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Séance en hémicycle du 10 février 2011 à 9h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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  • don
  • donneur
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  • vivant

La séance

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi relatif à la bioéthique (nos 2911, 3111).

Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de cinq heures trente-sept minutes pour le groupe UMP, dont quatre-vingt-dix-neuf amendements restent en discussion ; sept heures dix-huit minutes pour le groupe SRC, dont vingt-sept amendements restent en discussion ; trois heures vingt-six minutes pour le groupe GDR, dont vingt-trois amendements restent en discussion ; trois heures vingt-cinq minutes pour le groupe Nouveau Centre, dont neuf amendements restent en discussion ; et de vingt minutes pour les députés non inscrits.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Hier soir, l'Assemblée a commencé l'examen des articles, s'arrêtant à l'amendement n° 95 , à l'article 5.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Sur l'article 5, je suis saisi de trois amendements, nos 95 , 111 et 179 , pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 111 et 179 sont identiques.

La parole est à Mme Claude Greff, pour défendre l'amendement n° 95 .

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Greff

Nous reprenons ce matin le débat sur les dons d'organes. Il s'agit que les prélèvements d'organes s'effectuent dans les meilleures conditions, que chaque citoyen soit correctement informé des possibilités de don et que les familles soient accueillies convenablement lorsque, en cas d'accident, il leur faut prendre une décision concernant les organes du défunt.

Plusieurs de mes collègues ont souligné hier que, malgré les informations disponibles sur le don d'organe, le nombre de donneurs stagne, et beaucoup trop de malades en attente, par exemple, d'une transplantation rénale, sont condamnés à des dialyses permanentes, très handicapantes, car il ne trouvent pas de donneurs dans leur famille nucléaire, alors qu'ils sont entourés d'amis avec qui ils ont des relations étroites et stables et qui seraient prêts à leur donner un rein.

Je plaide donc en faveur d'un don du vivant entre proches, ayant des liens affectifs, étroits et stables. Mais pour protéger ces relations, j'insiste dans cet amendement sur le fait que les liens entre le donneur et le receveur doivent être avérés.

Cela doit permettre, d'une part, d'augmenter le nombre de donneurs potentiels et ainsi le nombre de greffes réalisées, et, d'autre part, d'harmoniser notre législation avec celles de la plupart des pays européens, comme le conseille l'alinéa 23 de la résolution du Parlement européen en date du 22 avril 2008 sur le don et la transplantation d'organes qui, je vous le rappelle, « prie instamment les États membres d'adopter ou de maintenir des dispositions législatives strictes, en ce qui concerne les transplantations à partir de donneurs vivants non apparentés, pour faire en sorte que le système soit transparent et que toute possibilité de vente d'organes illicite ou d'action de coercition sur les donneurs soit exclue, en veillant ainsi à ce que les dons de donneurs vivants non apparentés ne puissent être faits que sous les conditions définies par la loi nationale et après autorisation d'une instance indépendante appropriée ».

N'importe quel binôme candidat à la transplantation peut se prévaloir de liens étroits et stables et, si j'insiste sur le terme « avéré », c'est qu'il permet de mieux sécuriser la notion de prélèvement d'organe dans l'intérêt thérapeutique direct du receveur. Ce mot doit être entendu dans son appréciation courante, renvoyant à une vérité établie, mais surtout dans son sens juridique, à savoir quelque chose qui est « démontré ».

Les liens entre donneur et receveur doivent certes être étroits et stables, mais encore faut-il que cela puisse être démontré par des indices et des preuves tangibles, auprès du tribunal de grande instance, d'un magistrat ou d'un procureur de la République, en cas d'extrême urgence.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

La parole est à M. Jean-Sébastien Vialatte, pour soutenir l'amendement n° 111

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Sébastien Vialatte

Cet amendement est légèrement différent du précédent, mais il me semble que celui de Mme Greff est meilleur. Comme elle, je considère qu'il y a parfois entre amis des liens affectifs plus étroits qu'entre cousins, que les pressions intrafamiliales sont parfois une réalité et que, dès lors que la procédure est clairement encadrée devant le tribunal de grande instance, il me paraît possible d'élargir le champ des donneurs vivants. Je retire donc mon amendement, au profit de l'amendement n° 95 .

(L'amendement n° 111 est retiré.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

La parole est à Mme Catherine Quéré, pour défendre l'amendement n° 179 .

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Quéré

Le don d'organes doit être encouragé et nous devons, pour cela, élargir le cercle des donneurs potentiels. C'est l'esprit de cet amendement qui, grâce à la modification qu'il propose, permettrait également à la France d'harmoniser sa législation avec celle de la plupart des pays européens.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Leonetti

Chacun ici veut trouver des solutions pour augmenter le nombre de donneurs, mais le donneur vivant n'est pas une solution totalement anodine – Olivier Jardé le rappelait hier –, et il me semble que c'est avant tout sur le don cadavérique que nous avons des progrès à faire pour faire reculer le taux de refus – de 27 % dans notre pays, contre 15 % en Espagne.

Pour ce faire, il faut améliorer le professionnalisme des équipes, les renforcer. Je rappelle par ailleurs que rien n'incite aujourd'hui les hôpitaux à pratiquer des greffes, car la tarification à l'activité les incite plutôt à s'orienter vers des actes rentables.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Leonetti

Je suis pour la T2A, mais il faut aujourd'hui mieux redéfinir certaines missions d'intérêt générales. Cela permettrait aux hôpitaux d'augmenter le nombre de greffes pratiquées.

Je comprends l'esprit de l'amendement défendu par Claude Greff, qui a bien perçu la difficulté de s'assurer, hors du cercle familial, de la véracité de liens affectifs profonds et durables.

Aujourd'hui en France, malgré l'élargissement de 2004 qui ouvre le prélèvement d'organes aux collatéraux, cousins, tantes ou oncles, 99 % des donneurs restent le père, la mère, le frère, la soeur ou le conjoint.

Sur l'ensemble des pays européens, c'est la Norvège qui possède les meilleures statistiques, mais le pourcentage de dons du vivant n'y a progressé que de 1,6 % avec l'ouverture du don aux proches ne faisant pas partie de la famille.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Leonetti

Dans la mesure où il faut d'abord privilégier le don cadavérique, ce serait un mauvais signal de laisser penser que les donneurs vivants sont, comme aux États-Unis, la solution.

Par ailleurs, la disproportion me semble très forte entre le nombre de malades en attente de greffe et la progression du nombre de donneurs que l'on peut espérer de l'élargissement du don, sachant en outre que, s'il y a des pressions intrafamiliales, il existe aussi des pressions extrafamiliales – qui pourra en effet affirmer que tel ami n'a pas été rémunéré ou indemnisé pour le don qu'il fait, et faire la preuve des liens profonds durables et avérés qu'il entretient avec le receveur ?

Pour ces raisons, même si je comprends les arguments de Claude Greff et sachant que désormais nous reviendrons ici chaque année, je pense qu'il vaut mieux dans un premier temps privilégier le don cadavérique, quitte à procéder ultérieurement à un bilan, comme s'y est engagé hier Xavier Bertrand, et à faire des ajustements le cas échéant. Il me semble que le risque dépasse le bénéfice, et j'émets donc un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

La parole est à Mme Nora Berra, secrétaire d'État chargée de la santé, pour donner l'avis du Gouvernement sur les amendements nos 95 et 179 .

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée de la santé

Comme la plupart d'entre vous, à l'instar du rapporteur, je souhaite promouvoir les dons d'organes effectués afin de sauver les malades. Nous devons toutefois peser soigneusement les risques que comporterait une extension mal maîtrisée de la liste des donneurs vivants établie par la loi.

Je soutiens la proposition qui vous a été faite hier par M. Xavier Bertrand : renforçons l'information sur les dons d'organes, mettons en place des actions de promotion du don en cas de mort cérébrale.

Je note tout d'abord que, en matière de don d'organe, les risques de pressions et de tractations financières ne sont pas à écarter.

Ensuite, l'amendement de Mme Greff conditionne le don d'organe à l'existence d'un « lien affectif étroit, stable et avéré » entre le donneur et le receveur. Or l'adjectif « avéré » peut faire l'objet d'appréciations subjectives et d'interprétations variables selon les juges.

À mon sens, il est donc préférable de mettre l'accent sur l'information et la promotion du don cadavérique plutôt que d'élargir le cercle des donneurs vivants.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Hunault

Je soutiens l'amendement de Mme Claude Greff, car, comme nous le souhaitons tous, il élargit le champ des donneurs potentiels, actuellement restreint à la famille.

Mais Mme Greff a raison d'affirmer la nécessité de l'existence de liens entre le donneur et le receveur. Monsieur le rapporteur, madame la secrétaire d'État, ne faisons pas dire à cet amendement ce qu'il ne dit pas : il s'inspire d'une résolution du Parlement européen du 22 avril 2008 et il vise bien à encadrer le don entre proches.

Nous partageons tous le même objectif, aussi pourrions-nous avancer en prenant certaines garanties afin d'éviter les effets pervers qui pourraient découler de l'adoption de l'amendement n° 95 . Monsieur le rapporteur, vous venez de rappeler que le sujet reviendra tous les ans devant nous ; si donc nous adoptons l'amendement, nous serons à même, très rapidement, de faire le bilan de l'application de cette mesure.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Touraine

Hier, on nous disait vouloir favoriser les transplantations ; aujourd'hui, on veut opposer les prélèvements sur le donneur vivant à ceux effectués sur le donneur cadavérique.

Il n'y a bien évidemment qu'une seule solution pour favoriser les transplantations : il faut que les donneurs vivants s'ajoutent aux donneurs cadavériques. Il y aura toujours en France davantage de transplantations à partir de dons cadavériques mais, aujourd'hui, en termes de donneurs vivants, nous restons tout de même extrêmement loin des chiffres enregistrés dans les pays européens ou aux États-Unis, qui se situent entre 25 et 50 %, puisque. nous n'avons jamais atteint 10 % – je n'évoque même pas les pays qui enregistrent un taux de 80 ou 90 %. Notre déficit est considérable car, depuis quelques années, toute la charge de la transplantation a été transférée aux donneurs cadavériques. Il faut que nous rattrapions ce retard, et nous ne devons pas nous contenter d'affirmer que nous le ferons l'an prochain ou dans deux ou trois ans. Il y a urgence.

La loi était originellement très restrictive en limitant le cercle des donneurs vivants potentiels à un cercle familial étroit parce que, il y a vingt ans, on craignait les trafics d'organes. Depuis, les textes encadrent totalement ces pratiques : ils rendent de tels trafics impossibles. Il n'y en a d'ailleurs pas eu dans notre pays ; les seuls que l'on ait à connaître concernent l'étranger.

Il arrive malheureusement que des malades français subissent des greffes dans d'autres pays à partir de dons d'organes rémunérés, mais cela ne se produit jamais sur notre territoire. En la matière, les peines prévues sont si lourdes, et l'arsenal répressif est si drastique, tant à l'égard des patients que des équipes médicales qui s'adonneraient à de telles pratiques, que nous n'avons aucune inquiétude à avoir.

Sur le plan philosophique, je ne vois pas de différence entre une personne qui aurait des liens affectifs durables et étroits avec le receveur et un cousin éloigné, ou encore un inconnu avec qui s'organiserait un don croisé. J'estime même qu'il y a davantage de probabilité qu'une compensation intervienne au sein d'une même famille : si un cousin vous donne un rein, il y a des chances que vous ayez envie de lui offrir un cadeau pour le sacrifice consenti – ce qui a sans doute moins de chance de se produire si le donneur entretient avec le receveur un véritable lien affectif étroit et stable. En revanche, dans ce dernier cas, il est vrai que le donneur subit une certaine pression. De même, d'une façon naturelle, nous souhaitons aider nos proches qui affrontent une maladie grave comme un cancer ; cette pression psychologique existe, inévitable, elle est noble, humaine et respectable ; elle n'a rien à voir avec des pressions financières.

Afin que nous trouvions tous ensemble une solution, mon groupe se rallie à l'amendement de Mme Greff.

(L'amendement n° 179 est retiré.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Le Déaut

Pour illustrer les propos de M. Touraine, de Mme Quéré, de Mme Greff et de M. Vialatte, je citerai l'exemple que j'ai déjà donné en commission en présence du ministre – il avait alors affirmé vouloir téléphoner aux familles concernées.

Il s'agit du cas d'une personne qui, dans l'est de la France, vit avec un rein artificiel et subit une dialyse trois fois par semaine. Il y a une quinzaine d'années, elle s'est découvert un demi-frère, non reconnu par la famille, avec qui elle entretient depuis des relations stables. Il s'agit donc bien d'un lien durable. Ce demi-frère a proposé de lui donner un rein, il est « compatible » et le juge a donné son accord. Pourtant le comité de protection des personnes, qui statue, au niveau régional, en vertu de la loi Huriet-Sérusclat, s'y est opposé par crainte que ce don ne soit pas conforme à la loi de 2004. Relisons ce texte : « peuvent être autorisés à se prêter à un prélèvement d'organe dans l'intérêt thérapeutique direct d'un receveur son conjoint, ses frères ou soeurs, ses fils ou filles, ses grands-parents, ses oncles ou tantes, ses cousins germains et cousines germaines ainsi que le conjoint de son père ou de sa mère. Le donneur peut également être toute personne apportant la preuve d'une vie commune d'au moins deux ans avec le receveur ».

Pour reprendre les termes de l'amendement de Mme Greff, ne vaudrait-il pas mieux que la loi évoque « un lien affectif étroit, stable et avéré » entre le donneur et le receveur ? Madame Berra, vous estimez que le mot « avéré » n'a pas de connotation juridique : l'ensemble de cette rédaction me semble, au contraire, parfaitement compréhensible en droit, elle est d'ailleurs issue des recommandations du Conseil de l'Europe. En tout état de cause, elle permettrait de régler le cas que je viens de citer.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Je suis embarrassé car l'amendement me paraît intéressant. Nous souhaitons tous développer le don sous toutes ses formes, sans opposer le donneur vivant au donneur cadavérique.

Le ministre a annoncé cette nuit qu'un rapport sur le sujet serait remis au mois de juin prochain. Pour la première fois à une telle échelle, le point serait fait, officiellement, sur l'état du don en France. Peut-être n'aurais-je pas eu la même position hier soir, mais je me demande, ce matin, s'il n'est pas préférable d'attendre quatre mois, sous réserve d'être certain que le point précis qui nous intéresse sera bien traité dans le rapport. Madame la secrétaire d'État, je sais que, dans notre pays, les associations sont assez partagées – je les connais, je travaille régulièrement avec elles ; nous pourrions patienter si nous avions l'assurance d'obtenir des réponses au mois de juin

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Greff

Nous connaissons tous personnellement des malades concernés par le don d'organes, mais je ne veux pas me situer sur ce terrain : ce qui me semble essentiel, c'est que le législateur n'attende pas la publication d'un rapport ; il doit savoir que, aujourd'hui, tous les garde-fous sont déjà en place.

Tout d'abord, dans notre pays, les dons d'organes sont rares. Ensuite, les conditions biologiques et médicales du don et de la compatibilité entre donneur et receveur sont extrêmement strictes. Il faut encore trouver la personne proche qui puisse devenir donneur. Enfin, je rappelle que la justice est saisie et qu'un magistrat se prononce à l'issue d'une démarche très encadrée. J'ajoute que la France n'a pas connu de trafic d'organes. Au contraire, notre culture est celle du respect d'une approche médicale et juridique et, plus globalement, de l'humain.

Pourquoi imaginer un danger aujourd'hui, alors que la situation est parfaitement encadrée ? Pourquoi attendre un rapport qui paraîtra dans quatre mois ? Il faut faire confiance aux dignes représentants de la population qui siègent dans cet hémicycle : en leur âme et conscience, ils connaissent l'importance de leurs décisions.

En conséquence, je maintiens mon amendement, même si j'ai bien entendu les arguments de Mme la secrétaire d'État.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Mariton

Je suis sensible aux propos de Mme Claude Greff, mais j'ai aussi entendu que M. Philippe Gosselin avait rappelé l'engagement du ministre. Je crois que nous souhaitons tous parvenir au même résultat.

Les propos que je viens d'entendre, notamment ceux de M. Touraine, m'inspirent toutefois une observation peut-être un peu décalée, mais qui me semble utile. Certains considèrent qu'il convient d'élargir le champ du don tel qu'il a été défini par loi de 2004 : au même titre que les liens du sang, certains liens affectifs pourraient justifier l'autorisation d'un don d'organe – et je suis tout à fait d'accord avec cela. Cependant, j'ai entendu M. Touraine expliquer que si le don justifié par un lien affectif étroit se faisait sous l'effet d'une pression psychologique naturelle, celle de l'affection, et en toute gratuité, le don entre deux personnes d'une même famille, mais entretenant un lien moins étroit, par exemple entre cousins, suscitait plus d'interrogations.

Ce n'est pas la première fois que cette question est évoquée, et je voudrais à nouveau insister sur le fait que la dimension du sang dans la construction familiale ne doit pas être niée. Il me semble qu'en s'interrogeant sur la pertinence de la liste établie en 2004, une liste « historique » qui ne correspondrait plus à l'état actuel de la société française, on sous-entend qu'il y a lieu de remettre en cause la valeur de certains liens de famille – en particulier celui du cousinage –, censés être dépassés.

Si je me rallie bien volontiers à l'extension aux liens affectifs du champ d'application du don, je pense que cette extension ne doit pas être l'occasion de dévaloriser des liens familiaux qui, s'ils peuvent paraître anciens aux yeux de certains, doivent conserver leur place.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Dumont

C'est qu'il fait ressortir beaucoup d'autres choses !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Leonetti

…est qu'il permet de procéder à des allers-retours. Ce que vient de dire Hervé Mariton me donnerait presque envie de voter l'amendement de Claude Greff.

