
Le problème du système proposé est qu'il ne tient pas compte de toutes les réunions de commissions. Si l'on va au bout de cette logique stupide, il faudrait nous attribuer un bonus lorsque nous assistons à des réunions hors mercredi matin !
Je veux montrer l'absurdité de ce système en prenant la parole, qui pourrait m'avantager du point de vue statistique sans pour autant rien apporter puisque presque tout a été dit.
Au-delà de cette boutade, que je crois révélatrice, je pense qu'il faut prendre un peu de recul. La situation actuelle révèle la mauvaise conscience des hommes politiques face à d'autres pouvoirs, notamment le pouvoir médiatique. Nous n'avons pas à rendre des comptes aux média. Le système proposé est non seulement inefficace, mais il est même déshonorant. Occupons nous plutôt des membres de l'Assemblée nationale qui ne travaillent pas du tout.
A cause du nouveau système, il faudra prévoir pratiquement deux heures de débat pour chaque thème abordé. Nous sommes plus de 60 députés dans cette commission et, en comptant deux minutes au moins par intervention, on constate vite le problème.
Comme mon collègue Guibal, je pourrais me contenter de cette prise de parole pour améliorer mes statistiques. Je voudrais toutefois inciter à la réflexion. Ne sommes-nous pas arrivés à cette situation parce que certains de nos collègues sont devenus plus assidus à la salle des quatre colonnes, et devant les caméras de télévision, que dans les salles de commissions, se faisant par là les complices de la statistique ?
Malheureusement, nous étions minoritaires. Nous pouvons faire changer d'avis le Bureau, mais il nous faut oublier notre peur actuelle face aux média et à Internet.
Je demande à ce que ceux qui ont choisi de protester aujourd'hui en ne signant pas la feuille d'émargement ne soient pas sanctionnés. De plus, plutôt que de renvoyer la question au Bureau, ne pourrions-nous pas faire venir des membres du Bureau pour parler avec eux ?
Je vais faire part au Bureau des protestations concernant la publication sur le site de l'Assemblée des données quantitatives relatives à notre travail. En revanche, les nouvelles règles d'émargement ne posent pas de problème, puisque la liste de signatures n'est consultée qu'en cas de contestation. Reste donc à discuter de la pertinence de la sanction financière désormais prévue.
Je suis exaspéré par la repentance que nous imposent les média et nos collègues qui veulent briller dans les émissions de divertissement. Nous devons nous élever contre ces députés qui passent leur temps à critiquer les parlementaires sur nos écrans de télévision. Les « hommes des bois » dont parlait Paul Giaccobi tout à l'heure sont pourtant réélus : c'est bien la preuve que le peuple choisit qui il veut pour le représenter !
Dans ma circonscription, j'entends des citoyens me demander, dans la même phrase, pourquoi je ne suis pas plus présent localement, et pourquoi les bancs de l'hémicycle sont toujours vides. Cette repentance qu'on nous impose est insupportable !
On tombe dans la pression des medias ! J'ai pour ma part subi un véritable harcèlement quant à mes dépenses personnelles, j'ai dû justifier mon loyer, mes dépenses de transport, etc. Cela devient fou ! Je rejoins tout ce qui a été dit précédemment, il faut arrêter cette dérive.
Devant cette unanimité, je propose que le président rédige un courrier officiel au président de l'Assemblée nationale pour lui exprimer notre refus de ce système.
J'ai été l'un des rares, en séance publique, à dénoncer le scandale que représentait cette mesure, attentatoire à la dignité, qui remet en cause l'indépendance des députés et dont je ne suis pas sûr qu'elle ne soit pas inconstitutionnelle. Les parlementaires ne doivent pas être soumis à quelque pression que ce soit et nous n'avons pas à nous excuser. Je m'y refuse et l'on s'honorerait tous à faire de même. En conséquence, soit les autres commissions sont solidaires de la nôtre et l'on réussit à casser ce système, soit le président de la commission décide que l'on ne l'appliquera pas. Sinon, je ne vois plus l'intérêt d'être député. J'avais exprimé ma position en réunion de groupe, j'en avais parlé à d'autres collègues de gauche : tout le monde sait que c'est une disposition absurde et pourtant, on l'a votée ! Je demande qu'il soit pris acte que la commission des affaires étrangères n'entrera pas dans ce système.
Je ne peux adhérer à cette position : le règlement a été adopté, il faut l'appliquer. La seule solution serait de modifier une nouvelle fois le règlement si la majorité de notre Assemblée en décide ainsi.
