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Intervention de Christian Bataille

Réunion du 7 avril 2011 à 9h30
Accord france-brésil dans le domaine de la lutte contre l'exploitation aurifère illégale — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristian Bataille :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Brésil et la France ont négocié et signé, le 23 décembre 2008, un accord dans le domaine de la lutte contre l'exploitation aurifère illégale en Guyane. Je ne reprendrai ni l'historique ni la présentation de ce texte qui, l'un et l'autre, viennent d'être excellemment détaillés par notre collègue Christiane Taubira. À son double titre de députée de Guyane et de membre de la commission des affaires étrangères, elle a, il est vrai, toutes qualités pour motiver le vote positif de l'ensemble de la représentation parlementaire.

En Guyane et au Brésil la préservation de l'environnement est, en effet, menacée par des orpailleurs clandestins. Lutter contre des hommes et des femmes qui altèrent gravement les eaux, les sols et la chaîne alimentaire est une obligation. Elle n'appelle aucune espèce de réserve. Que ce combat soit mené en concertation avec le Brésil, pays d'origine de ces braconniers de l'or, conforte la nécessité du vote. Il est vrai que le Brésil est au coeur, depuis plusieurs années, de nombreuses batailles environnementales. C'est à Rio, rappelez-vous, que s'est tenue, en 1992, la première grande conférence internationale sur l'environnement et le développement. Le président français de l'époque, François Mitterrand, avait fait le déplacement pour, selon son propos, « que le nom de Rio soit synonyme d'espérance ». « On ne peut… », avait-il dit le 13 juin 1992, «…séparer l'homme de la nature, car il est la nature même comme le sont l'eau, l'arbre, le vent, le fond des mers […] Notre devoir [...] est de faire que la terre nourricière soit à la fois notre maison et notre jardin. […] Notre terre souffre des fureurs des hommes. […] Nous aurons à convaincre, à encourager, mais aussi à empêcher ».

C'est de cela qu'il s'agit en Guyane. Il convient d'empêcher, selon les termes employés dans l'accord que nous examinons ce matin, « toute activité illégale dans les zones protégées ou d'intérêt patrimonial ». Il y va de la santé publique des populations amérindiennes Wayanas et de la protection de la forêt amazonienne. La Guyane et donc la France sont concernées au premier chef. Le Brésil qui, depuis Rio, a pris des engagements internationaux, afin de protéger le milieu amazonien, l'est également. Les deux pays et leurs chefs d'État avaient inclus un chapitre particulier portant sur la protection de l'environnement dans le plan d'action pour un partenariat stratégique, signé également à Rio le 23 décembre 2008. J'espère que cette dynamique bilatérale continuera à porter, à l'avenir, des projets d'intérêt communs, que ces projets soient environnementaux ou de tout autre nature.

Le Brésil comme la France sont des pays écoutés dans leurs régions respectives et au sein de diverses enceintes internationales. L'accord de partenariat stratégique paraphé par les deux pays en 2008 réaffirmait une volonté commune de partenariat privilégié. Au-delà de l'environnement, de grandes idées avaient été avancées pour inscrire cette amitié dans le concret. Je ne suis pas sûr que l'horizon ainsi défini soit toujours perçu de la même manière à Paris et à Brasilia. Qu'en est-il, par exemple, je reprends ici les termes mêmes du plan d'action franco-brésilien, de « leur volonté d'oeuvrer conjointement au renforcement du multilatéralisme, au maintien de la paix et de la sécurité internationales » ?

Les réactions de Paris et de Rio aux événements de Libye ne m'ont pas paru en conformité avec le voeu ainsi émis, noir sur blanc, en 2008. J'ai noté que les deux diplomaties ne se sont pas positionnées de la même façon au Conseil de sécurité le 17 mars dernier. Cet écart avait déjà été perceptible quand, en mai 2008, le Brésil avait, avec la Turquie, proposé une médiation sur le dossier du nucléaire iranien. Cette initiative n'avait pas, me semble-t-il, bénéficié d'un accompagnement quelconque de la part de la France.

Au sein du G20 et à l'OMC, autre ambition affichée en décembre 2008, il ne me paraît pas, là non plus, que la France et le Brésil aient travaillé dans la même direction. Il reste, mais il s'agit là d'un dénominateur commun minimal, diverses coopérations dans le domaine militaire et la construction d'un pont sur l'Oyapock dont la première pierre a été posée – c'est original – à deux reprises, par les présidents Chirac et Sarkozy. Ce n'est pas rien. Mais, vous en conviendrez, monsieur le ministre, on est assez loin des ambitions affichées à Rio le 23 décembre 2008.

Les députés SRC voteront, bien entendu, l'accord franco-brésilien qui est soumis à l'appréciation du Parlement ce jour, mais ce vote favorable n'empêche pas l'expression d'un bémol. Nous avons, en effet, le sentiment, monsieur le ministre, que les grandes idées du 23 décembre 2008, si elles n'ont pas été abandonnées, sont interprétées de façon restrictive. La France, il est vrai, peut-elle afficher, en 2011, des ambitions multilatéralistes, après avoir accepté délibérément de perdre les marges d'autonomie que lui permettait une participation particulière à l'Alliance atlantique depuis 1966 ? La décision prise par le Président Sarkozy d'intégrer l'OTAN sans contreparties perceptibles a été une décision funeste dont on a pu mesurer les incidences dans la mise en oeuvre de la résolution 1973 du Conseil de sécurité concernant la Libye. Ce choix nous a éloignés du multilatéralisme affiché à Rio en décembre 2008. Il altère la relation que nous pouvons avoir avec le Brésil. Le groupe SRC le regrette et entendait vous le faire savoir. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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