Consultez notre étude 2010 — 2011 sur les sanctions relatives à la présence des députés !

Séance en hémicycle du 7 avril 2011 à 9h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • africain
  • africaine
  • afrique
  • aurifère
  • brésil
  • continent
  • gabon
  • militaire
  • partenariat

La séance

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

L'ordre du jour appelle la discussion, selon la procédure d'examen simplifiée, en application de l'article 103 du règlement, de deux projets de loi autorisant l'approbation de conventions et accords internationaux.

Ces textes n'ayant fait l'objet d'aucun amendement, je mets directement aux voix l'article unique de chacun d'eux, en application de l'article 106 du Règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République fédérative du Brésil dans le domaine de la lutte contre l'exploitation aurifère illégale dans les zones protégées ou d'intérêt patrimonial (nos 2845, 3314).

La parole est à M. Laurent Wauquiez, ministre chargé des affaires européennes.

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, ministre chargé des affaires européennes

Monsieur le président, madame la rapporteure, mesdames et messieurs les députés, l'accord qui fait l'objet du projet de loi qui vous est aujourd'hui présenté vise à renforcer la coopération franco-brésilienne en matière de prévention et de répression des activités de recherche et d'exploitation aurifère sans autorisation dans les zones protégées ou d'intérêt patrimonial. Il a été annoncé par le président Nicolas Sarkozy et le président Lula dans une déclaration conjointe, lors de la visite du Président de la République au Brésil et en Guyane au mois de février 2008.

La Guyane, qui, comme chacun le sait, recèle un potentiel aurifère important, connaît depuis le début des années quatre-vingt-dix une recrudescence considérable de l'orpaillage illégal, liée, notamment, à la hausse du cours de l'or. La lutte contre cette activité illicite, que tous ceux qui connaissent la Guyane ont bien en tête et qui ravage différentes zones géographiques de la forêt guyanaise, est difficile. Elle nécessite une coopération étroite entre les autorités judiciaires, administratives et militaires, sous la forme d'opérations dites Harpie.

Cependant, et même si l'on a pu constater une diminution significative du nombre de chantiers qui y sont liés, cette activité illégale demeure à un niveau élevé et la situation est préoccupante avec des impacts environnementaux et humains qui peuvent être dramatiques : atteintes visibles à l'environnement, avec l'érosion des sols, le déplacement massif de boues et, surtout, une pollution au mercure ; atteintes à la santé publique ; troubles de l'ordre public et, tout simplement, de la quiétude des populations guyanaises.

Il est donc nécessaire, parallèlement à ces actions, de renforcer la coopération avec le Brésil pour la prévention, la traçabilité des activités aurifères et la répression des activités de recherche. C'est le but du présent accord, qui aborde la question sous plusieurs angles : la soumission de l'activité d'exploitation aurifère à des autorisations dans les deux États ; l'amélioration du contrôle de l'activité de négoce de l'or et des entreprises ; le contrôle de l'activité de transporteur sur le fleuve ; l'adoption de mesures pénales.

L'accord ne se limite cependant pas à cela. Il ouvre aussi de nouvelles perspectives pour la Guyane et la relation franco-brésilienne.

Sur le plan politique, tout d'abord, il s'inscrit dans le cadre du partenariat stratégique entre le Brésil et la France, dont l'un des axes est de faire de la Guyane et de l'Amapa un espace de développement économique et social partagé afin de favoriser l'insertion de la Guyane dans son environnement régional, qui constitue un atout extraordinaire pour elle.

Sur le plan économique et social, l'accord devrait également encourager la valorisation légale des ressources naturelles de la région frontalière et l'embauche de main-d'oeuvre déclarée, ce qui permettra aussi de réduire le nombre d'orpailleurs illégaux.

Sur le plan de l'environnement et de la santé publique, il contribuera à réduire l'impact négatif de l'activité d'orpaillage sur la qualité des eaux et sur la faune et la flore locales. La Guyane, je le rappelle, est l'une des parties de notre territoire où la biodiversité est la plus remarquable.

Sur le plan juridique, cet accord vise à introduire une réglementation globale et transversale de toutes les phases de l'activité d'orpaillage.

Il comporte également un volet administratif et un volet de coopération judiciaire.

Cet accord nécessitera un investissement fort de la part de l'ensemble des autorités françaises et brésiliennes. Le préfet aura un rôle important dans sa mise en oeuvre et un effort de coordination entre tous les services concernés sera indispensable pour qu'il ne reste pas lettre morte mais se traduise bel et bien par des avancées sur le terrain.

Telles sont donc les principales observations qu'appelle l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République fédérative du Brésil. Il traite d'un problème majeur pour la Guyane. Sa pleine effectivité, si nous y parvenons, marquera un progrès important, pour ce territoire aux richesses sociales, humaines, environnementales et économique extraordinaires, qui pourront alors être valorisées.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à Mme Christiane Taubira, rapporteure de la commission des affaires étrangères.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Taubira

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nos travaux en commission des affaires étrangères furent extrêmement fructueux. Les députés présents étaient nombreux, les échanges denses. Il sera donc instructif de s'y référer. Par conséquent, je consacrerai ces dix petites minutes de prise de parole en séance plénière aux points qui méritent des éclaircissements et des précisions, après avoir fourni quelques repères qui donnent la mesure des enjeux de cet accord conclu par la France et la République fédérative du Brésil.

Signé le 23 décembre 2008, il comporte neuf articles, dont trois méritent quelques précisions de la part du Gouvernement.

Tout d'abord, l'article 1er définit les zones concernées. Le champ de l'accord est en effet limité aux « zones protégées ou d'intérêt patrimonial ». Elles comprennent « les territoires classés en parc national » dans chacun de ces deux pays. Le parc amazonien de Guyane couvrant une superficie de 3,4 millions d'hectares et le parc amazonien du Brésil, appelé Tumucumaque, une superficie de plus de 3,7 millions d'hectares, les surfaces concernées ne sont donc pas négligeables. S'y ajoute « une bande de 150 kilomètres », mais cela manque de précision : il ne nous est pas indiqué s'il s'agit de 150 kilomètres en longueur, sur un fleuve qui mesure, lui, plus de 370 kilomètres, ou de 150 kilomètres en profondeur des territoires respectifs des deux pays.

Cela dit, il importe de noter qu'il existe sur ces territoires qui ne sont pas négligeables, notamment en Guyane, tout un réseau d'espaces protégés, sous des statuts extrêmement différents, qu'il s'agisse des ZNIEFF, les zones naturelles d'intérêt écologique, de type I ou de type II, des arrêtés de protection de biotope, des zones humides, des espaces protégés, des réserves naturelles. Il y a donc toute une série d'espaces qui, a priori, ne sont pas inclus dans le champ de cet accord. Est-ce à dire que l'activité aurifère illégale serait finalement autorisée dans ces autres zones protégées ?

L'article 3 engage les deux parties à définir un régime interne complet, sur les conditions tant matérielles et financières que professionnelles d'accès aux titres miniers, sur les obligations de déclaration, de tenue de registre et de mise à disposition des registres auprès des autorités. Ces obligations pèsent sur les entreprises qui sont fournisseurs de matériel d'équipement ou de mercure. Il faut savoir que, depuis le mois de janvier 2006, le mercure est interdit en France. Au Brésil, il n'est pas interdit mais il est soumis à une stricte réglementation et son commerce est encadré dans le cadre du Global Mercury Project du programme des Nations unies pour le développement.

L'article 4 énumère les infractions à réprimer, les destructions n'étant considérées qu'en dernière instance.

L'article 5 appelle également des précisions de la part du Gouvernement. Il prévoit effectivement des formations communes pour les entreprises françaises et brésiliennes impliquées dans l'exploitation aurifère dans les zones protégées ou d'intérêt patrimonial. Il n'existe pas dans la législation française de disposition qui interdise cette activité dans ces zones, mais il serait très étonnant – cela tombe sous le sens – que le gouvernement français forme des entreprises pour qu'elles pussent se livrer à une telle exploitation dans ces zones. Je vous prie donc de nous apporter des précisions sur ce point. Même s'il n'est pas nécessaire de modifier le code minier, il faut probablement préciser des orientations en matière de politique minière.

Cet accord s'inscrit dans un cadre juridique général que je ne vais pas définir ; comme nous y avons travaillé en commission des affaires étrangères, il suffit de se reporter au compte rendu de nos travaux. Figure parmi les deux textes visés par l'accord la convention d'entraide judiciaire signée en 1996, qui a été élaborée sur le modèle de la convention européenne d'entraide judiciaire de 1959. Elle comporte donc les mêmes stipulations, avec les mêmes types d'exceptions, à ceci près que le délai de comparution immédiate n'est pas de cinquante jours mais de trois mois. L'autre texte est un accord de partenariat et de coopération signé en 1997.

Il faut savoir que cet accord est le pendant de celui conclu avec le Surinam. Cependant, le texte signé avec le Surinam est plus précis et prévoit des dispositifs opérationnels.

Retenons surtout que les gouvernements ont bien compris que c'est tout le plateau des Guyane qui est concerné que c'est à cette échelle que le travail doit être mené. Ainsi s'est tenu, au mois de mars 2010, un séminaire intergouvernemental regroupant la France, le Brésil, le Surinam et le Guyana. C'est donc bien à ce niveau que doit se coordonner la politique de lutte contre l'activité aurifère illégale, même si, à ce jour, il n'en est rien sorti de particulièrement remarquable.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Taubira

Quelles sont les réalités ? Les vingt-sept titres miniers ayant donné lieu à une production en 2009 donnent une idée de l'exploitation aurifère légale, avec un effectif de personnel déclaré de 360 personnes et une production déclarée de 1,22 tonne, ce qui correspond, selon le cours international de l'or, à un chiffre d'affaires de 36 millions d'euros, tandis que la redevance minière départementale et communale atteignait le montant – dérisoire – de 86 000 euros.

Quel est le profil de l'activité illégale ? Par nature, l'ampleur de celle-ci est difficile à saisir. Nous n'en disposons pas moins de quelques repères. L'étude d'impact annexée à l'accord évoque ainsi 500 chantiers illégaux, 105 d'entre eux étant établis sur le territoire du parc amazonien. Or le champ de l'accord se réduit pratiquement à ce territoire. La question est donc de savoir si l'on se contente de ne combattre que 20 % des chantiers illégaux ou si la mesure de l'activité illégale donne lieu à de telles distorsions.

L'administration considère qu'il y a entre 3 000 et 15 000 chercheurs d'or illégaux, ou garimpeiros. Sur le terrain, nous considérons que l'hypothèse haute de 15 000 est très inférieure à la réalité.

Le volume de la production illégale est estimé à dix tonnes d'or, soit un chiffre d'affaires de 320 millions d'euros, et, selon l'administration, cinq tonnes de mercure sont rejetées chaque année dans la forêt guyanaise, particulièrement dans les cours d'eau.

Les résultats des opérations de police et de gendarmerie nous donnent quelques autres éléments de mesure : 2 057 carbets détruits et 67 nouveaux puits et galeries découverts.

Les puits et galeries signifient que l'on est en train de changer de ressources, de technologies et de métiers. À la recherche de l'or alluvionnaire s'ajoute celle de l'or primaire. Cette activité est donc de plus en plus prédatrice. Seuls neuf kilos d'or ont été saisis par rapport à ces dix tonnes d'or.

Pouvons-nous espérer une amélioration ? Non, pour deux raisons.

La première, c'est que le potentiel, estimé à 120 tonnes d'or primaire, est considérable. Quant à l'or alluvionnaire, avec les technologies actuelles, on considère qu'il y a encore douze à quinze ans d'exploitation possible. Mais quand les technologies s'amélioreront, la productivité s'améliorera aussi.

La deuxième raison est que le cours international de l'or n'a pas cessé d'augmenter ces cinq dernières années. De 400 dollars l'once en 2003, il est passé à 800 dollars en 2008, pour atteindre 1 270 dollars en février dernier. Et l'on estime qu'il atteindra 1 300 dollars l'once à la fin 2011. C'est un moteur puissant et attractif s'agissant d'une activité extrêmement prédatrice.

L'accord dont nous débattons ne sera pas suffisant. D'ailleurs, il y a déjà des actions de répression ; c'est même le seul domaine dans lequel l'État s'est beaucoup engagé. Les opérations Harpie coûtent à peu près 4 millions d'euros pour six mois et mobilisent 345 gendarmes et 320 militaires par jour. C'est considérable. Il y a également les procédures judiciaires. Mais les moyens de l'institution judiciaire sont si dérisoires que celle-ci a tendance à se borner à faciliter les reconduites à la frontière de personnes qui reviennent très vite. Le nombre de défèrements est minime.

Monsieur le ministre, il y a des urgences, notamment en ce qui concerne la santé des populations et l'impact environnemental. En effet, 1 333 kilomètres de cours d'eau sont pollués, selon l'ONF, et plus de 12 000 hectares de forêts sont affectés – sans doute même davantage. Mais surtout, 70 % des enfants amérindiens de moins de trois ans présentent un taux d'imprégnation au mercure cinq fois supérieur aux normes de l'EFSA – european food safety authority – et dix fois supérieur aux normes de l'OMS. L'imprégnation au mercure est extrêmement dangereuse puisqu'elle provoque des pathologies très lourdes, des retards de développement, des troubles du comportement, des affections ophtalmiques, des pathologies rénales. Des mesures de suivi sanitaire et de protection de ces populations – entre autres – sont donc nécessaires.

Mais avant tout, monsieur le ministre, nous devons considérer que le Brésil est un grand pays, par sa superficie qui couvre 40 % du continent sud-américain, par sa population qui compte plus de 192 millions d'habitants, et surtout par sa littérature, sa culture, ses arts, ses travaux de recherche, son industrie, son dynamisme économique. Sous la double mandature du Président Inacio Lula da Silva, le Brésil a considérablement amélioré ses indicateurs économiques et sociaux, y compris son indice de Gini qui mesure les inégalités.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Taubira

J'arrive à ma conclusion, monsieur le président.

Le Brésil montre un grand dynamisme économique, un grand rayonnement diplomatique, des engagements internationaux sur des thématiques majeures telles que la préservation de l'environnement et la défense des droits de l'homme. C'est un pays très actif à l'OMC, membre du G20, membre actuel non permanent du Conseil de sécurité de l'ONU. C'est une puissance dite émergente, une puissance régionale. C'est une république qui a des institutions solides en mesure d'assurer l'État de droit sur la totalité de son territoire.

Il doit donc être traité selon son rang ; ce sera une marque de respect vis-à-vis de ce pays que de lui faire crédit de sa bonne foi dans sa volonté de lutter pour la préservation de l'environnement, et notamment de notre Amazonie commune. Nous attendons de sa part une ratification rapide de cet accord, ainsi que la ratification du protocole additionnel de coopération et de partenariat qui s'ajoute au programme stratégique de 2008 et permettra la mise en place du Conseil du fleuve Oyapock. Il pourra enfin mettre en oeuvre ses engagements de lutte contre l'activité aurifère illégale, ce qu'il fera probablement en commençant par le démantèlement des installations qui servent de logistique à cette activité et qui sont basées dans son propre parc national.

Je ne doute pas, monsieur le ministre, que vous aurez à coeur de faire savoir que c'est là le niveau d'exigence correspondant au respect de ce pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Dans la discussion générale, la parole est à M. Francis Hillmeyer.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Hillmeyer

Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, les relations entre la France et le Brésil sont traditionnellement fortes, mais elles ont pris, depuis quelques années, une nouvelle dimension avec le renforcement du partenariat des présidences française et brésilienne.

Ce rapprochement nouveau entre les deux pays permet la création de liens novateurs dans de nombreux domaines : je pense, bien sûr, à la concertation politique, à la sécurité et à la défense, mais aussi aux échanges en matière de sciences et de technologies, à l'éducation et à la culture. Il se traduit également par une augmentation des échanges commerciaux et des investissements.

Ce rapprochement, il convient de le saluer, car il est porteur de réalisations tangibles pour la Guyane française. J'en veux notamment pour preuve les négociations en cours autour du projet de construction d'un pont sur l'Oyapock, qui délimite une grande partie de la frontière entre l'Amapa et la Guyane française. Cette perspective démontre qu'un véritable saut qualitatif a été réalisé dans la coopération franco-brésilienne.

Mais revenons à notre sujet du jour : l'accord France-Brésil de lutte contre l'exploitation aurifère illégale dans les zones protégées ou d'intérêt général. En 1996, déjà, nous avions signé des accords primordiaux : les accords de coopération judiciaire dans les domaines civil et pénal, qui définissent le cadre légal permettant aux deux parties de s'entendre sur certains aspects des relations transfrontalières.

Aujourd'hui, il est question de la lutte contre un fléau économique, sanitaire et environnemental pour ces régions : l'orpaillage illégal. En effet, annoncé en février 2008 par le Président de la République, Nicolas Sarkozy, et son homologue brésilien Lula, l'accord entre la France et le Brésil, dans le domaine de la lutte contre l'exploitation aurifère illégale dans les zones protégées ou d'intérêt patrimonial, a pour but de renforcer la coopération entre les deux pays pour lutter contre l'orpaillage clandestin.

L'orpaillage clandestin sur le terrain est synonyme de déforestation, de pollution des fleuves, de destruction des écosystèmes, d'exposition des populations au mercure. Car pour opérer, les orpailleurs clandestins utilisent du mercure pour amalgamer l'or, quand bien même cette technique est interdite en France depuis le 1er janvier 2006. En 2005, 5 tonnes de mercure ont été rejetées dans le milieu naturel et 1,5 tonne dans les cours d'eau. Ce mercure infecte les populations amérindiennes et l'INSERM relevait en 1998 que, chez plus de 70 % des enfants amérindiens du Haut-Maroni, les taux d'imprégnation au mercure étaient supérieurs à la norme OMS. Or une absorption importante de mercure par l'homme peut entraîner des troubles du système nerveux et des malformations, particulièrement chez la femme enceinte et l'enfant.

Si les populations sont touchées, c'est que leur biotope l'est tout autant : 1 333 kilomètres de cours d'eau seraient directement impactés par le mercure, indiquait l'ONF en 2006. À titre de comparaison, la Loire, de sa source à son embouchure, couvre 1 000 km de linéaire. Contrairement aux opérateurs légaux, les clandestins ne réhabilitent pas les zones orpaillées, ce qui provoque un grave problème de déforestation et de très importantes modifications du lit des cours d'eau.

Cet orpaillage illégal est aussi synonyme de criminalité collatérale : trafic de stupéfiants, prostitution, homicides, trafic d'armes, etc. Les zones de non-droit ont surgi un peu partout au coeur de la forêt amazonienne, malgré les opérations menées par les gendarmes et les militaires. Le rapport est d'ailleurs très éclairant sur le sujet – madame la rapporteure, je vous en remercie –, et les forces publiques doivent faire face à des réactions de violences systématiques lors de leurs interventions.

