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Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Séance du 4 février 2008 à 11h00

Résumé de la séance

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  • bancaire
  • interne

La séance

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Le Président Didier Migaud a accueilli Mme Christine Lagarde, ministre de l'Économie, des finances et de l'emploi, et précisé que celle-ci avait reçu MM. Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France, Michel Prada, président de l'Autorité des marchés financiers (AMF) et Gérard Rameix, délégué général de l'AMF pour faire le point sur les enquêtes en cours avant de remettre au Premier ministre un rapport devant « préciser le déroulement exact des faits, donner une première appréciation sur la manière dont les contrôles internes de la banque ont fonctionné et formuler des préconisations sur le renforcement des contrôles internes et externes de ce type d'opérations ».

L'annonce publique, le 24 janvier, des pertes très importantes subies par la Société Générale, d'une part en raison de son exposition aux subprimes – question qui n'est pas à l'ordre du jour, mais qu'il convient de ne pas oublier –, et d'autre part en raison des engagements hors normes d'un trader qui se sont soldés par une perte de 4,9 milliards d'euros, a suscité émotions et réactions, et une certaine stupéfaction.

Qu'en est-il du dispositif de contrôle interne à la Société Générale ? Est-il mal conçu ? Qu'en est-il dans les autres banques ? Que peut-on dire du contrôle externe des banques et de leurs opérations financières par les superviseurs : commission bancaire et Autorité des marchés financiers ? Comment ces contrôles sont-ils conçus et appliqués ? Quels sont le rôle et la place de l'État dans ce dispositif, lui qui a un représentant à la commission bancaire ? Que peut et que veut faire l'État dans le cas où la Société Générale, fragilisée, serait exposée à une OPA ? Quelles sont les pistes de réflexion pour une révision des règles de contrôle et de supervision ?

Il a proposé à Mme le ministre d'exposer à la commission le déroulement des événements en indiquant la façon dont elle appréciait le fait que le Gouvernement n'ait été mis, semble-t-il, au courant de cette affaire que trois jours après les superviseurs, et de lui communiquer les premiers résultats des enquêtes en cours.

PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi

a remis au Président Didier Migaud un exemplaire du rapport qu'elle venait de remettre au Premier ministre, quarante-cinq minutes auparavant. Elle a indiqué que ce rapport répondait à la plupart des questions que venait de soulever le Président Migaud et précisé qu'il ne s'agissait pas d'un rapport d'enquête puisque son objet n'est pas d'établir les responsabilités de tel ou tel acteur, opérateur ou mandataire social. Son objet est de répondre à quatre questions : quelle est la chronologie exacte des faits ? Est-ce que les mécanismes d'information requis par les textes ont bien été observés ? Pourquoi les contrôles internes n'ont-ils pas permis de déceler les abus constatés ? Que préconiser pour pallier ces insuffisances ?

On parle ici de la Société Générale, troisième établissement bancaire français, employant en 2007 à peu près 130 000 salariés en France et dans un certain nombre d'autres pays. Elle compte plus de 20 millions de clients dans le monde, dont 9 millions en France. Elle a une activité de banque de détail, de services financiers, de banque de financement et d'investissement et de gestion d'actifs pour le compte de tiers. Il faut préciser que l'activité qui a donné lieu aux abus allégués est l'activité de banque de financement et d'investissement, ce qui correspond à peu près à 32 % du produit de la Société Générale.

L'ensemble de ce rapport est fondé sur des informations communiquées par le président de la Commission bancaire, des informations du président de l'Autorité des marchés financiers et de son secrétaire général et sur la base de notes d'observations et d'informations diffusées par la Société Générale, dont l'une, datée du 27 janvier, concerne le mécanisme adopté par le courtier pour réaliser les opérations qui ont mené à constater une perte de 4,9 milliards d'euros.

Les opérations fictives auraient commencé de manière extrêmement faible en 2005. Encore marginales en 2006, elles auraient pris de l'ampleur pendant l'année 2007. L'opérateur en cause avait une activité d'arbitragiste sur dérivés actions – qui consiste à gérer en parallèle deux portefeuilles de taille et de composition proches, l'un devant couvrir l'autre. Il aurait pris des positions directionnelles non autorisées sur des contrats à terme sur indices actions européens, couvertes par des opérations fictives, qui masquaient l'augmentation de la position et du risque nets de la banque. Il aurait procédé en répétant le schéma suivant : saisie d'une opération couvrant la position réelle ; annulation de cette opération fictive avant qu'elle ne soit détectée du fait d'un contrôle, qu'elle ne donne lieu à confirmation ou à appel de marge, puis saisie immédiate d'une nouvelle opération. Il aurait ainsi effectué une gestion très active de ses portefeuilles, tout en cherchant à masquer les gains et les pertes.

Comment ces opérations non autorisées ont-elles été dévoilées ?

Le vendredi 18 janvier, une opération anormalement élevée avec un courtier, mise à jour par le middle-office dans les jours précédents, apparaît suffisamment douteuse pour que la hiérarchie directe de l'opérateur concerné puis la direction de la banque soient prévenues ; une équipe de vérification interne est constituée en fin de soirée.

Le samedi 19 janvier, après interrogation de l'opérateur et vérification auprès de l'établissement désigné par l'opérateur comme sa contrepartie, la direction aurait obtenu confirmation du caractère fictif de nombreuses opérations liées au portefeuille dudit opérateur.

Le dimanche 20 janvier en début d'après-midi, l'ampleur de l'exposition est identifiée. À la suite de cela, le président du conseil d'administration de la Société Générale informe de la situation le comité des comptes, déjà convoqué ce jour-là pour examiner l'estimation des résultats 2007 ; il lui indique son intention de déboucler la position le plus rapidement possible ainsi que de reporter toute communication sur cette situation et les résultats de la banque jusqu'à l'aboutissement du débouclage ; il prévient en parallèle le gouverneur de la Banque de France, président de la commission bancaire ; il prévient le secrétaire général de l'Autorité des marchés financiers.

Du lundi 21 janvier au matin au mercredi 23 janvier, la position réelle existante est débouclée sur les différents marchés, essentiellement EUREX et LIFFE ; durant cette période, des échanges suivis ont lieu entre la Société Générale, la Banque de France, le secrétariat général de la commission bancaire et l'AMF.

Le mardi 22 janvier, deux représentants du secrétariat général de la commission bancaire s'entretiennent avec des représentants de la Société Générale pour obtenir des explications sur les opérations en cause et les dysfonctionnements qui les auraient permis, pour être informés du rythme de cession de la position – alors de 50 milliards d'euros – et évoquer l'augmentation de capital envisagée par la banque.

Le mercredi 23 janvier à huit heures, Mme le ministre de l'économie est mise au courant de la situation par M. Daniel Bouton ; le même jour, après clôture de la position, le conseil d'administration est à nouveau convoqué pour être informé de la situation et de ses conséquences ; enfin la Banque de France informe la FED, la Banque centrale européenne puis les superviseurs des pays d'accueil européens des implantations de la Société Générale.