Je voudrais insister sur la question des statistiques : d'expérience, tout le monde sait que l'intérêt du débat parlementaire, c'est sa concision. On n'intervient pas pour ne rien dire, et c'est ce qui fait toute la pertinence des débats de commission, à la différence des débats de nos assemblées locales, par exemple. On risque de perdre la spécificité du débat parlementaire car chacun va se sentir obligé de parler pour figurer dans les statistiques. Le site de l'Assemblée est à revoir sur cet aspect.
Je suis d'accord. C'est là un problème de fond. Sinon, il faudra un sablier pour limiter nos temps de parole et ne pas les dépasser. Je vais faire un courrier aux membres du Bureau, je vais en parler en conférence des présidents ainsi qu'à la réunion des présidents de commission. Il y a deux aspects : d'une part, un problème qui touche le Règlement, de l'autre, un second qui concerne le site internet.
Convention de partenariat France-Algérie (n° 1853).
Puis la Commission examine, sur le rapport de M. Hervé Gaymard, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la convention de partenariat entre le Gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire (n° 1853).
Après les années sombres de la dernière décennie du XXe siècle, l'Algérie a retrouvé un fonctionnement institutionnel et politique normalisé. Les objectifs de réconciliation nationale, de consolidation de l'État de droit, de bonne gouvernance et de sécurité poussent le pays dans le sens de l'ouverture vers le monde extérieur. C'est dans ce contexte porteur que s'inscrit le renouveau de la relation franco-algérienne, qu'un chroniqueur qualifiait de « poursuite régulière des amicales incompréhensions. »
Forte de l'élan que lui a donné la Déclaration d'Alger adoptée par les deux Présidents de la République le 2 mars 2003 à l'occasion de la visite d'État du Président français, cette coopération franco-algérienne s'est développée de manière remarquable au cours des quatre dernières années, en dépit de l'achoppement, sur l'écueil des questions mémorielles, de la négociation d'un traité d'amitié. La densité et la richesse des relations tissées entre nos deux pays leur donnent un caractère unique. Face aux défis de la mondialisation, il s'agit de développer un « partenariat d'exception ». Le « document cadre de partenariat » (DCP) établi pour la période 2007-2011 entre la France et l'Algérie est un instrument au service de la construction et de la consolidation de ce partenariat d'exception. En définissant pour cinq ans ses grandes orientations et les objectifs à atteindre, fixés d'un commun accord, le DCP s'inscrit dans le cadre institutionnel de la coopération bilatérale établi par la Convention de partenariat signée à Alger le 4 décembre 2007.
Le Sénat a adopté, le 20 juillet dernier, le projet de loi autorisant l'approbation de cette convention, qu'il nous revient à présent d'examiner. Moins qu'un traité d'amitié, donc, mais plus qu'un simple accord de coopération, cette convention de partenariat reflète la singularité de la relation franco-algérienne. Rappelons tout d'abord que l'Algérie reste pour la France un partenaire commercial de premier plan. La France est en effet le premier fournisseur de l'Algérie en 2008, avec une part de marché qui s'établit à 16,5 %. Les échanges entre la France et l'Algérie ont plus que triplé en douze ans et ont dépassé les 10 milliards d'euros pour la première fois en 2008 (10,3 milliards exactement), répartis presque également entre exportations (5,5 milliards d'euros) et importations (4,8 milliards d'euros). L'Algérie est le premier partenaire commercial de la France en Afrique. Si l'on étend les comparaisons au reste du monde, l'Algérie est le troisième marché pour les exportations françaises hors pays de l'OCDE, après la Chine et la Russie. La moitié de nos exportations est réalisée par des PME. Dans la comptabilisation des échanges, la France a maintenu en 2008 sa position traditionnellement excédentaire, après le léger déficit commercial de 2006 et le retour à l'excédent en 2007, à chaque fois largement sous l'influence du cours des hydrocarbures que nous importons d'Algérie. Les trois premiers postes d'exportation étaient en 2008 les biens d'équipement (26 %), les biens intermédiaires (18 %) et l'agroalimentaire (17 %).
