La Commission examine, en application de l'article 145 du Règlement, le rapport de la mission d'information sur les relations financières entre l'État et les collectivités territoriales, présenté par MM. Jean-Pierre Balligand et Marc Laffineur, rapporteurs.
Étant donné le souhait exprimé par le président de la République de voir aboutir une suppression de la taxe professionnelle dans le cadre du projet de loi de finances pour 2010, Jean-Pierre Balligand et Marc Laffineur ont naturellement fait porter leur réflexion, en priorité, sur ce que devrait être une telle réforme. Ils ont bénéficié des moyens de simulation dont dispose le ministère de l'Économie pour tester leurs hypothèses et ont mené un travail approfondi de concertation avec les élus et les représentants des entreprises. Les propositions de la mission ont fait l'objet d'une première communication à notre Commission le 9 juin dernier. Ils nous présentent aujourd'hui un rapport d'information sur cette question, étant entendu qu'une réflexion d'ensemble sur le financement des collectivités territoriales devra être menée, dans un contexte de réforme des collectivités territoriales. Ce rapport d'information constitue une contribution très utile à la réforme de la taxe professionnelle.
Avant que Marc Laffineur vous présente le contenu du rapport de la mission et nos propositions qui vous ont déjà été exposées le 9 juin dernier, je veux vous rappeler brièvement le contexte de nos tavaux.
Il y a plus d'un an maintenant, vous nous aviez chargés d'une mission sur les relations financières entre l'État et les collectivités territoriales. Après plusieurs mois de travaux et d'auditions, nous vous indiquions dans une communication d'étape, en octobre dernier, que le système de financement des collectivités territoriales était à bout de souffle.
Dans les pistes que nous avions suggérées, nous estimions qu'il fallait d'abord organiser une réforme d'ensemble de la fiscalité locale, afin de dégager ensuite les marges nécessaires à une réforme des dotations aux collectivités locales. Il nous semblait notamment que les assiettes des impôts locaux sont obsolètes et que la fiscalité locale est devenue par trop inéquitable.
Depuis, ce constat a également été partagé par la Commission présidée par Monsieur Edouard Balladur, dont les conclusions rejoignent très largement les orientations de notre mission : spécialisation des impôts, mécanisme de sortie des dégrèvements, modernisation de l'impôt économique, notamment.
Enfin, le Président de la République a scellé le sort de la taxe professionnelle en deux temps. En proposant tout d'abord, l'an passé, que les investissements réalisés entre novembre 2008 et décembre 2009 soient définitivement exonérés. Puis en proposant, au début de cette année, que la taxation des équipements et biens mobiliers soit supprimée en totalité.
C'est dans ce contexte que notre mission a travaillé, depuis octobre dernier, sur la réforme de la taxe professionnelle, en considérant à la fois qu'il s'agissait d'une priorité politique et qu'elle entraînerait avec elle une réforme de l'essentiel de la fiscalité locale. Le Président de la commission des Finances et le Rapporteur général se sont associés à nos travaux et nous avons élaboré, puis affiné, un scénario complet de réforme.
Nous avons accompli ce travail à la fois en collaboration efficace avec le ministère de l'économie et des finances, qui a réalisé l'essentiel des simulations que nous avons demandées, et en concertation avec les représentants des entreprises, les associations d'élus locaux et le Comité des finances locales.
Nous vous avons présenté, en juin dernier, un scénario de réforme de la taxe professionnelle et de la fiscalité locale, complémentaire de celui que l'administration avait préparé. Nous avions en commun les grandes orientations :le maintien d'un impôt foncier des entreprises ; la consolidation d'une assiette valeur ajoutée complémentaire ; l'absence de remplacement des impôts des entreprises par de la dette publique ou des impôts ménages ; le maintien du lien fiscal entre les entreprises et les territoires.
Toutefois, comme nous vous l'avions indiqué, notre mission restait en désaccord avec le scénario de l'administration sur deux points majeurs : nous ne voulions pas que l'impôt des régions et des départements soit subordonné aux votes de taux des communes, et nous ne voulions pas que la base d'imposition foncière (surtout détenue par l'industrie) soit majorée. C'est pourquoi le schéma de la commission des Finances proposait des options alternatives – que Marc Laffineur vous présentera dans un instant – qui avaient rallié l'assentiment de nombreux parlementaires et de toutes les associations d'élus locaux.