Selon le rapport Mansillon du ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer du 17 juin 2009, la Guyane compterait plus de 500 chantiers illégaux et 5 000 à 8 000 travailleurs clandestins auraient été recensés.

À ce titre, pour le groupe centriste, la nécessité de l'approbation de cet accord est claire. Trois objectifs le sous-tendent.

D'abord, l'accord vise à introduire une réglementation globale et transversale et un suivi de toutes les phases de l'activité d'orpaillage à travers une coopération renforcée entre les autorités française et brésilienne. Et au regard des difficultés auxquelles doivent faire face les autorités dans leur lutte contre ce fléau, un renforcement de l'arsenal juridique et une simplification du dialogue administratif entre la France et le Brésil sont souhaitables.

Ensuite, le deuxième objectif est environnemental. Alors que nous faisons des efforts conséquents en métropole et en outre-mer, nous ne pouvons fermer les yeux sur les poisons rejetés par ces pratiques illégales. La qualité de l'eau en dépend. La diversité de la faune et de la flore locales en dépend. La santé des populations locales en dépend. Le sujet est donc d'importance.

Enfin, le troisième objectif de cet accord est d'ordre économique et social.

Il s'agit de renforcer l'exploitation légale et déclarée, de renforcer les flux reconnus entre Guyane et Brésil, d'encourager l'embauche de main-d'oeuvre déclarée. Pour le groupe Nouveau Centre, cette question est cruciale. En effet, la Guyane recèle encore un potentiel aurifère important : 120 tonnes en or primaire, et encore quinze à vingt ans de gisement alluvionnaire au rythme de son exploitation actuelle. Il s'agit clairement d'un secteur porteur pour la région. Mais force est de constater que, pour une tonne d'or produite et déclarée légalement, trois tonnes sont exportées de Guyane illégalement !

Aussi le groupe Nouveau Centre votera-t-il ce projet de loi autorisant l'approbation de l'accord France-Brésil de lutte contre l'orpaillage clandestin.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Beaudouin

Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, l'important potentiel aurifère de la Guyane, qui devrait être un atout pour le département et la région, est source de nombreux problèmes. Depuis le début des années quatre-vingt-dix, la hausse des cours de l'or a en effet suscité une explosion des exploitations clandestines, à l'origine de graves atteintes à l'environnement, à la santé des populations et à l'ordre public.

Sur 84 000 kilomètres carrés, recouverts à 96 % par la forêt équatoriale, il est naturellement difficile de faire respecter la loi. L'État a cependant engagé une action volontariste, dont l'accord entre la France et le Brésil dans le domaine de la lutte contre l'exploitation aurifère, que nous examinons aujourd'hui, constitue un instrument essentiel.

L'orpaillage clandestin est source de nombreux problèmes. Sur le plan environnemental, il est cause de destruction de l'écosystème, de déforestation, de pollution des fleuves. Sur le plan sanitaire, l'usage du mercure par les opérateurs illégaux a de graves conséquences pour les populations amérindiennes locales. Sur le plan économique, l'orpaillage clandestin est à l'origine de pertes de revenus et exerce un effet d'éviction sur l'emploi légal. Sur le plan de la sécurité, enfin, il génère une très importante délinquance : immigration clandestine, meurtres, prostitution, trafic d'armes, trafic de stupéfiants.

Face à ce problème majeur, l'action de l'État, redéfinie par le Président de la République lors de sa venue en Guyane en février 2008, a suivi une double orientation.

Il s'agit d'abord d'encourager l'exploitation de l'or dans des conditions respectueuses de la loi et de l'environnement. L'or constitue ou devrait constituer une ressource essentielle pour le développement de la Guyane. L'élaboration d'un schéma départemental d'orientation minière et d'aménagement qui définit, de façon claire, des zones ouvertes et des zones interdites à l'exploitation minière, annoncée par le Président de la République en février 2008, doit permettre de satisfaire cet équilibre entre économie et environnement. Cependant, l'accord qui a été élaboré n'apparaît pas convaincant. Un zonage trop strict serait contre-productif.

Il s'agit ensuite de lutter contre l'orpaillage clandestin. C'est pourquoi le Président de la République a décidé de donner un caractère permanent à l'opération Harpie, à compter du 1er mars 2010. Les moyens financiers, matériels et humains se sont fortement accrus. Le budget dédié aux opérations héliportées a pratiquement doublé entre 2009 et 2010. Plus de 700 personnels, issus de la gendarmerie et des forces armées en Guyane, remplissent leur mission avec beaucoup de professionnalisme et un incontestable succès, malgré des conditions géographiques hostiles et la violence à laquelle elles sont confrontées, violence ayant causé la mort d'un de nos soldats en juillet dernier. Leur action mérite reconnaissance, et je souhaitais naturellement leur rendre hommage.

Il est nécessaire de leur donner les moyens d'accomplir leur mission dans les meilleures conditions. À cet égard, je voudrais insister sur la nécessité de renforcer l'aéromobilité. La rapidité des déplacements est, en effet, un élément indispensable au succès de l'opération Harpie. Il en est de même de l'intérêt d'un statut des piroguiers, qui sont de précieux auxiliaires de nos troupes. Enfin, en aval, la justice doit également disposer des moyens juridiques et matériels nécessaires. Le tribunal de grande instance de Cayenne apparaît, à cet égard, particulièrement engorgé.

Mais la lutte contre l'orpaillage clandestin ne peut être résolue sans une coopération efficace avec les pays voisins, au premier rang desquels le Brésil.

La frontière avec le Brésil est la plus longue frontière terrestre de la France. Sa porosité encourage les mouvements de personnes ; la majorité des orpailleurs clandestins sont des Brésiliens, attirés en Guyane par les difficiles conditions économiques de leur État voisin, l'Amapa, et la sévère répression dont l'exploitation clandestine d'or fait l'objet au Brésil. Sa porosité permet aussi le trafic de l'or illégalement extrait, qui est blanchi en Guyane, d'où l'intérêt d'une meilleure traçabilité. Madame la rapporteure, vous avez oeuvré en ce sens.

L'accord bilatéral franco-brésilien destiné à renforcer la lutte contre l'exploitation aurifère illégale, annoncé par le Président Sarkozy et le Président Lula en février 2008 lors de leur rencontre à Saint-Georges-de-l'Oyapock, et signé en décembre de la même année, est donc une nécessité absolue. Il vient compléter la convention d'entraide judiciaire en matière pénale et l'accord de partenariat et de coopération. Je ne reviens pas sur ses différents angles d'action, que Mme la rapporteure a parfaitement résumés.

Sans doute faut-il aller plus loin. La coopération avec le Brésil devra certainement être encore approfondie. Il sera aussi nécessaire de mettre en place une coopération plus précise avec l'ensemble des États du plateau des Guyane, en particulier avec le Surinam.

Des problèmes de dimension régionale appellent une réponse à l'échelon régional. Les coopérations à mettre en oeuvre devront prendre la forme, non seulement d'une harmonisation juridique et d'une collaboration en matière policière, militaire et judiciaire, mais aussi d'opérations de codéveloppement qui permettront de fixer l'emploi dans les pays voisins de la Guyane.

L'orpaillage clandestin constitue un frein majeur au développement de la Guyane. Il porte atteinte à cet écosystème unique au monde qu'est la forêt amazonienne. Il constitue une nuisance insupportable pour les populations locales. L'accord de coopération franco-brésilien est une étape essentielle pour lutter contre ce fléau, et c'est avec satisfaction que le groupe UMP l'approuvera. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Bataille

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Brésil et la France ont négocié et signé, le 23 décembre 2008, un accord dans le domaine de la lutte contre l'exploitation aurifère illégale en Guyane. Je ne reprendrai ni l'historique ni la présentation de ce texte qui, l'un et l'autre, viennent d'être excellemment détaillés par notre collègue Christiane Taubira. À son double titre de députée de Guyane et de membre de la commission des affaires étrangères, elle a, il est vrai, toutes qualités pour motiver le vote positif de l'ensemble de la représentation parlementaire.

En Guyane et au Brésil la préservation de l'environnement est, en effet, menacée par des orpailleurs clandestins. Lutter contre des hommes et des femmes qui altèrent gravement les eaux, les sols et la chaîne alimentaire est une obligation. Elle n'appelle aucune espèce de réserve. Que ce combat soit mené en concertation avec le Brésil, pays d'origine de ces braconniers de l'or, conforte la nécessité du vote. Il est vrai que le Brésil est au coeur, depuis plusieurs années, de nombreuses batailles environnementales. C'est à Rio, rappelez-vous, que s'est tenue, en 1992, la première grande conférence internationale sur l'environnement et le développement. Le président français de l'époque, François Mitterrand, avait fait le déplacement pour, selon son propos, « que le nom de Rio soit synonyme d'espérance ». « On ne peut… », avait-il dit le 13 juin 1992, «…séparer l'homme de la nature, car il est la nature même comme le sont l'eau, l'arbre, le vent, le fond des mers […] Notre devoir [...] est de faire que la terre nourricière soit à la fois notre maison et notre jardin. […] Notre terre souffre des fureurs des hommes. […] Nous aurons à convaincre, à encourager, mais aussi à empêcher ».

C'est de cela qu'il s'agit en Guyane. Il convient d'empêcher, selon les termes employés dans l'accord que nous examinons ce matin, « toute activité illégale dans les zones protégées ou d'intérêt patrimonial ». Il y va de la santé publique des populations amérindiennes Wayanas et de la protection de la forêt amazonienne. La Guyane et donc la France sont concernées au premier chef. Le Brésil qui, depuis Rio, a pris des engagements internationaux, afin de protéger le milieu amazonien, l'est également. Les deux pays et leurs chefs d'État avaient inclus un chapitre particulier portant sur la protection de l'environnement dans le plan d'action pour un partenariat stratégique, signé également à Rio le 23 décembre 2008. J'espère que cette dynamique bilatérale continuera à porter, à l'avenir, des projets d'intérêt communs, que ces projets soient environnementaux ou de tout autre nature.

Le Brésil comme la France sont des pays écoutés dans leurs régions respectives et au sein de diverses enceintes internationales. L'accord de partenariat stratégique paraphé par les deux pays en 2008 réaffirmait une volonté commune de partenariat privilégié. Au-delà de l'environnement, de grandes idées avaient été avancées pour inscrire cette amitié dans le concret. Je ne suis pas sûr que l'horizon ainsi défini soit toujours perçu de la même manière à Paris et à Brasilia. Qu'en est-il, par exemple, je reprends ici les termes mêmes du plan d'action franco-brésilien, de « leur volonté d'oeuvrer conjointement au renforcement du multilatéralisme, au maintien de la paix et de la sécurité internationales » ?

Les réactions de Paris et de Rio aux événements de Libye ne m'ont pas paru en conformité avec le voeu ainsi émis, noir sur blanc, en 2008. J'ai noté que les deux diplomaties ne se sont pas positionnées de la même façon au Conseil de sécurité le 17 mars dernier. Cet écart avait déjà été perceptible quand, en mai 2008, le Brésil avait, avec la Turquie, proposé une médiation sur le dossier du nucléaire iranien. Cette initiative n'avait pas, me semble-t-il, bénéficié d'un accompagnement quelconque de la part de la France.

Au sein du G20 et à l'OMC, autre ambition affichée en décembre 2008, il ne me paraît pas, là non plus, que la France et le Brésil aient travaillé dans la même direction. Il reste, mais il s'agit là d'un dénominateur commun minimal, diverses coopérations dans le domaine militaire et la construction d'un pont sur l'Oyapock dont la première pierre a été posée – c'est original – à deux reprises, par les présidents Chirac et Sarkozy. Ce n'est pas rien. Mais, vous en conviendrez, monsieur le ministre, on est assez loin des ambitions affichées à Rio le 23 décembre 2008.

Les députés SRC voteront, bien entendu, l'accord franco-brésilien qui est soumis à l'appréciation du Parlement ce jour, mais ce vote favorable n'empêche pas l'expression d'un bémol. Nous avons, en effet, le sentiment, monsieur le ministre, que les grandes idées du 23 décembre 2008, si elles n'ont pas été abandonnées, sont interprétées de façon restrictive. La France, il est vrai, peut-elle afficher, en 2011, des ambitions multilatéralistes, après avoir accepté délibérément de perdre les marges d'autonomie que lui permettait une participation particulière à l'Alliance atlantique depuis 1966 ? La décision prise par le Président Sarkozy d'intégrer l'OTAN sans contreparties perceptibles a été une décision funeste dont on a pu mesurer les incidences dans la mise en oeuvre de la résolution 1973 du Conseil de sécurité concernant la Libye. Ce choix nous a éloignés du multilatéralisme affiché à Rio en décembre 2008. Il altère la relation que nous pouvons avoir avec le Brésil. Le groupe SRC le regrette et entendait vous le faire savoir. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens avant tout à saluer la qualité du rapport présenté par notre collègue Christiane Taubira. Il nous a permis, lors de la réunion de la commission des affaires étrangères, d'avoir un débat très riche sur le sens des accords internationaux et de la politique en général. Ce fut un grand moment que Mme Taubira a, avec raison, rappelé à la tribune de notre assemblée.

Depuis le début des années 90, la Guyane connaît une recrudescence de l'activité minière aurifère. La hausse du cours de l'or sur le marché international, conjuguée au développement de nouvelles techniques mécanisées importées du Brésil, a conduit à une augmentation rapide et importante de la production et du nombre d'exploitants en Guyane. Si la ressource aurifère constitue une importante ressource économique pour ce gigantesque département français, la réglementation de ce secteur et le contrôle des activités de recherche et d'exploitation aurifères sont encore sources de bien des difficultés.

Des efforts ont certes été faits pour réguler ce secteur avec un meilleur encadrement juridique et administratif. Mais l'exploitation aurifère en Guyane demeure encore marquée de nombreuses zones d'ombre avec, notamment, un secteur clandestin croissant aux conséquences sociales, environnementales et sanitaires dévastatrices et une frontière qui reste floue entre la filière illégale et la filière légale.

Selon le rapport Mansillon Proposition de Schéma d'orientation minière de la Guyane – SDOM – remis au ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, le 17 avril 2009, la Guyane compterait plus de 500 chantiers illégaux et entre 5 000 et 8 000 travailleurs clandestins auraient été recensés, soit plus de dix fois le nombre de salariés « légaux ». Les orpailleurs clandestins se dispersent à l'intérieur du pays dans des endroits inaccessibles ou protégés.

L'extraction aurifère demeure une activité dangereuse qui engendre des conséquences désastreuses sur l'environnement ainsi que des risques pour la santé humaine. Ces conséquences se trouvent aggravées par l'orpaillage illégal qui s'effectue en dehors des règlements et qui emploie des méthodes dévastatrices pour l'environnement. L'ONG WWF France dénonce les ravages de l'orpaillage sur l'environnement.

Les activités d'extraction aurifère sont doublement responsables de la pollution mercurielle de l'environnement guyanais. D'une part, elles remettent en mouvement le mercure naturellement présent dans les sols – Mme la rapporteure a expliqué l'exploitation alluvionnaire et ses conséquences, s'agissant du mercure présent dans le sol des criques. D'autre part, le mercure, interdit en Guyane française depuis 2006 est encore utilisé par les orpailleurs illégaux pour amalgamer les particules d'or. Chauffé à haute température pour séparer les deux métaux, le mercure s'évapore, puis retombe mélangé à la pluie – qui est fréquente – parfois à des kilomètres des sites d'orpaillage. Une partie de ce mercure part directement dans les cours d'eau et se dépose au fond des rivières, dans les sédiments. Par l'action des bactéries, le mercure se change alors en méthylmercure, forme chimique toxique du mercure absorbable par les organismes vivants.

La rapporteure l'a rappelé en commission, toute la chaîne alimentaire subit les effets néfastes du mercure. Celui-ci se fixe sur les plantes aquatiques, qui sont mangées par les poissons herbivores, qui sont dévorés par les poissons carnivores, lesquels sont finalement pêchés et consommés par les populations locales. Or une absorption importante de mercure par l'homme peut entraîner des troubles du système nerveux et des malformations, particulièrement chez la femme enceinte et l'enfant.

Pour récupérer un kilo d'or, 1,3 kilo de mercure est employé par les orpailleurs illégaux, avec près de 30 % de pertes, rejetées dans le milieu naturel, essentiellement sous forme de vapeur atmosphérique, avec les conséquences que je viens de dénoncer. Des études réalisées sur les cheveux des enfants amérindiens ont fait apparaître des taux de mercure deux fois supérieurs à la norme fixée par l'Organisation mondiale de la santé. Je ne reviens pas sur le périmètre de l'intervention, notre rapporteure l'a explicité avec talent à la tribune.

Au-delà des effets négatifs sur l'environnement et la santé, l'exploitation aurifère illégale a des répercussions sociales dramatiques : filières d'immigration, développement de réseaux de prostitution, trafics d'armes et drogues, avec toute la délinquance qui les accompagne. Le poids du marché parallèle en Guyane est très important : plus de vingt-deux tonnes d'or à l'origine douteuses ont été exportées entre 2000 et 2008. L'un des principaux facteurs explicatifs de cette prégnance de la filière illégale en Guyane française tient à la porosité de la filière légale qui, par manque de mesure appropriée, blanchit l'or extrait illégalement. Ainsi, à l'heure actuelle, l'or illégalement produit peut facilement intégrer la filière légale ; avant l'expédition vers la métropole, il est blanchi. Il est donc primordial d'améliorer la traçabilité de la filière or.

À cet égard, je voudrais me réjouir de l'adoption, dans la loi de finance de 2011, de l'amendement de Mme Taubira visant à étendre à la Guyane l'application de la loi de 1971 sur la garantie des métaux précieux permettant la traçabilité de l'or produit en Guyane et l'assèchement des circuits par lesquels l'or issu de l'orpaillage clandestin pénétrait les circuits légaux. Dorénavant, les circuits de l'or illégal et de l'or légal seront identifiables. On peut d'ailleurs se demander pourquoi cette disposition sur la traçabilité n'a pas été appliquée plus tôt en Guyane, territoire où l'on extrait le plus d'or.

Je me réjouis aussi de la ratification imminente de cet accord signé en décembre 2008. Les dispositions qu'il contient sont ambitieuses : la moindre activité d'orpaillage sera soumise à une autorisation, aussi bien en Guyane qu'au Brésil. Il y aura davantage de contrôles drastiques au sein des entreprises d'orpaillage. Les contrôles des transporteurs sur le fleuve seront plus soutenus et, enfin, de plus amples mesures pénales seront prises à l'encontre des contrevenants. Pour autant, la coopération doit se donner les moyens d'être efficace. Aussi, plusieurs problèmes devront être réglés du côté français. Les procédures doivent, par exemple, obligatoirement passer par la métropole, ce qui complique et ralentit l'action sur place. Les traducteurs dont dispose le système judiciaire en Guyane ne sont pas juristes et les traductions littérales aboutissent souvent à des non-sens, des contresens et, au final, les procédures se trouvent entachées de nullité. Sur place, la gendarmerie, confrontée à des difficultés de recrutement local, ne dispose pas toujours du matériel adapté et conforme à la réalité et à la particularité du terrain guyanais.