Le jeudi 24 janvier à huit heures, après avoir demandé la suspension de son cours de bourse, la Société Générale communique publiquement sur la perte de 4,9 milliards d'euros sur activités de marché ; elle informe également sur l'ensemble des résultats 2007 estimés ; enfin, elle annonce une augmentation de capital de 5,5 milliards d'euros bénéficiant d'une prise ferme, c'est-à-dire sécurisée, de J. P. Morgan et Morgan Stanley, qui lui permettrait de porter son ratio de solvabilité « tiers 1 » à 8.

Le vendredi 25 janvier, une équipe de la commission bancaire débute une inspection à la Société Générale.

Le lundi 28 janvier, le secrétaire général de l'AMF décide d'ouvrir une enquête.

Tel est le déroulé des faits, durant ces dix jours qui ont fait l'objet, d'abord d'une très stricte confidentialité avec un cercle d'informés particulièrement étroit, ensuite d'une divulgation publique à partir du jeudi matin.

Certains ont avancé que les condition du débouclage de la position auraient pu conduire à une aggravation de la situation des marchés, voire causer la baisse des marchés observée le lundi 21, date à laquelle le débouclage a commencé.

Il faut se souvenir que le vendredi après-midi, heure de Washington, le Président Bush annonçait son plan de soutien à l'économie américaine d'à peu près 150 milliards de dollars ; qu'une monoline était déclassée le même jour, entraînant un lourd climat de suspicion sur les activités de réassurance de crédits, qui sont déterminantes pour soutenir les activités de crédit. Dans la foulée, le lundi matin, les marchés asiatiques ouvraient dans des conditions de baisse notables : de 4 à 5,5 %.

Les opérations de débouclage menées par la Société Générale ce jour-là n'ont absolument pas concerné les marchés asiatiques, puisqu'il s'agissait de positions sur indices européens. Ces opérations ont été menées presque exclusivement sur l'EUREX et sur le LIFFE – marché allemand et marché anglais.

Par ailleurs, l'AMF a obtenu de l'EUREX et du LIFFE la confirmation, dans le cadre des demandes d'information qu'elle a diligentées depuis, que les opérations de débouclage avaient été menées de manière très professionnelle.

En conclusion, on ne peut pas affirmer que les opérations de débouclage de la Société Générale ont causé la baisse des marchés européens, même s'il est évident qu'elles ont eu un impact baissier, comme toute opération de cession.

La Société Générale a-t-elle respecté la réglementation boursière et la réglementation bancaire dans le comportement qu'elle a décidé d'adopter au moment où elle a eu connaissance de la situation, en particulier lorsqu'elle a décidé, tandis qu'elle détenait une information privilégiée, de ne pas informer le marché ?

Les règles européennes, reprises par le droit français – il s'agit de la directive 20036CE du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2003 et de l'article 223-2 du règlement général de l'Autorité des marchés financiers – imposent à tout émetteur de « porter dès que possible à la connaissance du public toute information privilégiée ». Toutefois, « l'émetteur peut, sous sa propre responsabilité, différer la publication d'une information privilégiée », dès lors qu'il réunit les trois conditions suivantes : l'omission doit être justifiée par l'objectif de ne pas porter atteinte à ses intérêts légitimes, notamment « en cas de danger grave et imminent menaçant la viabilité financière de l'émetteur » ; l'omission ne doit pas être susceptible d'induire le public en erreur ; l'émetteur doit être en mesure d'assurer la confidentialité de l'information privilégiée ».

C'est très certainement sur la base de ces dispositions et de cette autorisation d'omission de divulgation d'une information privilégiée que la Société Générale, consciente de ce que l'effet d'annonce pourrait provoquer sur le marché le lundi matin, s'est déterminée. Elle a dû se dire qu'en dévoilant sa position, à savoir 50 milliards d'exposition et la nécessité d'un débouclage, elle faisait courir un risque à l'établissement et à la place ; dans ces conditions, elle a conservé l'information et monté une opération visant à augmenter son capital de 5,5 milliards d'euros pour restaurer son ratio de liquidité et conforter sa position.

Elle en informe néanmoins, comme elle doit le faire, le président de la commission bancaire et le président de l'Autorité de marché, et reçoit l'accord de ce dernier de ne pas divulguer l'information pour les raisons indiquées précédemment.

Pourquoi, dans ces conditions, les autorités gouvernementales n'ont-elles pas été informées en même temps que le président de l'Autorité de marché et que le président de la commission bancaire ? La Société Générale répondra sur cette question. La nécessité de la confidentialité de l'information privilégiée peut constituer une des raisons pour lesquelles ses dirigeants n'ont pas souhaité informer le directeur du Trésor, le ministre ou le Premier ministre. Il faudra, en concertation avec l'AMF et la commission bancaire, travailler sur le périmètre précis, étroit et particulièrement limité, des interlocuteurs qui doivent être informés au niveau gouvernemental. Dans toute société cotée, il existe une liste des deux, trois ou quatre personnes habilitées à recevoir une information privilégiée. Une telle procédure n'existe pas en l'espèce.

Néanmoins, entre l'Autorité des marchés financiers, le gouverneur de la Banque de France également président de la commission bancaire et la banque objet de la crise, il faut reconnaître que la coopération, la coordination et la concertation ont fonctionné de manière exemplaire. On ne peut que se féliciter du climat qui a prévalu pendant cette période de stricte confidentialité, jusqu'à mercredi matin.

S'agissant du contrôle interne, il est très clair qu'un certain nombre de contrôles internes n'ont pas fonctionné comme ils l'auraient dû ; d'autres, qui ont fonctionné comme ils le devaient, n'ont pas été suivis d'effets de manière déterminante et efficace.

Le rapport précise les éléments de contrôle interne susceptibles d'avoir été déterminants. D'autres établissements, français ou étrangers, pourraient s'en inspirer.

– surveillance des encours nominaux des opérateurs, par opposition à la surveillance des positions nettes ;

– suivi des flux de trésorerie ; appels et versements de marges, dépôts de garantie, résultats réalisés ;

– exploitation approfondie des demandes d'information qu'aurait adressées à la banque la chambre de compensation EUREX en novembre 2007 ;

– suivi des annulations et modifications de transactions provenant d'un seul opérateur. Le fait qu'un seul opérateur fasse l'objet de remarques régulières ou soit à l'origine de plusieurs incidents doit attirer l'attention ;

– confirmation des opérations avec l'ensemble des contreparties, internes et externes ; respect de la « muraille de Chine » entre le back-office, le middle-office, et le front-office. En l'occurrence, l'opérateur concerné avait travaillé longtemps en middle-office et en back-office ;

– sécurité des systèmes informatiques et protection des codes d'accès ;

– enfin, surveillance des comportements atypiques –un individu qui prend très peu de vacances, ou qui est présent au sein de l'établissement à des périodes critiques –.