Sur ces deux points majeurs, le projet de loi de finances devrait retenir nos propositions. En effet, notre mission a convaincu la ministre de l'économie et l'ensemble du Gouvernement, et la Commission peut, je crois, s'honorer d'avoir tenu son rôle et se réjouir de la qualité de ses échanges avec le Gouvernement.
Certes, d'innombrables arbitrages restent à rendre sur cette réforme de grande ampleur. Quatre-vingt milliards d'euros de prélèvements obligatoires vont, en effet, être impactés soit au titre des contribuables, soit au titre des bénéficiaires. Sur nombre de ces arbitrages, nous poursuivrons la réflexion afin de parvenir au meilleur équilibre possible. Néanmoins, à nos yeux, l'essentiel est fait.
Le rapport que nous vous soumettons aujourd'hui constitue le résultat de ces mois de travaux, et vous présente en détail la succession de propositions qui constitue l'architecture de notre scénario.
En effet, nous avons le sentiment de parvenir progressivement à un consensus sur notre proposition. J'en rappelle l'économie générale.
La taxe professionnelle est un vestige de l'histoire industrielle de la France. Son paradoxe est sans doute de s'être révélée, dès sa création, en décalage avec l'économie de notre pays. Elle a été conçue pour un monde fordien, où l'économie est enfermée dans des frontières et où l'activité se mesure à la sortie des chaînes de production des usines. C'est ainsi qu'elle frappait dès son origine les facteurs de production industriels : les lieux, les machines et les hommes.
Dans un monde ouvert où l'industrie est en concurrence sévère et où une part essentielle de l'activité est immatérielle, cet impôt est rapidement devenu une source d'injustices. Il a principalement imposé de façon constante des industries de moins en moins productives de revenus, tandis que des secteurs émergents à forte valeur ajoutée demeuraient sous-imposés.
De replâtrages en réformes de l'assiette, l'État en est donc venu à assumer la moitié de l'imposition à la place des entreprises, si l'on tient compte de la compensation de la part salaires et de tous les dégrèvements. Ceci ne pouvait donc plus durer.
Quelles sont les principales propositions de notre scénario ?
Première proposition : la taxe professionnelle doit être remplacée par un impôt moderne et comparable au plan international. Il sera constitué de deux volets. Tout d'abord, un volet foncier assis sur les valeurs locatives. Nous proposons que ces valeurs soient révisées, car leur mode d'évaluation a pénalisé l'industrie depuis 30 ans. Toutefois, dès à présent, nous proposons de minorer les valeurs locatives industrielles de 15 %, pour amorcer un rééquilibrage. Ensuite, un impôt égal à 1,5 % de la valeur ajoutée des entreprises. Cette cotisation serait due par toutes les entreprises, mais son taux serait progressif pour celles de moins de 7,6 millions d'euros de chiffres d'affaires. Il s'agit en effet de trouver un compromis entre des effets d'aubaine que la mission a voulu éviter, des situations de sous-impositions manifestes que la mission a voulu corriger, et de nombreuses PME industrielles dont la mission n'a pas voulu augmenter la cotisation. Nous réfléchissons encore, avec le Gouvernement, sur les modalités précises de cette entrée progressive dans la CVA. Il pourrait notamment être envisagé de ne taxer au taux de 1,5 % que les entreprises de plus de 50 millions d'euros de chiffre d'affaires.
Deuxième proposition : revoir le financement des collectivités locales par la fiscalité. Nous proposons de spécialiser les impôts locaux selon une ligne simple : à l'échelon de proximité les assiettes foncières les mieux localisées, au département un panier de recettes mixte afin de préserver des budgets sous contrainte forte, à la région un impôt économique dynamique mais plus volatile, en lien avec sa compétence économique.
Certes, nous avons entendu de nombreuses revendications de la part des associations d'élus locaux quant au mode de répartition des nouvelles ressources fiscales. Certaines demandes reposent sur la volonté de profiter du dynamisme – réel ou supposé – de certains impôts (comme la CVA) réputés plus dynamiques que d'autres. D'autres demandes témoignent de la volonté de conserver une liberté de vote de taux, fut-ce sur une fraction marginale des impôts perçus. Ainsi, le bloc communal souhaiterait obtenir une part de la CVA, plutôt que la totalité de la taxe d'habitation. Les départements souhaiteraient bénéficier d'une fraction gelée du produit national de CSG, en lieu et place des dotations. Quant aux régions, elles souhaiteraient conserver un lien fiscal avec les ménages.
