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Intervention de Hervé Gaymard

Réunion du 21 octobre 2009 à 10h15
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHervé Gaymard, rapporteur :

Après les années sombres de la dernière décennie du XXe siècle, l'Algérie a retrouvé un fonctionnement institutionnel et politique normalisé. Les objectifs de réconciliation nationale, de consolidation de l'État de droit, de bonne gouvernance et de sécurité poussent le pays dans le sens de l'ouverture vers le monde extérieur. C'est dans ce contexte porteur que s'inscrit le renouveau de la relation franco-algérienne, qu'un chroniqueur qualifiait de « poursuite régulière des amicales incompréhensions. »

Forte de l'élan que lui a donné la Déclaration d'Alger adoptée par les deux Présidents de la République le 2 mars 2003 à l'occasion de la visite d'État du Président français, cette coopération franco-algérienne s'est développée de manière remarquable au cours des quatre dernières années, en dépit de l'achoppement, sur l'écueil des questions mémorielles, de la négociation d'un traité d'amitié. La densité et la richesse des relations tissées entre nos deux pays leur donnent un caractère unique. Face aux défis de la mondialisation, il s'agit de développer un « partenariat d'exception ». Le « document cadre de partenariat » (DCP) établi pour la période 2007-2011 entre la France et l'Algérie est un instrument au service de la construction et de la consolidation de ce partenariat d'exception. En définissant pour cinq ans ses grandes orientations et les objectifs à atteindre, fixés d'un commun accord, le DCP s'inscrit dans le cadre institutionnel de la coopération bilatérale établi par la Convention de partenariat signée à Alger le 4 décembre 2007.

Le Sénat a adopté, le 20 juillet dernier, le projet de loi autorisant l'approbation de cette convention, qu'il nous revient à présent d'examiner. Moins qu'un traité d'amitié, donc, mais plus qu'un simple accord de coopération, cette convention de partenariat reflète la singularité de la relation franco-algérienne. Rappelons tout d'abord que l'Algérie reste pour la France un partenaire commercial de premier plan. La France est en effet le premier fournisseur de l'Algérie en 2008, avec une part de marché qui s'établit à 16,5 %. Les échanges entre la France et l'Algérie ont plus que triplé en douze ans et ont dépassé les 10 milliards d'euros pour la première fois en 2008 (10,3 milliards exactement), répartis presque également entre exportations (5,5 milliards d'euros) et importations (4,8 milliards d'euros). L'Algérie est le premier partenaire commercial de la France en Afrique. Si l'on étend les comparaisons au reste du monde, l'Algérie est le troisième marché pour les exportations françaises hors pays de l'OCDE, après la Chine et la Russie. La moitié de nos exportations est réalisée par des PME. Dans la comptabilisation des échanges, la France a maintenu en 2008 sa position traditionnellement excédentaire, après le léger déficit commercial de 2006 et le retour à l'excédent en 2007, à chaque fois largement sous l'influence du cours des hydrocarbures que nous importons d'Algérie. Les trois premiers postes d'exportation étaient en 2008 les biens d'équipement (26 %), les biens intermédiaires (18 %) et l'agroalimentaire (17 %).

Comme le rappelait hier dans l'hémicycle notre collègue Jean Roatta, qui posait une question au Gouvernement sur ce point, en dépit de ces statistiques satisfaisantes, dans le contexte de la crise économique et financière mondiale, les mesures à caractère protectionniste adoptées ces derniers mois par le gouvernement algérien en matière de commerce et d'investissement n'ont pas manqué d'inquiéter les sociétés étrangères − et françaises en particulier. Cette inquiétude avait culminé avec l'annonce de l'obligation, pour les sociétés commerciales étrangères déjà installées en Algérie, de céder 30 % de leur capital à un partenaire algérien. Finalement, le ministère algérien des finances a annoncé le 29 juillet dernier que la loi instaurant cette mesure de « patriotisme économique » ne serait pas d'application rétroactive et ne concernerait que les sociétés créées après le 26 juillet 2009. Cette mesure posait surtout la question de sa conformité avec l'accord d'association UE-Algérie entré en vigueur en 2005 et avec les accords bilatéraux en matière de promotion et de protection des investissements. Il reste que des restrictions à la libre activité économique subsistent sous diverses formes, telle l'interdiction faite aux banques d'accorder des crédits à la consommation et des crédits pour l'achat d'automobiles neuves, qui pourrait avoir un impact important sur les filiales algériennes de banques et de concessionnaires automobiles français. Cette évolution de l'orientation économique de l'Algérie ne fait que rendre plus nécessaire la poursuite de notre programme d'appui aux réformes économiques, destinées à encourager le développement d'un secteur privé exportateur et à promouvoir l'ouverture de l'économie algérienne, seule à même d'inciter les entreprises algériennes à se mettre à niveau, dans le contexte de la mondialisation.