La commission bancaire a pour mission d'effectuer des missions de contrôle sur l'ensemble des établissements. Entre 2006 et 2007, elle a effectué 17 contrôles à la Société Générale. Cela ne signifie pas qu'elle soit allée dix-sept fois dans la salle des marchés. En mars 2007, elle a adressé une lettre de cadrage à la Société Générale ainsi qu'une lettre de suite pour lui demander d'améliorer un certain nombre de contrôles. Cette dernière concernait, en particulier, les dérivés structurés actions et faisait des recommandations de portée générale visant l'ensemble des instruments financiers, notamment les futures, et pas seulement les forwards.

Après avoir découvert les positions de l'opérateur, dès le lundi 21 janvier, la Société Générale a lancé des contrôles supplémentaires et mis en place un certain nombre de mécanismes de contrôle interne approfondis.

S'agissant des préconisations qui devront être mises en oeuvre le plus rapidement possible, il paraît tout d'abord souhaitable que la commission bancaire, qui connaît les meilleures pratiques des établissements, les porte au plus vite à la connaissance de l'ensemble des établissements afin qu'ils s'en emparent et qu'ils les mettent en oeuvre.

Mme le ministre a par ailleurs décidé de convoquer les présidents de tous les comités d'audit, afin qu'eux-mêmes se saisissent des préconisations du rapport et qu'ils prennent mieux conscience des risques existants non pas tant sur les marchés qu'en matière opérationnelle, notamment des risques de fraude.

Elle va également demander au comité de Bâle et au comité européen des régulateurs bancaires de mettre en oeuvre ces préconisations selon les moyens les plus appropriés, notamment dans le cadre de Bâle II.

Elle demandera aussi à l'Autorité des marchés financiers et bancaires de travailler sur la définition de ceux qui, au sein du Gouvernement, doivent être informés, ainsi que sur les conditions et les délais de cette information.

Une modification législative, dont Mme le ministre espère qu'elle pourra figurer dans le projet de loi de modernisation de l'économie, devra également intervenir afin de renforcer les pouvoirs de sanction de la commission bancaire, dont le plafond actuel de 5 millions d'euros ne paraît pas suffisant au regard de l'exposition des banques et des risques qui y sont liés.

Le Président Didier Migaud a jugé fort utile que Mme le ministre soit venue présenter à la commission des finances les conclusions du rapport qu'elle a remis au Premier ministre, même si les membres de cette commission sont bien conscients qu'en l'état du dossier, il n'est pas encore possible de répondre à toutes les questions.

Les précisions qui ont été apportées sur les conditions du débouclage permettent de considérer qu'il y a eu une certaine réactivité afin d'éviter des risques encore plus grands. Cela étant, ce qu'a dit le ministre quant à la période qui a précédé est très inquiétant. Le rapport établit en effet qu'un certain nombre d'informations ont été données à la banque bien avant que la situation ne se soit sensiblement aggravée. Or certaines opérations fictives auraient commencé en 2005 et les montants concernés auraient commencé à être importants dès le début de 2007.

Quand on apprend qu'il y a eu des contrôles internes et dix-sept contrôles de la commission bancaire, on se dit qu'il s'agit moins de la muraille de Chine que de la ligne Maginot, d'autant que certains banquiers laissent entendre que la même chose pourrait se produire demain…

La commission souhaite comprendre ce qui s'est passé, pouvoir identifier les défaillances dans les contrôles internes comme dans les contrôles externes. Elle auditionnera d'ailleurs dès demain le président de la commission bancaire. La question des moyens consacrés aux contrôles externes est pour le moins posée d'autant que, si le ministre a évoqué la possibilité de renforcer les sanctions, ce qui semblerait utile, encore faut-il que la commission bancaire dispose des moyens d'identifier les défaillances et les fraudes.

La lenteur de la réaction par rapport à des comportements signalés laisse la porte ouverte à bien des interprétations. On a ainsi pu dire que, dans certaines situations, la hiérarchie informée peut laisser faire tant que cela rapporte de l'argent à la banque.

Pour sa part, le législateur doit réagir rapidement mais sans précipitation, car s'il édicte des règles pouvant être contournées aussi facilement que celles qui existent, il n'aura guère fait avancer le dossier.

Il est essentiel d'engager simultanément le travail au plan français, européen et mondial. Une coordination est indispensable, encore faut-il que les structures de coordination soient efficaces. Là aussi, des progrès sont à faire.

À l'évidence, un travail important devra être accompli pour éviter qu'une telle situation ne se reproduise. La question des contrôles internes et externes, de leur efficacité, de la capacité à les évaluer en permanence, est essentielle.

Outre les moyens, on peut également s'interroger sur les compétences. La personne en cause était passée par un certain nombre de services et avait acquis sur le terrain une expérience que les contrôleurs de la commission bancaire n'ont pas obligatoirement. Peut-être conviendrait-il également de compléter la formation de ceux qui sont spécialisés dans les opérations de contrôle.

La commission et le ministre auront sans doute l'occasion de revenir ultérieurement sur ces questions qui sont lourdes de conséquences, non seulement parce que c'est la situation d'une grande banque française qui est en cause, mais aussi parce que tout ceci a forcément des implications pour le budget de l'État.

PermalienPhoto de Gilles Carrez

s'est réjoui de constater, à travers ce rapport précis, qu'à partir du dimanche 20 janvier, la crise financière de la Société Générale a été remarquablement gérée en menant simultanément deux opérations, dans le souci de créer immédiatement un environnement de sécurité pour restaurer la confiance : d'une part le débouclage des positions afin de lever les incertitudes, d'autre part la recapitalisation.

La crise a ainsi été gérée de façon complètement différente de celle qui était intervenue chez Northern Rock, en Grande-Bretagne, il y a six mois. À cette occasion, le gouvernement et la presse avaient été mis au courant tout de suite, mais on n'avait pas pensé à la nécessité de recapitaliser. Aussi, dès que la crise a été sur la place publique, des files d'attente se sont constituées devant les agences de Northern Rock. Dans le cas de la Société Générale, la sécurisation est intervenue dans le respect d'une confidentialité absolue, y compris par rapport aux milieux politiques, pendant trois ou quatre jours, ce qui n'est pas choquant car il s'agit d'une banque privée, ainsi que dans le respect des règles du marché.

Le sujet des contrôles internes aux banques est extraordinairement difficile. Il y a une quinzaine d'années, à l'époque de la crise des crédits immobiliers, on avait découvert avec étonnement qu'il n'y avait pas de centralisation des engagements de prêts immobiliers à travers les milliers de SCI qui existaient en France et à l'étranger et que l'on ne connaissait pas le montant total des engagements. Cette fois, on découvre un trader qui, en position nette, est bien suivi, mais dont personne ne sait qu'il s'est engagé à hauteur de 50 milliards d'euros.