Sur ces aspects de répartition, le rapport que nous vous soumettons propose un schéma équilibré. Pour autant, nous avons considéré qu'aucune porte ne devait être fermée et que la discussion devrait se poursuivre d'ici au vote de la loi de finances. Il sera important, alors, de traiter ces questions car le scénario de notre mission permet, vu son coût budgétaire, d'opérer en une fois, dès 2010, la réforme pour les entreprises. Mais il sera indispensable de donner une année supplémentaire, afin que leur garantie de ressources soit appréciée au mieux.
Par ailleurs, nous avons jugé indispensable de proposer que la réforme en cours soit l'occasion de créer de nouveaux mécanismes de péréquation, y compris horizontale. Il faut mesurer qu'à la sortie du processus, certaines collectivités seront financées majoritairement par des dotations gelées en valeur, tandis qu'il faudra prélever sur la fiscalité d'autres collectivités massivement gagnantes. De telles disparités ne seront soutenables qu'avec une péréquation efficace. C'est pourquoi nous proposons notamment qu'une partie des croissances annuelles de produit, au-delà d'un certain seuil, soit partagée avec un Fonds national de péréquation, qui la reversera aux collectivités moins autonomes ou moins favorisées. Pour celles-ci, la péréquation sera le dynamisme minimal qui leur garantira, dans la durée, le maintien en volume de leurs ressources.
Le travail de la mission va continuer sur cette réforme, afin de préciser certains arbitrages concernant notamment la progressivité de la CVA, ou encore la répartition des impôts locaux.
Plus globalement, nous n'estimons pas avoir épuisé avec cette réforme la question de la fiscalité locale. Au contraire, il nous semble que plusieurs chantiers d'importance demeurent devant nous, tels que le régime de la taxe d'habitation. De plus, nous avons conscience qu'une fois la réforme de la taxe professionnelle achevée, ou à tout le moins votée au Parlement, il sera nécessaire d'entamer une révision en profondeur des critères de répartition des dizaines de milliards d'euros que l'État verse chaque année aux collectivités territoriales.
Merci pour ce travail riche, intéressant et dense. Pour utile qu'elle soit, cette contribution n'épuise pas l'ensemble du sujet. Un cadrage général a été présenté par Mme Christine Lagarde, ministre de l'Économie, de l'industrie et de l'emploi, qui tient d'ailleurs compte des premiers travaux de cette mission d'information constituée au sein de notre Commission. Toutefois, de très nombreux arbitrages demeurent en suspens d'ici à la présentation et à la discussion du projet de loi de finances pour 2010. Une des questions essentielles est celle du financement de la réforme : ce sont environ 6,5 milliards d'euros qui restent à dégager pour compenser la suppression de la taxe professionnelle.
On a trop souvent qualifié la taxe professionnelle d' « impôt imbécile », sans suffisamment se poser la question des conséquences de sa suppression. Les travaux de nos deux collègues montrent qu'il est nécessaire de travailler à une réforme d'ensemble des collectivités locales. Il faut prendre en compte la perspective de suppression de la taxe professionnelle, mais aussi la réforme annoncée de l'organisation des collectivités territoriales ainsi que le contexte dessiné par le Président de la République dans son discours devant le Parlement réuni en Congrès le 22 juin dernier : maintien d'un grand secteur industriel en France ; allégement des charges pesant sur le travail ; stabilité d'ensemble des prélèvements obligatoires. Ce contexte rend très difficile une juste répartition de la charge fiscale entre les entreprises et les ménages. Actuellement, du fait des dégrèvements, l'État supporte environ la moitié du poids de la taxe professionnelle. D'un autre côté, l'État encourage l'essor des intercommunalités à taxe professionnelle unique.
Le remplacement de l'actuelle cotisation minimale de taxe professionnelle par une cotisation assise sur la valeur ajoutée, au taux unique de 1,5 % sur l'ensemble du territoire, compensera-t-il l'ensemble des moindres produits perçus par les collectivités locales ? Par ailleurs, la jonction entre la réforme de la taxe professionnelle et l'actuelle réflexion sur une future contribution climat énergie ne risque-t-elle pas d'escamoter le débat de fond sur la fiscalité écologique, en le limitant à la seule question de la compensation des 6 ou 7 milliards d'euros qui « manqueraient » en 2010 ?