Certains points me paraissent devoir être précisés. Pour ce qui est du cas de Nancy, il y a entre la personne malade et le donneur potentiel un lien génétique, mais pas de lien de parenté juridiquement reconnu – pas de lien social. La famille, c'est un lien social, pas un lien génétique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Leonetti

Xavier Bertrand a pris l'engagement de réfléchir à la question, et je pense qu'il trouvera effectivement une solution.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Mariton

La famille, c'est un lien social et un lien génétique ! Les deux, monsieur le rapporteur !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Leonetti

Je vais dire ce qui me gêne dans l'amendement de Claude Greff, et chacun se prononcera ensuite en toute liberté.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Mariton

Nier la dimension génétique de la famille, c'est invraisemblable !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Leonetti

Ou bien on restreint le champ d'application du don justifié par un lien affectif, comme elle le propose à juste titre, et on donne alors à cette possibilité un caractère exceptionnel, ou bien on élargit franchement le cercle des donneurs vivants. Mais le don entre vifs et le don cadavérique ne sont pas sur le même plan, et nous avons un tel retard en matière de don cadavérique qu'il serait dommage, à mon sens, d'adresser un signal négatif en direction de cette forme de don – ce qui serait le cas si nous donnions l'impression de favoriser le don entre vifs.

La solution proposée ne réglera en rien la question des greffes d'organes, puisqu'elle n'aurait qu'une incidence de l'ordre de 1 %.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Dumont

C'est toujours ça ! Pensez à ceux qui attendent !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Leonetti

Il faut se demander si nous voulons développer le don cadavérique, ou plutôt le don entre vifs. (« Les deux ! » sur les bancs du groupe SRC.) Aux États-Unis, le don entre vifs donne lieu à une dérive : quand un malade arrive avec un ami qui se déclare donneur, il est greffé beaucoup plus rapidement que les autres personnes figurant sur la liste d'attente. La même situation existe déjà dans notre pays au sujet des dons d'ovocyte.

Mes chers collègues, l'enfer est pavé de bonnes intentions. Chacun doit savoir, avant le vote, que la solution proposée restera exceptionnelle – et puisqu'elle ne résoudra pas le problème, il faut continuer à développer le don cadavérique.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Dumont

Bien sûr ! Mais l'un n'empêche pas l'autre !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Leonetti

Enfin – et je parle sous le contrôle de Mme la secrétaire d'État, qui confirmera sans doute ce que je vais dire –, Xavier Bertrand a pris l'engagement ferme de faire le point en juin et d'explorer toutes les pistes possibles, législatives ou non…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Leonetti

Ce sera l'occasion de vérifier si certains ont tenté de mettre en place des trafics en France, notamment entre cousins – des trafics par nature difficiles à prouver, car le lien entre deux personnes d'une même famille se prouve, tandis qu'un lien uniquement affectif peut simplement être estimé. C'est le seul élément qui m'inspire de la réticence à l'égard de l'amendement, au demeurant excellemment rédigé, de Claude Greff.

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée de la santé

Nous avons évoqué des pays où le don entre personnes ayant un lien affectif étroit est possible mais, comme l'a indiqué Jean Leonetti, l'augmentation de ce type de dons est limitée à 1 % (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Greff

Pour les personnes concernées, c'est toujours compliqué !

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée de la santé

La vraie question ne consiste pas à opposer le don cadavérique au don d'une personne vivante, mais de savoir comment faire pour promouvoir globalement le don.

Il y a une marge de progression sur le don cadavérique et, sur ce point, je veux appeler votre attention sur la mise au point d'un plan intitulé « Un élan pour la greffe », qui va être présenté par l'Agence de biomédecine à la fin du mois. Ce plan prévoit un certain nombre d'actions visant à favoriser la greffe en France. Nous aurons des informations précises sur les orientations à prendre…

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée de la santé

Je suis d'accord sur la complémentarité, mais il convient tout de même d'envisager les choses de façon pragmatique. S'il n'y a pas de trafics en France, c'est parce que la question ne se pose pas, la pratique du don d'organes hors du cercle familial n'étant pas autorisée par la loi. Aux États-Unis, où un lien affectif étroit suffit à autoriser le don entre vifs, un trafic organisé au sein de certains hôpitaux a été démantelé par le FBI ; des sanctions pénales ont été prononcées. Donc, ne soyons pas naïfs et prenons conscience du fait que des dérives peuvent se produire.

M. Touraine a dit qu'en ce qui concerne les donneurs vivants, la France est en retard, n'ayant pas atteint les 10 %. Or, je crois que pour la greffe de rein, nous avons atteint les 10 % en 2010.

Enfin, j'attire votre attention sur le fait que la greffe provenant d'un donneur vivant ne concernera jamais que le rein, puisqu'elle n'est pas possible pour le coeur et le poumon, et qu'elle s'est révélée dangereuse pour les greffes de foie.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Greff

On ne s'en serait pas douté, que la greffe de coeur était impossible !

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée de la santé

Je ne suis donc pas convaincue que cette disposition permettrait de promouvoir le don d'organes et encore moins de constituer une solution à la question.

Je conclurai en indiquant qu'en complément du plan dont nous allons disposer à la fin du mois sur les actions et les orientations à entreprendre, je m'engage, comme Xavier Bertrand l'a fait cette nuit, sur la remise en juin d'un rapport relatif à l'état des lieux de la greffe.

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée de la santé

Nous aurons ensuite tout loisir de statuer sur l'opportunité éventuelle de revenir sur le texte législatif.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vuilque

C'est le meilleur moyen d'enterrer le problème !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

La parole est à M. le président de la commission spéciale.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Claeys

Comme M. le rapporteur l'a reconnu lui-même, l'argument le plus sérieux pour refuser l'amendement de Mme Greff est celui développé par Hervé Mariton.

Même s'il est vrai l'évolution proposée n'aurait qu'une incidence peu élevée sur le nombre de greffes pratiquées, il me semble qu'au point où nous en sommes aujourd'hui, nous devons faire tous les efforts possibles ; c'est pourquoi je suis favorable à l'amendement de Mme Greff. J'ai bien entendu M. Mariton et si je suis en désaccord avec lui, je reconnais que sa position, qu'il aura l'occasion d'exposer tout au long du débat, est cohérente.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Mariton

La famille est à la fois sociale est biologique, voilà ce que je veux dire !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Touraine

Je comprends ce que veut dire M. Mariton, mais je pense que le débat sur ce projet de loi n'est pas le cadre qui convient pour comparer, sur le plan philosophique, les avantages réciproques des liens du sang dans une famille et des liens d'amour entre deux personnes proches.

Par ailleurs, pour ce qui est du cousinage, plus il est éloigné, plus ce que l'on suppose des liens du sang est sujet à erreur, les analyses génétiques ayant montré que ce risque d'erreur est supérieur à 10 %.

Enfin, si notre pays souffre d'un déficit en termes de transplantations, le déficit en dons du vif est plus important – par rapport à d'autres pays – que le déficit en dons cadavériques. Comme le montrent les chiffres de l'Agence de la biomédecine, nous n'avons toujours pas atteint les 10 % en 2010 pour les transplantations rénales – nous en sommes à un peu plus de 9 % –, ce taux étant encore bien inférieur pour les transplantations hépatiques. Il y a un progrès à réaliser en la matière, que nous devons rechercher en encourageant cette pratique.

Certes, le rapport promis par Xavier Bertrand va permettre d'identifier certains des facteurs additionnels à corriger en matière de transplantation. Toutefois, ce n'est pas un rapport qui va réellement changer les choses : il faut une loi, d'où la nécessité de statuer aujourd'hui sur la possibilité d'un don entre proches hors du cercle familial. (« Absolument ! » sur les bancs du groupe SRC.)

La loi prévoit déjà la possibilité de dons provenant d'un conjoint, d'un concubin, d'un partenaire de PACS. Il n'y pas, alors, de lien du sang, mais uniquement un lien affectif, certes entériné par la société. Avec notre proposition, nous demandons simplement que le juge soit habilité à déterminer si ce lien est avéré ou non. Ainsi, la reconnaissance de la réalité du lien affectif pourra être obtenue par le juge, et plus seulement par le maire. Je ne pense pas que ce soit là une grande différence : ils sont tous deux capables de déterminer si deux personnes entretiennent de réels liens affectifs. Ce n'est donc pas un « bond philosophique » que nous vous invitons à effectuer, mais une simple évolution naturelle visant à permettre le don entre deux personnes qui s'aiment.

Enfin, ceux qui tentent d'opposer donneur vivant et donneur cadavérique font, à mon sens, abstraction d'un point essentiel : les greffes de rein pratiquées à partir d'un donneur vivant aboutissent à des résultats incomparablement meilleurs que les greffes pratiquées à partir d'un donneur cadavérique. Cela s'explique très aisément : premièrement, la transplantation est faite instantanément, sur un malade en bon état, qui n'a pas été obligé de rester sous dialyse pendant dix ans et a donc évité les complications généralement liées à une longue attente. Deuxièmement, le prélèvement est opéré sur un donneur en bonne santé, qui n'a pas subi la phase agonique. Troisièmement, enfin, il y a moins d'échec tardif, car les personnes ayant reçu un rein d'une personne proche sont naturellement enclines à observer strictement les recommandations thérapeutiques – il est en effet prouvé que la principale cause d'échec tardif des transplantations réside dans la non-observance thérapeutique.

Tout cela fait que la greffe d'un rein provenant d'un donneur vivant aboutit à une durée de vie du greffon 50 % plus longue que dans le cas d'un donneur cadavérique. Les résultats sont meilleurs et plus durables, le bénéfice est plus grand, il n'y a pas de nécessité de dialyse en attente d'une transplantation : pour toutes ces raisons, le bénéfice pour la société et pour les personnes concernées est tout à fait considérable. Ne nous privons donc pas de cette possibilité au motif qu'elle pourrait susciter un risque de trafic d'organes. Je ne crois pas qu'il y ait un seul pays au monde réprimant plus sévèrement que la France le trafic d'organes : les pénalités prévues sont telles qu'elles sont vraiment de nature à dissuader n'importe qui de s'engager dans un tel trafic.

Debut de section - PermalienPhoto de Paul Jeanneteau

Je ne reviendrai pas sur les différents arguments qui ont été développés par les intervenants précédents. Il est évident que le don entre vivants soulève un certain nombre de problèmes éthiques, et je crains qu'en l'espèce, le mieux soit l'ennemi du bien. Hier soir, le ministre nous a annoncé qu'il nous remettrait un rapport complet sur le sujet d'ici au mois de juin. Je souhaiterais, madame la secrétaire d'État, que ce rapport présente un état des lieux précis de la question et qu'il comporte des propositions législatives. Il serait bon, en effet, que nous ayons une vision plus générale du problème. J'attends donc avec intérêt ce rapport, qui permettrait de nous éclairer avant que nous prenions une décision.

(L'amendement n° 95 est adopté.)

(Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

(L'article 5, amendé, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Je suis saisi d'un amendement n° 165 portant article additionnel après l'article 5.

La parole est à Mme Valérie Boyer.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Boyer

Grâce aux progrès médicaux et à la solidarité des donneurs, la transplantation d'organes est devenue sans conteste l'un des miracles médicaux du xxie siècle. Toutefois, elle conduit à des dérives, amplifiées par la pénurie d'organes. De nombreux rapports révèlent ainsi l'existence d'un phénomène alarmant, le tourisme transplantatoire : des patients touristes traversent les frontières pour obtenir, contre paiement, les organes de personnes pauvres.

Le voyage de transplantation, qui est une forme de tourisme médical, s'est développé ces dernières années dans des pays disposant de plateaux techniques satisfaisants, permettant des transplantations rapides, à partir de donneurs vivants non apparentés et rémunérés – sans être toujours consentants –, au profit de patients venant de pays développés. Effectuées par des équipes locales qualifiées, et parfois par des chirurgiens venant d'Europe ou d'Amérique, ces greffes obtiennent des résultats généralement satisfaisants sur le plan médico-technique, mais restent répréhensibles sur le plan éthique – et c'est un euphémisme.

Les pays le plus souvent impliqués dans ce trafic sont les Philippines, le Pakistan, la Chine et la Turquie, les pays clients étant notamment l'Australie, le Canada, le Japon, Oman, l'Arabie Saoudite et les États-Unis. Les tarifs de ces interventions varient de 80 000 à 150 000 euros, pour un rein qui sera payé en moyenne 500 euros à un « donneur » en Afrique du Sud, 1 800 euros en Moldavie, 5 000 euros en Turquie ou 700 euros en Inde.

Les progrès médicaux, la corruption et la pauvreté contribuent à l'expansion du marché des organes pour des patients touristes en attente de greffe toujours plus nombreux.

Il arrive, de surcroît, que les organes de donneurs vivants soient obtenus contre leur volonté et sous la menace. C'est le sort tragique des pratiquants du Falun Gong en Chine ; une conférence de presse, à laquelle participait Philippe Gosselin, s'est d'ailleurs tenue sur ce sujet à l'Assemblée nationale. En effet, plusieurs enquêtes ont mis à jour l'existence d'un réseau de trafic d'organes prélevés sur les membres de cette communauté, dont la persécution perdure depuis de nombreuses années. Outre qu'il porte gravement atteinte aux principes d'intégrité du corps humain et de non-commercialisation de ses organes et produits, le tourisme transplantatoire alimente le trafic d'êtres humains sources d'organes.

En 2004, l'Organisation mondiale de la santé appelait ses États membres à « prendre des mesures pour que les groupes de personnes les plus pauvres et les plus vulnérables soient protégés du tourisme de transplantation et de la vente de leurs organes, en portant une attention particulière au problème majeur du trafic international d'organes et de tissus. »

Depuis 2006, l'Agence de la biomédecine a mis en place une enquête annuelle auprès des équipes de greffes rénales, afin de savoir si certains de leurs patients ont été se faire greffer à l'étranger à partir de donneurs vivants rémunérés. Cette enquête, menée dans le respect du secret médical, a montré que, jusqu'à présent, le nombre de ces patients était extrêmement faible, de l'ordre de trente-deux sur une période de huit ans. Toutefois, nous ne disposons pas d'enquête sur les greffes d'autres organes.

L'Agence de biomédecine relève qu'il est important de continuer à recueillir des informations sur ce phénomène, en collectant des données au plan quantitatif, mais aussi sur le profil, le parcours et le suivi de l'état de santé des personnes concernées. En effet, le commerce de la transplantation est un phénomène en pleine expansion ces dernières années, du fait du déséquilibre entre la demande d'organes, toujours croissante, et l'offre, qui peine à y répondre.

Le présent amendement vise donc à renforcer le système de surveillance français du commerce de la transplantation d'organe à l'étranger, en imposant à l'Agence de biomédecine de réaliser, comme elle le fait déjà pour le rein, une enquête annuelle auprès des équipes françaises de greffe, afin de déterminer le nombre de leurs patients qui ont eu recours au commerce de transplantation d'organe à l'étranger. L'implication des équipes de greffe dans le suivi des greffés ou la fourniture de traitements anti-rejets des greffons les placent dans une situation idéale pour fournir ce type d'informations à l'Agence de biomédecine.

J'ajoute qu'en votant une telle disposition, nous enverrions un signal fort aux personnes des pays pauvres qui souffrent et parfois meurent de donner leurs organes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Leonetti

La commission n'est pas opposée à l'amendement n° 165 , mais celui-ci est satisfait. Il est possible que nous n'ayons pas suffisamment d'informations, mais c'est à l'Agence de biomédecine de les fournir. Si le rein est actuellement privilégié dans les bilans, il est prévu que les autres organes doivent également faire l'objet d'une enquête. On peut toujours voter cet amendement, mais, je le répète, il est légalement satisfait. Je propose donc que l'on s'en tienne à la législation existante, qui oblige déjà l'Agence de biomédecine à établir un rapport sur ce sujet.

Avis défavorable.

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée de la santé

Le Gouvernement considère que l'amendement est satisfait, puisque l'Agence de biomédecine réalise annuellement une enquête auprès des centres de greffe, dont les résultats sont publiés dans un rapport.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Touraine

Cet amendement vise à officialiser une pratique qui en effet existe déjà. Actuellement, dans notre pays, chaque responsable d'équipe de transplantation doit signifier, dès qu'il en a connaissance, l'existence d'un éventuel trafic d'organes à l'étranger, notamment lorsqu'il est amené à suivre un patient qui aurait eu recours à un tel trafic. Ces données concernent essentiellement les transplantations rénales, pour la bonne raison que le rein est le principal organe prélevé à l'étranger sur un donneur vivant contre rétribution ; il est assez rare que d'autres organes soient prélevés sur le vif.

Toutefois, il me semble que cette obligation gagnerait à être inscrite dans la loi. Cela ne changerait pas les pratiques, puisque l'Agence de biomédecine collige déjà ces données, mais cela l'obligerait à établir un rapport annuel sur ce sujet particulier sans se contenter de communiquer ce qui lui est rapporté, quitte à ce qu'elle précise qu'aucun cas ne concerne d'autres organes que le rein.

Le Gouvernement, qui craignait tout à l'heure que des trafics qui ont eu cours à l'étranger puissent se développer en France, donnerait la preuve que notre pays met tout en oeuvre pour que soient dénoncés les trafics, qu'ils aient lieu en France ou à l'étranger.

Enfin, je rappelle que la société internationale de transplantation et la société française de transplantation retirent sa qualification à tout médecin ou chirurgien qui serait impliqué dans ce type de trafic, même en tant qu'intermédiaire.