L'une des réponses incontournables contre l'orpaillage illégal se trouve dans les politiques de codéveloppement avec le Brésil et avec le Surinam. Il faut également renégocier le schéma directeur minier qui, dans sa version actuelle, met sous cloche une partie de la Guyane en interdisant toute exploitation, ce qui a pour effet d'attirer l'orpaillage clandestin, aucune autre protection n'étant assurée.

Les élus guyanais ont unanimement la même position, tout en reconnaissant le caractère indispensable du SDOM pour maîtriser l'activité aurifère.

Ces questions de zonage de l'activité aurifère poussent à se poser la question de la définition d'une stratégie aurifère en Guyane afin de pouvoir concilier le plus harmonieusement possible l'objectif de préservation de l'environnement, indispensable, avec l'ambition d'un développement économique fondé sur la manne aurifère.

Pour combattre l'orpaillage clandestin, il faut des interventions soutenues des deux côtés de la frontière. Le Brésil dispose aujourd'hui des moyens pour mettre en oeuvre une politique offensive de lutte contre ce fléau.

Il existe toujours les bases-vie indispensables aux garimpeiros, qui peuvent ainsi en très peu de temps reconstituer leur équipement et réinvestir la forêt pour reconstruire et rouvrir les chantiers neutralisés par la force publique. Il convient d'ailleurs de saluer le travail des gendarmes et de l'armée, mené dans des conditions très difficiles, vous l'imaginez, et avec un grand professionnalisme.

La ratification de ce traité est un moment important, mais, pour être mis en oeuvre – Christiane Taubira a insisté sur ce point et le Gouvernement doit l'entendre –, il devra être politiquement soutenu par la France pour interpeller avec détermination notre voisin brésilien afin que l'on développe des actions concertées des deux côtés de la frontière.

Les députés communistes et du Parti de Gauche voteront dont la ratification de cet accord. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La discussion générale est close.

La parole est à M. le ministre.

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, ministre chargé des affaires européennes

Je vous remercie, madame la rapporteure, de votre intervention.

Sur la largeur de la bande, il s'agit bien d'une bande située le long de l'Oyapock et large de 150 kilomètres, mais nous sommes ouverts au fait de travailler encore sur les différentes zones. C'est une première étape et ce dispositif pourrait éventuellement être complété par un accord similaire avec le Surinam le long du Maroni.

Les registres prévus à l'article 3 sont bien un outil pour lutter contre le blanchiment, puisque cela permettra un contrôle plus efficace qui devrait fournir la base d'une coopération, notamment entre les deux forces de l'ordre. Il s'agit de mettre un terme à la situation actuelle dans laquelle de nombreuses activités liées à l'orpaillage ne sont pas contrôlées, notamment celles des entreprises de négoce d'or. Les registres permettront de tracer les entrées et les sorties.

Quant aux actions de formation, l'objectif, vous l'avez très bien relevé, est notamment de favoriser le développement économique transfrontalier entre les entreprises françaises et brésiliennes, notamment dans des activités de recherche et d'exploitation aurifères. Nous sommes bien sûr à votre disposition pour compléter ce point.

Je remercie M. Beaudouin, qui a souligné l'engagement ancien du Président de la République sur ce sujet.

Je remercie M. Hillmeyer de son soutien et de sa présentation très précise des dégâts occasionnés par l'exploitation aurifère illégale, ce qui était également votre cas, monsieur Lecoq. Vous avez notamment détaillé avec une grande précision la façon dont le mercure entraînait des séquelles à la fois sur l'environnement et les populations contaminées : malformations, troubles nerveux.

Je remercie enfin M. Bataille pour son soutien et je l'assure de la volonté déterminée de la France à faire vivre ensuite cet accord, ce qui est évidemment la seule ambition qui doit nous porter collectivement.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Taubira

Les registres, monsieur le ministre, permettront certainement de lutter contre le blanchiment. L'Assemblée a adopté dans le cadre de la loi de finances un amendement que j'ai présenté permettant la traçabilité de l'or, par application de la loi de 1971, sauf que, pour que cette disposition soit effective, il faut ouvrir un bureau de garantie des métaux précieux. Sinon, il n'y aura pas de miracle.

Dans le même ordre d'idées, il faut harmoniser les législations sur le commerce de l'or non transformé mais aussi sur le contrôle de la navigation sur le fleuve, dont les conditions doivent être identiques. Dans le cadre du Grenelle 2, l'Assemblée a adopté à l'unanimité un amendement que j'avais présenté, prévoyant un décret du Conseil d'État définissant les conditions de navigation sur ces fleuves. Ce décret n'est pas encore publié.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

J'ai reçu de M. Yves Cochet et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine une motion d'ajournement, déposée en application de l'article 128, alinéa 2, du règlement.

La parole est à M. Yves Cochet.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous ne pouvons évidemment qu'être favorables à la ratification de cet accord, qui prévoit notamment un contrôle accru des activités de négoce de l'or et des commerces de matériel d'extraction de l'or, de l'activité de transporteur sur le fleuve, ainsi que l'adoption de mesures pénales.

Je tiens à saluer votre travail et votre engagement constant sur cette question, madame la rapporteure. Nous sommes satisfaits que vous ayez obtenu que l'examen du texte soit accompagné d'un débat, alors qu'il était prévu en procédure simplifiée. Le rapport dont vous êtes l'auteur, publié en mars 2000 sous le nom de L'or en Guyane : Éclats et artifices, proposait vingt-huit recommandations précises permettant une évolution de la situation. Ces recommandations restent des références et devraient être reprises dans ce projet de loi.

Si nous avons tout de même voulu déposer une motion d'ajournement, c'est essentiellement en raison du manque de moyens prévus à la source, en Guyane.

Plusieurs textes, traités, accords de coopération ont été déjà votés. Celui-ci en est un de plus. Cependant, peu d'actions concrètes ont été réalisées dans ce sens. Outre la nécessité d'une action coordonnée des deux pays pour éviter les impacts de l'exploitation minière illégale, et même si une coopération bilatérale accrue est la bienvenue, il faudrait renforcer les moyens d'actions pour une meilleure gestion concertée des aires protégées amazoniennes.

Ce texte pourrait donc être à nouveau examiné pour nous permettre de mieux appréhender les réalités sur le terrain afin de renforcer les moyens appropriés. La commission ne s'est en effet réunie que hier matin et je n'ai déposé cette motion de procédure que ce matin, à la première heure.

Certes, les Présidents Lula et Sarkozy avaient signé le 23 décembre 2008 un accord bilatéral de coopération en matière de lutte contre l'orpaillage illégal en Amazonie, à l'origine d'une forte pollution des rivières en Guyane, et il était temps que cet accord se traduise par voie législative, mais, au lieu de préciser à nouveau des dispositions pénales qui existent déjà, il aurait peut-être mieux valu faire un geste pour la Guyane, sa population et sa biodiversité, en proposant au Brésil de mettre en place une politique de coopération judiciaire transfrontalière.

Des mesures répressives ont en effet déjà été mises en place, sans succès. La République française avait lancé, en février 2008, les opérations Harpie. Ce dispositif visait à démanteler les réseaux logistiques soutenant l'orpaillage clandestin et à poursuivre leurs auteurs devant la justice. Selon certaines ONG de terrain, ces opérations se sont soldées par la saisie de 19 kilos d'or et de 193 kilos de mercure, mais l'opération a fait long feu. Moins de quatre mois après son lancement, et en dépit des engagements fermes du Président de la République dans son discours de Camopi, les effectifs ont été allégés dès le mois de juillet 2008. L'opération Harpie n'a donc permis qu'une baisse très temporaire de l'activité d'orpaillage clandestin, sans aucun effet significatif sur le long terme.

Il faudrait d'ailleurs élargir la réflexion avec le Surinam. Avant de s'inquiéter des trafics avec le Brésil, il pourrait d'ores et déjà mettre les moyens en amont, sur les territoires indiens, pour que les trafiquants ne puissent même pas traverser la frontière. Il faudrait pour cela toucher à des réseaux mafieux très bien implantés de part et d'autre de l'Oyapock et du Maroni, et mettre au grand jour toutes les ramifications politiques qui s'y rattachent.

Quelques mots, car elles ont déjà été évoquées, sur les conséquences environnementales et sanitaires de l'exploitation aurifère, notamment illégale.

La ruée vers l'or n'est malheureusement pas finie. Tout ce qui brille continue de fasciner et de susciter des instincts prédateurs. On peut d'ailleurs s'interroger sur cette fascination. Bien sûr, l'or, en tant que métal, intervient dans quelques technologies, y compris les nouvelles, mais, dans le ciel symbolique de toutes les civilisations, et quel que soit d'ailleurs le niveau de richesses des uns et des autres, il a toujours fasciné. Ce n'est pas vital mais cela fascine. N'étant pas un ethnologue à la petite semaine, je n'en dirai pas plus.

Depuis la fin des années 90 et la hausse du cours de l'or, il y aurait, selon les ONG, plusieurs milliers voire 12 000 ou 15 000 garimpeiros travaillant illégalement sur le territoire de la Guyane.

Déforestation, pollution des fleuves, destruction de l'écosystème, criminalité – trafic de stupéfiants, prostitution, homicides –, les ravages de l'orpaillage sont nombreux et déstructurent une partie de la tradition ethnique sur place.

Pour extraire un kilo d'or, on utilise 1,3 kilo de mercure, dont 30 % se retrouvent dans la nature et empoisonnent toute la chaîne alimentaire, jusqu'aux humains eux-mêmes. Des études réalisées sur les cheveux des enfants ont fait apparaître des taux de mercure deux fois supérieurs à la norme fixée par l'Organisation mondiale de la santé.

Les populations de cette région sont victimes d'un empoisonnement au mercure, qui engendre la maladie dite de Minamata. Cela fait référence à ce qui s'était passé, dans les années 50, au Japon, durement frappé actuellement par les catastrophes. Les habitants de Minamata avaient ingéré des poissons eux-mêmes empoisonnés. Les remontées le long de la chaîne trophique sont terribles. Ce sont les poissons carnassiers que nous mangeons qui peuvent provoquer ce type de maladies chez les humains.

Le mercure est utilisé par les orpailleurs pour amalgamer les paillettes d'or. Après avoir été chauffé avec l'or, il s'évapore et, en refroidissant, retombe et pollue tout l'environnement, principalement les cours d'eau – M. Lecoq l'a dit excellemment. La déforestation induite par l'orpaillage libère également du mercure déjà présent à l'état naturel.

D'autres questions de santé publique sont liées à l'orpaillage, comme le développement ou la recrudescence du paludisme de la tuberculose ou de la dengue. Du point de vue de l'environnement, la situation se dégrade donc sérieusement. La réserve des Nouragues, la plus grande réserve naturelle de France, est envahie par des sites d'orpaillage illégal.

Quelques problèmes restent à résoudre, et tel est l'objectif de cette motion de procédure. Nous avions d'ailleurs déposé en mars 2004 – vous vous en souvenez, madame la rapporteure – une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur l'orpaillage en Guyane, n° 1503, qui reprenait ces différents points.

Premier point, la politique de zonage de la Guyane. Il y a un choix à opérer entre le développement d'une activité minière dépendant du cours de l'or au niveau mondial, dont l'activité et la rentabilité peuvent être considérées comme marginales ou non, et le développement de pôles de poly-activités centrés par exemple sur l'écotourisme et la valorisation soutenable de la forêt primaire.

Deuxième point, l'absence de politique minière. La ressource aurifère est exploitée à court terme sans qu'il soit tenu compte des autres utilisations possibles de l'espace. L'absence de politique de l'État, représenté entre autres par la DRIRE, pousse les opérateurs ne disposant ni des moyens de formation adéquats ni de budget d'investissement pour se fournir en techniques moins polluantes à subir la pression des orpailleurs clandestins, ce qui favorise l'affaissement des frontières entre orpaillage légal, et propre, si l'on peut dire, et orpaillage illégal.

Troisième point, l'inefficacité de la politique de répression. Il n'y a pas assez de moyens, notamment aériens – des hélicoptères –, pas non plus de contrôle fluvial sur barges flottantes. Nous pourrions comparer les moyens consacrés à cette lutte avec ceux dévolus au centre spatial de Kourou.

Où vont les ressources extraites de l'exploitation minière légale ou illégale ? A-t-on essayé d'identifier l'origine du matériel détruit sur place par les opérations Anaconda ? Quels sont les bénéficiaires des ressources financières tirées de cette exploitation qui ne profite pas aux populations de Guyane ? L'exploitation minière ne participe pratiquement pas au développement de la Guyane, malgré les taxes professionnelles ou le système d'imposition, qui ne reflètent pas la réalité de la production. L'absence de réglementation de la commercialisation et d'analyse des comptes encourage les circuits parallèles.

Nous proposons davantage de coopération. Ce texte est un pas en ce sens mais encore insuffisant. Il faut – cela a été dit sur tous les bancs – favoriser des politiques de co-développement entre la France et le Brésil, qui permettraient d'offrir à celles et ceux tentés par le mirage de l'or illégal en Guyane des alternatives socio-économiques plus dignes et plus durables.

Il faudrait également réfléchir à un accompagnement dans la démarche de traçabilité de l'or avec l'ensemble des acteurs de la filière, des producteurs jusqu'aux joailliers. Cela permettrait de garantir, à terme, une origine contrôlable des produits – bijoux, médailles… – à base d'or. Dans l'immédiat, il conviendrait d'appliquer sur le territoire guyanais la « loi de la garantie » des articles 521 à 553 bis du code général des impôts, qui oblige les négociants à renseigner sur l'identité de leur vendeur d'or dans le registre officiel.

Enfin, il conviendrait de mettre en place une interface entre la société civile, les collectivités territoriales et l'État afin de permettre le suivi quantifié de l'emprise des exploitations aurifères illégales sur l'ensemble de la Guyane.

Pour toutes ces raisons, en dépit d'un texte et d'un rapport intéressants, parce que la cause est importante, je vous invite, mes chers collègues, à voter cette motion d'ajournement.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Taubira

Je remercie tous les orateurs, M. Hillmeyer, M. Beaudouin et, au nom de notre groupe, M. Bataille, pour la qualité de leurs interventions, qui nous ont permis de couvrir la totalité des problématiques. Je ferai une mention particulière à M. Lecoq, avec qui nous avons travaillé beaucoup plus en amont : il s'est rendu en Guyane, a été en forêt avec les forces de gendarmerie. Sa contribution à ce travail a été significative.

Je remercie également M. Cochet. Une motion d'ajournement est certes un élément de contrariété, mais sa présentation a contribué à bien faire prendre en considération l'importance du sujet.

Je considère moi aussi, monsieur Cochet, que cet accord est conclu a minima et que nous aurions pu aller au-delà. Les dispositions complémentaires à prendre seront en définitive très peu nombreuses puisque l'arsenal législatif suffit pratiquement à l'application de l'accord.

Celui-ci aurait pu afficher une ambition bien plus grande. L'activité aurifère ressortit à plusieurs codes : code minier, code des douanes, code de l'environnement et, accessoirement, code pénal et code de procédure pénale. Les améliorations sont mitigées. Par exemple, nous avons certes adopté un amendement de traçabilité mais sans mettre en place l'outil opérationnel qui le rendrait effectif. En outre, il reste à faire sur le contrôle du négoce de l'or et la navigation.

Actuellement, personne ne sait si les fleuves du Maroni et de l'Oyapock sont navigables ou non. Ils ne sont pas inclus dans la nomenclature nationale des cours d'eau, de sorte que les conditions de navigation ne sont pas assurées. Des gamins se rendent pourtant à l'école par le fleuve, devant parfois faire un trajet de plus de trente minutes en canot. C'est le conseil général qui assure le transport scolaire, ce qui comprend, en l'occurrence, le transport scolaire fluvial. Ces canots transportent des gamins, avec des gilets de sauvetage, heureusement, mais sans être couverts par une assurance, car le statut de ces fleuves n'est pas précisé. Nous aurions pu, à la faveur de cet accord, avancer sur leur statut – c'est l'objet d'un décret en Conseil d'État prévu par un amendement voté lors de la discussion de la loi Grenelle 2 mais toujours pas publié – et harmoniser les législations de la France et du Brésil.

Des patrouilles conjointes – non des patrouilles communes, qui poseraient des problèmes au point de vue des conventions internationales – sont prévues, avec le Surinam, dans l'accord, ainsi que des dispositifs opérationnels, y compris financiers.

Nous aurions pu témoigner de beaucoup plus d'ambition. Raison de plus pour insister de façon que le Brésil ratifie très vite cet accord a minima et montre quelques signes de sa volonté réelle et pratique de lutter contre cette activité.

Il me reste à rappeler que la commission des affaires étrangères a voté à l'unanimité l'approbation de cet accord.

(La motion d'ajournement, mise aux voix, n'est pas adoptée.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(L'article unique du projet de loi est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

L'ordre du jour appelle la discussion de quatre projets de loi, adoptés par le Sénat, autorisant l'approbation de quatre accords instituant des partenariats de défense avec la République du Cameroun, la République gabonaise, la République togolaise et la République centrafricaine (nos 3194, 3308, 3289, 3195, 3286, 3290, 3196, 3309, 3291, 3197, 3310, 3292).

La conférence des présidents a décidé que ces quatre textes donneraient lieu à une discussion générale commune.

La parole est à M. Laurent Wauquiez, ministre chargé des affaires européennes.

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, ministre chargé des affaires européennes

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, j'ai l'honneur de soumettre à votre assemblée la proposition de ratification des accords de partenariat de défense entre la France et quatre pays africains : le Togo, le Cameroun, le Gabon et la République centrafricaine. C'était une exigence de transparence qu'avait souhaitée le Président de la République et qui constitue une avancée importante en termes de droit d'information du Parlement. Nos discussions aujourd'hui en sont l'illustration.

Par ailleurs, il est évident que la crise actuelle en Côte d'Ivoire illustre à nouveau – j'y reviendrai – cette aspiration au changement.

Jusqu'ici, les accords de défense n'étaient pas intégralement publiés, les clauses en demeuraient majoritairement secrètes. Ce qui change, c'est que nous sommes aujourd'hui dans la transparence, avec l'examen conjoint d'accords de partenariat de défense devant la représentation nationale.

Comment ne pas voir, en effet, que la donne a totalement changé ? La crise en Côte d'Ivoire en est la plus belle illustration, avec cette aspiration démocratique qui monte et les positions prises par les organisations régionales en faveur du respect de la démocratie dans ce pays.

La France, l'Europe et l'Afrique sont confrontées à des enjeux similaires : les enjeux climatiques, ceux liés aux trafics, les questions d'immigration, de développement, de coopération économique. Nos deux continents s'inscrivent donc dans un même dessein qu'il convient de construire ensemble, ce qui suppose de rénover nos liens, de refonder cette relation sur des bases plus saines, de renoncer aux vieux démons.