Quel que soit son seuil d'assujettissement, la cotisation sur la valeur ajoutée ne permettra pas de compenser la totalité du coût de la réforme de la taxe professionnelle. C'est d'autant moins possible que cette réforme vise prioritairement à alléger la charge des impôts locaux pour les entreprises. C'est également pourquoi il conviendrait que la possibilité de voter des augmentations du taux de la taxe assise sur les valeurs locatives foncières soit encadrée par le rétablissement d'une règle de liaison des taux.
La cotisation sur la valeur ajoutée n'est pas entièrement convaincante : la valeur ajoutée étant une notion susceptible de manipulation, il y a un risque d'évasion fiscale de la part des grands groupes par l'intermédiaire de filiales extérieures. Les finances locales pourraient s'en ressentir. Par ailleurs, la taxe professionnelle est peut-être un impôt « imbécile », mais sur le terrain les chefs d'entreprise se plaignent davantage du niveau des charges sociales grevant les salaires : c'est un dossier qui devrait être prioritaire.
Quant à la « péréquation horizontale » évoquée par les rapporteurs, il conviendrait de préciser ce que l'on entend par cette expression, car il est à craindre que la réforme de la taxe professionnelle se traduise par un creusement des inégalités entre collectivités territoriales.
Le champ limité de la mission s'inscrit dans le cadre d'un calendrier imposé par la décision du Président de la République – qu'on l'approuve ou non – de réforme de la taxe professionnelle dès 2010. Nous avons conservé l'actuelle assiette assise sur les valeurs locatives foncières, en réaffectant son produit au « bloc communal ». L'équilibre serait par ailleurs garanti, pour les différents niveaux de collectivités, par des dotations budgétaires de l'État.
Certains suggèrent de se référer à la base d'imposition actuelle de l'impôt sur les sociétés. Mais l'exemple allemand montre qu'une telle assiette entraîne de sévères pertes de recettes en période de détérioration économique : le risque est de renforcer la soumission des collectivités locales aux aléas conjoncturels.
Par ailleurs, il faut se féliciter de ce que le Gouvernement ait accepté le principe du découplage de la cotisation sur la valeur ajoutée, qui est favorable à l'autonomie des finances locales. À l'inverse, il convient de limiter autant que faire se peut les dotations de l'État, ces dernières présentant le risque de devenir, à moyen terme, de commodes variables d'ajustement au service du redressement des finances publiques. En visant les entreprises dont le chiffre d'affaires excède un million d'euros, le produit de la cotisation de 1,5 % serait de 12,8 milliards d'euros, à comparer à un besoin de financement d'un peu moins de 20 milliards d'euros. Dans le scénario gouvernemental « corrigé », l'écart est plus important, le produit de la cotisation sur la valeur ajoutée étant ramené à 10,5 milliards d'euros : ce sont donc davantage de dotations de l'État qui seraient nécessaires.
La réforme aura des effets différenciés d'un niveau de collectivités locales à l'autre, ainsi que d'une collectivité à l'autre. Ses effets pourront, en outre, évoluer dans le temps. C'est pourquoi il importe de prévoir, dès l'entrée en vigueur de la réforme, un mécanisme de péréquation – qui sera toujours susceptible d'adaptations ensuite. Ce mécanisme devra être géré à la fois par l'État et par les collectivités locales.
Cette réforme s'analyse comme un jeu à somme nulle. Les quelque huit milliards d'euros de différence entre les produits apportés par le système actuel et le futur système devront, en tout état de cause, être prélevés d'une manière ou d'une autre : l'État ne fera pas un « cadeau » de huit milliards d'euros !
Par ailleurs, il convient de faire attention aux collectivités locales, et à leurs groupements, qui prennent des engagements à très long terme (par exemple des équipements programmés sur vingt ou trente ans). Certaines de ces collectivités intègrent des perspectives de dynamisme des taux de taxe professionnelle : leur situation financière risque de devenir très dangereuse si leurs prérogatives se limitent à la fixation d'un taux de taxe sur les valeurs locatives foncières, lui-même lié à d'autres taux. En outre, le rôle joué par la valeur ajoutée dans le dispositif proposé risque de nuire aux collectivités les plus dynamiques, en particulier celles qui investissent dans les pôles de compétitivité.
Dans ces conditions, la réforme de la taxe professionnelle n'apparaît-elle pas précipitée ? La question se pose d'autant plus que, du fait de la réforme de l'organisation des collectivités locales menée en parallèle, les territoires pertinents sur lesquels seront appliqués les taux évoqués dans les différents scénarios ne sont, en réalité, pas connus aujourd'hui. Un risque est d'aboutir à davantage de concurrence fiscale entre les collectivités locales et, ainsi, d'aller à l'encontre des objectifs par ailleurs poursuivis avec la mise en oeuvre de la loi SRU et avec les schémas de cohérence territoriaux.