La Société Générale est une entreprise très réputée pour avoir mis en place et géré les produits les plus sophistiqués que sont les dérivés actions. On remarquait en outre, il y a deux ans, que sa rentabilité était supérieure de 4 % à celle des autres banques, sans doute parce qu'elle présentait une certaine allergie au risque et qu'elle disposait de meilleurs modèles mathématiques permettant de prévoir le risque. Or ce n'est pas sur ces produits dérivés que la banque rencontre aujourd'hui un problème, mais sur des produits beaucoup plus classiques, avec des prises de position – certes pour un montant tout à fait excessif – sur des indices classiques comme le DAX allemand.

C'est à juste titre que Mme le ministre propose de renforcer les contrôles et de multiplier les inspections de la commission bancaire, mais, dans un contexte de mondialisation et d'évolution permanente des produits, s'imaginer que l'on pourrait parvenir à un système de contrôle parfait qui donnerait des résultats permanents est un leurre.

Qui plus est, il est assez difficile pour des responsables publics d'exercer le contrôle interne des banques et l'on a bien vu par le passé que la nationalisation ne préservait pas du risque…

Pour les contrôles externes, il y a les contrôles nationaux, par la commission bancaire et par l'Autorité des marchés et la commission des Finances souhaite avoir de nombreuses auditions à ce propos, mais il y a surtout les contrôles européens et les contrôles mondiaux. Lors d'une réunion de parlementaires européens sur la question de la régulation financière qui s'est tenue il y a une dizaine de jours, M. Lamfalussy – qu'il conviendrait sans doute que la commission auditionne – est intervenu sur la question de Bâle II. Les accords de Bâle II datent de 2004, leur transposition en directive étant intervenue en 2006. On se rend compte que cela a amélioré les choses en ce qui concerne les ratios de fonds propres, l'appréhension du passif auquel sont rapportés ces ratios et les règles prudentielles de contrôle externe, mais que la directive est en fait déjà dépassée faute d'avoir pris en compte les produits titrisés. Sans doute conviendra-t-il de reprendre ce travail au niveau européen.

Quelle que soit l'efficacité des instruments européens, il s'agit d'un problème mondial. Le Premier ministre britannique a récemment suggéré que le FMI pourrait être le lieu où l'on adopterait des règles prudentielles générales.

Par exemple, il aurait pu adresser aux banques américaines le message qu'il y avait un danger à sortir des établissements de crédit de tous les ratios de contrôle bancaire – certains des organismes qui ont prêté au titre des subprimes n'étaient même pas contrôlés car ils ne relevaient pas de la réglementation bancaire américaine.

On pourrait également travailler sur les produits car accorder des prêts à des personnes dont on crée de façon très artificielle la solvabilité pose bien évidemment problème, de même qu'accorder un prêt à taux zéro à quelqu'un qui n'a même pas la capacité d'en supporter l'annuité et qui se retrouve par la suite avec un prêt à taux variable très élevé. Si la France a connu, toutes proportions gardées, un problème similaire au milieu des années 1980, avec les PAP à taux variable, elle a su le traiter car elle dispose pour sa part de règles prudentielles.

Au-delà de ces questions de contrôle, on voit bien que l'on n'est pas sorti de la crise financière : les banques n'ont pas encore publié la totalité de leurs comptes, une grande incertitude mondiale demeure. Aussi peut-on s'interroger sur le risque de transmission à l'économie réelle. Cela pourrait prendre la forme d'un resserrement du crédit par les banques, en particulier en direction des PME. Comment Mme le ministre voit-elle les choses en la matière ?

Un autre effet possible est l'appauvrissement, la perte de valeur du patrimoine mobilier en actions pouvant engendrer une baisse de la consommation. Il semble que ce risque soit moins élevé en France, en raison de la structure du patrimoine mais il serait également intéressant de connaître l'avis du ministre sur ce point.

Enfin, même si la France n'entretient pas de relations commerciales très importantes avec les États-Unis, une récession américaine pourrait avoir par ricochet des effets assez importants en Europe. Quelle pouvait être l'évolution dans les mois à venir de cette crise financière qui n'en finit pas ?

Le Président Didier Migaud a rappelé que la commission des finances a procédé dès le mois d'octobre à des auditions sur la crise des subprimes et qu'un certain nombre d'économistes avait attiré son attention sur les conséquences dommageables que cette crise pourrait avoir sur l'économie européenne et française.

PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi

a souhaité revenir sur le rôle de la commission bancaire, sur la nature, la pertinence et l'efficacité des contrôles.

Il y a un contrôle continu des risques avec remontée d'information tous les trimestres ainsi que des contrôles inopinés effectués sur place par la commission bancaire. Celle-ci met en garde et envoie des lettres de suivi, mais elle ne peut pas être derrière tous les mandataires sociaux ni, surtout, sur le terrain, derrière les présidents de comités d'audit, les déontologues et les responsables des divisions de contrôle des risques. Or ce qui est important, c'est précisément la mise en oeuvre sur le terrain dans chacune des déclinaisons d'opérations.

Le renforcement des pouvoirs de sanction financière par la commission bancaire est une voie utile. Mais celle-ci devra aussi examiner à l'aune de ce qui s'est passé à la Société Générale, la façon dont ses contrôles devront être améliorés, en particulier en liant plus systématiquement et dans un délai plus court contrôle, lettre de suivi et vérification, sur place et sur pièces, que les recommandations ont bien été suivies d'effets.

S'agissant de l'idée selon laquelle il y aurait eu une tolérance tant que la banque gagnait de l'argent, on s'aperçoit qu'il y a eu en fait des enchaînements de circonstances : à chaque fois que la personne était interrogée, elle aurait expliqué qu'elle s'était trompée dans sa compensation, qu'il y avait eu une erreur de contrepartie. C'est plutôt l'absence de questionnement sur la véracité de ces excuses qui est en cause que le fait de savoir si le résultat était positif ou négatif. C'est du moins ce qui semble ressortir pour l'heure.

Le Président Didier Migaud a évoqué la formation spécialisée des contrôleurs et la nécessité d'une forte technicité pour qu'ils comprennent ce qui se passe ; Gilles Carrez a plutôt insisté sur le caractère extrêmement sophistiqué des produits et sur la nécessité d'améliorer constamment la réglementation ainsi que les contrôles internes et externes. En fait il s'agit du même sujet : la sophistication des produits et la nécessité pour les banques de diversifier leurs activités, donc de gérer des risques important, en se fondant de plus en plus sur la modélisation mathématique, ce qui nécessite une formation continue des traders, du middle et du back office, mais aussi des contrôleurs. Dans ce contexte, le législateur national et européen doit anticiper le plus possible.

En effet, Bâle II a été conclu en 2004, transposé en 2006, appliqué en 2008 et l'on est déjà un peu en retard par rapport à la sophistication de certains produits. Les régulateurs du G10 vont donc déjà devoir envisager une évolution, voire un Bâle III. Cependant il faut aussi veiller à ce que le cadre de régulation soit suffisamment prévisible pour que les opérateurs puissent se l'approprier. Il faut donc à la fois fixer les grands principes et anticiper les modifications de détail : c'est un exercice difficile mais dont on perçoit l'ardente nécessité au regard des risques.