Les contours de cette renégociation ont été définis lors d'un discours du Président de la République en Afrique du Sud il y a deux ans, le 28 février 2008. C'est ce discours fondateur qui marque la modernité et la nouveauté de nos relations transcontinentales. Il y était notamment précisé à quel point le lien entre l'Europe et l'Afrique était indissociable, à la fois pour notre prospérité et notre sécurité.

Ces accords reposent sur deux piliers. D'abord, ils ne comporteront plus de « clause de sécurité », c'est-à-dire de référence à une éventuelle intervention dans une crise intérieure. Ce type de clause ne correspond plus à la situation de l'Afrique d'aujourd'hui, où s'affirme de plus en plus la volonté de voir prédominer les systèmes de sécurité collective des Nations unies et de l'Union africaine. C'est d'ailleurs dans ce cadre que nos forces sont intervenues en Côte-d'Ivoire.

La crise en Côte d'Ivoire illustre en effet particulièrement bien ce point. Cette crise a été gérée par la CEDEAO et l'Union africaine dans le cadre des résolutions des Nations unies. Nos forces, en effet, ne sont intervenues que sur mandat du Conseil de sécurité des Nations unies et à la demande de l'ONUCI. C'est seulement parce que l'ONUCI s'est tournée vers nous, en nous disant qu'elle n'était pas capable d'intervenir de façon efficace sur le terrain sans un soutien rapide des forces françaises, que nous avons décidé d'intervenir.

Nous avons décidé de le faire car les populations civiles étaient menacées par un usage inacceptable des armes lourdes, canons, mortiers tournés contre les populations et ayant déjà fait plus de 500 morts.

Notre volonté est claire. C'est ce que l'on peut appeler une « diplomatie du devoir » : assumer son devoir quand il s'agit de la protection des populations civiles ; assumer son devoir quand, dans le cadre d'une organisation régionale, il est fait appel à la France pour favoriser une transition démocratique ; assumer son devoir quand cela peut être fait dans un cadre défini par les Nations unies ; renoncer ainsi à une passivité coupable, renoncer à fermer les yeux, tentation à laquelle les diplomaties européennes ou occidentales ont trop souvent cédé par le passé.

Comme le dit le Président de la République : « Je propose que la présence militaire française en Afrique serve en priorité à aider l'Afrique à bâtir son propre dispositif de sécurité », son propre avenir. C'est ce que fait Alain Juppé, inlassablement, dans le cadre de cette crise en Côte d'Ivoire.

La renégociation des présents accords a débuté en janvier 2009 et concerne huit pays. En l'état actuel des choses, quatre ont abouti. Permettez-moi de présenter tout d'abord les caractéristiques nouvelles.

Ces accords sont tous constitués d'un seul texte qui abroge toutes les conventions antérieures. Si plus aucune disposition pouvant conduire à une intervention dans une crise intérieure ne s'y trouve – je l'ai dit –, ils comportent des dispositions relatives au statut des membres du personnel et prévoient l'association de l'Union européenne.

L'accord conclu avec le Togo est un cas type : il correspond au dispositif de base commun à tous les pays, centré sur la coopération militaire.

L'accord signé avec le Cameroun est un peu différent de celui conclu avec le Togo, dans la mesure où la France dispose d'une mission logistique militaire à Douala.

Les accords de partenariat de défense avec le Gabon et la République centrafricaine sont spécifiques dans la mesure où ces deux pays accueillent des troupes françaises, de manière permanente pour le Gabon, dans le cadre d'une OPEX pour la République centrafricaine.

S'agissant du Gabon, le nouvel accord présente notamment deux particularités. Il contient une annexe relative aux facilités opérationnelles accordées aux forces françaises stationnées dans le pays. En outre, le préambule de l'accord fait référence aux mécanismes africains de sécurité collective. Je rappelle que la signature de cet accord ne modifie pas le dispositif des forces françaises présentes au Gabon.

Enfin, s'agissant de l'accord conclu avec la République centrafricaine, contrairement aux précédents accords avec ce pays, il ne comporte pas de clause d'assistance en cas d'exercice de la légitime défense, mais de simples échanges de vues sur les moyens d'y faire face.

Ces accords sont totalement transparents, publics, et tournés vers le soutien au développement des capacités militaires africaines. Il ne s'agit plus d'« accords de défense » mais d'accords de « partenariat de défense ». Au-delà des mots, c'est la philosophie de notre coopération avec l'Afrique qui change. Au moment où la crise en Côte d'Ivoire s'achemine, nous l'espérons, vers son dénouement, il est particulièrement intéressant de voir à quel point cette crise est l'illustration de la nouvelle donne que souhaite mettre en place cette diplomatie française du devoir. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à M. Michel Terrot, rapporteur de la commission des affaires étrangères pour les accords avec le Cameroun, le Togo et la République centrafricaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Terrot

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, Nicolas Sarkozy avait annoncé en février 2008, dans son discours du Cap, la révision des accords de défense qui lient la France à un certain nombre de pays africains. En ce qui concerne le Cameroun, la République centrafricaine, le Gabon, la République du Togo et l'Union des Comores, les négociations ont d'ores et déjà été conclues, et le Gouvernement peut aujourd'hui soumettre à la représentation nationale les accords correspondants signés avec les quatre premiers. Le Président de la République avait insisté sur le fait que ces accords de défense étaient obsolètes, qu'ils dataient d'une période révolue – la fin de la colonisation –, et qu'ils ne répondaient plus aux exigences du temps présent. Ainsi, les mécanismes d'automaticité, selon lesquels notre pays pouvait être amené à intervenir dans un pays africain, étaient devenus inacceptables. Il fallait fonder notre relation sur un véritable partenariat, d'égal à égal. De fait, la lecture des textes en vigueur montre le caractère fortement daté de certaines de leurs dispositions.

Ce qui nous est proposé pour l'avenir, et le cadre dans lequel les nouvelles dispositions s'inscrivent, est radicalement différent. Je vais retracer la logique qui a conduit à la révision de nos accords bilatéraux.

Il faut rappeler, tout d'abord, que nous entretenons avec ces pays, depuis leur indépendance, une coopération militaire aujourd'hui encore conséquente. Le Cameroun est celui avec lequel nous avons la coopération la plus importante, suivie du Togo, assez loin devant la République centrafricaine. Ces coopérations bilatérales se concentrent désormais essentiellement sur des actions de formation, sur place ou dans les écoles nationales à vocation régionale, ou bien encore en France, où nous recevons chaque année de nombreux stagiaires africains dans différents cycles. Notre coopération de défense porte également sur le conseil de haut niveau, sur l'aide à la réorganisation des forces armées ou encore sur l'appui logistique.

Si cette coopération nous a permis de conserver une forte influence dans ces pays, elle a aussi considérablement évolué depuis la signature des premiers accords au sortir des indépendances, et surtout depuis quelques années, au moins sur deux aspects. En effet, d'une part, nous avons de moins en moins de personnels civils sur place – quelques coopérants tout au plus – et les forces en présence sont passées de 30 000 à 6 000 hommes entre le début des années 60 et aujourd'hui, effectifs appelés à se réduire encore selon ce qu'a prévu le Livre blanc ; d'autre part, l'objet même de notre coopération militaire a changé, prenant en compte la dimension régionale des problématiques de défense africaine et la nécessité de s'inscrire dans une approche de plus en plus multilatérale.

Il faut souligner l'importance du programme RECAMP – renforcement des capacités africaines au maintien de la paix –, lancé par la France au cours des années 1990 pour former, équiper et entraîner les forces armées des pays africains – pas seulement ceux du champ, il faut le souligner – pour qu'elles soient en mesure d'assurer la sécurité du continent, dans un cadre global, en coordination avec les organisations internationales, Nations unies et Union européenne notamment. L'importance de la collaboration, du dialogue et de l'échange entre des pays qui sont confrontés à des situations et des difficultés comparables, la nécessité d'une diplomatie africaine préventive afin d'anticiper les crises et de réduire les tensions, sont inscrites dans le programme RECAMP, qui ambitionne d'aider les États africains à assumer eux-mêmes le rôle principal dans les opérations de maintien de la paix sur leur continent, notamment dans le cadre onusien.

Dans cette architecture, l'Union africaine est un acteur essentiel. Dès sa constitution en 2002, elle a fait des questions de défense et de sécurité un axe majeur de son action. Le Conseil de paix et de sécurité a été institué, sur le modèle du Conseil de sécurité des Nations unies, ainsi que la force africaine en attente – la FAA –, qui traduit la volonté des pays membres de l'Union africaine de se doter de capacités opérationnelles de prévention et de gestion des crises sur le continent, susceptibles d'être déployées selon divers scénarios, avec ou sans le soutien des Nations unies. Nous en sommes évidemment encore au tout début de la mise en place de ce schéma, et les moyens des pays africains leur permettent difficilement d'atteindre les objectifs au rythme qu'ils auraient souhaité. La date à laquelle la force africaine devait être opérationnelle a d'ailleurs récemment été repoussée à 2015. Mais un chemin est tracé, qui répond à une volonté des pays africains eux-mêmes, et cet aspect est essentiel à relever.

Il est tout aussi important de souligner que, par ses actions de coopération structurelle ou opérationnelle, notamment au profit des brigades régionales de la force africaine en attente, notre coopération bilatérale de défense s'est orientée de plus en plus vers le soutien à la montée en puissance de dispositifs proprement africains. La logique de l'évolution que la France n'a cessé d'imprimer à sa politique africaine en matière de défense, au long de ces dernières années, devait conduire naturellement à la révision de nos accords de défense bilatéraux. M. le ministre l'a rappelé : il fallait mettre en cohérence notre politique et les bases juridiques sur lesquelles elle s'articule avec chacun de nos partenaires.

C'est précisément pourquoi les nouveaux accords de défense qui sont soumis à notre examen s'inscrivent explicitement en soutien des mécanismes africains de sécurité collective et de maintien de la paix dans leurs dimensions continentale et régionale. Ces accords bilatéraux engagent désormais la France et ces pays dans un partenariat de défense exclusivement tourné vers la paix et la sécurité durables de la région, et vers la constitution de la force africaine en attente, à laquelle les parties pourront associer des pays voisins, des membres de l'Union européenne, voire, dans le cas de l'accord avec le Cameroun, des contingents placés sous mandat de l'ONU ou de diverses organisations régionales. À cet égard, les préambules sont tout à fait précis, fixant comme cadre général, le partenariat stratégique Afrique-Union européenne, adopté lors du sommet de Lisbonne en décembre 2007, qui ambitionne de construire une paix et une sécurité durables en Afrique et en Europe, et indiquant que l'objectif est de rendre opérationnelle l'architecture africaine de paix et de sécurité sous la conduite de l'Union Africaine, avec un soutien aux mécanismes africains de sécurité collective et de maintien de la paix dans leurs dimensions continentale et régionale.

Il s'agit par conséquent, aux termes de ces accords, de conduire des activités de coopération, relevant essentiellement de la formation, de l'entraînement, du conseil et du soutien logistique en faveur de la réalisation d'un objectif qui est précisément défini. Ces activités de coopération sont détaillées aux articles 4 des accords. Comme M. le Président de la République s'y était engagé, on ne retrouve plus dans ces textes aucune des dispositions contestables d'autrefois, relatives à l'intervention des forces françaises dans tel ou tel pays pour rétablir l'ordre : il ne s'agit plus désormais que de défense et à aucun moment de maintien de l'ordre public. Nous ne retrouvons pas plus l'obligation pour l'un de ces pays de se tourner vers la France de manière plus ou moins exclusive en matière de formation de ses cadres militaires ou pour garantir ses approvisionnements en matériels ou sa logistique. On mesure donc l'ampleur du changement qui trouve ici une traduction juridique difficilement contestable. Cela mérite d'être salué.

Voilà ce que je souhaitais relever s'agissant du contenu de ces accords, qui sont, je le crois, porteurs d'une dimension politique. Ils marquent un tournant important dans la relation de la France avec ses partenaires africains car ils contribuent clairement à solder un passé encore empreint des traces d'un certain colonialisme. Le Président de la République avait appelé de ses voeux un réel partenariat entre la France et les pays d'Afrique, basé sur des relations plus équilibrées, respectueuses de la souveraineté de chacun. Ces accords répondent tout à fait à cet impératif ; ils prennent aussi en compte la dimension désormais profondément régionale et multilatérale des problématiques dont ils traitent.

Vous aurez compris, mes chers collègues, que je vous invite sans réserve à en autoriser l'approbation. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à M. Robert Lecou, rapporteur de la commission des affaires étrangères pour le traité France-Gabon

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Lecou

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le traité franco-gabonais instituant un nouveau partenariat de défense ne peut être analysé sans faire référence à la réforme qui touche nos bases de défense à l'étranger, mouvement d'une ampleur sans précédent. Notre pays a compté jusqu'à sept bases sur le continent africain et 30 000 hommes. Aujourd'hui, notre dispositif s'est réduit, avec trois bases et 6 000 personnels déployés.

Selon l'engagement du Président de la République, confirmé par la loi de programmation militaire, nos implantations de défense à l'étranger vont être encore adaptées pour compter, d'ici à 2014, trois bases permanentes – à Djibouti, aux Émirats arabes unis et au Gabon –, voire deux centres de formation régionaux au Sénégal et au Tchad. Au total, ces différentes implantations devraient réunir un peu plus de 4 000 personnes.

Je veux dire ici que ces chiffres ne sauraient être interprétés comme un recul ou un désengagement de notre pays du continent africain. On n'insiste que trop rarement sur cette spécificité, que la France ne partage qu'avec les États-Unis et la Russie, à savoir qu'elle dispose d'emprises territoriales hors de ses frontières pour y stationner des troupes et des matériels militaires. À l'heure actuelle, ni la Chine, ni l'Inde, ni le Brésil n'ont et ne souhaitent officiellement avoir de bases de défense à l'étranger. Les Britanniques, de leur côté, ont, en pratique, abandonné cette idée, ne conservant que quelques postes avancés de taille modeste.

Or cet effort considérable consenti par la France, qui honore par là son statut de membre permanent du Conseil de sécurité, restera, y compris après la réforme, tourné vers l'Afrique. Nous maintenons en effet une part très majoritaire de nos forces prépositionnées sur ce continent puisque la future base d'Abu Dhabi comptera moins de mille hommes. Contrairement aux discours pessimistes sur l'avenir de l'Afrique, je crois que ce choix va dans le sens de l'histoire : le continent africain est le continent de l'avenir. Toutes les grandes puissances, notamment les États-Unis et la Chine mais aussi le Brésil, l'Inde, voire la Russie, s'efforcent de développer leur influence en Afrique. La France est le seul pays européen à avoir choisi d'y maintenir une présence notable. De plus, par rapport à ses principaux concurrents, elle y assume une responsabilité militaire particulière, au service des Nations unies et des organisations régionales, et ne se contente pas d'adopter l'attitude parfois prédatrice de certains États. En redessinant la carte de ses bases de défense, la France n'abandonne donc pas l'Afrique ; au contraire, elle rappelle à quel point nos deux destins sont liés.

Évidemment, les questions stratégiques sont l'élément majeur de cette réforme des bases de défense, mais ne nous cachons pas derrière de faux-semblants : la nouvelle organisation de nos forces prépositionnées procède également d'impératifs budgétaires. Les chiffres avancés par le Gouvernement font apparaître une économie cumulée d'environ 47 millions d'euros par an en coûts de fonctionnement. Le chiffre est conséquent, mais nous maintenons en Afrique un dispositif militaire unique pour une puissance étrangère. Pourrait-on économiser plus ? Fermer plus de bases ? Avec une base sur chaque façade du continent : à l'est, à Djibouti, à l'ouest, au Gabon, nos forces peuvent atteindre rapidement n'importe quel point du continent. Un centre opérationnel en moins réduirait nettement notre capacité de projection. De plus, la base d'Abu Dhabi permet à notre pays d'assurer une présence militaire permanente dans une région hautement stratégique, à proximité, notamment, du détroit d'Ormuz.

Peut-on estimer que les bases sont des structures militaires inutiles ? Il suffit de constater que les troupes déployées cette semaine en Côte d'Ivoire pour assurer la sécurité des 12 000 Français qui y résident venaient en partie de Libreville, pour se convaincre que non. Le continent africain abrite plus de 200 000 de nos concitoyens, et des situations comme celle qui a malheureusement enflammé récemment Abidjan pourraient survenir à nouveau. Il est indispensable, pour assurer cette mission essentielle de l'État qu'est la protection de ses ressortissants, que la France dispose des moyens nécessaires à la projection de sa force dans une région où ses intérêts stratégiques sont si nombreux.

Le traité entre la France et le Gabon participe de cette réforme historique, juste et équilibrée, qui permet à notre pays de disposer de relais de puissance au plus près des zones où son avenir est en jeu.

À l'heure actuelle, 880 militaires français occupent le camp de Gaulle, à proximité de l'aéroport de Libreville. Après la transformation de la base de Dakar en centre de formation, le plafond de mille hommes stationnés au Gabon devrait être atteint. Cette évolution nécessitait évidemment d'être mentionnée dans ce texte qui fixe pour les années à venir notre coopération militaire avec le Gabon.

L'annexe du traité est ainsi entièrement consacrée au statut des forces françaises au Gabon. Celles-ci reçoivent l'assurance de pouvoir bénéficier de toutes les facilités indispensables à l'exercice de leur activité. Tout aussi importantes, des dispositions relatives à nos forces prépositionnées au Gabon accordent un rôle important aux autorités gabonaises, informées des activités de la base et habilitées à demander à tout moment le retrait de nos soldats présents sur le territoire.

Ce nouvel équilibre entre la France et ses partenaires africains est au coeur des nouvelles orientations de notre coopération militaire et stratégique sur le continent. Le traité entre la France et le Gabon est également concerné par cette évolution considérable de notre politique en Afrique.

Comme tous les accords que la France a signés et qu'elle négocie actuellement avec des pays africains, le traité avec le Gabon ne comporte aucune clause prévoyant l'assistance militaire française face à une menace extérieure ni, a fortiori, aucune clause prévoyant l'intervention de nos forces pour des missions de maintien de l'ordre intérieur. Présentes dans des accords anciens, qui seront abrogés par la ratification des nouveaux partenariats de défense, ces clauses ne correspondaient évidemment plus ni à la situation du continent africain ni aux ambitions françaises pour le développement de l'Afrique.

Au Gabon comme ailleurs, la France s'efforce de soutenir le développement de moyens militaires africains, au service notamment des organisations régionales, afin de maintenir la paix et la stabilité sur le continent. Ainsi, à terme, les interventions militaires françaises en Afrique ne devraient plus avoir lieu en dehors d'un mandat de l'ONU ou d'une demande des organisations régionales.

Le traité est parfaitement conforme aux standards internationaux en vigueur dans ce domaine. Les questions clés, notamment la responsabilité en cas de dommages et les modalités de jugement des personnels coopérants coupables d'une infraction, font l'objet des équilibres traditionnels qui visent à respecter la souveraineté des États en protégeant les droits fondamentaux des personnes.