Je fais part aux rapporteurs de mon admiration quant au travail accompli. Tous les paramètres (valeur locative foncière, découplage, taux national) sont bien conçus et intéressants dans le cadre d'une réforme globale à conduire. Je formulerai trois remarques : il faut conserver une assiette dynamique pour les intercommunalités et ne pas les exclure de la CVA ; l'opportunité se présente de mettre en oeuvre une véritable péréquation au niveau national ; il est important que certains impôts initialement affectés au bloc communal soient mutualisés au niveau des régions (DMTO et TASCOM).
Au risque de tempérer quelque peu l'enthousiasme, je soulèverai trois interrogations.
Du côté des entreprises, il existe un double problème : l'industrie et les PME. Pour les PME, en raison de la baisse du seuil de 7,6 à 1 million d'euro, le taux progressif ne fait que réduire le nombre des perdants (de 120 000 à 80 000). Je ne vois pas comment on pourra expliquer que des petites entreprises perdront à la réforme alors que les grosses paieront moins. On ne pourra pas tenir sur cette ligne et on réintroduira un plafonnement. Autant le faire tout de suite. Pour les entreprises industrielles, la réforme ne les aide pas suffisamment, malgré les améliorations apportées par rapport au scénario initial du Gouvernement. Pourquoi avoir prévu 15 % de minoration sur les seules VLF ? Par ailleurs, l'euro-compatibilité de cette disposition a-t-elle été vérifiée ?
Du côté des collectivités territoriales, la réforme constitue une perte d'autonomie fiscale. Le groupe Nouveau Centre a toujours défendu l'autonomie fiscale, considérant qu'il s'agit d'un principe de la démocratie locale, seul à même de garantir la responsabilité des élus locaux. Comment remédier à la tendance ? Une série de questions se pose aussi concernant les affectations de recettes. Faut-il affecter la TASCOM au bloc communal ? L'échelon départemental ne serait-il pas préférable ? Est-il possible de territorialiser la valeur ajoutée ? La réforme aboutit à une concentration de l'affectation des impôts sur les entreprises au bloc communal, et il convient d'en tirer les conséquences pour la réforme des collectivités territoriales en posant le principe que les communes sont responsables du développement économique. Ensuite, j'ai toujours défendu le lien entre les élus et le contribuable local. Avec la réforme, ce lien disparaît. Nous savons que le seul impôt pertinent est la CSG. Serait-il possible de laisser aux collectivités la liberté de fixer un taux dans une fourchette comprise entre 1 et 2 % ? Le principe serait de ne pas faire de dotation, d'abaisser le taux national de CSG et de créer un fonds national alimenté par ceux dont le montant de CSG par habitant est supérieur à la moyenne nationale, à concurrence du différentiel. Enfin, il ne faut pas négliger la grande complexité de la mise en oeuvre de la réforme car il faudra instituer d'énormes fonds pour gérer les gains et les pertes lors de la réforme mais aussi dans le temps.
Enfin, du côté de l'État, rappelons que le déficit public s'élève à 125-130 milliards d'euros. On peut être cynique et dire que les futures générations paieront, mais en réalité, même avec une reprise de la croissance, il ne leur sera pas possible de résorber le déficit structurel. Une piste existe : la contribution climat énergie. Toutefois, la mission s'est-elle penchée sur l'impact pour les ménages d'une part, pour l'industrie d'autre part, de cet impôt ?
La péréquation est nécessaire et doit être améliorée. Je rejoins les constats de mes collègues sur ce point. Cela ne peut se faire que sur une assiette nationale. Je m'interroge sur la proposition qui était initialement faite par la mission d'augmenter temporairement le taux de l'impôt sur les sociétés. Cette idée est-elle abandonnée ? Si la réforme est compensée par dotations aux collectivités locales, où l'État trouvera-t-il les recettes pour les financer ?
Il n'est pas exact d'affirmer que disparaît le lien entre les entreprises et les collectivités territoriales. Ce lien demeure au travers de la surface des entreprises et du nombre d'emplois. C'est la meilleure façon et la plus objective de localiser l'assiette imposable. Il y aura bien un intérêt à attirer des entreprises sur son sol. Concernant le lien à long terme, ce lien n'existe plus aujourd'hui dès lors que la base n'est plus dynamique du fait des mécanismes de plafonnement.