L'initiative du FMI est un projet intéressant dont le Président de la République s'est saisi le 16 août, en écrivant à Angela Merkel, alors présidente du G7 et de l'Union européenne, afin qu'elle mette ce sujet à l'ordre du jour, pour que le G7 fasse des propositions sur la transparence, la gouvernance, la régulation approfondie, la meilleure coordination entre les régulateurs. Le processus est donc lancé depuis la crise des subprimes au cours de cette fameuse semaine du 9 au 16 août, mais il présente un intérêt tout particulier au regard de la situation de la Société générale en France. Gordon Brown a souhaité relancer cette initiative lors de la réunion de la semaine dernière et le FMI fera certainement des propositions en la matière.

Les derniers chiffres disponibles, qui datent de fin novembre 2007, n'indiquent pas de resserrement du crédit aux entreprises. Le Gouvernement suit la situation au jour le jour pour s'assurer que le crédit aux PME ne se resserre pas, comme les banques s'y étaient d'ailleurs engagées.

S'agissant plus généralement du risque de transmission de la crise financière à l'économie réelle, on peut considérer que si le gouvernement américain a décidé de lancer un plan de soutien à l'économie à hauteur de 150 milliards de dollars, soit 1 % du PIB, c'est qu'il anticipe un tel effet, donc un risque de ralentissement de l'économie réelle. On peut toutefois observer que cette transmission a été très faible sur les marchés des pays émergents, dont les taux de croissance continuent à tirer la demande mondiale, qui devrait être par conséquent assez peu affectée.

PermalienPhoto de Jérôme Chartier

a rappelé que c'est parce que personne ne peut empêcher un pilote de faire faire un looping à son avion ou de se suicider que l'on a créé la double commande, avec un pilote et un copilote. Dans le domaine bancaire, il apparaît qu'un trader qui a envie de « planter sa position » peut parfaitement le faire. Or le trader travaille seul, il ne partage jamais ses informations. Ne conviendrait-il donc pas d'instaurer l'obligation d'une double décision d'engagement au sein d'une équipe constituée d'au moins deux traders ?

S'il est toujours bon d'améliorer le contrôle, le rapporteur général a insisté sur la nécessité de le faire au niveau mondial. Les ratios de solvabilité mis en place par la banque des règlements internationaux sont une bonne chose. D'ailleurs, la BRI pourrait tout aussi bien que le FMI jouer le rôle de gendarme mondial des marchés de capitaux, d'autant que son conseil d'administration est composé des gouverneurs de banques centrales. Toutefois, à la lumière de la crise des subprimes, on peut se demander si la détermination de ces ratios de solvabilité doit relever du pouvoir politique ou des acteurs des marchés financiers.

S'agissant de la façon dont le Gouvernement a été informé de la crise survenue à la Société Générale, le rapport souligne que le secret absolu devait être respecté, mais il précise également qu'il aurait été sans doute souhaitable que le Gouvernement fût informé avant le mercredi 23 janvier. C'est ce que l'on peut penser en effet, compte tenu de l'ampleur de la crise, d'autant qu'entre le samedi et le mercredi, 11 à 12 millions de titres de la Société Générale, soit deux fois le volume habituel, ont été échangés.

Mme le ministre confirme-t-elle qu'elle aurait jugé préférable qu'elle-même, qui a l'habitude de pratiquer le secret professionnel à très haut niveau et qui est consciente de ses responsabilités, soit informée au plus tôt, c'est-à-dire dès le dimanche ? Par ailleurs, compte tenu du niveau des cessions de titres, pense-t-elle que d'autres personnes ont pu bénéficier d'informations privilégiées qui leur ont permis de vendre plus tôt que d'autres ?

Le Président Didier Migaud s'est aussi demandé si, compte tenu de l'importance des mouvements enregistrés pendant ces trois jours, le Trésor n'aurait pas dû également être informé.

PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

a relevé qu'il semble que deux banques américaines ont été sollicitées pour contribuer à la recapitalisation de la Société Générale, antérieurement au moment où Mme le ministre elle-même a été informée. Or l'une des raisons invoquées par les dirigeants de la banque pour ne pas avoir informé les autorités politiques françaises tient au risque de délit d'initié. Mme le ministre juge-t-elle cette explication légitime ? À défaut, estime–t–elle qu'il eût été préférable qu'elle-même, le Premier ministre et le Président de la République eussent été informés plus tôt ?

Il semble par ailleurs qu'un administrateur de la Société Générale a cédé 120 millions de titres dans les jours précédant la crise. Mme le ministre estime-t-elle nécessaire de saisir le procureur pour qu'une enquête préliminaire soit ouverte afin de vérifier s'il y a eu ou non délit d'initié ?

Une fois les autorités politiques informées, le Président de la République a fait une déclaration sur la situation de M. Daniel Bouton. Mme le ministre peut-elle préciser de quels moyens dispose le gouvernement pour obtenir que le PDG d'une telle société mette fin à ses fonctions ? Augurant de la réponse qui lui sera faite, M. Cahuzac s'interroge dès lors sur l'utilité de propos qui ne peuvent déboucher sur rien.

Il a été déclaré également de façon très virile que le Gouvernement ferait obstacle à la prise de contrôle de la Société générale par une entreprise étrangère, mais, là aussi, on peut s'interroger sur les moyens dont il dispose pour l'empêcher.

On a également dit qu'il était anormal que le Gouvernement n'ait pas été informé en temps voulu des difficultés d'une entreprise privée. Dans quel délai cela devrait-il être fait et pour quel type de difficultés ?

Mme le ministre a évoqué celui qui semble être le fautif sans le nommer et sans le qualifier de fraudeur, ni de « terroriste », comme l'aurait appelé Daniel Bouton. En présentant son rapport, Mme le ministre n'a pas non plus fait usage du mot « fraude ». Peut-elle confirmer qu'en première analyse, s'il y a eu des erreurs, il n'y a pas eu de fraude ? Estime-t-elle qu'un homme seul a pu prendre des positions d'un tel niveau ?

L'été dernier comme lors de l'examen du budget, les députés socialistes ont interrogé le ministre sur les conséquences éventuelles de la crise des subprimes sur l'économie française. Elle a alors répondu qu'il n'y en aurait vraisemblablement pas, en tout cas que la croissance n'en pâtirait pas en 2008. Le rapporteur général vient de faire part de ses craintes quant à l'investissement et à la consommation. Mme le ministre peut-elle aujourd'hui indiquer si, en 2008, l'économie française risque d'être affectée par cette crise des subprimes et dans quelles proportions ? Si ces proportions sont importantes, que compte-t-elle faire ?

PermalienPhoto de Hervé Mariton

a observé que Mme le ministre a traité de la nécessité de renforcer le pouvoir de sanction de la commission bancaire et de rendre sa démarche plus systématique, mais qu'elle n'a pas complètement répondu à la question de Didier Migaud sur la capacité d'expertise de cette commission, ainsi que de l'administration de Bercy. L'État est-il outillé pour analyser de telles situations et en tirer les conséquences ?