Aucune spécificité majeure n'est à signaler concernant les dispositions les plus techniques du traité du 24 février 2010. Celles-ci visent à faciliter la conduite d'activités en commun, notamment des exercices et des formations de tout genre, sur le territoire de l'une ou l'autre des parties. En réalité, la particularité de ce traité franco-gabonais est précisément de n'en avoir aucune autre que celle liée à la présence de troupes françaises sur le territoire gabonais.

Une telle situation rompt avec les anciens textes qui n'étaient plus dans l'intérêt de notre pays et qui ne correspondaient plus aux aspirations légitimes des Africains. Ces derniers nous l'ont bien signifié lors des négociations suscitées par le reformatage de notre dispositif de bases de défense. Le président sénégalais avait ainsi accueilli très positivement la proposition française de réduire la taille de la base de Dakar et d'en modifier les missions.

Dans l'ensemble, aucune réaction négative n'a été enregistrée suite à l'annonce de ces évolutions qui se sont donc faites, si ce n'est à la demande, en tout cas en concertation avec les Africains.

Mes chers collègues, je suis heureux d'annoncer que la commission des affaires étrangères a donné un avis favorable à la ratification de ce traité, et ce pour deux raisons : d'abord, parce que ce texte permet de lancer le processus de réforme de notre dispositif militaire prépositionné, dont nous avons approuvé les principes et les premières mesures ; ensuite, parce que ce traité symbolise la nouvelle attitude qu'adopte la France dans un continent qui lui est si cher.

Notre coopération ne pourra fonctionner demain que si les pays d'Afrique se sentent respectés en tant qu'États souverains, dotés des moyens d'assurer eux-mêmes leurs missions de sécurité, encouragés dans leur souhait de coopérer sur des questions fondamentales à l'échelle du continent.

Le traité signé par les présidents français et gabonais en février 2010 participe à cette évolution. Sa ratification participerait de ce moment historique. C'est pourquoi, mes chers collègues, je vous demande de l'entériner. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à M. Philippe Folliot, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées pour l'accord France-Cameroun.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Folliot

, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées pour l'accord France-Cameroun. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'examen de ce projet de loi ainsi que des trois suivants a été l'occasion pour notre commission de nous pencher sur l'évolution de notre politique de défense en Afrique.

Comme chacun le sait et comme notre histoire commune en témoigne, ce continent a toujours occupé une place essentielle pour notre pays. Au lendemain des indépendances, la France et nombre de ces nouveaux États ont souhaité conserver des liens étroits. Notre pays a donc maintenu d'importantes forces en Afrique, soit sur une longue durée, avec un dispositif de présence, soit de façon plus ponctuelle, à l'occasion d'opérations extérieures.

Cet investissement est toujours d'actualité, ainsi que l'illustrent les soubresauts que connaît actuellement le continent africain. Cependant, à la suite de l'adoption du Livre blanc sur la défense, les forces françaises de présence en Afrique vont être concentrées essentiellement à Djibouti, Libreville, Dakar, et peut-être, à terme, de manière plus pérenne à N'Djamena. Les effectifs vont être limités à 4 100 personnels.

Parallèlement, c'est aussi le rôle de nos troupes en Afrique qui s'est transformé. En cinquante ans, les États africains ont non seulement renforcé leurs capacités militaires mais également affirmé leur volonté de gérer eux-mêmes les questions de sécurité sur leur continent. Il faut s'en réjouir et en tirer les conséquences.

C'est ce qu'a fait la France en réduisant quantitativement mais non pas qualitativement son dispositif de présence et aussi en accompagnant la construction des armées nationales ainsi que de la force régionale de maintien de la paix et de gestion de crises, dite Force africaine en attente. C'est le sens du dispositif RECAMP, auquel nos partenaires européens se sont joints.

La renégociation des accords de défense liant la France à certains pays africains vient parachever ce processus. Les accords de partenariat négociés avec ces huit pays africains sont fondés sur un modèle unique. En effet, être membre du Conseil de sécurité implique pour notre pays certains droits mais aussi certains devoirs. Nous avons une responsabilité toute particulière vis-à-vis de l'Afrique ; du reste, les événements qui se déroulent en Côte d'Ivoire l'illustrent à bien des égards.

Leur adoption permettra d'abroger les anciens accords de défense. Ceux-ci sont en effet devenus obsolètes et leur maintien suscite inutilement la polémique. Ils prévoyaient généralement une intervention automatique de la France en cas de menace pesant sur la souveraineté territoriale de l'État partenaire, voire, pour certains accords, des clauses d'assistance au maintien de l'ordre qui ne sont plus d'actualité.

En somme, il nous faut aujourd'hui valider une nouvelle étape dans la modernisation des relations de défense entre la France et l'Afrique. Le Président de la République en avait tracé les grandes lignes dans son discours du Cap du 28 février 2008. Ce continent jouera un rôle de plus en plus important et essentiel dans les affaires du monde au XXIe siècle.

Soutenir cette nouvelle étape me semble d'autant plus nécessaire que l'actualité nous montre à quel point la sécurité et le rang de la France sont indissociables de notre présence en Afrique. Nous en avons des illustrations parfaites en Côte d'Ivoire ou dans le Sahel.

En outre, la France est plus que jamais en situation de concurrence stratégique avec d'autres puissances, comme le suggèrent l'investissement sécuritaire américain sur ce continent ou encore l'offensive commerciale chinoise pour y « rafler » les matières premières.

J'en viens au détail de l'accord avec le Cameroun.

Celui-ci partage un tronc commun avec les autres accords : il définit un champ de coopération suffisamment large, règle le statut des personnes et le droit applicable à leur activité.

Ainsi, nos coopérants relèveront du droit camerounais pour leur activité quotidienne. L'utilisation des armes de dotation relèvera du droit camerounais, sauf accord des deux parties pour appliquer le droit français. Enfin, l'accord assure la mise à disposition de moyens immobiliers et logistiques pour la mise en oeuvre de la coopération.

Il diffère des autres accords en ce qu'il définit le statut de personne à charge en fonction du droit du pays d'accueil, ce qui pourrait poser un problème pour nos personnels pacsés. Surtout, il contient une annexe réglant le fonctionnement de la mission logistique française de Douala, essentielle à l'activité de nos opérations extérieures au Tchad et en République centrafricaine.

Je me réjouis de cet accord qui nous permettra d'entretenir la relation de confiance qui unit la France à ce partenaire stratégique qu'est le Cameroun. Je rappelle que ce pays, un condensé d'Afrique à la stabilité remarquable, est le premier bénéficiaire de notre coopération de défense. Malgré des difficultés que nul n'ignore, et la situation spécifique de ce pays qui n'est pas toujours en phase avec nos standards démocratiques, il est un acteur fiable qui sait faire preuve d'efficacité, comme l'illustre la lutte qu'il mène contre les actes de brigandage et de piraterie maritime avec ses bataillons d'intervention rapide.

En conclusion, je crois nécessaire de partager avec vous quelques réflexions.

Tout d'abord, en ce qui concerne l'accord lui-même, je souhaite que le Gouvernement se montre plus précis sur la composition des comités qui assureront le suivi. Notre commission a d'ailleurs décidé d'assurer un contrôle régulier de leurs activités.

Ensuite, je crois que notre devoir est d'engager une réflexion sur les moyens de maintenir notre présence au Tchad puisque l'opération Épervier dure depuis près de trente ans.

Sur un plan plus général, je tiens à souligner que nous devons sanctuariser les moyens pour la coopération bilatérale. La mise en oeuvre d'actions dans un cadre multilatéral ne doit pas nous interdire d'agir directement avec nos partenaires.

Enfin, je souhaite que ce débat engage dans la durée la pleine association du Parlement à la politique de coopération de défense avec l'Afrique tant par le biais des commissions organiques que par les groupes d'amitié.

La commission de la défense, comme le rapporteur, a émis un avis favorable à l'adoption de ce projet de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à M. Philippe Vitel, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées pour le traité France-Gabon.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vitel

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans la lignée des engagements qu'il avait pris pendant la campagne électorale de 2007, le Président de la République, dans son discours au Cap, le 28 février 2008, avait énoncé les quatre principes sur lesquels devait reposer la refondation du partenariat entre la France et l'Afrique.

Les accords de défense « doivent refléter l'Afrique d'aujourd'hui et pas l'Afrique d'hier », ce qui signifie qu'ils doivent désormais reposer sur les intérêts stratégiques de la France et de ses partenaires africains.

Les relations seront fondées sur le principe de la transparence, c'est-à-dire que tous les accords de défense entre la France et les pays africains seront intégralement publiés et soumis au Parlement. C'est ce que nous faisons aujourd'hui.

La présence militaire française doit servir en priorité à aider l'Afrique à bâtir son propre dispositif de sécurité collective.

Enfin, l'Europe doit devenir un partenaire majeur de l'Afrique en matière de paix et de sécurité.

L'accord de défense signé avec le Gabon le 24 février 2010 s'inscrit naturellement dans ce cadre. Il fait partie d'une série de huit, dont quatre sont examinés aujourd'hui, destinés à remplacer les accords signés au lendemain des indépendances africaines avec certaines anciennes colonies françaises.

Comme les autres accords, il ne comprend plus de clause d'assistance mutuelle ou de maintien de l'ordre, conformément à la volonté du Président de la République et des orientations du Livre blanc.

La particularité du Gabon est d'accueillir une importante base française, à Libreville. La France y dispose d'environ 900 hommes, principalement répartis entre le 6e bataillon d'infanterie de marine, un détachement de l'aviation légère de l'armée de terre et un détachement air.

Ces forces jouent un triple rôle : assurer la sécurité de nos 12 000 ressortissants au Gabon ; servir de point d'appui pour d'autres opérations dans la région, par exemple pour l'opération Épervier au Tchad, pour l'opération Licorne en Côte d'Ivoire – au coeur de l'actualité – et pour l'opération Boali en République centrafricaine ; servir également de point d'appui pour la mise en place d'une force aéroterrestre en cas d'opération de première urgence en Afrique centrale ou en Afrique de l'Ouest.

À la suite de la reconfiguration de nos moyens prépositionnés en Afrique, la base de Libreville va devenir notre implantation principale sur la façade occidentale. Elle constituera ainsi l'un de nos deux pôles à dominante logistique, de coopération et d'instruction sur le continent africain dont le Livre blanc avait prévu la mise en oeuvre. Notre présence y sera renforcée à partir de mi-2011. Son coût annuel passera par conséquent de 57 à 75 millions d'euros.

Les forces françaises au Gabon conduisent au profit des forces gabonaises des actions de coopération opérationnelle fortement orientées vers le soutien aux opérations et l'entraînement des unités. Ces actions s'inscrivent de plus en plus dans le cadre régional de la Communauté économique des États de l'Afrique centrale, en particulier par l'appui et la montée en puissance des structures régionales de la Force africaine en attente.

Au total, plus de 5 500 militaires ont ainsi été instruits, l'année dernière, par les forces françaises au Gabon. Le budget consacré par l'état-major de nos armées à ce type de coopération s'élève à 1,4 million d'euros, pour 13 600 militaires formés.

Dans le cadre de la coopération structurelle, conduite par la direction de la coopération de sécurité et de défense du ministère des affaires étrangères, on peut souligner que le Gabon bénéficie, en 2011, d'un budget de 4,14 millions d'euros. Ce budget de coopération structurelle se traduit par la mise à disposition de vingt coopérants permanents – principalement à l'école d'état-major de Libreville et dans les hôpitaux militaires –, l'attribution d'une aide logistique directe, ; l'appui aux projets par la réalisation de douze missions de renfort temporaires – MRT –, et la formation de trente-quatre stagiaires : seize en France et dix-huit dans les écoles nationales à vocation régionale en Afrique, les ENVR.

Touchant tous les domaines de la défense gabonaise, cette coopération vise à accompagner l'effort du pays dans la constitution de son outil de défense par la formation, la restructuration des forces et le soutien institutionnel, et à soutenir son action au bénéfice de la sécurité régionale et de sa participation aux opérations de soutien de la paix sur le continent.

Un soutien aux forces armées est également dispensé par la valorisation de l'aviation légère des armées, outil important dans ce pays car l'aviation répond de manière efficace aux problèmes de mobilité posés par un territoire difficilement accessible. Je rappelle qu'il compte 1,5 million d'habitants sur un territoire de 267 000 kilomètres carrés, soit la moitié de la surface de la France.

Notre pays participe enfin à l'action de l'État en mer par le maintien en condition des bâtiments hauturiers dans le cadre de la lutte contre la recrudescence des trafics dans le golfe de Guinée.

Mes chers collègues, compte tenu de tous les avantages que représente cette présence militaire française au Gabon, la commission de la défense et des forces armées a donné un avis favorable à l'adoption de ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à M. Christophe Guilloteau, rapporteur pour avis de la commission de la défense pour l'accord France-Togo.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Guilloteau

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'accord de défense avec le Togo est le premier de la série que nous examinons aujourd'hui à avoir été signé : il l'a été, le 13 mars 2009, par l'ambassadeur de France au Togo, Dominique Renaux, à qui je veux rendre hommage pour le travail de préparation qu'il a réalisé. La négociation n'a pas rencontré de difficultés majeures et l'accord s'écarte très peu des accords types élaborés conjointement par les ministères des affaires étrangères et de la défense.

Cette révision des accords de défense s'inscrit, mes collègues viennent de le souligner, dans le cadre de la rénovation de la relation entre la France et le continent africain, dont elle constitue l'un des éléments.

Elle répond ainsi à la volonté du Président de la République, exprimée dans son discours prononcé devant le parlement sud-africain, au Cap, le 28 février 2008, de rebâtir la présence militaire française en Afrique sur des bases nouvelles, adaptées au temps présent et aux enjeux stratégiques de l'ensemble du continent, à savoir la mise en place d'un mécanisme africain de sécurité collective.

Pays de taille modeste, puisque son territoire s'étend sur 56 000 kilomètres carrés, soit dix fois moins que la France, pour une population de 6 millions d'habitants, le Togo dispose d'une armée de 12 000 hommes qui souffre, comme beaucoup d'armées de la région, d'un fort besoin d'équipement. Les forces armées togolaises possèdent néanmoins une solide culture des opérations de maintien de la paix et, comme l'état-major des armées, que nous avons rencontré, nous l'a précisé, les contingents mis à disposition sont toujours de très bonne qualité.

Notre coopération avec le Togo comporte deux aspects : une coopération opérationnelle, conduite par l'état-major des armées, et une coopération structurelle, pilotée par la direction de la coopération de sécurité et de défense – DCSD – du ministère des affaires étrangères et européennes.

Au niveau opérationnel, la France intervient dans la formation, le conseil, l'entraînement et l'appui à l'engagement. L'année dernière, nous avons ainsi formé 580 soldats togolais : 500 pour des opérations de maintien de la paix et 80 pour le renforcement de leur capacité nationale. Ces formations sont assurées par les forces françaises du Cap-Vert.

La coopération structurelle, conduite par la DCSD, représente un budget de 3,6 millions d'euros pour 2011 et fait du Togo le troisième partenaire de la France dans ce domaine.

L'aide se traduit par la mise à disposition de quatorze coopérants français, essentiellement dans le domaine de la formation : à l'école du service de santé de Lomé – ESSAL –, qui forme les médecins militaires, et à l'école de formation des officiers des forces armées togolaises, l'EFOFAT. Quatre missions de renfort temporaires sont, par ailleurs, programmées en 2011 pour permettre à des spécialistes français de venir dispenser des formations dans des domaines particuliers. D'une manière générale, ces actions ont pour objectif de former des formateurs, et non de simples opérateurs, afin de favoriser le processus d'appropriation qui guide l'ensemble des actions menées.

De nombreux stagiaires togolais suivent également, chaque année, des formations financées par la DCSD : en France ou à l'étranger, dans le réseau des écoles nationales à vocation régionale en Afrique. Enfin, des militaires togolais sont accueillis dans les formations françaises : un à l'école de guerre, quatre en école de formation des officiers, quatre en écoles d'application, six en stage de spécialisation dans les armées et un à l'Institut des hautes études de défense nationale, l'HEDN.

A l'avenir, la DCSD va recentrer son action sur les projets à forte valeur ajoutée régionale que sont l'ESSAL, déjà évoquée, et la sauvegarde des approches maritimes, prioritaire dans le Golfe de Guinée.

Quels bénéfices la France tire-t-elle de cette coopération militaire avec le Togo ?

Depuis l'accord de 1963, cette coopération nous a permis de conserver une influence très importante dans ce pays. Les cadres togolais formés en France ou dans les écoles soutenues par la France en Afrique constituent ainsi aujourd'hui le socle de l'armée togolaise.

Le Togo est également un partenaire fiable de la France dans son action en Afrique. Pour ne retenir que des événements récents, les Togolais se sont engagés rapidement aux côtés de la France en Côte d'Ivoire, en février 2003, ont accueilli les avions français après les événements de novembre 2004 à Abidjan et – je parle sous le contrôle du ministre – ont facilité le transit de nos troupes pour renforcer l'opération Licorne au cours de ces derniers jours, et facilité le rapatriement des Français de Côte d'Ivoire, qui passe aujourd'hui par le Togo.

Enfin, la coopération avec le Togo répond parfaitement à la volonté du Président de la République d'aider la mise en place d'une architecture africaine de paix et de sécurité. En tant qu'acteur important de cette sous-région du continent africain, le Togo joue ainsi un rôle certain dans la recherche de la paix régionale, dans le cadre de l'ONU, de l'Union africaine ou de la Communauté des Etats de l'Afrique de l'Ouest, la CEDEAO.

Les troupes togolaises se sont ainsi engagées récemment – en 2009 – dans les opérations de maintien de la paix, en particulier au Tchad au sein de la MINUAD. Le pays envoie aussi régulièrement des observateurs pour les opérations sous l'égide de l'ONU. Par ailleurs, le Togo s'est porté candidat pour fournir le renfort prévu par l'ONU – 2 000 hommes – de sa force en Côte d'Ivoire, l'ONUCI.

Pour conclure, je me réjouis que le Parlement soit associé plus étroitement à la politique de coopération et de défense de la France et souhaite que la commission de la défense assure un suivi régulier de la mise en oeuvre de ces accords en auditionnant régulièrement, ensemble, les responsables du ministère des affaires étrangères et de l'état-major de nos armées.

Je donne naturellement un avis favorable à l'adoption de ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à Mme Patricia Adam, rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères pour l'accord France-République centrafricaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Patricia Adam

Nous allons examiner le quatrième rapport, qui concerne la République centrafricaine, dans des conditions identiques aux trois premiers, puisque ces accords sont les mêmes. Il faut s'en féliciter parce que, comme l'ont rappelé mes collègues, ils font suite à la fois aux déclarations du Président de la République et à l'écriture du Livre blanc.