En résumé, l'arsenal juridique français me paraît satisfaisant, mais inscrire cette disposition dans la loi serait de nature à rassurer et permettrait de prouver non seulement que ces trafics n'ont pas cours dans notre pays, mais qu'aucun de nos malades n'y a recours.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Je rejoins notre collègue Touraine. Au-delà du vote qui est intervenu tout à l'heure, sur tous les bancs, nous sommes sensibles aux mêmes éléments.

Valérie Boyer met l'accent sur un phénomène alarmant. Des trafics entretiennent des mafias – et inversement –, en exploitant la misère, et c'est ce qu'il y a de plus ignoble. Aux Philippines ou ailleurs, pour 300 à 500 dollars, on vend son rein, dans des conditions parfois dramatiques. Certes, les textes existent qui permettent de prendre la mesure de ces trafics honteux, mais en inscrivant cette disposition dans la loi, nous enverrions un signal très fort au plan national et international. Seuls quelques pays, notamment le Canada, combattent actuellement ces trafics. En votant cet amendement, la représentation nationale donnerait une force symbolique à notre volonté de combattre ce phénomène.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Leonetti

Il y a quelque danger à proposer, au cours de nos débats, des mesures parfaitement légitimes et frappées au coin du bon sens, mais qui sont déjà inscrites dans la loi. Elles nous placent en effet dans une situation paradoxale, puisque l'on est amené à émettre un avis défavorable sur un amendement auquel on est favorable sur le fond.

Je rappelle que l'article L. 1 418-1 du code de la santé publique dispose qu'un rapport annuel établi par l'Agence de biomédecine et comportant notamment « un état des lieux d'éventuels trafics d'organes ou de gamètes et de mesures de lutte contre ces trafics et une évaluation des conditions de mise en oeuvre ainsi que l'examen de l'opportunité de maintenir les dispositions prévues par l'article L. 2131-4-1, est rendu public. »

Évitons de paraphraser la loi, madame la députée. Ce faisant, vous risquez de donner l'impression que votre rapporteur est contre la disposition intelligente que vous proposez, alors qu'il souhaite uniquement prévenir le danger que présenterait une certaine redondance. Lorsqu'un amendement est satisfait, le rapporteur ou le Gouvernement émettent un avis défavorable, non pas sur le fond, mais parce que la disposition proposée figure déjà dans la loi.

Je suis favorable à l'idée que développe Valérie Boyer, mais il me semble que son voeu est déjà satisfait par le code de la santé publique. C'est la raison pour laquelle, si je l'osais, je lui demanderais de retirer son amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Boyer

Merci, monsieur le rapporteur, pour ces excellents arguments. Néanmoins, je ne peux pas m'estimer satisfaite.

D'abord, je ne fais pas la même lecture que vous de l'article du code de la santé publique. Je répète que mon amendement vise à déterminer combien des patients ont eu recours au commerce de transplantation d'organe à l'étranger. Or le code de la santé publique n'est pas rédigé dans ce sens. Ensuite, mon amendement est suivi d'un autre, que je me permets d'évoquer car il en est la suite logique.

Je remercie Philippe Gosselin et M. Touraine d'avoir appuyé ma démarche. Je n'ai pas déposé cet amendement pour inscrire dans le code de la santé publique une disposition qui y existe déjà.

Je l'ai fait, d'abord, parce que nous avons des informations sur le rein, mais pas sur les autres organes.

Ensuite, je pense qu'il est vraiment important de signaler officiellement que nous ne cautionnons pas ce genre de pratique, et cela va mieux en le disant, aussi bien pour ce qui est de notre position sur le plan international que du point de vue des personnes qui subissent ces prélèvements d'organes, soit contre leur volonté – et c'est souvent le cas –, soit dans un cadre commercial.

Enfin, il n'y a pas de suivi des personnes qui subissent des greffes à l'étranger. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle j'ai rédigé l'amendement n° 163 .

Je comprends donc ce que vous dites, mais je ne peux pas retirer mon amendement car je considère qu'il n'est pas satisfait par la rédaction actuelle du code de la santé publique, qui ne signale pas expressément le cas des greffes réalisées à l'étranger dans le cadre d'un commerce.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vuilque

Ce que vient de nous rappeler le rapporteur est exact, mais le code de la santé publique se limite à un constat. Il me semble qu'avec l'amendement de Mme Boyer on va un peu plus loin, puisqu'il vise à demander une enquête, ce qui n'est pas tout à fait la même chose. Il y a là une nuance certaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Leonetti

Le code de la santé publique ne fait pas que constater ! Si vous voulez, je peux vous le relire.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vuilque

C'est possible. Il me semble toutefois que l'amendement de Mme Boyer est un peu plus précis. En tout cas, personnellement, je le voterai.

(L'amendement n° 165 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Je suis saisi d'un amendement n° 163 .

La parole est à Mme Valérie Boyer.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Boyer

Je vous remercie d'abord, mes chers collègues, d'avoir adopté l'amendement précédent.

Celui-ci lui fait directement suite. Je voudrais que, désormais, le patient qui subit une transplantation à l'étranger fournisse avant son retour en France un certificat attestant le don à titre gratuit de l'organe ou de la partie du corps transplantée.

Je souhaite aussi que l'Agence de la biomédecine soit chargée de centraliser la réception et le traitement de ces certificats.

Par ailleurs, les médecins auront obligation de signaler l'identité de toute personne ayant subi une transplantation et qu'ils ont examinée dans le cadre de leurs fonctions. Même si cette exigence est déjà satisfaite d'une certaine manière, il faut probablement aller plus loin, dans le cadre d'une enquête.

Je souhaite aussi que le croisement de ces données permette d'identifier les personnes pour lesquelles il existe des motifs raisonnables de croire qu'elles ont été impliquées dans la transplantation d'un organe ou d'une autre partie du corps, obtenu ou acquis sans le consentement du donneur ou par suite d'une opération financière et de les poursuivre, si besoin en était, devant la justice française.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Leonetti

La commission a donné un avis défavorable mais, compte tenu du fait que l'on écrit de nouveau des dispositions qui figurent déjà dans les codes, je donnerai, en ce qui me concerne, un avis favorable ! (Sourires.)

Continuons donc aussi à réécrire ce qui figure déjà dans le code pénal ou le code civil ! Je ne voudrais pas donner l'impression d'être un rapporteur qui veut bloquer un certain nombre de propositions. Elles existent déjà ? Eh bien, réécrivons-les quand même, puisqu'il semble que cela les rende plus effectives ! Je suis donc favorable à cet amendement. (Nouveaux sourires.)

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée de la santé

Nous sommes tous ici attachés à la lutte contre le trafic d'organes. Il touche en particulier des personnes démunies qui en font les frais.

L'Agence de la biomédecine suit avec la plus grande vigilance les recours à des greffes à l'étranger. Mais le dispositif qui est proposé ici soulève un certain nombre de difficultés juridiques et éthiques.

D'abord, il obligerait le médecin à violer le secret médical en le contraignant à signaler à l'Agence de la biomédecine tout soin apporté à une personne ayant bénéficié d'une transplantation d'organe.

Il conduit l'Agence de la biomédecine à réaliser une sorte d'enquête avant de décider, le cas échéant, de signaler les faits au ministère de la santé, lequel devra par la suite les porter à la connaissance de l'autorité judiciaire.

Ce système demande donc à l'Agence de la biomédecine de s'ériger en organe de contrôle et de dénonciation des patients signalés par des médecins dans l'exercice de leurs fonctions. Ce n'est pas la vocation première de l'Agence.

Il est aussi demandé à celle-ci de conserver ces données sur des registres, ce qui pose le problème de la conservation des données personnelles et médicales des patients.

S'agissant des activités incriminées – on l'a dit tout à l'heure –, l'Agence met déjà en oeuvre des propositions pour faire converger vers elle le recensement des patients résidant en France et qui ont recours à des greffes à l'étranger.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Boyer

Je comprends les arguments du rapporteur, même si je ne partage pas tout à fait son analyse du code de la santé publique. Je me permettrai également de faire une petite remarque suite aux explications données par Mme la secrétaire d'État.

Si j'ai bien compris, cela veut dire qu'il n'y a pas d'enquête, que les informations ne sont pas recueillies et qu'il n'y a pas de suivi des personnes qui ont subi une greffe à l'étranger.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Boyer

On n'essaye pas de savoir comment cette greffe a été obtenue et il n'y a pas de certificat disant que le don a été obtenu à titre gratuit, sans geste commercial et avec le consentement du donneur…

Cela me renforce dans ma volonté de faire apparaître aujourd'hui, dans la loi que nous allons voter, le fait qu'il faut beaucoup mieux encadrer ces greffes réalisées à l'étranger. Il faut faire en sorte d'être extrêmement vigilant, notamment pour protéger les personnes qui, soit vendent leurs organes, soit subissent un prélèvement d'organe contre leur gré. Je rappelle en effet que ces choses-là existent, qu'elles se pratiquent et qu'on ne peut pas les cautionner.

Autant, tout à l'heure, j'ai été un moment décontenancée par les arguments du rapporteur, qui laissaient à penser que la rédaction que je proposais était une redite – encore que l'on puisse tout à fait redire les choses, c'est de bonne pédagogie –, autant, sur ce sujet, je me vois renforcée, compte tenu des arguments qui viennent d'être donnés, dans la conviction que nous devons voter cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Nous avons bien compris que l'obstination était une caractéristique de Mme Boyer. (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

Je comprends tout à fait le souci qui est exprimé par Mme Boyer sur ce sujet, mais nous devons aussi avoir comme préoccupation d'éviter d'écrire des textes qui, étant redondants par rapport à d'autres, peuvent être interprétés, par le juge et tous ceux qui sont chargés de les appliquer, d'une manière qui pourrait se révéler contradictoire.

J'ajoute que, s'agissant du certificat proposé, dont on a d'ailleurs du mal à définir la nature, rien ne nous protégerait contre le fait qu'il soit falsifié, dans la mesure où il aura été établi sous l'empire d'un droit et dans des conditions très différents des nôtres.

Debut de section - PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

Je m'interroge même pour savoir si l'obtention d'un tel certificat, dont on ne pourrait pas démontrer qu'il est irrégulier, ne serait pas de nature à gêner les poursuites qui pourraient être engagées à partir de présomptions. Ce certificat, dont la validité ne pourrait pas être contestée, protégerait peut-être les contrevenants. Pour cette raison, je ne pourrai donc pas personnellement voter cet amendement.

(L'amendement n° 163 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Je suis saisi d'un amendement n° 147 rectifié .

La parole est à M. Noël Mamère.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Il s'agit de renforcer l'information sur la question des greffes, dont nous avons discuté au sein de la commission spéciale. Tous ceux qui sont intervenus avant moi ont bien précisé que nous avions un déficit, aussi bien en matière de dons cadavériques que de dons effectués par des vivants.

L'idée est que l'on puisse favoriser l'information dans le milieu scolaire, notamment avec un outil qui a été créé à cet effet, l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé. Cet amendement sera complété dans quelques minutes, lors de nos débats, par un autre qui s'inspire de ce qui existe déjà dans d'autres pays. Il vise à ce que l'on ouvre un registre « positif », puisqu'il n'existe en France qu'un registre des refus. Nous pensons que l'un n'est pas exclusif de l'autre, de la même façon que le don cadavérique n'exclut pas le don de vivants.

Il nous semble que, si l'on veut renforcer cette politique du don, qui est une nécessité pour sauver des vies, il faut renforcer aussi l'information, et donc commencer dès le milieu scolaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Leonetti

M. Mamère reprend l'une des dispositions des panels citoyens, la seule qui n'ait pas été retenue par la commission spéciale et dans le texte du Gouvernement.

J'espère d'ailleurs que, sur tous les autres sujets, il suivra aussi l'avis de nos concitoyens, que ce soit sur la gestation pour autrui ou sur la recherche sur l'embryon ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Leonetti

Je ne faisais qu'exprimer un espoir, mon cher collègue !

Dans ce contexte, nous avons interrogé l'ensemble des associations qui s'occupent de la question des greffes. Aucune d'entre elles n'est pour le changement de régime. Pourquoi ? Parce que l'idée générale est que, en France, on peut, au moment de la mort, se demander à qui appartient le corps. On peut penser qu'il appartient à la société, dans un esprit de générosité qui s'inscrit dans la conception française des valeurs républicaines, en particulier de la fraternité : ce corps peut servir à sauver des vies.

Est-il utile d'avoir un registre positif, puisque, a priori, nous pensons que l'immense majorité des Français adhèrent à cette position ? Si certains, pour des raisons qui leur sont personnelles, ne veulent pas adhérer à cette idée, ils se font inscrire sur un registre des refus.

Ce régime fonctionne aujourd'hui et ce n'est pas parce qu'on le changerait que l'on aurait une augmentation des dons. Le panel citoyen a pris cette décision, mais il l'a expliquée en précisant que les campagnes d'information laissent entendre qu'elles incitent à donner, alors qu'elles devraient dire explicitement : « Vous êtes donneur. Si vous ne voulez pas participer à cette chaîne de solidarité entre ceux qui s'en vont et ceux qui restent, cette chaîne de transmission légitime de la vie, alors il faut que vous le signaliez. »

Je crois que cela correspond plus à nos valeurs. En même temps, c'est plus efficace. Certains pays ont créé des registres positifs du don ; ils n'ont pas de meilleurs résultats que nous. Les résultats dépendent, comme l'ont dit tout à l'heure M. Touraine et d'autres intervenants, de la capacité des équipes et des moyens que l'on met en oeuvre pour atteindre l'objectif que nous nous sommes fixé.

Enfin, rien ne serait pire à mes yeux que d'avoir un registre des donneurs et un registre des refus, et de créer ainsi un no man's land composé de ceux qui ne seraient ni dans l'un ni dans l'autre. Imaginez-vous face à une famille à laquelle on demanderait si le défunt était opposé au don. On lui dirait que l'on a constaté qu'il ne s'était déclaré ni pour ni contre. Ce serait donc vraiment à la famille de dire ce qu'elle en pense. On la mettrait ainsi dans une situation extrêmement difficile où c'est sur elle que reposerait la responsabilité de décider.

Il me semble donc que l'on doit garder le régime du consentement présumé. Il faut bien sûr – et Dieu sait s'il y a des amendements redondants sur ce sujet ! – augmenter notre capacité à informer et à inciter nos concitoyens à s'engager dans cette voie, mais il ne me semble pas que votre proposition soit ce qu'il y a de plus efficace ni, si je puis me le permettre, monsieur le député, de plus conforme à l'esprit républicain, qui, j'en suis sûr, nous anime tous les deux.

Un Français, c'est solidaire, c'est fraternel ; et la fraternité consiste aussi, au moment où soi-même l'on n'est plus, à transmettre son corps pour donner la vie à d'autres. Cela fait partie de nos valeurs.

Quant aux familles, on pourrait, bien sûr, ne pas leur demander leur avis, en considérant que la personne décédée avait donné son accord. Mais imaginez la scène dans son contexte : si la famille s'oppose au don, même si la personne ne figure pas sur le registre des refus, pensez-vous que l'on puisse légitimement passer outre et prendre – puisque la loi en dispose ainsi – le coeur, les reins, le foie de cette personne ?

La famille doit être persuadée ; sa volonté ne peut pas être violée, au moment où elle affronte un deuil très violent – car il s'agit souvent d'accidents. Il faut donc aussi respecter ceux qui vont reprendre le corps de cette personne qu'ils ont aimée, et qui vont l'accompagner jusqu'au bout, de telle sorte que le deuil puisse se faire.

Pour emporter des parties de ce corps, et même si la loi l'autorise, la société ne peut pas se passer de l'accord de cette famille en très grande détresse.

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée de la santé

Je souscris aux arguments développés par M. le rapporteur.

Le dispositif en vigueur en France, celui du consentement présumé, a été reconnu au niveau international, notamment par l'Organisation mondiale de la santé.

La mise en place d'un registre de consentement exprès ne ferait que rendre la situation plus complexe ; un tel registre ferait double emploi avec le registre national des refus, qui est géré par l'Agence de biomédecine. Le lien de confiance avec le public créé par le dispositif aujourd'hui en vigueur serait fragilisé.

Regardons ce qui se passe dans les pays voisins : en Espagne et au Portugal, où le dispositif est le même qu'en France, le nombre de donneurs cadavériques est de trente par million d'habitants ; en Allemagne et au Royaume-Uni, où le régime est celui du consentement exprès, le nombre de donneurs est deux fois inférieur – environ quinze donneurs par million d'habitants.

Le Gouvernement est donc défavorable à l'amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Touraine

L'analyse de M. le rapporteur est excellente.

Plusieurs amendements visent à la création d'un registre où s'exprimerait de façon positive le désir de donner des organes.

L'intention est très bonne : chacun d'entre nous pourrait donner explicitement son accord pour un don d'organes ; les familles dans le deuil seraient ainsi soulagées : alors qu'elles ont d'autres préoccupations, il serait plus facile pour elles de s'en remettre à cette décision prise par la personne décédée elle-même.

Malheureusement, la réalité de notre temps fait que la question ne se pose pas ainsi : notre civilisation a tendance à occulter la mort, et ce qu'il advient du corps après la mort. Nous ne sommes plus dans l'Antiquité, où les humains étaient appelés des mortels. Aujourd'hui, de nombreux humains se croient plus ou moins immortels et ont, en tout cas, tendance à ne pas réfléchir à ces questions.

Nous n'atteindrons donc jamais un pourcentage élevé de personnes décidées à statuer sur l'avenir de leurs organes après leur mort, quels que soient les efforts de communication effectués. Ces questions sont trop éloignées de la culture de notre civilisation.