Nous ne sommes pas opposés à l'affectation d'une fraction de la CVA aux intercommunalités, demandée par toutes les associations, mais ce qui sera donné à l'un sera pris à l'autre et il faudra définir des compensations. En revanche, pour l'affectation des droits de mutation à titre onéreux, il convient d'être très prudent, car il s'agit d'une assiette dynamique mais cyclique. Si une part n'est plus affectée aux communes, quel sera le dynamisme de la compensation pour ces dernières ? Il serait préférable d'augmenter la péréquation sur les DMTO, plutôt que de supprimer la part communale.
Les 80 000 perdants dont il a été fait mention ne sont pas tous des petites entreprises ; la moitié seulement se range dans cette catégorie. Les entreprises qui perdent sont celles qui ne payaient rien ou presque dans le système actuel du fait de l'absence d'EBM.
S'agissant de la future affectation de la TASCOM, des changements peuvent encore se faire. En ce qui concerne les liens entre les collectivités et les habitants, ils existent toujours pour les départements, les communes et les groupements communaux. Faut-il maintenir le système actuel ? Du point de vue de notre Commission, le système actuel conduit à une déresponsabilisation car il n'y a pas de spécialisation de l'impôt par échelon. Chacun peut augmenter les taux et le maire est in fine le seul responsable politique. Il faut donc responsabiliser. Au sujet de la CSG, la mission n'est pas opposée à une affectation partagée entre les organismes sociaux et les collectivités. Les départements en demandent une partie et le débat parlementaire permettra de faire avancer ce sujet. Enfin, en ce qui concerne la péréquation, nous sommes tous d'accord pour qu'elle soit renforcée.
Quant au bouclage budgétaire, la piste d'une majoration temporaire de l'IS est maintenue dans le rapport. Elle doit permettre d'équilibrer le coût de la réforme, mais elle n'est pas suivie par tout le monde. Le souci de notre Commission est de ne pas alourdir le déficit de l'État. L'augmentation de l'impôt sur les sociétés permet de répondre immédiatement au problème du creusement du déficit, tandis que la contribution climat énergie, même si c'est une bonne idée, ne permettrait que difficilement de trouver 5 à 6 milliards d'euros dès l'année prochaine.
De nombreuses questions ont soulevé à juste titre les problèmes d'articulation entre la réforme des institutions et la réforme de la taxe professionnelle. Il est difficile d'assurer cette cohérence, car il faut apporter une réponse dès à présent au sujet de la taxe professionnelle. Idéalement, il aurait fallu concevoir une architecture globale, puis les moyens de sa mise en oeuvre ; hélas, la mission a oeuvré dans un calendrier qu'elle n'a pas choisi. D'autre part, sur les 80 000 perdants de la réforme, 40 000 sont en réalité de grosses entreprises. Dans notre dispositif, les industries sont clairement avantagées. À propos des PME, je rappelle qu'elles paient actuellement 5 milliards sur 7 au titre des EBM. Nous ne nous sommes donc pas trompés de cible : les PME gagneraient massivement à la seule disparition des EBM. Dans notre scénario, le seuil d'assujettissement est fixé à 1 million d'euros. Le scénario de Bercy propose un système où l'entrée est moins brutale, avec un seuil de 500 000 euros et une pente progressive avec un point de sortie beaucoup plus haut. Le débat parlementaire tranchera sur ce point car le scénario de Bercy, au lieu de générer 12,8 milliards d'euros, n'en produit que 10,5 milliards.
Au sujet du financement de la réforme, la position de la mission a été de majorer l'impôt sur les sociétés de façon temporaire, en attendant de connaître le rendement exact de la part de la contribution climat énergie pesant sur les entreprises. Il s'agit d'éviter que cette contribution, d'une part, amène les ménages à financer la réforme de la taxe professionnelle et, d'autre part, qu'elle pénalise l'industrie. La mission propose donc un système intermédiaire de financement transitoire par l'impôt sur les sociétés.
La mission rappelle le principe selon lequel toute réforme doit être financée et c'est bien le rôle de notre Commission.
Je souhaite préciser que la diminution de 15 % des valeurs locatives foncières représente la moitié de l'écart constaté, depuis 1980, entre les valeurs des locaux industriels et les valeurs locatives commerciales.
La Commission autorise la publication du rapport d'information.
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