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Intervention de Christine Lagarde

Réunion du 4 février 2008 à 11h00
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi :

a répondu que toute prise de contrôle d'un établissement de crédit est soumise à l'aval du comité des établissements de crédit et des entreprises d'investissement. Un examen préalable doit être effectué pour toute tentative de prise de contrôle supérieure à 20 % du capital. Cet examen attentif prend un certain temps. Le gouvernement est très favorable à une opération amicale, dans le cas de cet établissement comme de tout autre, compte tenu des caractéristiques propres des établissements bancaires et du fait que la confiance du public est en jeu dans de telles situations.

S'agissant de la capacité d'analyse de la commission bancaire, celle-ci recrute des spécialistes de salles de marché. La sophistication et la technicisation des produits obligent sans cesse à former le personnel et à recruter de nouveaux talents qui soient au moins du même calibre que ceux que l'on trouve dans les salles de marché. Il conviendra d'interroger la commission bancaire pour savoir si elle se sent suffisamment « outillée ».

La Société Générale a réagi à ce rapport en publiant, dès qu'il a été rendu public, un communiqué indiquant pour l'essentiel : « Pas de commentaire ; mesures correctrices mises en oeuvre. ».

On ne peut pas dire que la crise financière et l'économie réelle sont totalement hermétiques l'une à l'autre. La contribution de l'activité financière au produit intérieur brut est réelle et importante et elle fait donc partie de l'économie réelle, même si elle est moins corporelle qu'un échange de produits ou une fourniture de services. Par ailleurs, les mécanismes de fluidité financière sont déterminants pour soutenir l'économie réelle.

Pour autant, la crise des subprimes observée du 9 au 16 août 2007 n'a pas produit en tant que telle d'effet direct sur l'économie réelle. Cependant elle a été suivie par une crise des liquidités et par une crise de confiance et un certain nombre d'autres pans de l'économie sont susceptibles d'avoir été affectés, notamment aux États-Unis, ce qui explique que le gouvernement américain a engagé un plan de 150 milliards de dollars.

Il est évident que les contrôles sur place sont plus efficaces que les contrôles sur pièces. La dernière inspection de la salle des marchés de la Société Générale date de 2006. Mieux vaudrait sans doute poser cette question directement à Christian Noyer, de même que celle relative aux succursales luxembourgeoises de la banque, afin de savoir dans le cadre de quelle convention des contrôles ont pu être effectués.

En ce qui concerne le respect des ratios de solvabilité et de fonds propres par la Société Générale, la commission bancaire procède actuellement à une enquête et sera donc mieux à même de répondre. Cela ramène aussi à la question sur les commissaires aux comptes et à leur examen des comptes de l'année 2006, année au cours de laquelle des agissements de ce type, mais d'une ampleur bien plus faible, ont été constatés. Les commissaires ont certifié les comptes fin 2006, mais pas fin 2007, l'arrêté des comptes n'étant pas encore intervenu. Il est probable qu'ils prendront de multiples réserves, mais la question reste posée pour 2006.

En matière de réglementation bancaire, il faut agir en concertation avec la place. Toutefois il est bien évident, compte tenu de la fluidité des acteurs et des produits et de leur faculté à se déplacer d'une place à une autre, que l'on ne saurait demeurer dans le cadre national. En verrouillant les choses dans un pays, on peut être assuré qu'une bonne partie des opérations glissera vers une autre place, moins stricte.

Toutes les réglementations doivent donc être prises à l'échelon régional européen, ce qui rend encore plus nécessaire le travail en amont de préparation des directives. Sans doute faut-il s'efforcer également de mener une concertation entre les grandes places financières afin de parvenir à un consensus prudentiel opérationnel sur l'ensemble des marchés. À cet égard, le Fonds monétaire international, mais aussi le comité de Bâle et le Fonds de solidarité financière peuvent certainement jouer un rôle et faire des recommandations, mais ils doivent se hâter. On observe en effet une grande différence entre d'une part la rapidité des flux et des mouvements de capitaux et la vitesse à laquelle les crises se nouent et se dénouent, d'autre part la pondération, la réflexion, les processus itératifs, qui ont sans doute leurs vertus mais qui interviennent un peu tard.

Un certain nombre de choses relèvent toutefois de l'échelon national et il convient en particulier d'avancer sur le pouvoir de sanction de la commission bancaire.

S'agissant de l'alerte par des marchés étrangers, le rapport fait référence à une intervention d'EUREX en novembre 2007 portant sur la stratégie du courtier plus que sur les volumes en cause.

Le gouverneur de la Banque de France a en effet souligné que la sécurité informatique et les modifications de systèmes n'entrent pas dans le champ des contrôles. Cela montre bien qu'il faut insister sur le caractère opérationnel d'un certain nombre de contrôles des risques, que l'on a peut-être un peu perdu de vue en donnant davantage de poids à l'analyse des risques de marché. Il semble donc utile de rappeler la réalité humaine et la réalité tangible des opérations et des activités de contrôle. Il convient sans doute d'améliorer le dispositif de modification régulière des codes informatiques, de développer des systèmes d'identification, y compris par voix digitale, d'élaborer des mécanismes de contrôles réguliers des congés pris par les uns par les autres, de mieux vérifier les intrusions dans les systèmes. Ces mesures classiques vont devoir être revues par les divisions de contrôle des risques et par les grands déontologues.

Même si cela ne relève pas du législateur et du régulateur, mais plutôt des principes de gestion au sein des banques et des établissements financiers, il apparaît bien que, tout en laissant la responsabilité aux individus, l'engagement par des équipes permettrait d'anticiper ce type de risques. Cela ramène aux questions de la gestion des rémunérations, de la valorisation des traders par rapport au back office, de la responsabilisation de chacun au sein des équipes. Les établissements auront intérêt à explorer davantage ces pistes.

Le Président Didier Migaud a remercié le ministre et souligné que ce sujet est loin d'être épuisé et que la commission aura d'autres auditions sur ce thème, mais aussi d'autres rendez-vous avec le ministre pour poursuivre le travail entrepris.

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