Le partenariat de défense signé entre la France et la République centrafricaine permettra d'avoir des accords beaucoup plus transparents, d'aider le Centrafrique à bâtir un système de sécurité collectif efficace et de concourir à une paix et à une sécurité durable sur le territoire de nos partenaires, ainsi que dans l'environnement régional.

L'enjeu n'est pas mince en Centrafrique. Épuisé par des années de conflits à répétition et théâtre d'affrontements permanents entre forces gouvernementales et forces rebelles, ce pays partage, de plus, quatre frontières avec des États fragiles et instables, dont une nouvelle frontière, depuis la proclamation de l'indépendance du Sud-Soudan en ce début d'année.

Par ailleurs, nous venons d'apprendre le décès de M. Patassé, l'ancien président de la République de Centreafrique, dans des conditions contestées par la population, puisqu'il semblerait que les soins dont il devait faire l'objet ne lui ont pas été offerts dans des conditions optimales.

Depuis 2003, nous intervenons dans le cadre de l'opération extérieure BOALI, à travers un détachement militaire de 200 militaires qui permet d'assurer le soutien technique et opérationnel de la mission africaine de consolidation de la paix, la fameuse MICOPAX, conduite sous l'autorité de la Communauté économique et monétaire d'Afrique centrale et financée par l'Union européenne.

Nous intervenons dans la formation des cadres militaires, et en faveur de la réorganisation des forces armées centrafricaines, à la fois au titre du ministère des affaires étrangères et de celui de la défense.

Si le volume de nos forces est suffisant pour remplir nos missions, le bilan de notre coopération n'apporte pas entière satisfaction, compte tenu des conditions difficiles que j'ai rappelées. Notre partenaire n'est, en effet, jamais parvenu à bâtir un outil suffisamment fort et démocratique pour servir un État de droit.

Si elle est plus limitée qu'autrefois, notre coopération doit donc être mieux ciblée. Les violences dont ont été victimes des populations civiles montrent que la formation aux droits de l'homme est une condition indispensable dans le cadre des actions que nous menons.

Notre accord de défense unifie aussi les statuts des personnels français. Mes collègues en ont parlé, puisque ce sont les mêmes accords, ce qui est une bonne chose.

L'échange d'informations, qui constitue l'un des objectifs des accords, est particulièrement important en Centrafrique. Le renseignement est, en effet, une condition indispensable pour la sécurité, non seulement de ce pays, mais aussi de la France et de l'Europe.

Notre accord de défense participe donc de la solidarité qu'exerce la France à l'égard de ce pays, qui fait face aujourd'hui à une situation sécuritaire des plus fragiles et où les populations civiles sont les principales victimes des violences commises. Toutefois, la solidarité n'empêche pas aussi la lucidité. Elle rime encore moins avec l'aveuglement. L'évolution récente de la République centrafricaine inquiète. Les élections générales qui se sont tenues en ce début d'année n'ont pas créé les conditions d'une reprise sérieuse du dialogue politique entre les principales parties au conflit. Je déplore, d'ailleurs, que la France ne se soit pas associée avec plus de fermeté aux critiques formulées par les observateurs internationaux à l'égard des conditions d'organisation du scrutin.

Or, en cette période où une partie du continent africain s'émancipe et choisit un nouveau destin, nos relations ne doivent souffrir d'aucune ambiguïté, ni d'aucune exception. Pour ce qui concerne la Centrafrique, j'estime que cette condition n'est pas réunie. Pour cette raison, j'ai décidé de m'abstenir.

La situation actuelle exige aussi des parlementaires la plus grande vigilance. On ne peut pas leur demander de ratifier un accord de défense – dont je me félicite par ailleurs – sans leur donner les moyens d'en suivre la mise en oeuvre. C'est la raison pour laquelle je vous invite à vous prononcer sur les quelques suggestions suivantes. Je remercie d'ailleurs le président de la commission de la défense d'y avoir accédé.

Je souhaite que nous soyons informés, par le comité de suivi ou par les ministères concernés, de tous les amendements au texte qui pourraient être apportés par les deux parties, y compris lorsque ceux-ci ne relèvent pas de l'article 53 de la Constitution.

Par ailleurs, je propose que les commissions des affaires étrangères et de la défense, fidèles à leurs devoirs de contrôle, établissent, aussi régulièrement que possible – une fois par an me paraîtrait bien – un rapport sur la mise en oeuvre de l'ensemble des accords, ainsi que je le formule dans mon rapport pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Dans la discussion générale, la parole est à M. Patrick Beaudouin.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Beaudouin

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au lendemain de la décolonisation, notre pays a conclu avec un certain nombre de nos anciennes colonies africaines des accords de défense.

Ces accords apparaissent aujourd'hui périmés et c'est pourquoi, dans son discours du Cap, en février 2008, le Président de la République a annoncé leur renégociation. Cette nécessité a été rappelée dans le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, puis dans la loi de programmation militaire.

Les quatre textes dont nous sommes appelés aujourd'hui à approuver l'autorisation en constituent la première traduction. Ils refondent notre partenariat de défense avec le Togo, le Cameroun, le Gabon et la République centrafricaine. Ces accords font partie d'une série de huit : seront également concernés les Comores, la Côte d'Ivoire, Djibouti et le Sénégal.

Les quatre accords obéissent à des principes communs et ont pour base un accord type, qui fixe les principes du partenariat et définissent le statut des personnes et le droit applicable. Ils déterminent, par exemple, les règles d'utilisation des armes. À cet égard, j'aurais souhaité, monsieur le ministre, que vous reveniez sur les différences de rédaction entre les différents textes, certains renvoyant aux règles de l'État d'origine, d'autres à celles de l'État d'accueil.

Les accords sont complétés, le cas échéant, pour tenir compte de la présence de nos troupes dans le pays. C'est le cas au Gabon, avec la base de Libreville, qui a vocation à devenir notre implantation principale sur la façade occidentale ; au Cameroun, avec la mission logistique de Douala ; et en Centrafrique, dans le cadre de l'opération Boali.

Les précédents accords de défense dataient du début des années soixante. Conclus au lendemain des indépendances et en pleine guerre froide, ils n'étaient plus adaptés aux enjeux du temps présent. Les accords de défense avaient en effet été conçus pour permettre à de jeunes États de défendre leur souveraineté, mais, depuis, ceux-ci se sont consolidés. Ils avaient été conçus au temps de la guerre froide, pour lutter contre la subversion communiste. Les menaces ont évolué : terrorisme islamique, piraterie maritime, pays sans institutions démocratiques, seigneurs de guerre, sont devenus aujourd'hui des enjeux majeurs pour notre sécurité nationale.

Les accords avaient été conçus à une époque où les relations bilatérales primaient. Depuis, la France a renforcé son intégration au sein de l'Union européenne, tandis que l'Afrique a, de plus en plus, pris sa sécurité en main. Ainsi, l'Union africaine joue un rôle croissant en matière de maintien de la paix. Ils avaient été conclus alors que les effectifs des forces françaises sur le continent africain s'élevaient à environ 30 000 hommes. Aujourd'hui, notre dispositif permanent s'élève à moins de 7 500 hommes, et sera encore réduit dans les années à venir. Ils avaient été conçus en un temps où l'Afrique francophone constituait un « pré carré » français. Depuis, elle est devenue l'enjeu de luttes d'influence entre les grandes puissances mondiales ; je pense tout particulièrement à la Chine, qui s'y installe sans retenue.

Compte tenu de ces bouleversements, il n'était pas envisageable de conserver en l'état des accords passés voici un demi-siècle. Les principes guidant leur rénovation ont été énoncés par le Président de la République dans son discours du Cap.

Les nouveaux accords écartent, d'abord, les clauses d'assistance mutuelle, destinées à défendre l'intégrité territoriale des États partenaires, qui avaient rarement été invoquées, et, surtout, les clauses relatives au maintien de l'ordre, qui permettaient à notre pays d'intervenir en cas de troubles intérieurs. Est ainsi consacré le principe de non-ingérence dans les affaires intérieures. Il s'agit aujourd'hui de promouvoir un partenariat qui doit permettre à l'Afrique de prendre en charge ses problèmes de sécurité et qui passe par des échanges d'informations ; par l'organisation, l'équipement et l'entraînement des forces ; par des missions de conseil ; par la formation des personnels militaires, que ce soit sur place, dans les écoles nationales à vocation régionale, ou en France.

Les nouveaux accords prennent acte, ensuite, du développement du multilatéralisme. Multilatéralisme européen, d'abord, compte tenu de la place croissante des opérations menées sous l'égide de l'Union européenne en Afrique, dont témoigne, par exemple, l'opération Atalante, qui lutte contre la piraterie maritime au large de la Somalie. Les accords mentionnent donc que la coopération s'inscrit dans le cadre du partenariat stratégique Afrique-Union européenne adopté lors du sommet de Lisbonne de décembre 2007. Multilatéralisme africain, ensuite, puisque les accords ont vocation à « rendre opérationnelle l'architecture africaine de paix et de sécurité sous la conduite de l'Union africaine, et à soutenir les mécanismes africains de sécurité collective et de maintien de la paix dans leurs dimensions continentale et régionale ». Il s'agit, en particulier, d'apporter notre soutien à la montée en puissance de la Force africaine en attente de l'Union africaine.

Les nouveaux accords mettent en oeuvre un principe essentiel, celui de transparence. Les accords de partenariat sont désormais intégralement publiés, les clauses confidentielles disparaissent. Un comité de suivi sera mis en place pour chacun des accords. Enfin, le Parlement est désormais appelé à voter – cette séance en témoigne, pour approuver ces accords. C'est une garantie pour la qualité de ces textes ainsi qu'une nouvelle avancée pour les droits du Parlement. Il est souhaitable, naturellement, que le travail de l'Assemblée se poursuive au-delà de cette séance, afin que nous puissions être informés de l'application de ces accords, voire de leurs modifications éventuelles. À cet égard, je pense que la commission de la défense nationale et celle des affaires étrangères doivent être naturellement et pleinement associées aux comités de suivi.

Les accords de partenariat constituent l'un des éléments de la rénovation de la relation franco-africaine, selon une logique partenariale. Alors que l'Afrique devient un enjeu stratégique de plus en plus important, et dans le cadre de son développement en puissance attendu dans les années à venir, une telle modernisation était particulièrement désirée. C'est donc avec satisfaction que le groupe UMP autorisera l'approbation de ces textes.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Bataille

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, France, Afrique : les deux mots associés l'un à l'autre devraient être synonymes de paix, de développement, et de démocratie. Pourquoi signifient-ils au contraire la part la plus sombre de notre diplomatie ? Pourquoi évoquent-ils irrésistiblement coup de force, corruption, concussion et violence ?

Je le sais bien, le Président de la République nous avait promis de rompre avec tout cela, et vous-même nous avez dit que ces accords de défense marquaient une rupture avec la politique africaine de la France depuis des années. Or qu'en est-il en réalité ? Ce débat doit être, pour la représentation nationale, l'occasion d'y voir un peu plus clair.

Reconnaissons tout d'abord que les textes qui nous sont proposés constituent une insuffisante mais indiscutable avancée. Ils répondent aux demandes effectuées à de multiples reprises par le groupe socialiste de voir établie une forme de transparence et de contrôle parlementaires sur les opérations extérieures. Ces demandes avaient été exprimées dès le début des années 2000 par nos collègues François Lamy et Paul Quilès qui, à chaque fois, avaient fait valoir la nécessité de revoir l'ensemble de notre politique de coopération en fonction de ces critères. Cette exigence faisait aussi partie de notre programme présidentiel en 2007.

Les conventions que vous nous présentez répondent donc à une exigence ancienne et répétée et nous nous félicitons que celle-ci ait enfin été prise en compte. Pour autant, ce progrès reste encore insuffisant. Il aurait été utile d'aller plus loin. J'en veux d'abord pour preuve le contenu même des quatre accords qui nous sont soumis, m'en tenant pour l'instant à l'aspect technique.

Ces accords sont en effet encore entourés d'un grand flou. Ainsi, l'article 2 paragraphe 1, qui définit l'objet du partenariat, précise qu'il s'agit de concourir « à une paix et une sécurité durable sur le territoire ainsi que dans l'environnement régional respectif des parties à l'accord ». Cela, vous en conviendrez, laisse une large place à toute forme d'autres initiatives, d'autant que l'article 4 F précise que pourront être déterminées dans le cadre de l'accord « toutes autres activités dans le domaine de la défense décidées d'un commun accord entre les parties en fonction de leurs intérêts mutuels », ce qui semble réintroduire par la fenêtre la possibilité d'intervention de maintien de l'ordre, que l'on avait officiellement fait sortir par la porte.

J'ajoute que les articles 4.2 et 5.2 des accords prévoient la possibilité d'aménagements techniques spécifiques pour définir les modalités d'application de cette coopération, dont il n'est pas précisé qu'ils seront soumis à la connaissance du Parlement. On voit donc qu'un flou certain est maintenu, qui ne peut masquer que des intentions discutables.

Les réserves que je viens d'exprimer sont d'autant plus vives que les accords qui nous sont présentés concernent en priorité des pays dans lesquels la situation politique et le respect des droits de l'homme sont rien moins qu'incertains.

Je commence par le Gabon.

Nul ici n'a oublié les conditions dans lesquels Ali Bongo a remplacé son père, Omar Bongo, décédé en juin 2009, avec le soutien implicite de Nicolas Sarkozy. Cela a été rappelé par exemple sur RTL par le chef de l'une de vos officines diplomatiques ; je pense évidemment à Robert Bourgi. Ali Bongo a été élu président de la République avec 41 % des voix, face à Pierre Mamboundou et André Mba Obame, qui ont chacun obtenu officiellement 25 % des voix et tous deux contesté la légalité des résultats.

Au Togo, la situation n'est guère plus encourageante. Le 26 avril 2005, Faure Gnassingbé a remporté l'élection avec 60 % des suffrages devant Emmanuel Bob Akitani – 38 % – et Harry Olympio, 0,5 %. La Commission européenne, malgré un rapport confidentiel accréditant l'existence de fraudes massives de la part du pouvoir en place, a pris acte des résultats. Je rappelle que le Parlement européen a voté une résolution de non-reconnaissance de Faure Gnassigbé comme président élu du Togo.

Amnesty International a publié, en juillet 2005, un rapport dénonçant « un scrutin entaché d'irrégularités et de graves violences », montrant que « les forces de sécurité togolaises, aidées par des milices proches du parti au pouvoir, s'en sont violemment prises à des opposants présumés ou à de simples citoyens en ayant recours à un usage systématique de la violence. » Le rapport reproche aussi à la France son rôle ambigu dans la situation actuelle. Comment ne pas être d'accord quand on sait que la France, patrie des droits de l'homme, a jugé que le scrutin s'était déroulé dans des conditions acceptables, alors qu'il y a eu plus de 500 morts, 10 000 blessés et 30 000 réfugiés !

Le contexte camerounais, n'est pas plus enviable. « En février 2008 », nous rappelle le rapport d'Amnesty International, « des émeutes ont éclaté dans plusieurs villes, notamment à Yaoundé, la capitale, et à Douala, le centre économique du pays. La population exprimait son mécontentement face à l'augmentation du coût de la vie et la faiblesse des salaires. Les manifestants s'élevaient également contre un projet de modification de la Constitution, qui supprimerait une disposition empêchant le président Paul Biya de se présenter de nouveau à l'élection de 2011 ».

Pour l'association Transparency International, le Cameroun est l'un des pays les plus corrompus du monde. L'ONG s'interroge notamment sur les nombreuses acquisitions du Président, en particulier celle de la villa Isis sur la Côte d'Azur, qui appartiendrait à son fils Franck Biya. La fortune du président camerounais et de sa famille approcherait les 70 millions d'euros.

Quant à la République Centrafricaine, le rapport de la mission d'experts électoraux mandatés par l'Union européenne est limpide : « Au regard des critères internationaux de sincérité, de transparence, d'équité et de régularité régissant les élections démocratiques, les scrutins du 23 janvier 2011 sont donc sujets à caution en raison des multiples carences, dysfonctionnements et irrégularités qui ont émaillé le déroulement du processus électoral. En outre, le retrait de l'opposition du second tour des législatives a ôté tout caractère compétitif au futur scrutin ».

À en croire ce document, « la garde présidentielle a apporté son concours aux nombreuses manoeuvres frauduleuses et irrégularités ». Le « nombre très élevé de votes par dérogation » pose notamment question : il varie entre la présidentielle et les législatives, ce qui est naturellement impossible dans un vote couplé.

En conséquence, l'Union européenne n'a pas assisté à l'investiture de François Bozizé, le 15 mars. Seul l'ambassadeur de France était présent, même si les consuls du Danemark et du Royaume-Uni avaient fait le déplacement aux côtés des présidents tchadien, guinéen et gabonais. On le voit, dans ces quatre pays, la France soutient des dirigeants alors que leurs actions – je pourrais dire leurs exactions – devraient au moins nous conduire à adopter une attitude plus distante.

Au moment même où les peuples se soulèvent contre les dictateurs, au moment même où nos pilotes risquent leur vie pour protéger le peuple libyen et le peuple ivoirien de la répression, admettez qu'il est bien difficile de ratifier des accords qui s'inscrivent dans un contexte totalement opposé à l'esprit de ces changements.

Comment, en effet, expliquer la présence de bases françaises dans des pays qui truquent les élections, qui font disparaître les membres de l'opposition et qui bâillonnent la presse, quand ils ne font pas massacrer leur population par hélicoptère, comme au Tchad en février 2008 ? Je tiens à rappeler que ces hélicoptères décollaient de l'aéroport de N'Djamena qui était tenu, et qui l'est toujours, par l'armée française.

À ce propos, le président Déby soutiendrait activement le colonel Kadhafi. Qu'attendons-nous, monsieur le ministre, pour revoir totalement notre politique au Tchad ? Quelle est la logique de nos positions ?

Je ne pense pas que vous irez jusqu'à soutenir que les Togolais, les Camerounais, les Gabonais, les Centrafricains ou les Tchadiens n'aspirent pas à la liberté ! Retenons donc les leçons de la révolution en Afrique méditerranéenne pour faire entrer notre pays dans l'histoire africaine.

C'est, enfin, la raison pour laquelle nous aurions souhaité appuyer – et nous y travaillerons à l'avenir – la mise en place d'un principe de conditionnalité démocratique de ce type d'accord.

Il nous paraît en effet indispensable que, à l'avenir, dans le prolongement par exemple de ce qui avait été envisagé à travers les accords avec les pays ACP – Afrique, Caraïbes et Pacifique –, les aides que notre pays est amené à fournir à des États africains soient liées à des progrès sensibles dans les domaines de la démocratie, des droits de l'homme et du respect de l'opposition et des principes fondamentaux.

Nous plaidons ici, et continuerons à le faire, pour l'adoption d'une charte qui définisse de manière claire les conditions qui permettront d'encadrer la signature de tels accords et qui gouverneront l'emploi de nos forces en Afrique, quelles que soient les situations auxquelles nous serions confrontés.