Nous devons donc choisir entre un registre des refus, donc un consentement implicite de tous ceux qui ne sont pas inscrits, et un registre des acceptations ; ne sont alors donneurs que ceux qui en ont vraiment exprimé le désir. Or tous les pays du monde qui ont choisi ce second système sont loin derrière la France en nombre de dons d'organes après la mort.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Touraine

Si nous faisions ce choix, le nombre de transplantations diminuerait très certainement.

De plus, le système nouveau proposé par cet amendement, celui d'un double registre, aurait cet inconvénient que 90 % de nos concitoyens ne figureraient ni sur l'un, ni sur l'autre. Les équipes médicales seraient ainsi presque toujours confrontées à une situation où, alors qu'une personne vient de décéder et que sa famille est réunie, on s'aperçoit que le nom de la personne ne figure dans aucun registre. L'équipe médicale qui engagerait alors la discussion avec la famille serait finalement gênée par le fait que cette personne n'étant pas inscrite sur le registre positif, elle n'a pas explicitement donné son consentement de donner ses organes.

Il y aurait alors, nous en sommes tous persuadés, une augmentation du taux de refus. C'est, je crois, ce qu'a exprimé tout à l'heure M. le rapporteur. Ces amendements témoignent de bonnes intentions, mais ils seraient, je crois, contre-productifs.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Je voulais commencer par présenter mes excuses à M. le rapporteur, car j'ai défendu par erreur un autre amendement, qui visait à faciliter l'information dans les lycées, ce qui n'a rien à voir avec l'ouverture d'un registre.

J'écoute toujours avec beaucoup d'attention ce que dit M. le rapporteur, et avec plus d'attention encore ce que dit notre collègue Jean-Louis Touraine. Quelques arguments peuvent me conduire à retirer cet amendement.

Le premier, c'est un argument philosophique très bien exposé par Jean-Louis Touraine sur la question du refus de la mort dans nos sociétés modernes. Philippe Ariès l'avait très bien montré.

Sur la question de l'immortalité, se développe aujourd'hui à travers le monde un mouvement de philosophes, de chercheurs – en Suède, au Japon, aux États-Unis : ce mouvement, dangereux, s'appelle le transhumanisme et voudrait nous expliquer qu'avec la convergence des biotechnologies, des nanotechnologies, des sciences cognitives et des technologies de l'information et de la communication, nous allons débarrasser les hommes de la nécessité. Nous pourrions ainsi, disent-ils, lutter contre ce que les chrétiens appellent le péché, et que le laïque appelle la nécessité ; nous pourrions dépasser la question de la souffrance, de la naissance et de la mort.

Nous ne sommes pas là pour débattre de ces sujets, qui touchent pourtant au coeur de nos discussions.

Monsieur le rapporteur, vous avez fait référence à un panel de citoyens : je voudrais vous dire que la conférence de citoyens telle qu'elle a été conçue par les Danois en 1989 n'a pas grand'chose à voir avec ce que vous avez essayé d'introduire lors des états généraux de la bioéthique, qui n'était pas vraiment un panel de citoyens.

Il faut souvent, c'est vrai, écouter les citoyens. Mais nous ne sommes pas obligés faire du populisme pénal, par exemple, et en tout cas de suivre systématiquement l'avis des citoyens.

Si la gauche – qui s'est honorée cette fois-là – n'avait pas décidé, avec la complicité d'un certain nombre de personnalités de droite, de supprimer la peine de mort, si l'on avait plutôt fait un référendum le jour où M. Badinter parlait à cette tribune, alors on aurait vu que les Français étaient plutôt favorables à la peine de mort. De temps en temps, la représentation nationale doit précéder l'opinion et prendre des risques pour supprimer des situations barbares qui empoisonnent notre société.

Enfin, notre collègue Leonetti nous dit : la fraternité, c'est français. Non, la fraternité, c'est universel, monsieur le rapporteur ; on n'a pas besoin d'être français pour être fraternel ! Un certain nombre de gens dans notre pays savent que les Français ne sont, malheureusement, pas toujours fraternels avec ceux qui ne leur ressemblent pas, ceux qui n'ont pas la même couleur de peau, ceux qui n'ont pas la même religion et qui viennent de leurs anciennes colonies. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Je ne fais pas de polémique, mes chers collègues : je constate que la fraternité n'est pas consubstantielle à la qualité de Français, et que la qualité de Français n'est pas consubstantielle à la naissance : depuis Léonard de Vinci, nous croyons au droit du sol.

Mais, pour revenir aux greffes, je ne suis pas spécialiste du sujet : en tant que journaliste, j'étais spécialiste du général, m'intéressant à tout. J'entends les arguments de nos collègues parlementaires qui sont aussi des professionnels de la médecine. Je ne m'obstine donc pas sur ce sujet qui ne me paraît pas être au coeur de ce débat : si les spécialistes considèrent que cela n'apporte rien et que cet amendement pourrait même mettre les médecins, et les familles, dans l'embarras, je retire l'amendement.

(L'amendement n° 147 rectifié est retiré.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Mes chers collègues, il y a dans ce débat une certaine hauteur de vue, cherchons à la conserver.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Sagesse et hauteur de vue, c'est cela même. (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

C'est un amendement de coordination, je le retire donc également.

(L'amendement n° 146 est retiré.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Je suis saisi d'un amendement n° 144 .

La parole est à M. Noël Mamère.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

C'est l'amendement que j'ai défendu par erreur il y a un instant, et je crois qu'il devrait réunir un consentement unanime, puisqu'il s'agit de renforcer l'information sur la question des dons d'organes en milieu scolaire.

Il paraît important de commencer dès l'âge scolaire à sensibiliser ceux qui pourront, un jour, être amenés à faire don de leurs organes.

On connaît le nombre de postes supprimés, et on ne peut donc pas imposer cette tâche aux professeurs, qui ont déjà tant et tant à faire. L'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé nous paraît tout à fait propre à dispenser cette information.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Leonetti

Avis défavorable. D'une part, l'objectif de cet amendement est déjà satisfait par le texte du Gouvernement ; d'autre part, l'amendement mentionne la possibilité d'exprimer « son refus ou son accord », et nous venons justement de rejeter – avec l'accord des auteurs de l'amendement lui-même, puisque M. Mamère l'a retiré – la création d'un registre des acceptations. Nous ne pourrions donc de toute façon pas l'accepter en l'état.

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée de la santé

Même avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Nauche

Je voulais revenir sur la question du double registre. Il me semble que, s'il est justifié de poser la question, c'est parce que la loi Caillavet a été largement transformée en 2004 : le fait que chacun soit réputé donneur n'est pas une réalité, puisque la loi de 2004 aboutit finalement à ce que l'on demande expressément l'avis de la famille.

La question posée par M. Mamère était tout à fait légitime : quelqu'un a-t-il, aujourd'hui, la possibilité de faire savoir que, quel que soit l'avis de sa famille, il est donneur ? Dans les faits, il me semble que cette faculté n'est pas respectée.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Sébastien Vialatte

Il suffit de porter une carte de donneur !

(L'amendement n° 144 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Je suis saisi d'un amendement n° 100 .

La parole est à M. Éric Straumann.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Straumann

L'objectif de cet amendement est de développer l'information sur le don du sang. Le moyen prôné est la mise en place de sensibilisations à destination des lycéens et des étudiants.

(L'amendement n° 100 , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)

(L'article 5 bis, amendé, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Sur l'article 5 ter, je suis saisi d'un amendement n° 119 .

La parole est à M. Olivier Jardé.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Jardé

Nous sommes tous sensibles au problème du manque d'organes à greffer et du taux de refus qui avoisine les 28 %. Si je suis complètement opposé au fichier positif dont nous avons discuté tout à l'heure, c'est parce que je considère que cela limiterait le nombre de prélevés. Je suis en effet persuadé que les préleveurs ne prendraient plus que les dons des personnes inscrites sur le fichier positif. Néanmoins, il faut absolument que l'on puisse dire si on a été informé et si on est d'accord avec ce don après sa mort. Le présent amendement a pour objet d'inscrire sur la carte vitale qu'on a été informé et qu'on est un donneur potentiel.

Je rejoins complètement le professeur Touraine que nous avons la chance d'avoir dans l'hémicycle et dont la grande modestie l'empêche de dire qu'il a participé à 5 000 greffes en France – c'est l'un des plus grands organisateurs de greffes.

Enfin, rien n'empêche que les personnes aient dans leur portefeuille un petit papier indiquant qu'elles sont donneur potentiel.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Leonetti

La commission a donné un avis défavorable à cet amendement dans la mesure où la demande de décret en Conseil d'État est déjà satisfaite dans le texte. Cependant, comme nous avons pris l'habitude de répéter les choses pour qu'elles pénètrent mieux dans les esprits, à titre personnel, j'y suis favorable.

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée de la santé

Le Gouvernement est défavorable à cet amendement parce qu'il reviendrait à modifier substantiellement notre régime de consentement : inscrire sur la carte vitale la mention de « donneur d'organe » nous ferait passer d'un consentement présumé à un consentement exprès.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

En effet, implicitement, cela crée un fichier positif. En outre, la commission spéciale a adopté un article 5 ter nouveau et un article 5 sexies nouveau sur le DMP, qui prévoient que la mention « a été informé » sera ajoutée sur la carte vitale. Je crois que ce serait vraiment redondant.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Sébastien Vialatte

C'est très exactement ce que je voulais dire, cela revient à créer un fichier positif. C'est la mention elle-même qui pose un problème, il aurait fallu inscrire la mention « a été informé » et non pas « donneur d'organe ».

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Jardé

Je retire l'amendement.

(L'amendement n° 119 est retiré.)

(L'article 5 ter est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Sur l'article 5 septies, je suis saisi d'un amendement n° 29 .

La parole est à M. Philippe Gosselin.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

J'hésite à présenter cet amendement.

Nous étions sur une information générale sur le don de sang, de plaquettes, de moelle osseuse, sur le don d'organe à fins de greffe, quand ont été rajoutés « les gamètes ». Je ne voudrais pas faire un distinguo un peu trop subtil, d'autant que c'était un sous-amendement de notre rapporteur, mais, sur les gamètes, nous sommes sur une échelle quantitative tout autre, pratiquement à l'unité, que dans le cas d'un don de sang, très général, ou d'un don d'organe, pour lequel les besoins sont très importants. Il me semblait que, par rapport au public visé, il y avait une difficulté à organiser cette information générale dans les mêmes conditions. Voilà pourquoi je proposais de ne pas mentionner les gamètes. Mais je ne voudrais pas que cela soit pris comme la volonté de court-circuiter…

Je m'en remets donc à la sagesse de l'Assemblée.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Leonetti

M. Gosselin appelle lui-même à la sagesse de l'Assemblée plutôt qu'à l'approbation. Pour ma part, je suis défavorable à cet amendement car je pense qu'on ne peut pas dissocier une information sur les gamètes d'une information sur le don d'organes.

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée de la santé

Même avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Claeys

La cohérence de M. Gosselin est évidente, cet amendement est dans la suite des arguments qui ont été développés depuis le début de ce débat. Pour ma part, j'ai un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Je sens comme une légère attaque de la part du président que je trouve un peu déplacée, pour ne pas dire mesquine. Je viens de faire moi-même état de mes doutes sur l'amendement. Je le trouve un peu présomptueux d'interpréter des a priori de pensée.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Dumont

Je voulais revenir sur la justification quand même un peu laborieuse de notre collègue Gosselin, faisant la part entre la quantité et la qualité… Il est vrai que, tout à l'heure, il nous a déjà expliqué qu'il avait changé d'avis dans la nuit sur la question de l'élargissement des donneurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

C'est l'enrichissement de la discussion, madame !

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Dumont

Comme l'a rappelé le rapporteur, il avait répondu en commission, à propos de la suggestion du rapporteur d'ajouter justement ces mots de « gamètes » : « tout à fait d'accord » – page 310 du rapport. Et maintenant, il est le premier signataire d'un amendement qui vise à revenir sur ce point sur lequel il se déclarait tout à fait d'accord ? Il est un peu difficile de le suivre.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Dumont

Vous connaissez l'adage « souvent femme varie » ? Je crois que souvent Gosselin varie aussi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Je vais vous donner la parole, monsieur Gosselin, pour répondre immédiatement, mais je pense que nous devrions nous calmer et ne pas proférer d'attaques ad hominem.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Je veux bien que Mme Dumont s'emporte, c'est son affaire. Je veux bien être indulgent, être élégant et pardonner mais, quand même, il y a des limites.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

J'ai répondu en effet rapidement et du tac au tac « tout à fait d'accord », parce que nous étions dans le feu de la discussion en commission. Je rappelle que les travaux parlementaires se font de la commission vers la séance : il y a donc aussi un temps de réflexion, un temps d'échange.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Si nous arrivons, chacun, avec nos convictions sans jamais considérer que l'on peut évoluer, ce n'est pas la peine de faire un débat.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Des amendements ont été ou pourraient être votés dans cet hémicycle à l'unanimité parce que nous avons réussi à nous convaincre, à nous poser et à travailler en bonne intelligence. Permettez-moi d'exprimer, sur des sujets aussi sensibles, des doutes et non des certitudes comme vous semblez, bien heureuse êtes-vous, en avoir. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Mes chers collègues, nous devrions tous essayer de ne pas faire d'attaque ad hominem. Les sujets sont suffisamment importants et d'ordre philosophique pour éviter de tomber dans ce travers. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Lemorton

Je comprends très bien, monsieur Gosselin, la réponse que vous a faite le président de la commission. Ce n'est pas un hasard si vous excluez les gamètes encore une fois. Nous n'en sommes qu'au stade de l'information : on informe des gens qu'ils peuvent donner, des organes, des gamètes.

Ayant moi-même mené ce combat il y a vingt ans pour mes enfants, j'ai sensibilisé des comités d'entreprise, notamment dans la sous-traitance aéronautique, composés essentiellement d'hommes. Cela n'a choqué personne que l'on vienne faire de l'information sur le don de gamètes et le don d'organes. C'est un simple témoignage que je voulais donner.

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Breton

Cet amendement est loin d'être anecdotique, comme en témoignent d'ailleurs les réactions du président Claeys et de Mme Dumont.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Dumont

C'est bien le problème : c'est loin d'être anecdotique.

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Breton

En effet, la question qu'on doit se poser, c'est de savoir si l'information sur le don de gamètes entre dans la même logique que les autres dons, si les gamètes doivent être mis sur le même plan que le sang, la moelle osseuse ou les reins par exemple.

Pour certains, les gamètes ne sont qu'un matériau biologique et, à ce titre, ne diffèrent pas d'autres éléments, d'autres produits de notre corps. Pour d'autres, les gamètes sont différents, sont spécifiques parce qu'ils sont porteurs d'un développement incomparable, celui d'un être appelé à être différent et à être unique.

Certes, nous devons faire attention à ne pas avoir une vision trop biologique, trop biologisante, des choses ; mais nous ne pouvons pas nier impunément que la parenté et la filiation comportent, à côté des dimensions affectives et de la dimension sociale, une dimension biologique.

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Breton

Il ne faut certes pas survaloriser cette dimension mais nous ne pouvons l'occulter, la nier, l'effacer complètement et impunément.

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Breton

C'est pourquoi le don de gamètes ne peut pas être mis au même niveau que les autres dons. Le don de gamète n'est pas comparable à un don de sang ou d'organe, tout simplement parce qu'une cellule reproductrice est à l'origine de la conception et de la venue au monde d'une personne humaine. C'est pourquoi je soutiens particulièrement cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Claeys

Cela justifie pleinement le refus que j'avais exprimé tout à l'heure.

Je voudrais dire également à M. Gosselin qu'il n'y avait aucune prétention de ma part. J'essayais simplement de suivre attentivement, depuis les travaux de la commission, sa logique, qui est cohérente.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Tourtelier

J'avais décidé de ne pas intervenir compte tenu de la façon dont l'amendement avait été présenté, c'est-à-dire avec hésitation. Mais vu la dernière intervention, je pense que nous sommes dans du lourd, nous sommes, de nouveau, sur le terrain d'un affrontement très profond entre une partie de l'Assemblée et le reste des députés.

D'abord, je trouve que les moyens utilisés, la censure, ne sont jamais de bons moyens. Ensuite, je ne souscris pas à l'appréciation différente du don suivant que c'est un don de gamètes ou un autre don. Du coup, je vais peut-être être un peu provocateur – mais, monsieur le président, je vous fais confiance – parce qu'il faut décrypter les choses.

On passe son temps à décrypter cette petite musique qui revient sans arrêt et qui, finalement, fait partie d'un corps de doctrine de l'Église catholique qui inspire la plupart de ces amendements.

Il y a une contradiction fondamentale. Cet amendement traduit votre refus de favoriser la procréation ou plutôt, pour être parfaitement honnête, ce type de procréation, et vous dites que le don de gamètes est moins bien que celui d'éléments permettant de maintenir en vie.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

C'est différent ! Ce n'est surtout pas moins bien !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Tourtelier

Or, la position de l'église, à laquelle j'ai déjà fait allusion, consiste, en Afrique, à refuser la contraception,…

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Ce n'est pas la conférence des évêques tout de même !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Tourtelier

…c'est-à-dire à refuser d'empêcher la procréation, et cela se traduit par une fragilisation de la vie des parents atteints du VIH et des enfants qui naissent avec ce virus.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Tourtelier

Non, ce n'est pas de l'amalgame ! D'une part, vous dites vouloir maintenir la vie et, d'autre part, vous laissez fragiliser des vies. Alors dites-le carrément : vous êtes contre l'AMP !

