s'est réjoui de constater, à travers ce rapport précis, qu'à partir du dimanche 20 janvier, la crise financière de la Société Générale a été remarquablement gérée en menant simultanément deux opérations, dans le souci de créer immédiatement un environnement de sécurité pour restaurer la confiance : d'une part le débouclage des positions afin de lever les incertitudes, d'autre part la recapitalisation.
La crise a ainsi été gérée de façon complètement différente de celle qui était intervenue chez Northern Rock, en Grande-Bretagne, il y a six mois. À cette occasion, le gouvernement et la presse avaient été mis au courant tout de suite, mais on n'avait pas pensé à la nécessité de recapitaliser. Aussi, dès que la crise a été sur la place publique, des files d'attente se sont constituées devant les agences de Northern Rock. Dans le cas de la Société Générale, la sécurisation est intervenue dans le respect d'une confidentialité absolue, y compris par rapport aux milieux politiques, pendant trois ou quatre jours, ce qui n'est pas choquant car il s'agit d'une banque privée, ainsi que dans le respect des règles du marché.
Le sujet des contrôles internes aux banques est extraordinairement difficile. Il y a une quinzaine d'années, à l'époque de la crise des crédits immobiliers, on avait découvert avec étonnement qu'il n'y avait pas de centralisation des engagements de prêts immobiliers à travers les milliers de SCI qui existaient en France et à l'étranger et que l'on ne connaissait pas le montant total des engagements. Cette fois, on découvre un trader qui, en position nette, est bien suivi, mais dont personne ne sait qu'il s'est engagé à hauteur de 50 milliards d'euros.
La Société Générale est une entreprise très réputée pour avoir mis en place et géré les produits les plus sophistiqués que sont les dérivés actions. On remarquait en outre, il y a deux ans, que sa rentabilité était supérieure de 4 % à celle des autres banques, sans doute parce qu'elle présentait une certaine allergie au risque et qu'elle disposait de meilleurs modèles mathématiques permettant de prévoir le risque. Or ce n'est pas sur ces produits dérivés que la banque rencontre aujourd'hui un problème, mais sur des produits beaucoup plus classiques, avec des prises de position – certes pour un montant tout à fait excessif – sur des indices classiques comme le DAX allemand.
C'est à juste titre que Mme le ministre propose de renforcer les contrôles et de multiplier les inspections de la commission bancaire, mais, dans un contexte de mondialisation et d'évolution permanente des produits, s'imaginer que l'on pourrait parvenir à un système de contrôle parfait qui donnerait des résultats permanents est un leurre.
Qui plus est, il est assez difficile pour des responsables publics d'exercer le contrôle interne des banques et l'on a bien vu par le passé que la nationalisation ne préservait pas du risque…
Pour les contrôles externes, il y a les contrôles nationaux, par la commission bancaire et par l'Autorité des marchés et la commission des Finances souhaite avoir de nombreuses auditions à ce propos, mais il y a surtout les contrôles européens et les contrôles mondiaux. Lors d'une réunion de parlementaires européens sur la question de la régulation financière qui s'est tenue il y a une dizaine de jours, M. Lamfalussy – qu'il conviendrait sans doute que la commission auditionne – est intervenu sur la question de Bâle II. Les accords de Bâle II datent de 2004, leur transposition en directive étant intervenue en 2006. On se rend compte que cela a amélioré les choses en ce qui concerne les ratios de fonds propres, l'appréhension du passif auquel sont rapportés ces ratios et les règles prudentielles de contrôle externe, mais que la directive est en fait déjà dépassée faute d'avoir pris en compte les produits titrisés. Sans doute conviendra-t-il de reprendre ce travail au niveau européen.
Quelle que soit l'efficacité des instruments européens, il s'agit d'un problème mondial. Le Premier ministre britannique a récemment suggéré que le FMI pourrait être le lieu où l'on adopterait des règles prudentielles générales.
Par exemple, il aurait pu adresser aux banques américaines le message qu'il y avait un danger à sortir des établissements de crédit de tous les ratios de contrôle bancaire – certains des organismes qui ont prêté au titre des subprimes n'étaient même pas contrôlés car ils ne relevaient pas de la réglementation bancaire américaine.
On pourrait également travailler sur les produits car accorder des prêts à des personnes dont on crée de façon très artificielle la solvabilité pose bien évidemment problème, de même qu'accorder un prêt à taux zéro à quelqu'un qui n'a même pas la capacité d'en supporter l'annuité et qui se retrouve par la suite avec un prêt à taux variable très élevé. Si la France a connu, toutes proportions gardées, un problème similaire au milieu des années 1980, avec les PAP à taux variable, elle a su le traiter car elle dispose pour sa part de règles prudentielles.
Au-delà de ces questions de contrôle, on voit bien que l'on n'est pas sorti de la crise financière : les banques n'ont pas encore publié la totalité de leurs comptes, une grande incertitude mondiale demeure. Aussi peut-on s'interroger sur le risque de transmission à l'économie réelle. Cela pourrait prendre la forme d'un resserrement du crédit par les banques, en particulier en direction des PME. Comment Mme le ministre voit-elle les choses en la matière ?
Un autre effet possible est l'appauvrissement, la perte de valeur du patrimoine mobilier en actions pouvant engendrer une baisse de la consommation. Il semble que ce risque soit moins élevé en France, en raison de la structure du patrimoine mais il serait également intéressant de connaître l'avis du ministre sur ce point.
Enfin, même si la France n'entretient pas de relations commerciales très importantes avec les États-Unis, une récession américaine pourrait avoir par ricochet des effets assez importants en Europe. Quelle pouvait être l'évolution dans les mois à venir de cette crise financière qui n'en finit pas ?
Le Président Didier Migaud a rappelé que la commission des finances a procédé dès le mois d'octobre à des auditions sur la crise des subprimes et qu'un certain nombre d'économistes avait attiré son attention sur les conséquences dommageables que cette crise pourrait avoir sur l'économie européenne et française.