Ce conditionnement démocratique paraît être le moyen d'éviter à l'avenir des dérives auxquelles nous avons assisté encore très récemment. Je veux faire allusion, par exemple, au Tchad et, de manière plus générale, aux conditions d'utilisation de nos forces armées en Afrique, car elles restent extrêmement imprécises et, surtout, leurs modalités comme leurs conséquences sont le plus souvent inconnues de la représentation nationale.

Plus généralement, nous ne pouvons que plaider pour que notre politique en Afrique s'inspire des principes auxquels la France est fière de faire sans cesse référence, pour qu'elle prenne en compte nos intérêts stratégiques et de renseignement, mais aussi les préoccupations qui sont celles auxquelles notre nation s'est toujours identifiée.

Au final, pour tenir compte des évolutions qui sont intervenues et afin de ne pas mettre en péril la coopération déjà amorcée avec ces différents États, nous ne voterons pas contre ces propositions d'accords. Nous nous abstiendrons, de manière à faire valoir aussi bien notre souci de préserver les intérêts de la France que notre préoccupation forte que l'Afrique puisse connaître une évolution marquée par l'attachement aux droits de l'homme comme aux progrès dans les voies du développement et de la démocratie.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Candelier

Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, ces quatre projets de loi autorisant la ratification d'accords de défense avec le Cameroun, le Gabon, le Togo et la République centrafricaine sont censés traduire les nouveaux principes exposés par le Président de la République dans le discours tenu au Cap en 2008.

Le Parlement est appelé à se prononcer. C'est une nouveauté à saluer, et nous apprécions que ces accords, qui ont été renégociés, soient rendus publics. Nous notons également avec intérêt que le Président s'est engagé à ce qu'il n'y ait plus d'accords secrets. Nous espérons que cet engagement sera tenu. Pour cela, il est urgent d'assurer la transparence totale sur l'accord de défense entre la France et la Côte d'Ivoire, pays en pleine ébullition.

Toutefois, discuter d'accords signés un an, voire deux ans auparavant avec seulement quatre pays ne permet pas de prendre toute la mesure de l'évolution des situations. Je pense précisément aux menaces dans le Sahel et au Sahara, qui appellent des relations particulières avec la Mauritanie, le Mali ou le Niger. Est-il encore possible que la France intervienne militairement dans ces pays pour régler des problèmes terroristes sans l'accord des autorités locales ? C'est une question majeure. Il faut aussi que les États concernés puissent réinstaller leur présence dans le nord de ce secteur géographique.

Je regrette aussi, monsieur le ministre, que nous n'ayons pas vraiment la possibilité d'examiner la stratégie mise en oeuvre quand nos compatriotes sont pris en otage. Contre le terrorisme, la réponse ne peut être seulement sécuritaire ; il y a un lien entre la politique de développement et la sécurité. Aider ces pays à se développer est la seule solution efficace pour lutter durablement contre le terrorisme.

Je reviens plus précisément aux accords, dans lesquels il y a des éléments positifs.

Le premier est la logique d'appui au développement des capacités militaires de ces pays, en particulier par la formation, et une aide pour tenter de mettre sur pied un système de sécurité qui leur soit propre.

En outre, il faut relever qu'un certain nombre de clauses d'un autre âge ont enfin disparu, comme celles qui autorisaient les interventions pour maintenir l'ordre intérieur et pour garder au pouvoir des dirigeants, ou encore celles qui prévoyaient notre assistance en cas d'agression extérieure.

Toutefois, je suis très sceptique quant à la volonté de nouer de véritables partenariats permettant le développement économique et social de ces pays. Le discours de Dakar du Président de la République, expliquant que l'homme africain n'était pas suffisamment entré dans l'histoire, avait profondément choqué. Il était révélateur d'une conception condescendante et paternaliste du développement des sociétés.

Lors du dernier sommet franco-africain, le président a proclamé sa volonté de rompre avec l'image d'une France pilleuse…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Candelier

…des richesses minières ou pétrolières de l'Afrique en nouant des partenariats « gagnant-gagnant ».

Cependant son combat contre la perte de notre pré carré au bénéfice des Chinois ou des Américains a donné l'impression d'avoir pour seul objectif la préservation des intérêts économiques de notre pays, de nos marchés et de nos approvisionnements en uranium ou en pétrole. Je suis donc sans illusions sur les raisons profondes qui motivent l'évolution des relations de défense que le Président de la République veut maintenant entretenir avec les pays d'Afrique.

En réalité, la France ne peut plus jouer le rôle de gendarme de l'Afrique. La création d'une base à Abou Dhabi et l'importante mobilisation d'hommes et de moyens en Afghanistan sont de véritables gouffres financiers. Il faut déployer tous ces moyens militaires vers l'aide publique au développement. Dans ce domaine, nous nous sommes engagés à atteindre un taux de 0,7 % du revenu national brut. Nous n'y sommes pas du tout.

Au-delà de la nécessité d'une véritable politique de coopération avec les pays africains, qui est une priorité absolue, nous voterons contre les accords de défense qui nous sont soumis car nous pensons qu'il faut éviter ce que l'on peut qualifier de « syndrome tunisien ». Je pense que vous voyez ce que je veux dire ! Faisons attention de ne pas signer n'importe quoi avec des États qui ne sont pas stables ; prenons garde de ne pas nous couper des peuples. Il ne faut jamais perdre de vue les valeurs humanistes, l'État de droit, la liberté et la dignité des êtres humains. Or regardons les processus démocratiques et la situation des droits de l'homme dans ces quatre pays.

Au Togo, l'année dernière, la majorité des partis et la société civile ont fait part à la communauté internationale de leurs soupçons quant à une fraude massive lors de l'élection présidentielle, arguant d'irrégularités graves dans l'établissement des listes électorales.

L'élection présidentielle togolaise a eu lieu en mars 2010. Les précédents scrutins du même type se sont déroulés dans des conditions controversées avec en particulier, en 2005, des manifestations violemment réprimées qui ont causé plusieurs centaines de morts.

La campagne électorale s'est accompagnée d'un raidissement du pouvoir peu conforme au respect des principes démocratiques. Elle a été marquée par la participation de hauts responsables liés aux violences électorales de 2005 et par l'exclusion d'un des principaux candidats à la présidence.

De nombreux heurts ont eu lieu entre militants et forces de l'ordre. La culture démocratique reste à construire dans ce pays. Les quarante années de dictature ont débouché sur une transition démocratique en trompe-l'oeil, amenant au pouvoir le fils du dictateur.

Malgré la reconnaissance internationale de M. Faure Gnassingbé, sa victoire électorale a été émaillée de violences inacceptables – 500 morts selon l'ONU – qui hypothèquent la légitimité du nouveau régime.

On peut également se pencher sur la situation en matière de droit de civil et politique au Cameroun. Le président camerounais, M. Paul Biya, a récemment fêté le vingt-huitième anniversaire de son accession au pouvoir.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Candelier

Je n'ai jamais soutenu Kadhafi et il n'est jamais venu chez moi planter sa tente !

Vingt-huit années, disais-je, que de nombreuses associations estiment marquées par le déni des libertés fondamentales et de la démocratie, par le règne de l'impunité et par la corruption. Le Cameroun est classé parmi les pays les plus corrompus du monde. De nombreuses ONG, de même que des organismes internationaux comme la commission des droits de l'homme des Nations unies, dénoncent régulièrement les violations flagrantes des droits humains. C'est dans ce contexte que ce pays connaîtra cette année une élection présidentielle à haut risque.

Pour pouvoir se représenter, M. Biya a procédé à une modification de la Constitution, après que ses forces de l'ordre eurent réprimé les opposants en février 2008. La commission chargée de l'organisation des élections semble totalement contrôlée par des militants du parti au pouvoir. Dans ces conditions, il est à craindre que ces élections ne soient pas du tout transparentes et qu'elles soient entachées de graves violences.

Des ONG ont déjà tiré la sonnette d'alarme ; des militants de la société civile et des opposants au régime demandent la création d'une commission d'enquête internationale, afin de faire toute la lumière sur les exactions commises contre des opposants en février 2008. J'ajoute que les services de sécurités de M. Biya se sont fait remarquer le 23 février 2011 en séquestrant le probable challenger aux élections présidentielles.

La situation actuelle en République centrafricaine n'est guère plus réjouissante. Dans le domaine humanitaire, elle est même critique. C'est l'héritage de plusieurs années de conflits et de coups d'État. Malgré ses ressources minières en or et diamants et ses exploitations forestières, le pays figure parmi les plus pauvres de la planète.

Depuis quelques années, il ressent durement les effets de la crise mondiale. Fortement dépendant de l'exploitation de ses matières premières, il subit de plein fouet la chute du cours de ces dernières, ce qui a poussé les entreprises exploitantes à licencier leurs salariés, désormais sans ressources.

Une crise alimentaire est survenue suite à l'abandon, depuis des années, de la culture vivrière au profit des cultures d'exportation et de l'exploitation diamantifère. Selon les ONG présentes sur place, 7 % d'enfants seraient en état de malnutrition sévère aiguë, le seuil d'urgence de l'OMS étant de 2 %. Malgré cette situation d'urgence, l'aide humanitaire des États est quasi inexistante et les rares ONG présentes sur place peinent à faire face, avec leurs seuls moyens, aux demandes des populations. Là encore, un accord de défense n'est pas prioritaire.

Enfin, après des décennies d'une dictature soutenue par la France, le Gabon n'arrive pas à jouir d'un système démocratique apaisé. Les opposants contestent la régularité et la sincérité des scrutins organisés et dénoncent la corruption et le népotisme du régime. Les dernières élections présidentielles font figure de mascarade électorale visant à confirmer la prise de pouvoir d'Ali Bongo, en succession de son père.

Après les multiples infractions et fraudes électorales, le Gouvernement français et les autorités locales ont appelé au respect des voies légales de contestation des résultats. Encore faudrait-il que les candidats puissent faire valoir des recours devant des institutions indépendantes, démocratiques et transparentes.

Tout cela pour dire que, en matière d'accords de défense, il faut faire attention où l'on met les pieds. Le risque existe d'être déconsidéré, en vertu du fameux syndrome tunisien précité. Actuellement, les atteintes aux biens symbolisant la France témoignent du rejet par les populations des pays africains de la politique qu'elle conduit.

La realpolitik doit laisser sa place à de nouvelles relations avec l'Afrique, débarrassées des compromissions et arrangements coupables du passé. Le printemps des peuples arabes bouleverse le cours de l'histoire et offre un cinglant démenti aux formules inacceptables du discours de Dakar.

Le soulèvement populaire est l'expression d'une opposition massive à des régimes autoritaires, prédateurs et corrompus. Il pourrait bien faire tache d'huile dans de nombreux pays africains en proie aux mêmes difficultés. Un développement librement choisi par les peuples est la condition pour qu'ils vivent et s'épanouissent dans leur pays.

Ne soyons pas à la remorque de l'histoire en faisant comme si rien ne se passait dans le monde, comme si tout pouvait continuer comme avant. Nous voterons contre ces accords de défense.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Hillmeyer

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après la ratification du Sénat c'est au tour de notre assemblée de se prononcer sur quatre conventions instituant des partenariats de défense entre la France et quatre États africains : le Togo, le Cameroun, la République centrafricaine et le Gabon.

Au moment où nos soldats sont activement engagés sur plusieurs fronts – je pense en particulier à la Libye et à la Côte d'Ivoire –, qu'il me soit permis au nom du groupe Nouveau Centre de leur rendre hommage.

La redéfinition de nos missions en Afrique était devenue nécessaire. Cette nouvelle impulsion a été donnée par le Président de la République en 2008. Elle se traduit par une véritable refondation du partenariat entre la France et l'Afrique.

Ce sont aujourd'hui près de 6 000 hommes qui sont présents en Afrique. À terme, la restructuration de notre dispositif prépositionné s'articulera autour de deux bases – l'une de deux mille hommes à Djibouti, l'autre de mille hommes au Gabon – et deux centres régionaux de formation.

On l'a rappelé, ces partenariats ne prévoient pas de clause d'assistance de la France en cas d'agression extérieure, ni même d'assistance militaire en cas de troubles intérieurs, ce qui correspond aux orientations du Livre blanc. Notre pays n'interviendra sur le continent africain que dans un cadre multilatéral, celui d'une résolution des Nations unies, ou à la demande des organisations régionales africaines.

Il est bon de rappeler, en effet, que seule la légalité internationale, souvent commandée par l'impérieuse nécessité de protection des populations, peut fonder une intervention militaire dans un État étranger souverain. Les développements récents en Libye et en Côte d'Ivoire en sont une illustration.

L'enjeu principal commun à ces partenariats est celui de la poursuite de la politique de normalisation de la coopération militaire française en Afrique en aidant en toute transparence les Africains à assurer eux-mêmes la sécurité de leur continent.

Je vais évoquer brièvement chacun de ces partenariats de défense.

En ce qui concerne le Gabon, la relation franco-gabonaise est singulière en ce sens que la France dispose d'une implantation militaire permanente à Libreville avec près de 900 hommes répartis entre le 6e bataillon d'infanterie de marine, un détachement de l'aviation légère de l'armée de terre et un détachement air.

Comme l'a souligné en commission mon collègue du Nouveau Centre, Hervé de Charrette, à travers ce traité franco-gabonais « sont satisfaits les impératifs de protection de nos ressortissants et de préservation d'une capacité d'intervention dans une région instable ».

La particularité du partenariat franco-gabonais réside dans la possibilité accordée à notre pays de disposer de deux zones sur le territoire gabonais afin d'y stationner des forces militaires. Des facilités importantes leur sont conférées afin de pouvoir mener l'ensemble de leurs activités : importation de matériels, circulation aérienne et terrestre, mise en place d'un système de télécommunications.

La coopération structurelle avec le Gabon est forte. Elle vise à accompagner l'effort du pays dans la constitution de son outil de défense par la formation, la restructuration des forces et le soutien institutionnel, ainsi qu'à épauler son action au bénéfice de la sécurité régionale et sa participation aux opérations de soutien de la paix sur le continent.

J'observe que, dans la logique de la reconfiguration de nos moyens prépositionnés en Afrique, la base de Libreville va devenir notre implantation principale sur la façade occidentale. Peut-être, monsieur le ministre, pourriez-vous apporter quelques éléments chiffrés en termes de moyens humains et de coûts afférents concernant le renforcement de cette implantation militaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Hillmeyer

Je sais mais j'attendais une précision de la part de M. le ministre.

En ce qui concerne le partenariat avec le Cameroun, l'accord contient un certain nombre de missions comme le soutien aux écoles nationales, le conseil en matière de préparation aux opérations de maintien de la paix ou encore la sauvegarde des approches maritimes.

J'appelle l'attention de M. le ministre sur une disposition qui pourrait poser problème à certains de nos personnels comme cela a été évoqué en commission. L'accord prévoit en effet une non-reconnaissance des personnels français ayant conclu un pacs puisque cette situation n'est pas prévue par la législation du pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Hillmeyer

Comme le souligne dans son rapport pour avis mon collègue Philippe Folliot, le Cameroun est aujourd'hui le premier bénéficiaire de la coopération militaire française puisque les actions de coopération conduites par la direction de la coopération de sécurité et de défense du ministère des affaires étrangères et européennes s'élèvent après de 4 millions d'euros.

En outre, je tiens à souligner le rôle moteur du Cameroun dans la lutte contre les actes de brigandage et de piraterie maritime grâce à ses bataillons d'intervention rapide.

Concernant le partenariat avec le Togo, l'accord de défense franco-togolais signé le 13 mars 2009 s'inscrit dans la continuité d'une coopération étroite avec le Togo. Celle-ci s'articule entre un volet opérationnel et un volet structurel. D'un point de vue opérationnel, la France intervient dans la formation, le conseil, l'entraînement et l'appui à l'engagement. D'un point de vue structurel, ce sont près de 3,6 millions d'euros pour 2011 qui seront mobilisés. Le Togo est un partenaire de confiance et un acteur incontournable de la région si l'on pense notamment à son implication dans le cadre de l'ONU, de l'Union africaine ou de la CEDEAO.

Enfin, pour le partenariat avec la République centrafricaine, il convient de relever d'emblée les spécificités de ce pays qui connaît toujours une situation de crise. Depuis 2003, nous y intervenons dans le cadre de l'opération extérieure BOALI. Je forme le voeu que les principes de multilatéralisme, de transparence et de priorité à la formation qui sous-tendent l'accord se concrétisent rapidement.

Force est de constater que, malheureusement, l'Europe de la défense est, en Afrique, balbutiante. Cela tient sans doute au fait du manque de moyens.

Mes chers collègues, vous l'aurez compris, le groupe Nouveau Centre approuve ces projets de loi autorisant la ratification de partenariats de défense ambitieux, modernes et réalistes, en phase avec les exigences d'une politique militaire du XXIe siècle. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, ministre chargé des affaires européennes

Je souhaite répondre très brièvement aux interventions des uns et des autres.

Pour commencer, je salue l'excellente qualité de l'intervention de Michel Terrot, qui a fort bien dépeint le tournant historique que représente cette succession d'accords, tout en soulignant, dans sa vision des relations étrangères et de notre politique diplomatique – et j'ai été très attentif à ce point –, la nécessaire prise en compte des dimensions régionale et multilatérale. C'est en effet l'un de ses apports importants.

S'agissant de l'intervention de Robert Lecou, que je remercie de sa précision, j'ai relevé l'attention qu'il a portée au processus de réforme de notre disposition militaire prépositionné ; les choses sont bien lancées. Il a insisté sur l'importance d'une coopération avec les pays d'Afrique qui respecte leur souveraineté et même l'encourage afin de les aider à assurer eux-mêmes leurs missions de sécurité. C'est en effet la vision d'avenir que nous devons conjointement porter.

M. Philippe Folliot a souligné, à juste titre, le rôle croissant que jouera l'Afrique dans le monde. C'est une raison supplémentaire pour que la France ne se désinvestisse pas mais accompagne cette évolution du rôle de l'Afrique.

Pour ce qui est de la composition des comités de suivi, le principe retenu à ce stade est qu'elle soit paritaire. Il serait assez légitime qu'ils comprennent notamment un ambassadeur de notre pays et un représentant du ministère des affaires étrangères des pays concernés. Le reste serait assez souple, composé vraisemblablement d'experts techniques qui permettraient de faire vivre ces comités de suivi. Nous vous tiendrons informés au fur et à mesure que cette composition sera précisée.

Je remercie M. Philippe Vittel, dont je connais la très grande attention qu'il porte à la politique de défense, globalement et pas seulement à Toulon...

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, ministre chargé des affaires européennes

…d'avoir décrit précisément le dispositif français au Gabon et ses missions. On y a reconnu sa parfaite connaissance du dispositif de défense français et de sa présence à l'étranger.