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Je reprendrai ce que vient de dire M. Tourtelier et ferai référence à la position adoptée tout à l'heure par le président de la commission spéciale. Celui-ci nous a en effet dit comprendre la cohérence des propos de certains députés lorsque M. Mariton a enfourché son cheval de Troie sur les valeurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Mariton

Ce n'est pas un cheval de Troie ; c'est une affirmation !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Chemin de croix, peut-être, mais pas cheval de Troie ! Ce n'est pas la même chose !

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Le chemin de croix se termine toujours par une passion !

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Nous avons tous quelques années qui nous permettraient de refaire le chemin de croix, quelques messes et quelques consécrations. Nous n'avons donc pas de leçons à recevoir ici !

Philippe Tourtelier a eu raison de le souligner – nous le ferons chaque fois que l'occasion nous en sera donnée –, certains de nos collègues présentent des amendements directement inspirés par leurs convictions religieuses, ce que l'on peut comprendre, mais qu'ils nous permettent à nous, laïcs, de dire ce qu'il y a derrière leurs amendements. Celui de M. Gosselin, qui fait la différence entre les dons d'organes et ceux de gamètes, n'est pas banal ; il n'est pas anodin.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Nous l'avons bien vu en commission spéciale : certains d'entre vous sont opposés à la procréation médicalement assistée. Vous avez d'ailleurs réussi à faire voter un amendement sur le nombre d'embryons que l'on doit conserver.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Comme l'a très bien dit notre président, qui est contraint à une certaine réserve dans la conduite des débats, tout cela fait partie d'une cohérence. Nous avons été un certain nombre à dire que l'interruption volontaire de grossesse a été un combat et qu'elle le restait. Il y a en effet ici, dans cette assemblée, des gens qui sont opposés à la procréation médicalement assistée et qui aimeraient bien que l'interruption volontaire de grossesse disparaisse de notre droit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Je laisserai M. le rapporteur conclure ce débat, s'il le veut bien, mais je vais auparavant donner la parole à MM. Gosselin, Breton et Mariton, qui m'ont demandé à intervenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Je trouve les propos de notre collègue Tourtelier outranciers. Il est facile de pratiquer l'amalgame, de renvoyer à des visions de l'épiscopat…

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Je vous rappelle que nous sommes dans une enceinte qui est celle de la République française, dans le cadre d'un débat sur la bioéthique en France, donc ce genre d'amalgame, vous m'excuserez, mais ça glisse comme sur le dos d'un canard !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

En revanche, j'assume totalement la cohérence de nos amendements, de mes amendements, qui reposent non pas sur une vision religieuse, mais sur une vision, qui peut d'ailleurs être laïque, de l'homme. Le progrès est important – il n'y a plus de procès en sorcellerie –, mais pour autant nous ne sommes pas obligés de tout accepter. Nous l'avons dit hier et avant-hier, derrière le débat sur la bioéthique, il y a un vrai débat politique : quel type de société voulons-nous ? C'est un débat essentiel et je revendique la cohérence de mes amendements.

Derrière ce débat sur la bioéthique, se trouvent de profonds points de divergence et il appartient au législateur de fixer le cadre de ce que nous souhaitons. Nous pouvons ne pas être d'accord, mais je vous renvoie à votre propre cohérence. Vous avez, monsieur Mamère, monsieur Tourtelier, nous avons des cohérences dans nos propos, et il est heureux, du reste, que nous ayons de la suite dans les idées. Nous reprocher cette cohérence, c'est donc un peu gonflé ! En effet, revenir sans cesse sur les amendements concernant l'euthanasie, monsieur Mamère, dont l'examen a été réservé, ce que vous regrettez, c'est faire preuve d'obstination. Vouloir sans cesse défendre le mariage homosexuel et l'homoparentalité…

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

…témoigne bien d'une continuité que je vous reconnais. Reconnaissez-moi dès lors la possibilité d'exprimer ma continuité ! Elle n'est pas moins noble que la vôtre. Nous sommes dans une enceinte de la République où toutes les idées doivent pouvoir s'exprimer ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Breton

Au-delà des mises en cause qui sont complètement déplacées, je tiens à dire que j'ai simplement utilisé un argument de raison. Un gamète est une cellule qui donne la vie…

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Breton

…qui peut donner la vie, pour être exact ; alors qu'un autre produit du corps peut sauver la vie, mais ne la donne pas. Ce sont deux éléments différents. Que l'information soit donnée pour les deux, admettons, mais on ne peut les faire relever de la même logique comme cela a été fait en commission de façon rapide et abusive. Il serait donc à notre honneur de revenir sur la différence entre les gamètes et les autres produits éléments de notre corps.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Mariton

Philippe Gosselin a parfaitement dit que nous étions là en présence d'un débat de société et de visions de la vie qui sont clairement différentes – je l'ai dit au cours de la discussion générale et nous le constaterons article par article. Il y a, dans cette assemblée, des visions différentes de la société, mais c'est légitime car nous ne sommes pas des députés hors sol ; nous ne parlons de sujets indifférents et insignifiants pour nos concitoyens, notre pays et le monde dans lequel nous vivons. Et les lignes de partage en la matière ne correspondent pas exactement à celles des groupes politiques et des débats traditionnels, même si l'on peut globalement distinguer deux types de vision différents selon l'un ou l'autre côté en reconnaissant l'existence de nuances. Cette cohérence, chers collègues, reconnaissez-là ! C'est ce que fait le président de la commission spéciale et je lui en donne acte.

Pour en revenir à votre interrogation et à votre soupçon, d'une certaine manière, cette cohérence est nourrie d'une analyse politique qui est celle que nous avons entre nous lorsque nous discutons au sein de la commission spéciale. Le travail qui se déroule aujourd'hui dans l'hémicycle a été préparé. Nos débats ne sont pas inattendus ; ils ont été nourris en commission spéciale par des auditions. Nos amendements ne sont pas la génération spontanée ; ils reflètent des analyses qui ont été partagées, ou non, par les nombreuses personnalités que nous avons auditionnées. Ce sont des débats que nous avons aussi partagés lors des états généraux de la bioéthique. Des discussions ont eu lieu avec un grand nombre de citoyens et les lignes de partage que nous voyons apparaître sont apparues aussi à l'occasion de chacun de ces échanges.

Vous évoquez l'influence de la religion. J'ai donc envie de vous faire la réponse suivante, même si cela m'est assez désagréable. Je l'ai dit l'autre jour mezzo voce dans la discussion générale, mais ce point n'a malheureusement pas été repris dans le compte rendu. La conviction de tel ou tel d'entre nous peut-elle avoir une influence dans un tel débat ? Oui, et je ne vois pas pourquoi on le récuserait. On ne peut demander à des députés – pas plus qu'à des citoyens – qui réfléchissent aux décisions à prendre dans le domaine de la bioéthique de se défaire de ce qui fait une culture, une conviction, l'identité d'une personne.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Mariton

Notre cohérence est clairement une cohérence politique que nous voulons offrir dans nos diversités. Dans la tribune que nous avons publiée au début de la semaine, nous avons insisté sur la diversité de nos convictions. C'est une cohérence que nous voulons offrir à tous nos concitoyens et qui n'est pas dictée par un imperium religieux, même si la culture de chacun d'entre nous s'exprime là. Et je me permets de dire, et de répéter pour qu'il n'y ait aucune ambiguïté en la matière, que nous, signataires de ces amendements, pouvons avoir des cultures et des convictions différentes. Alors vous seriez bien inspiré, cher ami, quand vous imputez à crime les cultures ou les convictions religieuses de tel ou tel, d'avoir une meilleure connaissance de ce que sont nos identités et nos parcours individuellement. Tout cela n'est pas nécessairement caché ! Tout cela n'est pas nécessairement secret, mais cela peut se retrouver dans l'affirmation forte d'une cohérence politique forte au service d'un projet de société et d'une vision de notre pays qui s'exprime dans ce débat. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

MM. Vaxès, Le Guen, Vanneste, Mamère et Tourtelier m'ont demandé à intervenir. Je donnerai ensuite la parole, pour terminer, à M. le rapporteur, et nous voterons.

La parole est à M. Michel Vaxès.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaxès

Il faut s'inscrire dans ce débat sans arrière-pensée ou volonté de polémique, mais il existe des divergences fondamentales entre certains des propos que je viens d'entendre et la conception que je défends. Au-delà de l'analyse politique – le mot a été utilisé –, il y a des prises de parti anthropologiques et philosophiques sur la conception que nous avons de l'homme. Nous sommes radicalement opposés sur cette question : qu'est-ce que la personne humaine ? Le débat que vous avez ouvert avec cet amendement renvoie – c'est ma conviction – à une conception biologisante de l'individu.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaxès

Et si nous laissons un peu de place à ce glissement, je crains que nous ne retrouvions demain les conceptions biologisantes…

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Mariton

On vous dit les deux ! Nous tenons les deux bouts !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaxès

Cher collègue Mariton, je sens bien que nous atteignons-là l'inconciliable. Nous ne pouvons tomber d'accord dans ce débat parce que nos références sont fondamentalement différentes. Je le répète, le glissement vers une conception biologisante de la personne humaine nous renvoie à des comportements du XIXème siècle – je pense à ce qu'a écrit Muray – : aux États-Unis, chaque fois que l'on était confronté à une crise économique, on ressortait l'explication biologique de la différence entre les individus.

Il est extraordinairement dangereux de rester figé sur ce positionnement. La personne humaine est née de la relation avec autrui.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaxès

Lors de nos débats en commission, nous évoquions l'exemple illustre de l'enfant sauvage de l'Aveyron. Lorsqu'un être né de l'espèce humaine ne rentre en relation avec personne, il ne se construit pas en tant que personne. La personne humaine a donc à voir avec les relations qui se construisent autour d'elle : l'essence de l'humanité n'est pas dans l'individu mais dans les rapports entre les individus.

Vos références mêmes, philosophiques, religieuses, devraient vous amener à réfléchir davantage aux conséquences de ces prises de parti et à la contradiction entre vos discours, qui expriment de la générosité, et vos convictions, qui, au contraire, restent figées sur une conception biologisante de l'individu extrêmement dangereuse.

C'est pourquoi je voterai contre cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Le Guen

Dans la discussion générale, j'ai eu l'occasion de dire, comme je l'avais fait lors des précédentes lois de bioéthique, qu'il était parfaitement légitime que des points de vue différents s'expriment. Ils ont chacun leur cohérence et sont respectables en tant que tels.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Le Guen

Par de nombreux aspects, nous avons des visions différentes de la réalité de la personne.

Toutefois, votre argumentation à ce sujet me paraît faible à plusieurs égards. Elle l'est, tout d'abord, implicitement parce qu'elle repose sur des valeurs qui ne sont pas les nôtres.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Le Guen

Lorsque vous parlez des gamètes, vous en parlez comme s'il s'agissait d'embryons. Expliquer que les gamètes sont un matériel noble…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Le Guen

Mon cher collègue, tout est différent. La différence est un truisme. Du truisme au sophisme, il y a beaucoup de choses que vous pourriez lire, y compris dans le registre rhétorique qui vous anime.

Si vous mettez en avant cette différence pour la sublimer, c'est pour une raison simple : vous n'êtes pas capables d'assumer le fait que vous êtes opposés à la fécondation in vitro avec don de gamètes. La réalité est là.

En outre, pour justifier l'exceptionnalité du gamète, vous en venez à développer des théories biologiques d'un simplisme tout à fait choquant. Je renvoie aux arguments développés par notre collègue Vaxès. L'identité d'une personne est liée à sa dimension sociale mais aussi biologique, personne ne peut le nier. Simplement, dans votre discours, la biologie se réduit au résultat mécanique de la fusion de deux gamètes. Cela ne correspond à aucune réalité scientifique. Dans le cadre des réflexions menées au sein de la commission, nous avons vu qu'indépendamment du matériel génétique contenu dans les deux gamètes, la dimension biologique comprenait l'environnement social, le vécu, le ressenti, notamment de la mère. Affirmer que la fusion de deux gamètes détermine la biologie d'un individu est aujourd'hui scientifiquement erroné.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Le Guen

Écoutez-moi donc, cher collègue. Je n'ai jamais nié qu'il y avait une dimension biologique dans l'individu, je viens au contraire de le souligner pour la troisième fois, mais, comme vous étiez en train de vous exclamer avec vos voisins, vous ne m'avez peut-être pas entendu.

Votre conception de la biologie est une conception déterministe. Même du point de vue biologique, il est faux de dire que le code biologique d'un individu est le seul résultat de la fusion de deux gamètes. La science aujourd'hui a montré le rôle joué par l'environnement de la mère dans l'ARN messager. Lorsque nous évoquerons la gestation pour autrui, nous reparlerons à nouveau de ces questions. Dans la constitution du matériel génétique, il existe un échange entre l'extérieur et l'intérieur qui ne se limite pas à l'alliance entre un chromosome X et un chromosome Y.

Puisque vous en appelez à la cohérence, peut-être faudrait-il que vous assumiez votre opposition à la fécondation in vitro avec dons de gamètes.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Vanneste

Ce débat est en fait plein de noblesse : il est marqué par l'opposition entre deux philosophies. Et lorsque dans notre assemblée, il y a ainsi un débat philosophique, il faut être respectueux de celui-ci.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Greff

M. Le Guen parle puis s'en va ! Peut-être pourrait-il écouter ce que les autres ont à dire !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Vanneste

Ce qui a été choquant dans la manière de l'aborder, c'est le soupçon que l'on fait peser sur nous en affirmant que nous défendons les idées de l'église catholique sans le dire. C'est là réduire une pensée bien plus large, qui pourrait se rattacher à de nombreuses philosophies plus ou moins directement liées à l'église. On peut fort bien se réclamer du personnalisme et considérer que les différentes positions exprimées s'y rattachent. Moi-même, j'ai cité Kant, qui, vous le savez, n'était pas particulièrement catholique puisqu'il était protestant.

Ce n'est pas à ce niveau qu'il faut situer le problème mais à un niveau purement philosophique, sans faire allusion à telle ou telle religion.

Dire que nous avons tendance à nous référer uniquement au biologique est un total contresens. La véritable opposition est celle qu'a évoquée M. Gosselin. Il a employé les termes de « qualitatif » et « quantitatif » qui ne me semblent pas appropriés, je parlerai plutôt du tout et de la partie. Nous considérons que les gamètes contribuent à la création d'un tout, c'est-à-dire d'une personne, alors que les organes ne sont qu'une partie matérielle du corps. C'est l'opposition entre la personne, qui est aussi être spirituel, et le corps, ensemble organique voire mécanique.

Pour nous, les deux questions ne se situent pas sur le même plan. Cela renvoie à une opposition entre une conception spiritualiste et une conception matérialiste, qui dépasse le cadre étroit des religions.

Monsieur Vaxès, vous faisiez allusion tout à l'heure à Victor de l'Aveyron, qui est tout de même sujet à caution. Le livre de Malson repose sur un cas unique, dont on peut d'ailleurs se demander s'il ne comportait pas un arrière-plan psychiatrique. Je n'insisterai pas sur ce point mais l'exemple cela est discutable.

Cela dit, loin de nous l'idée d'affirmer qu'une personne n'est faite que de son code génétique. Nous pensons au contraire que ce sont les relations humaines qui créent la personne. À cet égard, lorsque Hervé Mariton rappelait l'importance de la famille, il faisait allusion à la structuration multiple d'une personne à travers une institution sociale et au fait qu'un être n'est pas un individu mais une personne pénétrée de part en part pour toutes ces relations. De fait, nous avons tendance à donner davantage d'importance aux relations qui sont plus pérennes dans le cadre d'une institution qu'aux sentiments, qui peuvent être fugaces.

Voilà notre position. Elle est différente de la vôtre, ce qui est légitime, mais elle est très cohérente et ne peut être réduite à la pensée d'une église ou d'une religion.

En ce qui me concerne, j'ai cosigné l'amendement dont nous discutons. Mais, personnellement, je ne suis nullement opposé à ce qu'il y ait une information sur le don de gamètes. Simplement, en raison de ma philosophie, j'estime que l'on ne doit pas informer de la même manière sur le don de gamètes et sur le don des organes, car ils ne se situent pas sur le même plan. J'estime qu'une différence doit être établie et si j'ai cosigné cet amendement, c'est justement pour cette raison. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Tourtelier

Sans entrer dans le fond du débat que vient de susciter Christian Vanneste, je dirai que la question se situe bien là.

Dans la discussion générale, j'ai défendu l'idée que l'embryon n'était pas une personne, ce qui n'excluait pas un encadrement des recherches menées sur l'embryon car il existe une réalité imaginaire liée à l'affectif, dès qu'il y a un projet. Mais il importe de ne pas confondre cette réalité psychologique, liée à l'imaginaire qui est l'une des spécificités de l'homme par rapport à l'animal, avec la réalité physiologique, et dire que l'embryon est une personne. Nous pourrions continuer la discussion.

Pour qu'il n'y ait pas d'ambiguïté, monsieur Mariton, je répète que je respecte les diverses convictions exprimées. J'ai même précisé dans mon intervention liminaire qu'en matière de bioéthique, il était très difficile d'appliquer strictement le principe de laïcité qui voudrait que les décisions que nous prenions ne soient pas motivées par des éléments religieux ou philosophiques qui sont de l'ordre du privé. Ces sujets mettent en effet en jeu nos convictions personnelles ainsi que les valeurs du pacte social.

Simplement, nos différentes convictions ont été forgées à partir d'une culture où la place de l'église catholique est très prégnante. Je veux bien arrêter d'évoquer la cohérence des positions de l'église catholique mais je vois plus que des similitudes entre celle-ci et la cohérence de vos propositions. C'est un constat. Je respecte cette cohérence et pense n'être pas arrivé au terme du dialogue que je nourris avec Monseigneur d'Ornellas, archevêque de Rennes.