Comme le rappelait hier dans l'hémicycle notre collègue Jean Roatta, qui posait une question au Gouvernement sur ce point, en dépit de ces statistiques satisfaisantes, dans le contexte de la crise économique et financière mondiale, les mesures à caractère protectionniste adoptées ces derniers mois par le gouvernement algérien en matière de commerce et d'investissement n'ont pas manqué d'inquiéter les sociétés étrangères − et françaises en particulier. Cette inquiétude avait culminé avec l'annonce de l'obligation, pour les sociétés commerciales étrangères déjà installées en Algérie, de céder 30 % de leur capital à un partenaire algérien. Finalement, le ministère algérien des finances a annoncé le 29 juillet dernier que la loi instaurant cette mesure de « patriotisme économique » ne serait pas d'application rétroactive et ne concernerait que les sociétés créées après le 26 juillet 2009. Cette mesure posait surtout la question de sa conformité avec l'accord d'association UE-Algérie entré en vigueur en 2005 et avec les accords bilatéraux en matière de promotion et de protection des investissements. Il reste que des restrictions à la libre activité économique subsistent sous diverses formes, telle l'interdiction faite aux banques d'accorder des crédits à la consommation et des crédits pour l'achat d'automobiles neuves, qui pourrait avoir un impact important sur les filiales algériennes de banques et de concessionnaires automobiles français. Cette évolution de l'orientation économique de l'Algérie ne fait que rendre plus nécessaire la poursuite de notre programme d'appui aux réformes économiques, destinées à encourager le développement d'un secteur privé exportateur et à promouvoir l'ouverture de l'économie algérienne, seule à même d'inciter les entreprises algériennes à se mettre à niveau, dans le contexte de la mondialisation.
Au-delà, la coopération au plus haut niveau politique entre la France et l'Algérie ne saurait se concevoir sans un ancrage dans la coopération concrète dans les domaines culturel, scientifique et technique. Tel est bien l'objet de la convention dont l'approbation nous est demandée par le projet de loi que nous examinons ce matin. Cette convention s'appuie sur une redynamisation des organes de concertation et une augmentation sensible des crédits d'intervention depuis 2000 − pour un montant de 11,4 millions d'euros en 2008. La négociation de la convention de partenariat a été engagée dès 2006 pour se substituer à la convention de coopération culturelle, scientifique et technique, signée pour dix ans en 1986 et renouvelée en 1996, qui arrivait à expiration le 31 décembre 2006. De par l'ampleur des domaines couverts, cette négociation et la rédaction du texte ont constitué un intense travail interministériel.
S'agissant du document cadre de partenariat, le travail de réflexion avait été engagé dès le début de l'année 2005 et a pu aboutir en 2007. Les deux textes, convention et DCP, ont été signés à l'occasion de la visite d'État du Président de la République en décembre 2007 ; je rappelle toutefois que seule l'approbation de la Convention est soumise au vote du Parlement, celui-ci n'étant qu'informé de la teneur du DCP et de son suivi.
Le titre Ier de la convention traite du champ et des modalités de la coopération, tandis que son titre second, qui porte « organisation et procédures de la coopération bilatérale », peut se lire conjointement avec le Protocole administratif et financier relatif aux moyens de la coopération. Ce protocole, signé le même jour que la convention, est lui aussi soumis à notre approbation. Les trois chapitres du titre Ier de la convention déclinent une coopération couvrant un vaste champ : coopération éducative, universitaire, culturelle, scientifique et technique, coopération institutionnelle et administrative, coopération décentralisée et « mobilité des compétences ». En particulier, deux articles du texte sont consacrés à l'éducation et à l'enseignement des langues : chaque Partie doit promouvoir l'apprentissage de la langue de l'autre. Bien que l'Algérie ne soit pas membre de l'Organisation internationale de la Francophonie, d'importants efforts bilatéraux sont accomplis en faveur de l'usage de la langue française dans ce pays. Sont également encouragés par la convention de partenariat les établissements d'enseignement et les centres culturels que chaque pays possède chez son voisin d'outre-Méditerranée.
Si la coopération dans les domaines de l'enseignement supérieur, des universités et de la recherche, de la formation des cadres ou en matière de santé publique et de protection sociale poursuivent et développent des programmes existants dans le cadre de la précédente convention de 1986, les thèmes des médias ou de la société de l'information sont plus nouveaux. La coopération économique et financière, de même que le « Développement d'un environnement favorable aux affaires et [la] promotion des investissements » pourront aider à surmonter tout repli protectionniste. Enfin, la coopération en matière d'environnement, de développement durable et d'efficacité énergétique, éminemment d'actualité, pourra également trouver à s'épanouir dans le cadre de l'Union pour la Méditerranée.
En conclusion, je veux souligner que nous avons reçu l'instrument d'approbation algérien de la convention dès le 11 avril 2008, soit quatre mois après sa signature, et qu'en l'absence d'approbation par la Partie française de la convention de partenariat, aucun texte ne régit actuellement la coopération entre nos deux pays. La visite d'État en retour que pourrait effectuer le Président Abdelaziz Bouteflika avant la fin de cette année 2009 ne manquera pas de constituer un moment d'examen des avancées du partenariat d'exception, dont la convention constitue un des textes phares. Il est grand temps, par conséquent, que l'Assemblée nationale se prononce sur l'autorisation d'approbation de ce texte. Le Sénat l'a fait le 20 juillet dernier et je vous propose de voter vous aussi en faveur de ce projet de loi.
