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Intervention de Robert Lecou

Réunion du 7 avril 2011 à 9h30
Accords instituant des partenariats de défense — Discussion de quatre projets de loi adoptés par le sénat autorisant l'approbation d'accords instituant des partenariats de défense avec la république du cameroun la république gabonaise la république togolaise et la république centrafricaine

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRobert Lecou, rapporteur de la commission des affaires étrangères pour le traité France-Gabon :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le traité franco-gabonais instituant un nouveau partenariat de défense ne peut être analysé sans faire référence à la réforme qui touche nos bases de défense à l'étranger, mouvement d'une ampleur sans précédent. Notre pays a compté jusqu'à sept bases sur le continent africain et 30 000 hommes. Aujourd'hui, notre dispositif s'est réduit, avec trois bases et 6 000 personnels déployés.

Selon l'engagement du Président de la République, confirmé par la loi de programmation militaire, nos implantations de défense à l'étranger vont être encore adaptées pour compter, d'ici à 2014, trois bases permanentes – à Djibouti, aux Émirats arabes unis et au Gabon –, voire deux centres de formation régionaux au Sénégal et au Tchad. Au total, ces différentes implantations devraient réunir un peu plus de 4 000 personnes.

Je veux dire ici que ces chiffres ne sauraient être interprétés comme un recul ou un désengagement de notre pays du continent africain. On n'insiste que trop rarement sur cette spécificité, que la France ne partage qu'avec les États-Unis et la Russie, à savoir qu'elle dispose d'emprises territoriales hors de ses frontières pour y stationner des troupes et des matériels militaires. À l'heure actuelle, ni la Chine, ni l'Inde, ni le Brésil n'ont et ne souhaitent officiellement avoir de bases de défense à l'étranger. Les Britanniques, de leur côté, ont, en pratique, abandonné cette idée, ne conservant que quelques postes avancés de taille modeste.

Or cet effort considérable consenti par la France, qui honore par là son statut de membre permanent du Conseil de sécurité, restera, y compris après la réforme, tourné vers l'Afrique. Nous maintenons en effet une part très majoritaire de nos forces prépositionnées sur ce continent puisque la future base d'Abu Dhabi comptera moins de mille hommes. Contrairement aux discours pessimistes sur l'avenir de l'Afrique, je crois que ce choix va dans le sens de l'histoire : le continent africain est le continent de l'avenir. Toutes les grandes puissances, notamment les États-Unis et la Chine mais aussi le Brésil, l'Inde, voire la Russie, s'efforcent de développer leur influence en Afrique. La France est le seul pays européen à avoir choisi d'y maintenir une présence notable. De plus, par rapport à ses principaux concurrents, elle y assume une responsabilité militaire particulière, au service des Nations unies et des organisations régionales, et ne se contente pas d'adopter l'attitude parfois prédatrice de certains États. En redessinant la carte de ses bases de défense, la France n'abandonne donc pas l'Afrique ; au contraire, elle rappelle à quel point nos deux destins sont liés.

Évidemment, les questions stratégiques sont l'élément majeur de cette réforme des bases de défense, mais ne nous cachons pas derrière de faux-semblants : la nouvelle organisation de nos forces prépositionnées procède également d'impératifs budgétaires. Les chiffres avancés par le Gouvernement font apparaître une économie cumulée d'environ 47 millions d'euros par an en coûts de fonctionnement. Le chiffre est conséquent, mais nous maintenons en Afrique un dispositif militaire unique pour une puissance étrangère. Pourrait-on économiser plus ? Fermer plus de bases ? Avec une base sur chaque façade du continent : à l'est, à Djibouti, à l'ouest, au Gabon, nos forces peuvent atteindre rapidement n'importe quel point du continent. Un centre opérationnel en moins réduirait nettement notre capacité de projection. De plus, la base d'Abu Dhabi permet à notre pays d'assurer une présence militaire permanente dans une région hautement stratégique, à proximité, notamment, du détroit d'Ormuz.

Peut-on estimer que les bases sont des structures militaires inutiles ? Il suffit de constater que les troupes déployées cette semaine en Côte d'Ivoire pour assurer la sécurité des 12 000 Français qui y résident venaient en partie de Libreville, pour se convaincre que non. Le continent africain abrite plus de 200 000 de nos concitoyens, et des situations comme celle qui a malheureusement enflammé récemment Abidjan pourraient survenir à nouveau. Il est indispensable, pour assurer cette mission essentielle de l'État qu'est la protection de ses ressortissants, que la France dispose des moyens nécessaires à la projection de sa force dans une région où ses intérêts stratégiques sont si nombreux.

