La Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes a procédé à l'audition de Mmes Marie-Pierre Martinet, Secrétaire générale du Planning familial et Geneviève Couraud, membre du Bureau.
La séance est ouverte à 14 heures.
Je vous remercie, mesdames, d'avoir accepté notre invitation, motivée par notre souhait de vous accompagner dans votre travail qui souvent vous confronte à des situations de détresse humaine. Par ailleurs, nous voulons vous entendre sur vos sujets d'inquiétude – dont vous vous êtes fait l'écho à plusieurs reprises –quant aux promesses que vous avait écrites M. Brice Hortefeux et qui n'ont pas été tenues, ce qui vous met en position difficile. Je pense pour ma part qu'un ministre doit respecter ses promesses.
Je représente ici le bureau confédéral du Planning familial et, à ce titre, je siège également à l'Observatoire de la parité. Je connais bien les dispositifs liés au titre I de la loi Neuwirth – dont sont issus les établissements d'information, de consultation et de conseil familial (EICCF) – car j'ai participé à leur élaboration, avec Françoise Laurant, à leur tout début, lorsque j'étais trésorière de la Confédération.
Je ferai tout d'abord un bref historique de la situation. Lorsque nous avons pris connaissance du projet de loi de finances pour 2009, nous nous sommes aperçus que dans le projet annuel de performances (PAP) « Solidarité, insertion et égalité des chances », la subvention allouée au titre de l'action n° 01 du programme 106 « Actions en faveur des familles vulnérables » avait été réduite à 1,5 million d'euros. Par rapport au budget réalisé de 2008 qui s'élevait à 2,6 millions d'euros cette réduction était donc de 42 %. Vous pouvez imaginer l'inquiétude des EICCF.
Ces établissements étaient au nombre de 230 en 2009 ; ils ne sont plus que 220 aujourd'hui. Leur mission est d'informer et d'accueillir les populations sur toutes les questions touchant à la sexualité. Issus du titre I de la loi Neuwirth, Ils tiennent leur appellation du décret du 23 mars 1993 et de la circulaire d'application 95-13 du 28 avril 1995.
Aux termes de ces textes, les 70 associations départementales du Planning familial assurent quatre missions essentielles : l'accueil, l'information et l'orientation de la population sur les questions relatives à la fécondité, la contraception, la sexualité et la prévention des maladies sexuellement transmissibles (MST), dont l'infection par le VIHsida ; la préparation des jeunes à leur vie de couple ; les entretiens préalables à une interruption volontaire de grossesse (IVG) prévus dans le code de la santé publique et l'accompagnement des femmes ayant subi une IVG ; enfin, l'accueil et le conseil aux personnes se trouvant dans des situations difficiles liées à des dysfonctionnements familiaux, ou victimes de violences. Pour obtenir le statut d'EICCF et, à ce titre, bénéficier d'une subvention d'aide au fonctionnement, une association doit satisfaire à, au moins, trois de ces quatre critères.
En janvier 2009, toutes ces associations ont éprouvé un vif émoi, car elles réalisaient, à elles seules, près de la moitié des dépenses de la ligne budgétaire. Si le budget de l'État n'augmentait pas, un tiers d'entre elles étaient appelées à disparaître.
Suite à notre mobilisation en faveur de ces établissements, M. Brice Hortefeux nous a proposé un protocole d'accord faisant passer le montant de l'action n° 01 du programme 106 au niveau du budget réalisé en 2008, à savoir 2,6 millions d'euros.
Deux ou trois aspects de ce protocole nous avaient quelque peu inquiétés à l'époque : au budget réalisé en 2008 avait été ajouté l'ensemble des subventions que le Planning perçoit en son nom propre, au titre de divers programmes, pour près de 600 000 euros, ainsi que les deux subventions que la Confédération nationale perçoit en tant que tête de réseau des EICCF – l'une au titre des actions non déconcentrées de l'action n° 01 du programme 106 « Actions en faveur des familles vulnérables », dont le montant de 50 000 euros n'a pas évolué depuis six ans, l'autre au titre du programme 137 « Égalité entre les hommes et les femmes », d'un montant de 213 000 euros. Cet amalgame avait pour but de montrer que les subventions accordées au Planning atteignaient quelque 3 460 000 euros, ce qui est faux puisqu'elles sont loin d'atteindre les 2,6 millions d'euros destinés aux seuls EICCF.