La Société Générale a-t-elle par ailleurs réagi aux critiques quant à l'insuffisance de ses contrôles internes ? Que dit-elle du fait qu'elle n'a pas su prendre en compte un certain nombre de signaux ?

La quatrième préconisation du rapport porte sur les délais d'information. Quels auraient été les avantages et les inconvénients que le gouvernement fût informé plus tôt ? Cette préconisation doit-elle connaître une traduction réglementaire ? S'agit-il d'informer d'autres autorités publiques ?

Jusqu'où le Gouvernement doit-il tirer les conséquences de cette crise ? Au-delà de la convocation des présidents des comités d'audit qu'a annoncée le ministre, quelles décisions pourraient être prises ?

Il est vrai que l'on distingue, dans le débat politique, crise financière et économie réelle. Ne faudrait-il pas faire désormais oeuvre de pédagogie pour montrer que cette séparation n'est peut-être pas aussi profonde qu'on le dit ?

PermalienPhoto de Jean Launay

a souhaité que Mme le ministre confirme que des alertes ont été adressées à la Société Générale par des gestionnaires de marché. Si tel est le cas, en connaît-elle le contenu ? De telles alertes sont-elles fréquentes ? Les régulateurs ont-ils également été alertés à cette occasion ? Quelles suites y ont-ils apporté ?

Est-il par ailleurs apparu dans le cadre du rapport que les appels de marge ne permettaient pas à la Société Générale d'être alertée de l'ampleur des positions prises et de qui les déclenchait ?

Le gouverneur de la Banque de France a reconnu que les codes informatiques ne sont pas dans le champ des investigations de la commission bancaire. Aujourd'hui, il admet la nécessité pour la commission de se mettre au travail sur ce qu'il appelle les « questions fondamentales ». Quelle est l'appréciation de Mme le ministre à ce propos ? S'agissant du contrôle interne des délégations et des limites fixées aux opérateurs, il semble que la commission bancaire n'ait pas contrôlé les procédures internes de la banque. Y a-t-il eu là défaillance du régulateur ?

PermalienPhoto de Frédéric Lefebvre

a souhaité revenir sur les initiatives à prendre pour améliorer les systèmes de contrôle.

Il a d'abord évoqué l'obligation « morale » de prévenir les autorités gouvernementales. On ne peut pas parler d'obligation légale quand il s'agit d'une banque privée. Pour autant, lorsque les autorités bancaires sont saisies et à partir d'un certain montant, ne pourrait-on réfléchir à une sorte d'obligation légale ?

Il a ensuite abordé la question du contrôle interne. L'article 511-41 du code monétaire et financier est extrêmement flou. Selon cet article, « Les établissements de crédit doivent également disposer d'un système de contrôle adéquat de contrôle interne leur permettant notamment de mesurer les risques et la rentabilité de leurs activités ». C'est un peu court quand il s'agit d'opérations de marché.

M. Lefebvre a précisé qu'il a eu l'occasion de proposer, au nom de l'UMP, l'étanchéité entre les fonctions de contrôle et les traders. Il s'est demandé si on ne pourrait pas imaginer un système de contrôle interne qui assure une séparation complète et un rattachement hiérarchique distinct entre les opérateurs et les services post-marché.

Il serait peut-être bon de compléter le code monétaire et financier. C'est au législateur de prévoir un certain nombre de dispositions obligatoires qui s'imposent à toutes les banques. La Société Générale était considérée comme étant la banque ayant les meilleurs systèmes de contrôle. Or il semble bien qu'il faille améliorer les systèmes de contrôles internes.

PermalienPhoto de Christian Eckert

a posé deux séries de questions.

La commission bancaire effectue deux types de contrôles : un contrôle sur pièces, basé sur un système déclaratif et un contrôle sur place. Y a-t-il eu ces dernières années une évolution de ce type de contrôles ? Les contrôles sur place, qui sont les plus efficaces, n'ont-ils pas été un peu négligés ? A quelle date remonte le dernier contrôle d'une salle de marché ? Sur quoi ont porté les 17 inspections de la commission bancaire s'agissant de la Société Générale ?

La commission bancaire n'a pas toujours des pouvoirs d'investigation dans tous les pays du monde. Il faut que la France ait passé des conventions avec ces pays. Combien de contrôles ont donc été faits dans les succursales luxembourgeoises des grandes banques françaises ?

M. Eckert a remarqué que Mme le ministre a déclaré qu'elle s'était interrogée sur le fait que la Société Générale ait ou non respecté les règles bancaires quand elle a eu connaissance du problème. Il lui a demandé si, à sa connaissance, cette banque avait toujours respecté auparavant les règles financières, notamment sur les ratios de solvabilité, les encours et les fonds propres.

Les opérations fictives ont eu lieu à partir de 2006 et se sont renforcées ensuite pour aboutir à des engagements de 50 milliards d'euros. La banque a-t-elle respecté ces règles pendant la période précédant la connaissance du problème ?

PermalienPhoto de Yves Censi

a d'abord salué la rapidité de réaction de l'ensemble des acteurs. S'agissant d'activités de marché, on ne peut pas imaginer qu'il y ait un risque zéro. Il est pourtant étonnant de constater que dans cette affaire, ce n'est pas le risque de marché qui est en cause, mais le risque opérationnel, qui renvoie à la partie la plus simple de l'activité d'une banque.

On parle beaucoup de crise boursière et de crise financière, mais il s'agit plutôt d'une grosse fièvre. Il ne faut pas réagir trop vite. On l'a dit, il ne s'agissait pas de produits sophistiqués, le trader lui-même n'ayant pas une grande capacité de décision. Ne peut-on soupçonner des pratiques courantes, des tolérances ? L'approche des banques est souvent d'intégrer le risque juridique et le respect de règles plus ou moins bien appliquées dans la notion de risque général. La vraie question devient donc celle de la sanction.

Le rôle du Parlement est de proposer des règles de contrôle et de gestion. Ne serait-il pas temps de mettre à plat l'ensemble des produits financiers et des réglementations qui les concernent, de manière que le Parlement ou le Gouvernement n'ait plus à intervenir par petites touches à chaque crise ? Mais il faut être prudent et ne pas se presser de façon intempestive, car on risque d'aboutir à l'inverse de l'objectif recherché.

Le Président Didier Migaud a suggéré que le Parlement soit davantage associé à la rédaction d'un certain nombre de directives. La plupart du temps, quand elles lui sont transmises, la discussion est pratiquement close.

PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

s'est déclaré un peu surpris qu'on découvre aujourd'hui seulement l'inefficience du dispositif des comités d'audit. La commission des finances s'en était déjà inquiétée. Or ce n'est pas qu'aux banquiers de régler cette affaire, c'est aussi aux politiques.