Cela dit, dans le respect mutuel des convictions, il y a bien un moment où il faut dire les choses. La véritable question est celle que vous a posée Jean-Marie le Guen : êtes-vous pour ou contre la procréation médicale assistée ?

Debut de section - PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

Jean-Marie Le Guen a bien établi la nature du débat : la question n'est pas tant de savoir si nous nous opposons sur ce qu'est la personne humaine. Nous l'avons évoquée les uns et les autres avec nos mots, nos convictions, nos références. Nous considérons que la personne est un tout avec une dimension sociale, affective, biologique. Et, à quelques exceptions près, je ne crois pas que nous soyons en désaccord sur l'idée qu'il existe une interaction entre ces éléments qui forme la personne et crée son droit au respect.

Le problème est en réalité un problème social et donc un problème politique. Il se rapporte à l'appréciation que nous portons sur la procréation médicale assistée. Cela ressort assez bien de nos débats.

Ce qui nous a choqués dans l'amendement présenté, c'est qu'il repose sur la volonté de séparer l'information portant sur le don de gamètes de celle portant sur le don d'organes, comme si l'on ne pouvait informer les membres de la société de manière identique selon qu'il s'agit de certains organes ou de gamètes. C'est donner à la question des gamètes une importance particulière, non pas tant sur le plan biologique – je ne vais pas épiloguer là-dessus – que social.

Je reprendrai volontiers les propos de M. Tourtelier mais simplement en précisant le point d'achoppement qui existe entre nous : ce qui vous embarrasse ce n'est pas la procréation médicale assistée mais l'intervention d'un tiers donneur, ce que nous pouvons comprendre car derrière tout cela, c'est une conception de la famille et de la parenté qui est en jeu.

Et ce qui vous embarrasse, c'est que vient s'interposer un tiers donneur qui perturbe la conception très respectable que vous avez de la famille fondée sur l'idée que l'enfant est né d'un père et d'une mère qui constituent un couple – du reste, on voit les difficultés que vous avez en ce qui concerne le PACS. En effet, ce tiers donneur ouvre la porte à une conception de la famille et de la parentalité qui va au-delà de la définition stricte que j'en ai donnée, puisque l'accompagnement par la fécondation in vitro peut s'adresser à une personne seule ou à un couple homosexuel. L'ensemble des éléments sur lesquels vous estimez devoir laisser construire la famille sont de fait indirectement remis en question à travers ces éléments.

Si débat il y a, il n'est ni idéologique, ni biologique, mais politique et social. Pour votre part, vous accordez une importante, du reste fort respectable, à une conception de la société qui repose sur une institution ancienne. Mais il existe aussi une autre conception qui voit dans la famille et la parentalité une évolution. Voilà pourquoi on peut dire – mais en disant cela, je sais que je vais vous faire tiquer – qu'il y a, d'un côté, ceux qui ont une vision plutôt conservatrice et, de l'autre, ceux qui ont une vision plutôt mobile et évolutionniste des choses.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Jardé

Monsieur Gosselin, vous avez raison, le don de gamètes est un acte particulier puisqu'il peut donner la vie. Il faut faire la différence avec les cellules hématopoïétiques, qui, elles, sauvent une vie.

Mais, comme il y a un déficit en matière de don de gamètes, et plus particulièrement de don d'ovocytes, il me paraîtrait fort dommageable de supprimer l'information sur les dons de gamètes délivrée lors de la journée Défense et citoyenneté. Voilà pourquoi Jean-Sébastien Vialatte et moi-même voterons contre cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Monsieur le président, je souhaiterais faire une brève réponse apaisée.

L'information délivrée sur le don de gamètes est un peu particulière, elle est de nature très différente des autres, comme l'a dit M. Jardé. Actuellement, Il n'y a pas non plus d'information générale sur le sang de cordon, cette information devant plutôt être donnée à la femme enceinte dans un cadre particulier. Une information générale de l'ensemble de la population n'est pas très adaptée. Voilà pourquoi je souhaite que l'information sur le don de gamètes soit supprimée.

Monsieur Claeys, si vous n'aviez pas fait ce mauvais procès d'intention, je crois que nous n'aurions pas eu ce débat. C'est vous qui, sans doute involontairement, et je vous en donne acte, avez allumé le feu.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Mais c'est très bien que ce débat ait pu avoir lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Claeys

Je crois que ce débat était utile. Et si j'ai souhaité qu'il puisse avoir lieu dans cet hémicycle, c'est parce qu'il avait eu lieu en commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Que l'on ne se méprenne pas : il ne s'agit pas de censurer l'information sur le don de gamètes. En effet, cela fait maintenant quelques années que je défends avec conviction la culture du don. Mais il faut reconnaître qu'il peut y avoir des natures différentes.

Je n'ai nulle envie d'empêcher, de renier l'AMP. Je ne vois pas pourquoi on priverait des hommes et des femmes de la possibilité d'être parents. Il faut vivre avec son temps.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Toutefois, je considère qu'elle doit être médicale, comme je l'ai dit lors de la discussion générale. Les demandes sociétales n'ont pas à être prises en compte.

Je suis plutôt satisfait que ce débat ait eu lieu car il me semblait, il y a quelques heures encore, qu'un certain nombre d'entre vous concentraient leurs propos sur l'aspect culturel et affectif. Je suis heureux d'entendre que si chaque individu est le fruit d'une culture, de l'amour, d'un projet parental, parfois malheureusement de projets plus violents, il y a aussi un lien biologique. Certes, il n'est peut-être pas l'essentiel, mais il existe.

Tel est l'objet de cet amendement. Qu'il n'y ait pas non plus de procès en sorcellerie sur ce point !

Enfin, je revendique malgré tout une cohérence dans ma pensée et je conçois parfaitement qu'on ne la partage pas. En tout cas, chacun d'entre nous a eu des propos respectables, et en disant cela, je pense à M. Gorce et M. Vaxès. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Leonetti

Il fallait probablement purger ce débat.

Philippe Gosselin avoue son interrogation sur le sujet et propose de supprimer une disposition que votre rapporteur a introduite dans le texte. Cela laisse penser qu'il y aurait obligatoirement un clivage et que je me trouverais du côté gauche de l'hémicycle par le hasard de la conjoncture de ce texte.

Je le dis à Hervé Mariton et à Noël Mamère, je ne pense pas une seconde qu'il y ait, d'un côté le camp des bleus et de l'autre celui des rouges. Je ne l'accepte pas, d'abord parce que j'ai beaucoup douté, exploré différents champs. Je suis suffisamment revenu, comme le Gouvernement, sur des positions, ce qui montre qu'il n'y a pas une vision d'un côté et une autre diamétralement opposée.

Quand j'avais vingt ans, un certain nombre de trotskistes disaient que tout était politique : la façon de s'habiller, de parler, etc. Si la politique, c'est essayer de penser, d'incarner une philosophie et des convictions dans des actes, alors oui tout est politique. Pour autant, je continue à penser que tout est nuance, que tout est complexité et je ne voudrais pas que l'on caricature un débat en disant qu'il y a, d'un côté, les anciens, et, de l'autre, les modernes, d'un côté, les conservateurs et, de l'autre, les libertaires, d'un côté, les catholiques et, de l'autre, les laïques. Non, je n'accepte pas que ce débat tourne autour de l'idée qu'il y aurait une pensée unique à droite et une pensée unique à gauche. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

À la suite des échanges que j'ai pu avoir avec Michel Vaxès, Gaëtan Gorce ou Alain Claeys, les lignes ont pu bouger. Nous avons tous pour objectif ici le bien commun. On voit bien que parfois notre culture ou nos convictions profondes peuvent s'effacer, être ébranlées, se briser, se fissurer devant l'argumentaire de l'autre, au nom de l'intérêt général.

Dans ce débat, il y a bien sûr tout un enchevêtrement de choses qui bousculent nos idées de la famille, du rapport humain, qui remettent en perspective l'interrogation éternelle que nous avons sur ce qu'est l'homme. Et qui pourrait nier qu'on ne peut pas faire un homme sans le matériel génétique nécessaire à faire au moins l'espèce humaine ? Et qui pourrait nier que cette espèce humaine venant au monde a besoin de s'enrichir de l'amour et du savoir des autres pour créer une personne humaine ?

Tout à l'heure, je me suis abstenu sur le vote d'un amendement de Mme Greff qui a été adopté. Oui, je continue à avoir des hésitations, et je remercie Philippe Gosselin d'en avoir, comme l'ensemble des députés ici présents qui peuvent changer d'avis et être influencés par les convictions des autres.

Non, il n'y a pas le bien contre le mal, les spirituels contre les matérialistes, d'un côté des gens progressistes qui veulent le bien de l'humanité et de l'autre une morale qui réprimerait et empêcherait l'avancée de la science.

Nous devons avoir cette réflexion à la fois grave, modeste et humble qui consiste à dire que nous avançons. Notre discussion ne doit pas être un clivage perpétuel. Elle doit permettre, au contraire, que nos points de vue convergent. Je suis persuadé qu'il y a plus, dans cet hémicycle, de points communs que de divergences.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Leonetti

J'appelle donc chacun à la modération et à éviter de dire : les autres sont ainsi et nous nous sommes ainsi, car ce n'est pas de cette façon que le débat a eu lieu au sein de la mission d'information ni de la commission spéciale. À mon avis, ce ne sera pas de cette façon qu'il aura lieu dans cet hémicycle.

Je remercie Philippe Gosselin de ses interrogations. Je continue à donner un avis défavorable sur son amendement car il faut que j'aie au moins un brin de cohérence, à moins qu'il ne le retire.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Cela n'aurait aucun sens si je le retirais !

(L'amendement n° 29 n'est pas adopté.)

(L'article 5 septies est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Sur l'article 5 decies, je suis saisi d'un amendement n° 65 .

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

La parole est à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé, pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 65 .

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Le Gouvernement est favorable à cet amendement.

(L'amendement n° 65 est adopté.)

(L'article 5 decies, amendé, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l'amendement n° 30 , portant article additionnel après l'article 5 undecies.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Je souhaite qu'on étende la culture du don. Un certain nombre de mesures restrictives en vigueur empêchent toute personne protégée de donner son sang. Cette interdiction est très stricte. Le présent amendement vise donc à la limiter aux seules personnes sous tutelle afin d'élargir quelque peu la possibilité du don de sang.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Même avis.

(L'amendement n° 30 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

La parole est à M. Olivier Jardé, premier orateur inscrit sur l'article 6.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Jardé

Cet article permet de clarifier et d'harmoniser l'encadrement éthique, médico-technique et de sécurité sanitaire des cellules souches hématopoïétiques quel que soit le lieu de leur prélèvement. Les conditions de préparation, d'importation et d'exportation d'éléments issus du corps humain sont modifiées afin d'aligner le régime juridique des cellules hématopoïétiques sur celui des cellules directement prélevées dans la moelle osseuse. C'est la raison pour laquelle je suis favorable à cet article.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Touraine

Je souscris aux propos de M. Jardet.

(L'article 6 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

La parole est à M. Olivier Jardé, inscrit sur l'article 7.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Jardé

Cet article vise à renforcer l'encadrement éthique et médico-technique de l'utilisation du sang de cordon et du sang placentaire. Le principe du don anonyme est maintenu, principe auquel je suis tout à fait favorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

La parole est à Mme Valérie Boyer, pour soutenir l'amendement n° 173 .

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Boyer

Cet amendement a pour objectif de développer la conservation mixte du sang de cordon, c'est-à-dire au profit des intéressés mais également au profit de la collectivité afin d'étoffer le réseau français des banques de sang placentaire actuellement très insuffisant.

Tel qu'il est rédigé, l'article 7 fait obstacle au prélèvement et à la conservation de cellules du sang de cordon et du sang placentaire en vue d'un usage personnel ou familial. Le don « dédié » n'est en effet autorisé qu'au profit d'un frère ou d'une soeur du nouveau-né ayant un besoin actuel et avéré d'une greffe de sang de cordon apparentée.

Pourtant, d'autres éléments et produits du corps humain, comme les gamètes ou des cellules, peuvent être prélevés et conservés en vue d'une utilisation personnelle.

C'est pourquoi cet amendement vise à développer la conservation mixte du sang de cordon, c'est-à-dire au profit des intéressés mais également de la collectivité en cas de besoin. Un tel dispositif ne présenterait que des avantages en permettant d'étoffer le réseau français des banques de sang placentaire actuellement très insuffisant, au point que la France importe à grands frais des greffons de sang de cordon alors qu'elle était pionnière en la matière en 1998 – nous nous situons aujourd'hui derrière la République tchèque.

Parce que la France doit retrouver son rang en se donnant les moyens de développer la recherche, je vous invite à adopter cet amendement.

Le Conseil d'État partage indirectement ce point de vue qui est aussi celui de Mme Gluckman – premier chercheur à avoir greffé, en 1987, un enfant atteint de la maladie de Fanconi –, favorable à des banques mixtes. La France dispose de très bons chercheurs auxquels il faut donner les moyens d'exercer leurs talents au lieu de les pousser à partir à l'étranger.

Il n'y a aucune raison d'interdire à des parents, dûment informés, de parier sur la conservation du sang de cordon de leurs enfants, dès lors que les éventuelles dérives commerciales sont sanctionnées en application du droit commun des contrats. Si la France a pu se montrer réticente jusqu'à une date récente, cette attitude n'est plus justifiée au regard des plus récentes publications scientifiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Leonetti

Très défavorable. Le don est anonyme et gratuit et il ne faudrait pas développer l'idée que l'on pourra conserver son propre don à son seul profit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Leonetti

L'avis de la commission est d'autant plus défavorable à l'amendement qu'il constitue un leurre scientifique. On explique aujourd'hui sur internet à des femmes que si elles conservent leur sang de cordon, elles pourront sauver leur enfant, ce que ne corrobore aucune étude scientifique.

En revanche, on a tout intérêt à préserver une diversité de sang de cordon à même de répondre aux besoins de l'ensemble de la population.

Autant, un peu par dérision et quelquefois par hésitation, la commission a pu donner un avis favorable à certains amendements, autant j'appelle ici l'attention de la représentation nationale sur le double message qui serait délivré si l'amendement était adopté : un message individuel et un message qui, j'y insiste, n'est qu'un leurre scientifique.

Nous devons défendre l'idée qu'il faille diversifier et augmenter les dons de sang de cordon afin de répondre à chaque cas particulier, et nous devons combattre l'idée qui est une faute, selon laquelle on garde le sang de cordon de son enfant pour qu'il puisse lui servir plusieurs années plus tard.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Même avis et pour les mêmes raisons. Le don pour soi n'est pas sans poser certaines difficultés. J'ignore quelles garanties on peut apporter à une utilisation de sang de cordon par une banque privée dans les conditions prévues par l'amendement. Le dispositif envisagé ici présente de nombreux risques pour une avancée scientifique qui est très loin d'être avérée. Le Gouvernement émet donc très fermement un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Sébastien Vialatte

Je suis également défavorable à cet amendement qui sort du cadre de la philosophie du don telle que nous l'avons jusqu'à présent développée. Ensuite, il faut rappeler que seulement un tiers des cordons sont utilisables et qu'un cordon utilisable que l'on coupe en deux ne contient pas assez de cellules pour en faire quoi que ce soit.

D'un point de vue philosophique, je suis donc très défavorable au dispositif proposé, qui, de surcroît, d'un point de vue technique, se révèle quasiment impossible.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Touraine

Les députés du groupe SRC sont eux aussi défavorables à cet amendement pour les raisons évoquées précédemment. Je reprends les arguments de M. Leonetti : je comprends que l'intention soit louable mais à quoi aboutirait l'application du dispositif proposé ? On mettrait d'une part le doigt dans l'engrenage du don pour soi qui impliquerait que toute personne, même bien portante, garde à l'état congelé ses propres gamètes, ses propres cellules souches sanguines, des cellules de tel ou tel de ses organes, dans le cas où, vingt ou trente ans plus tard, elle aurait une défaillance. On entrerait par conséquent dans une logique complètement folle où chacun protégerait certaines de ses cellules jeunes pour le futur.

D'autre part, je crois moi aussi qu'il s'agit d'un leurre qu'exploitent malheureusement certaines sociétés qui y trouveraient évidemment un avantage commercial. Pourtant, la probabilité statistique que ses propres cellules se révèlent utiles à soi-même est tellement infime qu'elle est négligeable. Garder aujourd'hui le sang du cordon d'un nouveau né pour un traitement qui serait appliqué dans quarante ou cinquante ans dans l'hypothèse du développement d'une leucémie ou d'une autre maladie est absurde parce qu'à cette échéance les techniques auront tellement évolué que le sang de cordon conservé ne sera plus la modalité de traitement appropriée.

Il est certain, par conséquent, que la conservation de son propre sang de cordon n'apportera pas de bénéfice à l'enfant lui-même. De plus, une telle pratique reviendrait à rompre avec la philosophie du don altruiste.

C'est pourquoi les députés du groupe SRC sont défavorables à cet amendement quand bien même ils comprennent qu'il est fondé sur une intention louable. Reste que ses effets seront très négatifs et, comme l'a rappelé M. Vialatte, l'idée de stocker les cellules du sang de cordon et de les diviser en deux est le contraire de ce qu'il faut faire. Quand il s'agit de traiter un adulte, il faut utiliser plusieurs cordons et non pas la moitié d'un.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Boyer

Je comprends tout à fait vos arguments et la crainte qu'une telle proposition peut susciter. Je rappelle simplement qu'elle a vocation à être encadrée. Son application permettrait en outre le développement de centres de sang de cordon allogéniques alors que la France accuse un grand retard en la matière.