Je remercie le rapporteur pour cet exposé et je donne la parole très brièvement aux collègues qui souhaitent intervenir.
J'associe Michel Terrot, qui a dû s'absenter, à ma question. Qu'en est-il des négociations ouvertes en juin 2009 sur l'accord de 1968 relatif à la circulation et à l'emploi des ressortissants algériens et de leurs familles ? Les négociations n'ont semble-t-il toujours pas abouti ?
En complément de la question que Jean Roatta posait hier au gouvernement, sur la coopération commerciale prévue dans le cadre de cette convention, la restriction aux importations prévue dans la loi de finances algérienne constitue une entorse aux principes posés par cette convention et pose un grave problème à Marseille, de baisse du trafic en ce qui concerne l'importation et l'exportation de matériels de travaux publics d'occasion. Sera-t-il possible d'obtenir un assouplissement aux restrictions apportées ?
Si l'on regarde bien ce qui est prévu, cela ne touche pas seulement Marseille mais l'ensemble des PME françaises. Ce rapport est très positif, mais me gêne néanmoins un commentaire sur l'évolution de l'orientation économique de l'Algérie et le nécessaire programme d'appui aux réformes qu'elle appellerait. Compte tenu des décisions qui ont été prises par la partie algérienne en juillet dernier, j'appelle au contraire à la prudence et je crois qu'il serait opportun de profiter de la prochaine visite du président Bouteflika pour le dire. L'an prochain, ce sont toutes les PME françaises qui seront touchées.
C'est d'un partenariat d'exception qu'il s'agit, qui concerne surtout la coopération économique. Sur une question annexe, je rappelle qu'il y a toujours le douloureux problème des cimetières, sur l'aspect humain duquel nos consuls ne s'engagent peut-être pas avec l'ardeur nécessaire.
Le problème évoqué par nos collègues marseillais ne concerne effectivement pas que Marseille, ils ont raison de le souligner : il y a un problème national qui touche toutes les PME de France. Cela étant, le rapport confirme-t-il que le traité d'amitié est définitivement enterré et que cette convention n'a rien à voir ? Le président Bouteflika ne cesse de nous insulter et il est difficile de parler de traité d'amitié même si nos hôpitaux le soignent… On pourrait sans doute exiger de sa part un peu plus de respect.
Comment cette convention de partenariat s'articule-t-elle avec le processus de Barcelone ?
Les rapports de l'Algérie et de la France sont à la fois passionnels et ambigus. D'une certaine manière, est-ce qu'on ne se comporte pas avec l'Algérie comme avec les médias ? Il ne serait pas inutile en tout cas de crever parfois quelques abcès et de rappeler à un peu de cohérence.
Quelque chose a-t-il été prévu pour les Harkis, notamment quant à leur possibilité de rentrer en Algérie sans être déférés devant les tribunaux ?
Qu'en est-il des ressortissants algériens qui souhaitent venir se faire soigner en France pour des pathologies non traitées chez eux ? Existe-t-il des accords de coopération aux termes desquels un remboursement des frais engagés serait prévu par l'Etat algérien ?
Le dernier avenant à l'accord de 1968 sur la circulation, l'emploi et le séjour des ressortissants algériens et de leurs familles a été signé en juillet dernier. Nous aurons l'occasion d'examiner ce texte en détail puisqu'il devra faire l'objet d'un projet de loi de ratification. La relation franco-algérienne confine parfois à une forme de schizophrénie. Il y a des instances de coopération et de dialogue qui peuvent contribuer à aplanir les différends ; récemment a été créée une grande commission interparlementaire qui devrait permettre la concertation et le dialogue, cela peut aider. Il ne faut pas non plus oublier, sur le thème des restrictions aux échanges de la part de l'Algérie, le rôle de la Commission européenne et notamment de Mme Catherine Ashton, très active sur ces dossiers. La question des cimetières est effectivement hors champ de la convention mais reste à rappeler. Les Algériens sont dans le processus de Barcelone, mais sur un mode mineur, et n'interviennent qu'avec une participation minimum, sans avoir pour le moment délégué de représentants de haut niveau. Il n'y a dans le texte de la convention aucune stipulation spécifique sur les Harkis et pour répondre enfin à Mme Henriette Martinez, des systèmes de recouvrement existent, mais qui ne sont semble-t-il pas faciles à mettre en oeuvre. J'ai eu, dans des fonctions ministérielles antérieures, l'occasion de plaider pour que le recouvrement de telles créances puisse s'envisager via une réfaction sur les crédits de coopération.
Conformément aux conclusions du rapporteur, la commission adopte le projet de loi (n° 1853).
La séance est levée à onze heures trente.