En ce qui concerne l'intervention de Christophe Guillauteau, dont tout le monde sait à quel point il connaît parfaitement le Togo, je le remercie d'avoir souligné le rôle positif joué par ce pays dans les événements récents en Côte d'Ivoire. Il était bon de le rappeler parce que cela a été un moment important dans notre relation bilatérale avec des actions menées conjointement.

Patrick Beaudouin, avec la précision chirurgicale qu'on lui connaît, a relevé un point sur lequel nous avons été amenés à échanger avec le Conseil d'État. En effet ce dernier a considéré qu'il était parfaitement compatible que nous nous référions aux règles du pays d'origine. Je le précise même s'il me semble que, normalement, les avis du Conseil d'État ne doivent pas être diffusés...

Madame Adam, vous me permettrez d'abord de vous remercier d'avoir souligné la dimension positive de ce qui est fait et de ce que cela représente en termes de transparence. Je veux ensuite vous donner quelques précisions sur l'organisation des élections en République centrafricaine.

La France a bien marqué ses réserves, tout spécifiquement sur le premier tour des législatives qui s'est déroulé dans des conditions contestables. C'est pour cela qu'aucun ministre français n'était présent aux cérémonies d'investiture du Président.

Pour autant, vous le savez, il est fondamental que nous continuions à aider la République centrafricaine. Je livre cette information à la représentation nationale, juste en guise de réflexion : l'espérance de vie en RCA est de trente-sept ans et demi. Cela montre à quel point il reste un travail de fond à mener tous conjointement.

Monsieur Bataille, d'abord je vous remercie d'avoir souligné l'esprit positif et les avancées que représentent ces accords. Il n'y a pas d'ambiguïté sur nos positions, tant en RCA – je les ai rappelées – qu'au Gabon. Si Ali Bongo a été élu, c'est principalement parce que l'opposition était désunie. D'ailleurs, votre ami, M. Mamboundou, sauf erreur de ma part, s'est plus que rapproché de Ali Bongo, lui qui était auparavant un opposant historique.

Pour le reste, il convient de donner un tournant à notre diplomatie. Qu'il y ait des leçons à tirer de ce qui s'est passé sur la rive sud de la Méditerranée, j'en suis tout à fait d'accord, mais balayons tous devant notre porte : y compris sur vos bancs, on a entendu, parfois très tardivement, des positions sur la Côte d'Ivoire qui ne faisaient pas honneur aux valeurs de la démocratie.

Depuis trois ans, le Président de la République, inlassablement, met la pression sur Laurent Bagbo pour que des élections soient organisées. S'il existe une chance d'aboutir à une victoire de la démocratie en Côte d'Ivoire, c'est parce que la diplomatie française, celle que j'ai appelée la diplomatie de devoir, aura été à ce rendez-vous. Je crois que nous pouvons tous reconnaître collectivement qu'un tournant doit être pris. Cela est d'ailleurs en cours. La Côte d'Ivoire ou la Libye illustrent parfaitement la réaffirmation, sur des bases saines, de la diplomatie française.

Monsieur Candelier, je vous remercie de l'honnêteté qui a caractérisé votre intervention, notamment sur la nouveauté que constitue le fait que ces accords soient soumis au Parlement. Je sais à quel point vous êtes extrêmement honnête intellectuellement dans vos interventions et je tenais à le souligner.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi adoptée par le Sénat tendant à proroger le mandat des conseillers à l'Assemblée des Français de l'étranger (nos 3115, 3285).

La parole est à M. Laurent Wauquiez, ministre chargé des affaires européennes.

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, ministre chargé des affaires européennes

Monsieur le président, monsieur le rapporteur de la commission des lois, mesdames, messieurs les députés, comme vous le savez, l'Assemblée des Français de l'étranger est l'assemblée représentative de nos compatriotes établis hors de France. Ses 155 membres élus sont renouvelés par moitié tous les trois ans.

Le prochain scrutin, qui concernera les circonscriptions électorales d'Europe et d'Asie, devrait normalement se tenir en juin 2012. Cette même année, les Français établis à l'étranger seront également appelés à participer à l'élection présidentielle et, pour la première fois – ce qui est une grande avancée pour leur place dans notre débat démocratique –, à l'élection de députés dans onze circonscriptions législatives.

Ce calendrier électoral particulièrement dense peut légitimement susciter quelques inquiétudes.

Ainsi, un tel cumul imposerait une charge supplémentaire qui, compte tenu des contraintes propres à l'organisation des scrutins électoraux à l'étranger, risquerait de perturber leur bon déroulement. Ensuite, la sécurité juridique de chacun des scrutins programmés en 2012 pourrait être menacée du fait de la coexistence de régimes électoraux différents, notamment s'agissant du financement de la campagne électorale. Enfin la diversité et la complexité des règles applicables risqueraient d'introduire une réelle confusion dans l'esprit de l'électeur.

Dans ces conditions, un report des élections à l'AFE favoriserait le déroulement régulier des autres scrutins et contribuerait à réunir les conditions nécessaires au succès du premier rendez-vous des Français de l'étranger avec les élections législatives, rendez-vous important dans le cadre des efforts menés globalement par cette majorité en termes d'amélioration de notre fonctionnement démocratique.

Le Gouvernement a naturellement souhaité recueillir l'avis de l'Assemblée des Français de l'étranger sur l'opportunité d'une telle mesure. C'est à une très large majorité que celle-ci s'est prononcée en faveur du report.

Pour l'ensemble de ces raisons, le Gouvernement est tout à fait favorable à cette proposition de loi et au report qu'elle prévoit. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à M. Claude Bodin, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bodin

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 26 janvier 2011, le Sénat a adopté une proposition de loi présentée par M. Robert del Picchia et visant à proroger d'un an le mandat des conseillers à l'Assemblée des Français de l'étranger. Notre commission des lois a adopté cette proposition mercredi 30 mars, et nous en voilà saisis ce matin.

Je rappelle que l'Assemblée des Français de l'étranger est présidée par le ministre des affaires étrangères et qu'elle est composée de trois catégories de membres : premièrement, 12 sénateurs représentant les Français de l'étranger, qui sont membres de droit et auquel le « paquet électoral », définitivement adopté par l'Assemblée nationale le 29 mars, vient d'ajouter 11 nouveaux députés élus par les Français de l'étranger ; deuxièmement, 12 personnalités qualifiées, nommées pour six ans par le ministre des Affaires étrangères ; troisièmement, 155 membres élus pour six ans au suffrage universel direct par les Français établis hors de France. Ces membres élus constituent le corps électoral des sénateurs représentant les Français de l'étranger, corps électoral qui sera désormais élargi aux 11 nouveaux députés élus par les Français de l'étranger.

C'est à ces 155 membres élus que s'applique la proposition de loi adoptée par le Sénat. Elle vise à décaler de juin 2012 à juin 2013 le prochain renouvellement de la moitié des membres de l'Assemblée des Français de l'étranger : il s'agit des 76 conseillers de la série B, élus dans les zones « Europe » et « Asie et Levant ». Par voie de conséquence, pour conserver le principe d'un renouvellement par moitié tous les trois ans, les autres membres seraient renouvelés en 2016 au lieu de 2015 : il s'agit des 73 conseillers de la série A, élus dans les zones « Afrique » et « Amérique ».

Pourquoi cet allongement d'une année du mandat des conseillers de l'Assemblée des Français de l'étranger ? L'objectif est double.

Le premier, sans doute le plus essentiel, est d'éviter aux postes diplomatiques et consulaires d'avoir à gérer un calendrier électoral qui pourrait s'avérer intenable en 2012. En effet, en plus des deux tours de l'élection présidentielle, il faudra organiser pour la première fois les deux tours des élections législatives, pour désigner les 11 députés élus par les Français de l'étranger. Si le renouvellement de la moitié des membres de l'Assemblée des Français de l'étranger était maintenu comme prévu en 2012, un cinquième scrutin devrait donc être organisé au mois de juin. Les moyens humains et logistiques risqueraient de manquer.

Cela présenterait aussi des risques juridiques, car les trois élections n'obéissent pas aux mêmes règles, qu'il s'agisse des modes de scrutin, de l'encadrement de la campagne électorale ou des modalités de vote. Par exemple, les élections présidentielle et législatives se déroulent au scrutin majoritaire à deux tours, alors que l'élection des conseillers de l'Assemblée des Français de l'étranger a lieu au scrutin majoritaire à un tour dans les circonscriptions comportant un ou deux sièges, au scrutin proportionnel dans les circonscriptions comportant au moins trois sièges.

Le second objectif est d'éviter toute confusion dans l'esprit des électeurs et de rendre plus visible l'élection des conseillers de l'Assemblée des Français de l'étranger, puisqu'elle aurait lieu lors d'années vierges de toute autre échéance électorale, en 2013 et en 2016.

Je précise que le Conseil constitutionnel a déjà, à plusieurs reprises, accepté la prolongation de mandats électoraux pour des raisons similaires à celles aujourd'hui poursuivies, à savoir éviter des difficultés d'organisation des scrutins et éviter, selon l'expression du Conseil constitutionnel, de « solliciter à l'excès, au cours de la même période, le corps électoral ».

Cette proposition de loi me semble consensuelle : elle a fait l'objet d'une très large approbation au Sénat, elle a reçu le soutien du Gouvernement et a été approuvée par une large majorité à l'Assemblée des Français de l'étranger.

Elle a également été approuvée par la commission des lois, moyennant l'adoption de deux amendements qui visent à réparer une lacune du texte. En effet, la proposition de loi ne tirait pas les conséquences de la prorogation du mandat des membres élus de l'Assemblée des Français de l'étranger sur le mandat des personnalités qualifiées, nommées par le ministre des affaires étrangères. Or la loi du 7 juin 1982 prévoit que ces personnalités qualifiées sont nommées « pour six ans et renouvelées par moitié tous les trois ans, lors de chaque renouvellement » de l'Assemblée des Français de l'étranger. Les deux amendements, de votre rapporteur adoptés par la commission des lois permettent donc, à titre transitoire, d'allonger d'un an le mandat des personnalités nommées en 2006 et 2009, afin de maintenir la coïncidence des mandats des membres élus et des membres nommés.

En conclusion, mes chers collègues, il me reste à vous inviter, au nom de la commission des lois, à adopter cette proposition de loi tendant à proroger le mandat des conseillers à l'Assemblée des Français de l'étranger. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Dans la discussion générale, la parole est à M. Christian Bataille, pour le groupe SRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Bataille

Il découle de la jurisprudence constitutionnelle que la modification de la durée du mandat des élus appartenant à une assemblée locale ou à l'une des assemblées du Parlement n'est pas contraire à la Constitution, à condition que cette modification soit justifiée par des considérations d'intérêt général – ce qui est le cas – et que les différences de traitement entre élus ou électeurs qui en résultent soient en rapport avec l'objectif de la loi.

Cette modification aura un caractère exceptionnel et transitoire, et l'adoption des deux amendements de la commission a amélioré le texte. En conséquence, malgré certaines insuffisances qui ressortent de la lecture de l'exposé des motifs, soulignant un manque de moyens pour assurer le bon déroulement des élections à l'étranger, le groupe SRC approuvera cette proposition.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à M. Jean-Jacques Candelier, pour le groupe GDR.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Candelier

Monsieur le ministre, je vous remercie pour votre respect de l'autre.

Mes chers collègues, la proposition de loi qui nous est soumise vise à proroger d'un an le mandat des conseillers à l'Assemblée des Français de l'étranger et à reporter les prochains renouvellements de celle-ci à juin 2013, pour la série B, et à juin 2016, pour la série A.

Les 155 membres de l'Assemblée des Français de l'étranger, qui est l'instance représentative de nos compatriotes établis hors de France, sont élus au suffrage universel direct et renouvelés par moitié tous les trois ans. Le dernier scrutin a eu lieu en juin 2009 et concernait les circonscriptions électorales d'Afrique et d'Amérique ; le prochain scrutin concernera les circonscriptions électorales d'Europe et d'Asie, et devait se tenir en juin 2012.

Les objectifs visés par cette proposition de loi sont clairs. En 2012, les Français de l'étranger participeront, sous le contrôle du ministère de l'intérieur, à l'élection présidentielle et au premier scrutin destiné à élire les 11 députés qui les représenteront à l'Assemblée nationale. Or ces élections coïncident avec le renouvellement des membres de l'Assemblée des Français de l'étranger de la série B : se pose donc la question de l'articulation entre ce renouvellement et les scrutins nationaux prévus en 2012, à savoir les élections législatives et l'élection présidentielle.

Ce qui est principalement mis en avant pour justifier la proposition de loi est la nécessité de prendre en compte la charge de travail des autorités consulaires qui devront organiser ce scrutin. Les autorités consulaires risquent en effet de se trouver dans l'incapacité d'assurer la tenue de cinq tours de scrutin en quelques semaines. La proposition de loi vise donc à reporter d'une année le renouvellement de la série B des conseillers à l'AFE, le renouvellement de la série A étant, par symétrie, repoussé à 2016.

Cette situation appelle quelques observations de notre part.

Tout d'abord, l'incapacité des services consulaires à faire face aux échéances électorales de 2012 souligne les effets négatifs de l'application de la RGPP sur notre réseau diplomatique.

Surtout, l'adoption de cette proposition de loi ne serait pas sans effets sur le déroulement du scrutin sénatorial de 2014, puisque l'Assemblée des Français de l'étranger, appelée à désigner six de ses membres pour siéger au Sénat, n'aura pas été totalement renouvelée à cette date, comme cela aurait été le cas avec le calendrier actuel. Or il se trouve que la série qui n'aura pas été renouvelée est, comme par hasard, celle qui compte le plus d'élus proches de l'actuelle majorité parlementaire. A contrario, le collège électoral sénatorial se sera accru des 11 députés représentant les Français de l'étranger élus en juin 2012.

Nous nous interrogeons donc sur les effets pervers de la RGPP sur le fonctionnement des services consulaires, sur l'opportunité d'un report qui tendra de fait à dénaturer les résultats des élections sénatoriales de 2014 et sur la composition de l'Assemblée des Français de l'étranger, dont certains membres sont des personnalités nommées par le Gouvernement.

En raison de ces remarques, nous nous abstiendrons sur cette proposition de loi tendant à proroger d'une année le mandat des conseillers à l'Assemblée des Français de l'étranger.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Geoffroy

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je veux, sans surprise, confirmer au nom du groupe UMP que cette proposition de loi nous permet de clarifier la situation et de juguler un certain nombre de risques.

Nos débats d'aujourd'hui trouvent leur source dans la révision constitutionnelle de 2008 et dans la décision qui en découle d'affecter 11 sièges de députés, parmi les 577 fixés désormais par la Constitution, à la représentation des Français établis hors de France, comme c'est déjà depuis longtemps le cas au Sénat. Ce sont en effet près de 2,3 millions de nos compatriotes qui vivent aujourd'hui à l'extérieur de nos frontières, ce qui n'est pas insignifiant.

Or, sans cette proposition de loi, les autorités consulaires auraient à organiser en quelques mois cinq tours d'élections, pas moins : les deux tours de l'élection présidentielle, les deux tours des élections législatives et l'élection des conseillers de l'AFE de la série B, initialement prévue en juin 2012.

Pour éviter cela, deux solutions s'offraient à nous. La première consistait à organiser des élections simultanées ; la seconde – retenue par les sénateurs et soutenue par le Gouvernement, après que l'Assemblée des Français de l'étranger a elle-même choisi cette option – consiste à décaler d'un an les élections de 2012 et de 2015 à l'AFE.

Je dois faire ici quelques rappels sur l'importance de l'Assemblée des Français de l'étranger. Certes, son rôle est essentiellement consultatif, mais l'élection de ses membres dans les cinquante-deux circonscriptions dont dépendent nos compatriotes installés hors de France en fait une instance représentative.

Au fil des ans, depuis la création, en 1948, du Conseil supérieur des Français de l'étranger, la parole de nos concitoyens établis hors de nos frontières a été de mieux en mieux prise en compte, de manière à ce qu'ils aient le sentiment, malgré le choix qu'ils ont fait de quitter temporairement ou définitivement notre pays, d'être des français à part entière.

La Ve République a conforté cette institution en instaurant, en 1982, l'élection au suffrage universel direct, pour six ans avec renouvellement par moitié, des 155 membres élus de l'AFE. À ces conseillers élus s'ajoutent 12 sénateurs – et bientôt 11 députés –, ainsi que 12 personnalités qualifiées désignées par le ministre des affaires étrangères et européennes, qui préside cette instance.

Proroger d'un an les mandats des conseillers de l'AFE et ce pour les deux séries de conseillers est, comme le rappelait Christian Bataille, parfaitement conforme à l'esprit, à la lettre et à la pratique de nos institutions. C'est bien au Parlement d'en décider, d'autant plus aisément que c'est une décision de bon sens qui a reçu un avis favorable des premiers concernés, les élus à l'AFE, comme du Gouvernement.

Il s'agit avant tout de limiter la charge de travail des autorités consulaires, en clarifiant d'autre part l'enjeu des différentes élections.

On aurait pu en effet penser que la tenue au même moment des élections à l'assemblée des Français de l'étranger et des élections législatives correspondantes susciteraient un surcroît d'intérêt pour les Français de l'étranger. À la réflexion, c'est l'inverse qui risquait de se produire car ces deux élections sont différentes sur bien des points. Tandis que l'une vise à élire les représentants de la nation au sein de l'Assemblée nationale, l'autre, si elle désigne certes des représentants de la même nation pour ce qui concerne nos concitoyens établis hors de France, le fait à des fins totalement différentes et il n'est pas évident que le message n'en sorte par brouillé, au contraire.

De surcroît, les scrutins de ces élections se déroulent selon des règles très différentes. S'il est ainsi possible de voter par procuration aux élections législatives et présidentielles, ce n'est pas le cas pour les élections à l'AFE. Si les électeurs peuvent voter par internet pour les élections à l'AFE et les législatives, ils ne le peuvent pas pour les présidentielles. Il serait par conséquent difficile voire impossible de démêler toutes ces impossibilités, tous ces croisements. Surtout, les règles relatives aux campagnes électorales pour chacune de ces élections sont elles aussi très variées et il ne faudrait pas écarter le risque de voir des candidats se présenter à la fois aux élections de l'AFE et aux législatives pour profiter au mieux de la dualité de ces législations.

Pour cette raison me semble-t-il raisonnable de faire preuve de la même sagesse que nos amis sénateurs, d'autant plus que cette proposition de loi a été encore améliorée par deux amendements présentés et adoptés par notre commission.

Dans un souci de bon sens et d'efficacité, le groupe UMP comme l'essentiel des groupes de cette assemblée, accordera son soutien sans réserve ni état d'âme à cette proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

J'appelle maintenant dans le texte de la commission les articles de la proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.

(L'ensemble de la proposition de loi est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :

Discussion de la proposition de loi, modifiée par le Sénat, en deuxième lecture, relative au prix du livre numérique.

La séance est levée.

(La séance est levée à douze heures trente cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Claude Azéma