Je rappelle par ailleurs que le Conseil d'État, dans un rapport de mai 2009, précise qu'en cas de création de banques privées, celles-ci devront affecter les greffons en priorité à d'autres personnes que le donneur en cas de besoin. Nous pourrions travailler utilement sur cette question.

Je vous propose cet amendement après avoir auditionné de nombreuses personnes à Marseille – notamment des membres du comité national d'éthique. Nous pouvons soumettre les banques privées à des procédures d'agrément qui régissent les banques publiques – je pense en particulier au devoir d'équité en matière d'information, principe qui sous-tend la loi HPST.

Nous devons tenir compte du départ à l'étranger de chercheurs français et de notre retard. Je partage bien évidemment les arguments que vous avez développés ; reste qu'il ne faut pas, de mon point de vue, diaboliser la solution du privé mais négocier pour trouver des compromis acceptables de nature à combler notre retard dans l'utilisation du sang de cordon.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Je tiens à préciser que nous ne sommes pas en retard en matière de greffe, bien au contraire. C'est en matière de conservation que nous l'étions.

Selon le plan cancer, 34,8 millions d'euros seront spécifiquement dédiés, pour la période 2010-2013, au développement et au soutien des banques de sang placentaire.

Non seulement nous ne sommes pas en retard, mais, de plus, sur ce sujet précis, un investissement est prévu au titre du plan cancer.

(L'amendement n° 173 n'est pas adopté.)

(L'article 7 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

La parole est à M. Olivier Jardé, inscrit sur l'article 8.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Jardé

Je suis favorable à cet article qui clarifie le régime d'autorisation des établissements de santé et des établissements de transfusion sanguine en matière de prélèvement de cellules.

(L'article 8 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 9.

La parole est à M. Marc Le Fur.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

J'interviens pour la première fois dans cette discussion pour évoquer un sujet qui me paraît essentiel. Avant d'évoquer l'article, je tiens à saluer le président de la commission spéciale, qui a su animer les débats avec une grande qualité d'écoute – je le dis avec beaucoup de sincérité. Je salue également le rapporteur, qui a su expliciter ses doutes, ce qui n'est pas toujours si facile – peut-être était-ce pour nous convaincre, en tout cas il l'a fait avec une grande honnêteté.

L'un des points essentiels de l'article 9 est la généralisation systématique du diagnostic prénatal, quel que soit l'âge de la mère, afin de prévenir – c'est essentiellement fait pour cela – la trisomie 21. Je m'oppose, en cela, à une démarche que je juge eugéniste.

Ce diagnostic prénatal a pour objet d'évaluer les risques qu'a l'enfant à naître d'être atteint de ce fameux syndrome de la trisomie 21. Le problème, c'est que celle-ci se détecte, mais ne se soigne pas. Normalement, un diagnostic aboutit à une thérapie, fût-elle incertaine. En l'espèce, le diagnostic n'aboutit pas à une quelconque thérapie, en l'état actuel de notre recherche. Peut-être pourrions-nous nous donner les moyens d'une recherche nous permettant d'aboutir à une thérapie, mais en l'espèce, ce n'est pas le cas aujourd'hui. Curieux diagnostic prénatal, qui n'aboutit en fait qu'à placer les femmes, les familles, seules et désemparées, devant le choix dramatique entre l'interruption de grossesse et la naissance d'un enfant qui, chacun le mesure, sera une charge considérable pour cette famille.

Quel est le processus du diagnostic prénatal de la trisomie 21 ? Ce diagnostic débute, aujourd'hui, par des examens à l'aide de méthodes non-invasives : échographie, embryoscopie, ou, plus couramment – et peut-être plus encore, demain –, prise de sang. Une fois cet examen effectué, la future mère attend une quinzaine de jours avant d'en avoir les résultats. Déjà, l'angoisse peut être présente.

Lorsqu'elle reçoit les résultats, elle peut découvrir une suspicion de trisomie 21. La future mère est alors incitée à vérifier cette suspicion par d'autres méthodes, plus invasives, et en particulier par l'amniocentèse. L'acte n'est pas anodin, puisqu'il consiste à ponctionner un peu de liquide amniotique afin de s'assurer s'il y a ou non trisomie 21.

Lorsque les résultats arrivent, et lorsqu'ils aboutissent à une trisomie 21, ils sont présentés comme incontestables : « le docteur l'a dit » ! Un rendez-vous est immédiatement proposé afin de prendre une décision. Et la décision, c'est le choix entre l'interruption médicale de grossesse et le fait de porter un enfant qui sera fondamentalement différent.

En voyant ce processus, nous voyons que l'on place les familles, les femmes, devant une situation qui aboutit à un choix dramatique. Et à chaque étape qu'on les fait franchir, sans peut-être mesurer le caractère dramatique du choix, elles sont seules, ou ils sont seuls, s'il s'agit de la famille. Absence de soutien, puisque le soutien des associations n'est pas organisé – peut-être évoluerons-nous encore sur ce point. La femme est seule. Et on lui dit, en fait, implicitement : « C'est à vous d'assumer. » C'est ce que lui dit implicitement la société : « Assumez le refus du DPN. Assumez, c'est votre responsabilité, de rompre le processus du diagnostic. Assumez de garder l'enfant. » C'est chaque fois la femme, et la famille, qui est seule face à ses responsabilités. Il n'y a pas de soutien de la société. C'est cela qui est grave, et c'est avec cela qu'il faut rompre, me semble-t-il.

Je ne crois pas au caractère systématique de ce dépistage. Pourquoi ? Parce que, quand on regarde les courbes, on s'aperçoit que le risque de trisomie 21 varie de façon complètement asymptotique en fonction de l'âge. Entre vingt et trente ans, il est quasi marginal. Et c'est vrai qu'il existe à trente-huit, trente-neuf, quarante ans, et au-delà – là, la systématisation pourrait avoir un sens. Mais est-il nécessaire de systématiser le dépistage dès l'âge de vingt ans ?

« On crée une obsession de ce dépistage », déclare le professeur Patrick Leblanc, gynécologue auditionné par la commission, qui vient de réunir sur son nom 700 personnes pour sauver la médecine prénatale. Est-il nécessaire de proposer systématiquement le DPN, et dans quelle limite cette proposition n'est-elle pas une pression sur la mère, alors que, on le sait, elle aboutit dans la plupart des cas à un avortement systématique ? On n'éradique pas la maladie – on n'en a pas les moyens –, mais, de fait, on éradique une population, on cible une population, on définit des critères, on organise la sélection. Comment cela s'appelle-t-il, sinon de l'eugénisme ? C'est la question que pose, tout aussi explicitement, Patrick Leblanc, qui dénonce une étape de plus vers l'eugénisme.

Cette éradication aura d'ailleurs été accompagnée de dégâts collatéraux. Combien d'enfants qui n'ont pas vu le jour alors qu'ils n'étaient pas trisomiques ? Je connais un couple, en Ille-et-Vilaine. On leur avait promis que l'enfant que portait la mère était trisomique. Pour diverses raisons, ils ont gardé l'enfant. Il s'est avéré on ne peut plus normal. Voilà des choses que l'on ne dit pas, sur lesquelles nous n'avons pas de statistiques, mais qui sont exactes, et qui révèlent de véritables dégâts collatéraux.

Dégâts collatéraux, également, dans l'amniocentèse, qui peut aboutir – on parle de 1 % – à une fausse couche.

Nous touchons à une question cruciale. Notre société est-elle capable de prendre en compte la vulnérabilité et de respecter ce qui est vulnérable ? L'enfant que nous accueillons n'est pas celui auquel on rêve. L'enfant est un sujet en soi. Il n'est pas l'objet de quiconque, fût-ce de ses parents. Se perfectionner est une ambition légitime. Prétendre à la perfection est toujours une dérive. On mesure le degré de civilisation d'une société à sa capacité d'accueil et d'accompagnement des personnes vulnérables, des grands vieillards, des handicapés, des enfants trisomiques. Nous serons jugés, le degré de civilisation de notre société sera aussi jugé, à cet égard.

Je voudrais faire une citation devant vous, une citation qui évoque Anne, une petite fille trisomique, né dans un couple pas tout à fait banal, le couple formé par Yvonne et Charles de Gaulle. Que dit d'elle le Général de Gaulle ? « Anne ? Oui, sa naissance a été une épreuve pour ma femme et pour moi. Mais, croyez-moi, Anne est ma force. Elle m'aide à demeurer dans la modestie des limites et des impuissances humaines. »

Elle m'aide à demeurer dans la modestie des limites et des impuissances humaines. Et qui dit cela ? Le Général de Gaulle, qui a combattu le nazisme et son eugénisme. Le vainqueur de ceux qui niaient la vulnérabilité pour mieux rechercher la perfection, recherche aussi vaine que dangereuse.

Je sais que le monde du handicap, et particulièrement le monde du handicap mental, fait peur. Non seulement il fait peur, mais parfois il provoque un sentiment de répulsion. On le sait, cela existe dans notre société. Et pourtant, ces enfants, ces hommes et ces femmes ont des noms, ont des prénoms. Il s'agit d'Anne. Il s'agit d'Éléonore. Il s'agit de Pascal. Il s'agit de Caroline. Il s'agit de Pierre, de Luc. Il s'agit de Wandrille.

Nous sommes ici plusieurs à avoir soutenu la loi sur le handicap, la loi du 11 février 2005. Il y a presque six ans. Pour beaucoup d'entre nous, c'est un sujet de fierté. Et quelle est la philosophie de cette loi ? C'est qu'elle place la personne handicapée, non plus aux marges de notre société, mais au centre. Ce doit être le cas aussi pour les handicapés mentaux en général, et les jeunes trisomiques en particulier. Écoutez ce que nous disent les parents, dans le journal La Vie, tout récemment : « Nous, parents de jeunes et adultes atteints de la trisomie 21, nous nous battons depuis leur naissance pour que nos enfants soient éduqués, respectés par la société. » Et ils nous disent clairement que le plus dur, pour eux, n'est pas la maladie, mais le rejet dont pâtit leur enfant, et par conséquent leur famille, un rejet qui se présente ouvertement ou non, explicitement ou non.

Ces enfants, ces jeunes nous regardent avec leur regard fixe. Souvent, ils quêtent un sourire. Sachons y répondre. Ils nous le rendront au centuple, car ils débordent d'affection, comme s'ils éprouvaient le besoin de compenser. Ils sont pétris d'humanité, ils sont parties d'humanité, ils sont témoins d'humanité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

La parole est à M. Xavier Breton.

(M. Marc Le Fur remplace M. Jean-Pierre Balligand au fauteuil de la présidence.)

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Breton

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission spéciale, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, dans sa saisine du Conseil d'État en date du 11 février 2008, M. le Premier ministre invitait les conseillers d'État à procéder à l'examen approfondi de la question suivante : « Les dispositions encadrant les activités d'assistance médicale à la procréation, et en particulier celles de diagnostic prénatal et préimplantatoire, garantissent-elles une application effective du principe prohibant toute pratique eugénique tendant à l'organisation et à la sélection des personnes ? »

Force est de constater, trois ans après, que très peu d'éléments de réponse nous ont été fournis par les différentes études, les différents rapports qui ont été rédigés dans le cadre de la préparation de cette révision des lois de bioéthique. Et pourtant, chacun d'entre nous peut constater une dérive progressive dans la pratique du dépistage prénatal : 92 % des foetus porteurs de la trisomie 21 sont détectés, et parmi eux, 96 % sont ensuite éliminés.

Sans porter, en aucune manière, un jugement de valeur sur les choix souvent douloureux qui sont faits par chaque couple, il est de notre devoir, me semble-t-il, de nous interroger sur ces chiffres impressionnants, qui découlent d'un système volontairement organisé à cet effet.

Et nous devons également nous interroger sur le texte du projet de loi, qui, loin d'envoyer un signal contraire, nous invite à programmer un dépistage généralisé. Plutôt que de cautionner l'élimination du handicap, ne pourrions-nous pas plutôt privilégier sa prise en charge collective par notre société, qui serait alors véritablement solidaire ? Et ne pourrions-nous pas, dans la pratique du diagnostic prénatal, rétablir un peu plus de liberté, un peu plus de sérénité, tant du côté des femmes et des couples, qui doivent retrouver une véritable liberté de choix, que du côté des médecins, qui doivent retrouver aussi une véritable liberté dans leur pratique médicale ?

S'agissant des médecins, vous me permettrez de lire des extraits d'une tribune que plusieurs médecins gynécologues et personnalités représentatives de la réflexion bioéthique viennent de publier dans un grand quotidien, pour réclamer que soit inscrite dans la loi l'obligation d' « une meilleure information de la femme dans le cadre du diagnostic prénatal ». Parmi les cosignataires de cette tribune, nous retrouvons le docteur Gilles Grangé, de la maternité Port-Royal, le professeur Emmanuel Hirsch, de la faculté de médecine de l'université Paris-Sud 11, le professeur Pascal Gaucherand, chef de service de gynécologie-obstétrique à l'hôpital Femme-Mère-Enfant de Lyon, le professeur Jean-François Mattei, ancien ministre de la santé, le professeur Gérard Lévy, ancien président du Collège national des gynécologues et obstétriciens français, le professeur Israël Nisand, chef de service de gynécologie-obstétrique de l'hôpital de Hautepierre à Strasbourg, ou encore le professeur Didier Sicard, président d'honneur du Comité national consultatif d'éthique.

Je cite leur tribune :

« Les statistiques nationales nous indiquent que les femmes enceintes se prêtent massivement à ce dépistage alors que leur autonomie décisionnelle est mise à mal par un manque d'information. Ajoutons qu'aux facteurs qui contribuent à entraver cette autonomie décisionnelle s'ajoute une forte pression sociale conduisant à un rejet de plus en plus systématique de la différence. Cela se traduit par un taux très élevé d'interruption de grossesse en cas de diagnostic anténatal de trisomie 21.

« Cela a probablement échappé à beaucoup, », disent-ils, « mais, le projet de loi de bioéthique couvre ces problématiques et constitue à ce titre une opportunité pour renforcer l'autonomie des femmes enceintes face à un dépistage de masse aux enjeux fondamentaux.

« La proposition de loi, par sa formulation actuelle, voudrait contraindre les praticiens à la proposition systématique du test de dépistage de la trisomie 21. Il s'agit en réalité d'entériner une situation de fait qui n'a jamais fait l'objet d'un débat public. En effet, devant le niveau d'information hétérogène des femmes, la proposition systématique est le moyen de garantir une certaine égalité d'accès. L'intention est louable. Néanmoins, on ne peut pas se satisfaire d'une démarche qui piétine le droit à l'information et à l'autonomie décisionnelle des femmes enceintes. Si la proposition du test doit en théorie être accompagnée d'une information permettant une décision éclairée, la réalité des pratiques en est très éloignée.

« Le projet de loi est donc une chance pour que les assemblées, et à travers elles les citoyens, y réfléchissent et réintroduisent l'importance première de l'information sur les possibilités de dépistage et la substituent à la proposition systématique des tests. L'égalité d'accès sera respectée, et la société, par la loi dont elle se dotera, signifiera clairement sa préoccupation de la liberté de choix des femmes enceintes et des couples. Il s'agira de ne plus placer les femmes enceintes face à un choix qui se résumera à consentir ou à refuser, alors que ce dépistage devrait être une demande de la femme bien au fait de ses modalités et de la stratégie plus globale dans laquelle il s'intègre.

« Ce changement permettrait de ne plus faire du taux de couverture du test l'objectif principal de nos tutelles alors que les préoccupations sont davantage de savoir si ces choix importants sont réellement faits en connaissance de cause.

« Mettre l'accent sur l'information, c'est laisser la possibilité de ce dépistage à celles qui le souhaitent, sans que les autres ne se sentent contraintes. C'est l'opportunité d'informer sur l'intérêt de ce test, mais aussi sur ses écueils, les risques qui lui sont associés. C'est enfin une occasion favorable pour parler de la trisomie 21 elle-même. En avoir conscience c'est pouvoir, d'une façon peut-être imperceptible, changer le regard du corps médical, des femmes enceintes et de la société sur ce dépistage. Dans cette différence tient aussi la nature du regard que l'on pose sur l'anormalité et sur la liberté individuelle face à l'hégémonie du “normal”. Il nous semble ainsi que ce projet de loi sous sa forme actuelle n'a pas pris la pleine mesure de l'avis du Comité consultatif national d'éthique expliquant : “Il est à craindre que le recours fréquent au diagnostic prénatal ne renforce le phénomène social de rejet des sujets considérés comme anormaux et ne rende encore plus intolérable la moindre anomalie du foetus ou de l'enfant.” »

Cette tribune concluait : « Les débats concernant la recherche sur l'embryon, le diagnostic préimplantatoire et la gestation pour autrui occupent aujourd'hui une place très importante dans l'espace médiatique. Ceux-ci sont fondamentaux car ils réactualisent les valeurs de notre société, mais ils ne concernent en pratique que peu de couples. La question du dépistage, qui dépasse de loin la question de la trisomie 21, s'inscrit dans une dimension plus vaste car elle touche toutes les femmes enceintes, leur conjoint, et leurs enfants à naître. » (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Paul Jeanneteau

L'article 9 du projet de loi, consacré au DPI, au DPN, et à l'échographie obstétricale et foetale, pose évidemment la question de l'accompagnement et l'information de la femme enceinte lorsqu'elle apprend que le foetus qu'elle porte est potentiellement affecté d'une maladie particulièrement grave. Dans ce cas, elle est confrontée à une alternative excessivement douloureuse, quelle que soit son choix : interrompre ou poursuivre la grossesse.

Cette décision procède d'un choix de couple et en aucun cas le législateur ne peut dire, à la place des parents, s'ils doivent garder ou non cet enfant. Le législateur doit encore moins porter un jugement sur leur décision.