Au-delà, la coopération au plus haut niveau politique entre la France et l'Algérie ne saurait se concevoir sans un ancrage dans la coopération concrète dans les domaines culturel, scientifique et technique. Tel est bien l'objet de la convention dont l'approbation nous est demandée par le projet de loi que nous examinons ce matin. Cette convention s'appuie sur une redynamisation des organes de concertation et une augmentation sensible des crédits d'intervention depuis 2000 − pour un montant de 11,4 millions d'euros en 2008. La négociation de la convention de partenariat a été engagée dès 2006 pour se substituer à la convention de coopération culturelle, scientifique et technique, signée pour dix ans en 1986 et renouvelée en 1996, qui arrivait à expiration le 31 décembre 2006. De par l'ampleur des domaines couverts, cette négociation et la rédaction du texte ont constitué un intense travail interministériel.

S'agissant du document cadre de partenariat, le travail de réflexion avait été engagé dès le début de l'année 2005 et a pu aboutir en 2007. Les deux textes, convention et DCP, ont été signés à l'occasion de la visite d'État du Président de la République en décembre 2007 ; je rappelle toutefois que seule l'approbation de la Convention est soumise au vote du Parlement, celui-ci n'étant qu'informé de la teneur du DCP et de son suivi.

Le titre Ier de la convention traite du champ et des modalités de la coopération, tandis que son titre second, qui porte « organisation et procédures de la coopération bilatérale », peut se lire conjointement avec le Protocole administratif et financier relatif aux moyens de la coopération. Ce protocole, signé le même jour que la convention, est lui aussi soumis à notre approbation. Les trois chapitres du titre Ier de la convention déclinent une coopération couvrant un vaste champ : coopération éducative, universitaire, culturelle, scientifique et technique, coopération institutionnelle et administrative, coopération décentralisée et « mobilité des compétences ». En particulier, deux articles du texte sont consacrés à l'éducation et à l'enseignement des langues : chaque Partie doit promouvoir l'apprentissage de la langue de l'autre. Bien que l'Algérie ne soit pas membre de l'Organisation internationale de la Francophonie, d'importants efforts bilatéraux sont accomplis en faveur de l'usage de la langue française dans ce pays. Sont également encouragés par la convention de partenariat les établissements d'enseignement et les centres culturels que chaque pays possède chez son voisin d'outre-Méditerranée.

Si la coopération dans les domaines de l'enseignement supérieur, des universités et de la recherche, de la formation des cadres ou en matière de santé publique et de protection sociale poursuivent et développent des programmes existants dans le cadre de la précédente convention de 1986, les thèmes des médias ou de la société de l'information sont plus nouveaux. La coopération économique et financière, de même que le « Développement d'un environnement favorable aux affaires et [la] promotion des investissements » pourront aider à surmonter tout repli protectionniste. Enfin, la coopération en matière d'environnement, de développement durable et d'efficacité énergétique, éminemment d'actualité, pourra également trouver à s'épanouir dans le cadre de l'Union pour la Méditerranée.

En conclusion, je veux souligner que nous avons reçu l'instrument d'approbation algérien de la convention dès le 11 avril 2008, soit quatre mois après sa signature, et qu'en l'absence d'approbation par la Partie française de la convention de partenariat, aucun texte ne régit actuellement la coopération entre nos deux pays. La visite d'État en retour que pourrait effectuer le Président Abdelaziz Bouteflika avant la fin de cette année 2009 ne manquera pas de constituer un moment d'examen des avancées du partenariat d'exception, dont la convention constitue un des textes phares. Il est grand temps, par conséquent, que l'Assemblée nationale se prononce sur l'autorisation d'approbation de ce texte. Le Sénat l'a fait le 20 juillet dernier et je vous propose de voter vous aussi en faveur de ce projet de loi.

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