Le traité entre la France et le Gabon participe de cette réforme historique, juste et équilibrée, qui permet à notre pays de disposer de relais de puissance au plus près des zones où son avenir est en jeu.

À l'heure actuelle, 880 militaires français occupent le camp de Gaulle, à proximité de l'aéroport de Libreville. Après la transformation de la base de Dakar en centre de formation, le plafond de mille hommes stationnés au Gabon devrait être atteint. Cette évolution nécessitait évidemment d'être mentionnée dans ce texte qui fixe pour les années à venir notre coopération militaire avec le Gabon.

L'annexe du traité est ainsi entièrement consacrée au statut des forces françaises au Gabon. Celles-ci reçoivent l'assurance de pouvoir bénéficier de toutes les facilités indispensables à l'exercice de leur activité. Tout aussi importantes, des dispositions relatives à nos forces prépositionnées au Gabon accordent un rôle important aux autorités gabonaises, informées des activités de la base et habilitées à demander à tout moment le retrait de nos soldats présents sur le territoire.

Ce nouvel équilibre entre la France et ses partenaires africains est au coeur des nouvelles orientations de notre coopération militaire et stratégique sur le continent. Le traité entre la France et le Gabon est également concerné par cette évolution considérable de notre politique en Afrique.

Comme tous les accords que la France a signés et qu'elle négocie actuellement avec des pays africains, le traité avec le Gabon ne comporte aucune clause prévoyant l'assistance militaire française face à une menace extérieure ni, a fortiori, aucune clause prévoyant l'intervention de nos forces pour des missions de maintien de l'ordre intérieur. Présentes dans des accords anciens, qui seront abrogés par la ratification des nouveaux partenariats de défense, ces clauses ne correspondaient évidemment plus ni à la situation du continent africain ni aux ambitions françaises pour le développement de l'Afrique.

Au Gabon comme ailleurs, la France s'efforce de soutenir le développement de moyens militaires africains, au service notamment des organisations régionales, afin de maintenir la paix et la stabilité sur le continent. Ainsi, à terme, les interventions militaires françaises en Afrique ne devraient plus avoir lieu en dehors d'un mandat de l'ONU ou d'une demande des organisations régionales.

Le traité est parfaitement conforme aux standards internationaux en vigueur dans ce domaine. Les questions clés, notamment la responsabilité en cas de dommages et les modalités de jugement des personnels coopérants coupables d'une infraction, font l'objet des équilibres traditionnels qui visent à respecter la souveraineté des États en protégeant les droits fondamentaux des personnes.

Aucune spécificité majeure n'est à signaler concernant les dispositions les plus techniques du traité du 24 février 2010. Celles-ci visent à faciliter la conduite d'activités en commun, notamment des exercices et des formations de tout genre, sur le territoire de l'une ou l'autre des parties. En réalité, la particularité de ce traité franco-gabonais est précisément de n'en avoir aucune autre que celle liée à la présence de troupes françaises sur le territoire gabonais.

Une telle situation rompt avec les anciens textes qui n'étaient plus dans l'intérêt de notre pays et qui ne correspondaient plus aux aspirations légitimes des Africains. Ces derniers nous l'ont bien signifié lors des négociations suscitées par le reformatage de notre dispositif de bases de défense. Le président sénégalais avait ainsi accueilli très positivement la proposition française de réduire la taille de la base de Dakar et d'en modifier les missions.

Dans l'ensemble, aucune réaction négative n'a été enregistrée suite à l'annonce de ces évolutions qui se sont donc faites, si ce n'est à la demande, en tout cas en concertation avec les Africains.

Mes chers collègues, je suis heureux d'annoncer que la commission des affaires étrangères a donné un avis favorable à la ratification de ce traité, et ce pour deux raisons : d'abord, parce que ce texte permet de lancer le processus de réforme de notre dispositif militaire prépositionné, dont nous avons approuvé les principes et les premières mesures ; ensuite, parce que ce traité symbolise la nouvelle attitude qu'adopte la France dans un continent qui lui est si cher.

Notre coopération ne pourra fonctionner demain que si les pays d'Afrique se sentent respectés en tant qu'États souverains, dotés des moyens d'assurer eux-mêmes leurs missions de sécurité, encouragés dans leur souhait de coopérer sur des questions fondamentales à l'échelle du continent.

Le traité signé par les présidents français et gabonais en février 2010 participe à cette évolution. Sa ratification participerait de ce moment historique. C'est pourquoi, mes chers collègues, je vous demande de l'entériner. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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