Il a remarqué que lorsqu'il y a des « coups de chauffe », on laisse bien parler le Parlement, mais qu'à chaque fois, les banquiers tiennent le même discours : nous allons nous-même faire la police, inutile de légiférer et de mettre en place des dispositifs trop contraignants. Ainsi, dans le système français, et sans doute européen, les dispositifs ne sont pas à la hauteur du diagnostic et des faits.

Quel est le niveau d'autonomie des comités d'audit par rapport aux PDG ? Il faudra bien à un moment donné avancer sur cette question. On sait bien, dans les banques, que le statut de ceux qui travaillent dans le front office n'a rien à voir avec le statut de ceux qui travaillent dans le back-office, qui sont très dépréciés. Sans une vraie philosophie du back-office et de sa fonction de contrôle, il n'y a pas de contre-pouvoir.

M. Balligand a suggéré que l'on regarde d'un peu plus près la question du résultat brut et du résultat net. Dans les comités d'audit, on n'examine que le résultat net, et on n'a donc aucune idée des volumes.

Il a terminé en évoquant la commission bancaire et les ratios de solvabilité, soulignant le manque de communication. La Société Générale n'est, d'ailleurs, sans doute pas la banque qui est le plus en péril.

Les ratios de solvabilité sont tout de même fondamentaux et, à un certain moment, il faut tirer la sonnette d'alarme. Il faut disposer de systèmes d'alerte capables de fonctionner, avant que ça n'explose.

PermalienPhoto de Louis Giscard d'Estaing

s'est lui aussi réjoui de la réactivité de l'ensemble des intervenants dans cette crise. Quinze jours après le déclenchement de celle-ci, Mme le ministre a présenté, en primeur à la commission des Finances, le rapport qu'elle venait de remettre au Premier ministre.

Ce dont il faut se préoccuper en premier lieu, c'est du respect de la crédibilité de l'entreprise Société Générale, entreprise bancaire importante, banque privée, cotée, de ses salariés et de ses clients.

La France a connu il y a quelques années une crise dans un établissement bancaire public, qui a impliqué l'argent du contribuable dans des proportions souvent évoquées. Quel est en définitive le coût la crise du Crédit Lyonnais pour le contribuable ? Quand pourra-t-on le connaître ?

S'agissant de la Société Générale, il semble que certains acteurs n'ont pas encore été directement évoqués : les commissaires aux comptes. Les normes IFRS sont là pour apporter un éclairage sur les risques comptables et financiers que peuvent comporter certaines prises de positions comme celles prises par ce trader. N'est-il pas souhaitable que les normes IFRS apportent un peu plus de précision et de clarté sur les risques opérationnels liés à ces opérations de marché, tels qu'ils peuvent figurer dans les comptes que certifient les commissaires aux comptes de tels établissements ?

PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi

a tenu à remercier les intervenants pour la qualité de leurs questions qui constituent une aide et permettent d'avancer. C'est un bel exemple de collaboration entre une commission de très haut niveau et le Gouvernement.

A la question de la « double paire d'yeux », dans le domaine de l'activité d'un trader, elle a déclaré qu'elle n'était pas la plus à même de répondre. C'est plutôt à ceux qui seront interrogés demain par la commission, comme le président de la commission bancaire ou même la vice-présidente de l'Association française des banques, de le faire.

Le travail d'un trader est souvent fondé sur la réactivité et la rapidité. Si ces mécanismes de fonctionnement sont compatibles avec le principe de la « double paire d'yeux », c'est très bien, mais il n'est pas sûr que cela soit suffisant.

Les ratios de solvabilité relèvent-ils des préconisations de marché ou du politique ? Ils relèvent clairement du politique, dans la mesure où l'on transpose des directives européennes, ce qui constitue un acte politique.

Les parlements nationaux pourraient-il jouer un rôle en amont des directives ? Ce serait tout à fait pertinent et approprié. Il est exact qu'au moment de la transposition d'une directive, tout le travail a déjà été élaboré par divers services. Les parlements nationaux doivent pouvoir eux aussi intervenir dans le travail préparatoire.

Mme le ministre a remarqué que de nombreux commissaires se sont interrogés sur la nature de l'information, sur le moment de l'information, sur son destinataire et sur ce qu'elle pensait du processus et du délai. Il est exact qu'il eut été plus efficace et probablement plus approprié que le Gouvernement fût informé avant mercredi matin à huit heures, moment où Daniel Bouton l'a mise au courant. Elle peut comprendre le raisonnement qui a amené à décider de ne pas informer l'autorité gouvernementale au regard, non pas du délit d'initié, mais plutôt au regard du risque que pouvait faire courir à la place la divulgation de l'information.

Le Président Didier Migaud a demandé quels risques auraient été encourus si le Président de la République et le ministre des Finances avaient été prévenus.

PermalienPhoto de Hervé Mariton

s'est demandé en quoi le fait d'informer le Gouvernement aurait permis de faire mieux.

PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi

a répondu que le risque aurait été celui d'une prise de parole publique gouvernementale au plus haut niveau, sans rapport avec la situation d'un grand opérateur bancaire français. Elle aurait pu être amenée, par exemple en sortant de l'ECOFIN le lundi 21 au soir ou le mardi 22 au matin, à faire état d'une situation qui n'aurait pas été conforme à la réalité.

Il n'est pas certain que l'on aurait pu faire mieux en matière de sécurisation et de confiance que ce qui a été fait par le débouclage immédiat, conformément au règles, et par le lancement de l'augmentation de capital sécurisée. La combinaison des deux opérations, menées de front et en totale confidentialité, a été de nature à répondre au risque de crise grave systémique qui aurait pu résulter d'une divulgation.

S'agissant des destinataires de l'information, il paraît souhaitable que, comme dans les sociétés cotées, on connaisse précisément les deux, trois ou quatre personnes qui doivent impérativement être informées au sein du gouvernement et des délais dans lesquels elles doivent l'être. C'est une règle de bonne gouvernance pour éviter toute ambiguïté et restreindre le canal de l'information.

PermalienPhoto de Jérôme Chartier

a souligné que lorsqu'on a un engagement de 50 milliards d'euros, soit presque le double des fonds propres de la banque, et que l'on est face au risque qu'un désastre ne se produise, au-delà de savoir ce que cela aurait pu changer, informer au moins le Président de la République et le ministre des finances est une question de principe.

PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi

a indiqué que la cession de titres est intervenue le 10 janvier à l'initiative d'un administrateur, Robert Day, qui avait lui-même cédé une partie de son activité précédemment, en deux fois, y compris pour le compte d'une fondation détenue par son entourage proche. L'Autorité des marchés financiers a lancé une enquête sur les mouvements ayant affecté le titre. Pour sa part, le Trésor n'est pas chargé de vérifier la conformité des opérations intervenant sur le marché.

M. Bouton a proposé immédiatement sa démission et il l'a laissée sur la table. C'est une décision qui relève des membres du conseil d'administration de cette société privée et cotée. Ils se prononceront en conscience et en fonction de l'intérêt général et il n'appartient pas au ministre d'émettre un jugement de valeur sur l'opportunité d'accepter ou de refuser une telle proposition ou sur le délai dans lequel la décision doit intervenir.

PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

a souligné que c'est précisément parce qu'il connaissait cette situation juridique qu'il s'est interrogé sur la portée réelle des déclarations qui ont été faites au plus haut niveau de l'État.

PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi

a souligné qu'elle avait répondu sur le principe de la démission et sur l'opportunité pour les administrateurs de prendre en conscience leur décision.

Elle a par ailleurs précisé que, s'agissant de la prise de contrôle par une entreprise étrangère, la position du Gouvernement est claire : la Société Générale n'est pas contrainte en l'état actuel de s'adosser à un partenaire, le lancement de l'opération d'augmentation sécurisée de son capital lui ayant permis de restaurer son ratio de solvabilité et de liquidités. Néanmoins, en tout état de cause, le Gouvernement serait favorable par priorité à un rapprochement amical entre établissements et il est soucieux, dans toute opération, du sort de la collectivité des salariés et de la situation des clients.

PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

a souhaité savoir de quels moyens dispose le Gouvernement pour faire prévaloir sa position.

PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi

a répondu que toute prise de contrôle d'un établissement de crédit est soumise à l'aval du comité des établissements de crédit et des entreprises d'investissement. Un examen préalable doit être effectué pour toute tentative de prise de contrôle supérieure à 20 % du capital. Cet examen attentif prend un certain temps. Le gouvernement est très favorable à une opération amicale, dans le cas de cet établissement comme de tout autre, compte tenu des caractéristiques propres des établissements bancaires et du fait que la confiance du public est en jeu dans de telles situations.

S'agissant de la capacité d'analyse de la commission bancaire, celle-ci recrute des spécialistes de salles de marché. La sophistication et la technicisation des produits obligent sans cesse à former le personnel et à recruter de nouveaux talents qui soient au moins du même calibre que ceux que l'on trouve dans les salles de marché. Il conviendra d'interroger la commission bancaire pour savoir si elle se sent suffisamment « outillée ».

La Société Générale a réagi à ce rapport en publiant, dès qu'il a été rendu public, un communiqué indiquant pour l'essentiel : « Pas de commentaire ; mesures correctrices mises en oeuvre. ».

On ne peut pas dire que la crise financière et l'économie réelle sont totalement hermétiques l'une à l'autre. La contribution de l'activité financière au produit intérieur brut est réelle et importante et elle fait donc partie de l'économie réelle, même si elle est moins corporelle qu'un échange de produits ou une fourniture de services. Par ailleurs, les mécanismes de fluidité financière sont déterminants pour soutenir l'économie réelle.

Pour autant, la crise des subprimes observée du 9 au 16 août 2007 n'a pas produit en tant que telle d'effet direct sur l'économie réelle. Cependant elle a été suivie par une crise des liquidités et par une crise de confiance et un certain nombre d'autres pans de l'économie sont susceptibles d'avoir été affectés, notamment aux États-Unis, ce qui explique que le gouvernement américain a engagé un plan de 150 milliards de dollars.

Il est évident que les contrôles sur place sont plus efficaces que les contrôles sur pièces. La dernière inspection de la salle des marchés de la Société Générale date de 2006. Mieux vaudrait sans doute poser cette question directement à Christian Noyer, de même que celle relative aux succursales luxembourgeoises de la banque, afin de savoir dans le cadre de quelle convention des contrôles ont pu être effectués.

En ce qui concerne le respect des ratios de solvabilité et de fonds propres par la Société Générale, la commission bancaire procède actuellement à une enquête et sera donc mieux à même de répondre. Cela ramène aussi à la question sur les commissaires aux comptes et à leur examen des comptes de l'année 2006, année au cours de laquelle des agissements de ce type, mais d'une ampleur bien plus faible, ont été constatés. Les commissaires ont certifié les comptes fin 2006, mais pas fin 2007, l'arrêté des comptes n'étant pas encore intervenu. Il est probable qu'ils prendront de multiples réserves, mais la question reste posée pour 2006.

En matière de réglementation bancaire, il faut agir en concertation avec la place. Toutefois il est bien évident, compte tenu de la fluidité des acteurs et des produits et de leur faculté à se déplacer d'une place à une autre, que l'on ne saurait demeurer dans le cadre national. En verrouillant les choses dans un pays, on peut être assuré qu'une bonne partie des opérations glissera vers une autre place, moins stricte.

Toutes les réglementations doivent donc être prises à l'échelon régional européen, ce qui rend encore plus nécessaire le travail en amont de préparation des directives. Sans doute faut-il s'efforcer également de mener une concertation entre les grandes places financières afin de parvenir à un consensus prudentiel opérationnel sur l'ensemble des marchés. À cet égard, le Fonds monétaire international, mais aussi le comité de Bâle et le Fonds de solidarité financière peuvent certainement jouer un rôle et faire des recommandations, mais ils doivent se hâter. On observe en effet une grande différence entre d'une part la rapidité des flux et des mouvements de capitaux et la vitesse à laquelle les crises se nouent et se dénouent, d'autre part la pondération, la réflexion, les processus itératifs, qui ont sans doute leurs vertus mais qui interviennent un peu tard.

Un certain nombre de choses relèvent toutefois de l'échelon national et il convient en particulier d'avancer sur le pouvoir de sanction de la commission bancaire.

S'agissant de l'alerte par des marchés étrangers, le rapport fait référence à une intervention d'EUREX en novembre 2007 portant sur la stratégie du courtier plus que sur les volumes en cause.

Le gouverneur de la Banque de France a en effet souligné que la sécurité informatique et les modifications de systèmes n'entrent pas dans le champ des contrôles. Cela montre bien qu'il faut insister sur le caractère opérationnel d'un certain nombre de contrôles des risques, que l'on a peut-être un peu perdu de vue en donnant davantage de poids à l'analyse des risques de marché. Il semble donc utile de rappeler la réalité humaine et la réalité tangible des opérations et des activités de contrôle. Il convient sans doute d'améliorer le dispositif de modification régulière des codes informatiques, de développer des systèmes d'identification, y compris par voix digitale, d'élaborer des mécanismes de contrôles réguliers des congés pris par les uns par les autres, de mieux vérifier les intrusions dans les systèmes. Ces mesures classiques vont devoir être revues par les divisions de contrôle des risques et par les grands déontologues.

Même si cela ne relève pas du législateur et du régulateur, mais plutôt des principes de gestion au sein des banques et des établissements financiers, il apparaît bien que, tout en laissant la responsabilité aux individus, l'engagement par des équipes permettrait d'anticiper ce type de risques. Cela ramène aux questions de la gestion des rémunérations, de la valorisation des traders par rapport au back office, de la responsabilisation de chacun au sein des équipes. Les établissements auront intérêt à explorer davantage ces pistes.

Le Président Didier Migaud a remercié le ministre et souligné que ce sujet est loin d'être épuisé et que la commission aura d'autres auditions sur ce thème, mais aussi d'autres rendez-vous avec le ministre pour poursuivre le travail entrepris.