Néanmoins, nous pouvons nous interroger sur le fait que 96 % des cas de trisomie détectés donnent lieu à une interruption médicale de grossesse.

Je ne suis pas le seul à porter ces interrogations. Le Premier ministre François Fillon, en lançant les travaux de révision des lois de bioéthique, s'était demandé si les dispositions encadrant les activités d'assistance médicale à la procréation, et en particulier celle du diagnostic préimplantatoire et de diagnostic prénatal garantissaient une application effective du principe prohibant toute pratique eugéniste tendant à l'organisation et à la sélection des personnes.

Le Comité consultatif national d'éthique pose quant à lui la question suivante : « La médecine prénatale ne risque-t-elle pas de favoriser, à son insu, une sélection d'enfants à naître ? D'un côté, la dignité d'un être humain n'est pas tributaire de ses capacités intellectuelles ou de ses aptitudes physiques. De l'autre, les souffrances attendues d'une vie humaine peuvent conduire à des décisions transgressives, dans un esprit d'humanité. »

Enfin, le Conseil d'État, dans son avis relatif à la révision des lois de bioéthique, avait également alerté le législateur en rappelant qu'« il convient de rester vigilant afin que la politique de santé publique ne contribue pas, par un effet de système, à favoriser un tel comportement collectif, mais permette au contraire la meilleure prise en charge du handicap ».

S'il n'y a pas de volonté politique eugéniste en France, les chiffres que j'ai cités tout à l'heure interpellent cependant.

Il me semble donc essentiel d'apporter aux femmes et aux couples concernés l'information la plus complète possible sur les caractéristiques de l'affection dont souffre le foetus, ainsi que sur les solutions de prise en charge dont elles pourraient éventuellement bénéficier.

Notre devoir de législateur est donc de permettre à ces mères, souvent fragilisées et désemparées, de bénéficier du meilleur accompagnement possible afin de prendre la décision la plus libre et éclairée possible. C'est en ce sens que je déposerai quelques amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Mariton

Il est bien que la société et la science puissent proposer aux femmes qui le souhaitent un diagnostic. Il est aussi important que nous rappelions, dans le débat et par nos votes, que ce diagnostic ne doit pas être systématique ni obligatoire. Ni pour la femme, ni pour le praticien.

Il est important de rappeler que le cheminement de décision ne doit pas être automatique. Ce n'est pas parce que la première étape du dépistage est acceptée et pratiquée qu'elle doit nécessairement conduire à l'amniocentèse, puis à l'avortement. La plupart d'entre nous seront probablement d'accord avec cet énoncé ainsi formulé, mais chacun sait que dans nos débats, le raisonnement, quand il est pris à rebours, fait apparaître davantage de divergences entre nous.

Certains m'ont dit que si l'on accepte la première étape, il y avait incohérence à refuser la deuxième. Et que si l'on acceptait la deuxième, il y avait quelque chose de curieux à ne pas accepter la troisième. Mais chacun voit bien que les portées des décisions ne sont pas les mêmes, ainsi que la maturation d'une décision. Ces décisions ne sont pas prises au même moment, et si l'on considère qu'il y a un libre arbitre de la femme, et une décision prise à l'intérieur du couple, il est normal que des décisions différentes puissent être prises à différents moments. D'autant qu'il s'agit de décisions irréversibles.

Oui, la maturation de la décision doit avoir sa place, et il n'y a pas de lien logique entre les différentes étapes.

Par ailleurs, on peut également chercher à savoir si l'enfant que l'on porte est trisomique sans faire à l'avance le choix de l'éliminer, ni même prendre la décision de l'éliminer, tout simplement parce que la femme, la famille, peut avoir envie de se préparer à l'accueil de l'enfant. Ces deux éléments : maturation de la décision et préparation de l'accueil peuvent éclairer d'une manière nouvelle un enchaînement que certains voudraient voir soit comme automatique, soit comme incohérent, tel qu'il est apparu dans nos débats de commission.

L'information de la patiente est quelque chose d'essentiel, nous en avons débattu devant la commission spéciale. Aujourd'hui, les conditions n'en sont pas suffisantes. Des amendements permettront de compléter l'information de la patiente, ils me paraissent tout à fait essentiels.

L'information, également, sur ce que peut être, si tel est le choix de la femme et de la famille, l'accueil de l'enfant handicapé, recoupe toute la question de la mise à disposition de listes d'associations, et au-delà, du dialogue avec le médecin sur ce que peut être la vie avec cet enfant handicapé.

Nous avons aussi adopté des amendements qui me paraissent importants sur le développement de la recherche sur la trisomie 21. Je pense que ce point est tout à fait essentiel pour éclairer notre débat. La société et la science mettent à disposition un dispositif technique, chacun est libre de l'utiliser ou non, mais l'existence de ce dispositif ne doit pas prédéterminer des conclusions ni sur les personnes, ni sur les axes de recherche. Il est important que la recherche sur la trisomie 21 se développe. Nous avons trouvé, au fil des débats, une conclusion sage au débat concernant le diagnostic prénatal et le diagnostic préimplantatoire. Chacun a mesuré le risque qu'il pouvait y avoir à lier les deux.

À ce point du débat, je veux dire au rapporteur, avec toute l'amitié et l'estime que je lui porte, que je ne suis pas d'accord avec l'opposition qu'il fait entre clivage et nuance. On peut à la fois dans un débat constater qu'il existe un clivage, tout en construisant le clivage et l'assumer avec un certain esprit de nuance. Il n'est pas interdit d'essayer d'avoir à la fois l'esprit de géométrie, le clivage existe ; et l'esprit de synthèse, la synthèse exige aussi la nuance. Nous sommes dans des matières, monsieur le rapporteur, où existent des convictions qui peuvent être fortes, instruites et nourries de différentes manières. Il peut aussi y avoir des interrogations et des nuances, mais l'un et l'autre peuvent aller ensemble.

En 2004, j'ai moins participé aux débats sur les lois de bioéthique, car, à l'époque, j'avais d'une certaine manière délégué ma responsabilité à des collègues qui savaient davantage. Cette année, j'ai considéré qu'il était de ma responsabilité de plus y participer, et il est vrai que le débat a pris une autre tournure qu'en 2004. Il est probablement davantage clivé, je l'assume, je ne le regrette pas, mais cela ne signifie pas qu'il n'y a pas dans ce clivage, collectivement, de la nuance, et dans la conviction et l'analyse de chacune et chacun d'entre nous de la nuance. Les deux peuvent aller de pair, je l'espère.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Jardé

Cet article renforce l'accompagnement et l'information des femmes enceintes, et améliore la prise en charge médicale et psychologique de ces femmes ainsi que des couples. Il mentionne aussi de façon expresse que l'échographie obstétricale et foetale est un point important pour détecter une affection grave du foetus.

Je salue aussi la possibilité donnée aux sages-femmes de prescrire des marqueurs sériques maternels. Mais en cas de risque avéré, le résultat devra être rendu à la femme enceinte par un médecin.

Le diagnostic prénatal nécessite une information tout à fait claire, et un délai de réflexion avant de prendre une décision qui peut être grave, et la consultation d'associations peut être prescrite et encouragée si le couple le souhaite.

Néanmoins, je suis tout à fait sensible à ce qu'a dit M. Le Fur tout à l'heure : il faut encourager la recherche sur la maladie, et plus particulièrement sur la trisomie 21.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Le Déaut

Les discussions sur le diagnostic prénatal, le diagnostic préimplantatoire et l'échographie obstétricale et foetale sont à mon avis très importantes. Je partage ce qui a été dit par certains collègues : la dignité d'un être humain n'est pas liée à ses capacités intellectuelles ou physiques. Dans tous les cas, la société doit traiter le handicap. Cela a été dit : quand un enfant différent des autres naît, la société doit le traiter.

Mais nous avons à trouver, dans ce texte, l'équilibre entre la protection d'une vie humaine et la souffrance des parents et d'un enfant dans la société s'il naît avec un handicap particulièrement grave.

Certains disent qu'il y a trois étapes dans ce procédé : le dépistage, le diagnostic et ensuite un certain nombre de solutions, dont l'interruption médicale de grossesse. Il est très grave de dire qu'il faut réduire le dépistage. Ce n'est pas le même sujet, car il existe un certain nombre de moyens de traiter, après un dépistage, une maladie sans avoir recours à l'interruption médicale de grossesse. Le rapport du Comité consultatif national d'éthique, je ne sais pas si vous l'avez lu, était très précis sur ce sujet.

Je vais prendre deux exemples, que vous connaissez et qui ont peut-être touché, ici, un certain nombre de personnes : le dépistage d'une caractéristique anti-rhésus entre l'enfant et sa mère et de la toxoplasmose qui aboutissait auparavant, de manière aveugle, à une IMG ; elle peut-être soignée aujourd'hui, lorsque le dépistage est suffisamment précoce.

Cela signifie que réduire le dépistage, c'est à un moment donné, réduire la possibilité de prévention. Si, pour des raisons idéologiques, on insiste sur ce point – et certains amendements vont en ce sens –, on se prive d'un certain nombre de moyens de réduire la prévention.

Aujourd'hui, la France enregistre 800 000 naissances et 6 000 interruptions médicales de grossesse sont pratiquées. On peut penser que c'est beaucoup, peu, très peu par rapport au nombre de grossesses. Le terme d'eugénisme, employé tout à l'heure par certains, va trop loin. Je ne pense pas que le législateur, quels que soient les bancs sur lesquels nous siégeons, souhaite que nous parvenions à des pratiques eugénistes. Dans notre droit, l'eugénisme, qui est le fait de parvenir à l'amélioration de la race humaine, est un crime.

Il ne s'agit pas, dans ce texte, de parvenir à un objectif d'amélioration de l'espèce humaine, car les personnes confrontées à ces difficultés peuvent opérer un choix, à toutes les étapes que j'ai énoncées – le dépistage, le diagnostic ou l'éventuelle interruption médicale de grossesse. Encore faut-il qu'il y ait neutralité de l'information, je le reconnais.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Le Déaut

Certains ne souhaitent pas parvenir à cet équilibre et sont contre le diagnostic pré-implantatoire J'ai lu un certain nombre d'écrits, j'ai reçu comme vous un texte sur les positions officielles de l'Église catholique à ce sujet.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Le Déaut

Non ! J'ai essayé d'adopter un ton très correct.

J'ai participé dans cet hémicycle, en 1994, au débat sur les lois « bioéthique ». Le diagnostic préimplantatoire a été accepté à une très faible majorité. J'ai pu constater les manoeuvres de retardement pratiquées par le ministre de la santé – M. Gaymard à l'époque – pour ne pas publier les décrets d'application. J'ai assisté à la naissance du petit Valentin. Et il n'y a pas eu de dérives sur les 150 cas qui ont donné lieu à un diagnostic préimplantatoire.

Personne n'a pu prétendre qu'il y ait eu une quelconque dérive eugénique dans notre pays. J'ai pu voir un certain nombre de familles à qui cette technique a été offerte, car elles avaient eu des enfants anormaux, et qui n'ont pas procédé à une interruption médicale de grossesse.

Je n'ai pas dit que le diagnostic préimplantatoire n'était pas une alternative à une interruption médicale de grossesse. J'ai simplement dit que dans les cas où des familles ont connu des difficultés, accueilli un enfant différent ou voué à une mort certaine, on peut privilégier une technique comme celle-là, à condition qu'elle soit fortement encadrée.

Ces sujets ne sont pas simples. Il ne faut certes pas privilégier l'élimination anténatale, mais il ne faut pas non plus multiplier les situations d'anxiété. Il ne doit surtout pas y avoir perte de confidentialité des données génétiques.

Il faut, devant la multiplication des tests génétiques – nous avons voté hier soir un amendement à l'unanimité –, que le corps médical dispose d'une bonne information de l'Agence de biomédecine. Sur ces sujets importants, il faudrait en quelque sorte une démocratisation des savoirs.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Touraine

Nous pouvons constater plusieurs points de convergence sur les différents bancs de notre assemblée au sujet de certains thèmes et nous nous retrouvons sur plusieurs points fondamentaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Touraine

Nous sommes tous d'accord sur la nécessité de développer encore – mais c'est déjà en partie réalisé grâce aux fonds publics, à l'argent du Téléthon et à une fondation qui porte le nom d'une personne ayant décrit la trisomie 21 – les aides apportées aux patients et à la recherche sur les maladies touchant des anomalies chromosomiques ou génétiques. Tout cela n'est pas antinomique avec les éléments de réflexion abordés ici.

Nous sommes d'accord sur la liberté totale de choix qui doit être offerte à la mère, aux parents concernés, compte tenu des informations disponibles.

Nous sommes d'accord sur le fait que l'on ne doit pas imposer à une personne contre son gré, soit le maintien du développement d'une grossesse aboutissant à un enfant malformé, soit l'interdiction de poursuivre la grossesse. L'interruption de la grossesse ne peut et ne doit jamais être imposée.

On a beaucoup parlé d'eugénisme, c'est un sujet délicat. Nous sommes tous radicalement contre l'eugénisme dans son sens historique, tel que le prônait Alexis Carrel il y a plusieurs décennies. Mais où se situe la frontière ? Si nous retenons une acception trop large de l'eugénisme, nous y inclurons : l'interdiction de mariage consanguin, les recommandations de grossesse pour les femmes relativement jeunes plutôt que pour les femmes en période préménopausique ; nous dissuaderons – la recommandation existe même, dans des pays très catholiques, où l'on constate une grande fréquence de trait thalassémique – les jeunes qui en sont porteurs, de se marier entre eux. Nous inclurons les bébés médicaments – les bébés de la deuxième chance –, qui représentent une forme d'eugénisme. Nous inclurons également la thérapie génique des enfants bulles.

Réfléchissons sans avoir peur, en gardant en mémoire la réflexion faite, il y a plusieurs décennies, par sir Peter Medawar – prix Nobel de médecine et de physiologie pour sa découverte de la tolérance immunologique – : « Que va faire la médecine moderne sur la fréquence des gènes de maladie ? » Il en arrivait à la conclusion logique : « La médecine moderne permet à des gens qui, hier, étaient condamnés à la mort dans l'enfance, du fait de leur fragilité génétique de diverses natures, de vivre au-delà de l'âge auquel ils peuvent se reproduire. »

Les gènes de maladie, de fragilité – on a évoqué plusieurs maladies chromosomiques ou génétiques – seront d'une fréquence croissante. On peut calculer, par extrapolation, la date à laquelle ces maladies deviendront d'une telle fréquence que cela sera problématique pour l'humanité. Peter Medawar, dans sa sagesse, a faire remarquer que, simultanément, la recherche progresse, pour apporter les gènes de correction à ces maladies. Certes, la fréquence des maladies génétiques sera en augmentation dans l'espèce humaine, conséquence de la médecine efficace que nous connaissons aujourd'hui et qui n'existait pas avant le milieu du XX e siècle, mais, dans le même temps, la possibilité de corriger ces déficits géniques se développe.

Si nous avons une idée trop large de l'eugénisme, nous inclurons dès maintenant des choses qui sont train de progresser au bénéfice des êtres humains.

Revenons à l'article 9. Les femmes qui risquent de mettre au monde un enfant atteint d'anomalie, de malformation, de handicap, de trisomie dialoguent constamment avec l'équipe médicale. Si une femme, pour une raison ou pour une autre, ne souhaite pas être informée des risques encourus et désire poursuivre sa grossesse, il est clair que son choix doit être à tout prix respecté.

L'argumentation développée par M. Mariton se heurte à une considération très simple. Un couple a le droit de savoir pendant la grossesse si l'enfant est atteint par exemple de trisomie 21, alors même qu'il veut le garder et le laisser naître. Cependant, le test permettant d'avoir cette certitude entraîne aujourd'hui 1 % de risques d'aboutir à l'arrêt du développement de la grossesse et à la mort du foetus. Imposer ce risque de mort à un foetus est peu légitime si l'on refuse l'évocation d'une sanction thérapeutique par l'interruption thérapeutique de grossesse. Dans ce cas, il est plus légitime de recourir simplement à des tests de dépistage existants, qui n'offrent qu'une probabilité et non une certitude.

Ces quelques remarques avaient pour but de montrer que le dépistage prénatal ne devait pas être imposé. Le proposer systématiquement me semble parfaitement légitime dans notre société. Cela paraît être une information utile pour que les couples puissent prendre leur décision, en sachant qu'ils ont le droit de changer d'avis, après avoir été informés et avoir pris des conseils auprès de toutes les personnes qui leur paraissent utiles.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour un fait personnel.

Debut de section - PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

Je suis désolé de devoir faire cette mise au point en l'absence de M. Vanneste. J'ai pris connaissance des propos qu'il a tenus, hier, alors que je n'étais pas présent.

Je voudrais mettre fin à l'incident qui nous a opposés. J'ai fait allusion au fait que je n'enviais pas la cohérence qui l'avait conduit devant la justice. Je regrette de m'être laissé aller à cette facilité verbale. En revanche, je ne peux pas accepter que M. Vanneste ait qualifié mes propos, qui faisaient référence à des faits vérifiables, à des choses que l'on doit trouver, malheureusement, dans la presse et ailleurs – d' « insultes, d'injures ou de diffamations ».

J'ai rappelé des faits. J'ai eu tort, au regard de la nature et de la qualité de nos débats, qui ont été perturbés par cette référence. Mais, encore une fois, je le répète, je n'accepte que l'on puisse qualifier ce simple rappel des faits, qui faisait allusion à des choses particulièrement précises et choquantes, d'« insultes », d'« injures » ou de « diffamations. »

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :

Suite de la discussion du projet de loi relatif à la bioéthique.

La séance est levée.

(La séance est levée à douze heures cinquante-cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Claude Azéma