Nous en avions alors parlé, mais, avant la signature du protocole, en séance publique, en réponse à une question orale de Mme Catherine Quéré, le Gouvernement a indiqué que le montant des subventions atteindrait 3,4 millions d'euros.
Et pour cause, les chiffres n'étaient pas justes.
Nous examinerons ce soir, en commission élargie, le budget de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ». Je poserai une question précise au Gouvernement.
Il aurait été préférable, à l'époque, de ne pas céder. Il va falloir corriger certains éléments, et je ne suis pas convaincue que nous y parviendrons.
Le protocole, qui arrive à échéance fin 2011, portait à 2,1 millions d'euros le financement des établissements prévu à l'action n° 01 du programme 106. Pour parvenir à la hauteur du budget réalisé, il était prévu que les EICCF bénéficient des 500 000 euros de la subvention accordée à l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances (ACSÉ) au titre du programme 147 « Politique de la ville » du projet annuel de performances (PAP) « Ville et logement ».
Après trois ans d'application de ce protocole, nos associations souffrent de la complexité d'une situation qui les contraint, pour obtenir leur subvention d'aide au fonctionnement, à présenter deux demandes à deux ministères différents, sans compter que la réforme des politiques publiques, ainsi que le départ des personnes qui connaissaient le dossier, ont rendu la gestion des dossiers encore plus malaisée !
Ainsi, le calcul de la subvention gérée par la Direction de la cohésion sociale (DCS) du ministère de la Solidarités et de la Cohésion sociale est fondé sur une déclaration portant sur l'activité de l'année n – 1, pour le financement de l'année n. Pour obtenir la subvention, une association déclare par exemple à la DCS qu'elle a effectué 100 heures d'information pouvant relever du titre 1, payées 8 euros de l'heure. Mais, en application du protocole, dans plusieurs départements, les associations sont amenées à demander une part à la DCS et une autre part à l'ACSÉ qui dépend du ministère de la ville. Cela pose des problèmes de transferts de fonds…
Le problème est encore plus compliqué. Du fait du départ d'un certain nombre de fonctionnaires, l'information circule mal entre l'ACSÉ et les directions départementales de la cohésion sociale en charge du programme 106. En 2010, la DCS avait décidé arbitrairement de « flécher » les actions de 17 départements ; en 2011, elle a choisi quatre régions.
En outre, pour bénéficier des financements de l'ACSÉ, l'association doit mener des actions dans des quartiers urbains sensibles relevant du programme 147 « Politique de la ville ».
La répartition du financement entre la DCS et l'ACSÉ est trop complexe. Il aurait été préférable que cette répartition se fasse à due proportion sur l'ensemble du territoire. Toutes les associations ne perçoivent pas la subvention correspondant à la totalité des heures d'accueil qu'elles ont effectuées. En outre, pour davantage embrouiller les choses, aux termes de la circulaire, les conventions peuvent être quinquennales ou annuelles. Il n'y a aucune homogénéité : pour ce qui relève du programme 106, nous établissons une déclaration sur la base des heures réalisées l'année précédente, tandis que, pour ce qui relève du programme 147, nous devons présenter les actions que nous avons l'intention d'engager.
Concrètement, les associations des quatre régions identifiées pour 2011 par la DCS – Provence-Alpes-Côte d'Azur, Île-de-France, Nord-Pas-de-Calais et Rhône-Alpes – doivent établir deux dossiers.
Cette complication a provoqué un véritable pataquès – et le mot est faible – en 2010. En 2011, les choses se sont un peu arrangées, car nous avons travaillé en collaboration avec l'ACSÉ, mais de graves problèmes subsistent. Nous comprenons l'intérêt du fléchage s'agissant des financements, mais son application est trop complexe. Il faut trouver une solution concrète pour fusionner les dispositifs et faire en sorte que la totalité des budgets parvienne aux associations.
Si – comme l'indique le projet annuel de performances (PAP) « Solidarité, insertion et égalité des chances » pour 2012 – le protocole est reconduit sous la même forme en 2012, il faut au moins parvenir à simplifier sa mise en oeuvre sur le terrain. La directrice de la cohésion sociale, que nous avons saisie de ce sujet, essaie de tenir compte des obligations posées par l'ACSÉ d'affecter ses 500 000 euros aux zones urbaines sensibles et de rétablir une égalité sur le territoire en rebasculant les crédits du programme 106 sur les départements qui ne sont pas situés dans ces zones.
Nous en avons assez de ces financements multiples. Il est temps de trouver un système plus cohérent, d'autant que, dans bon nombre de départements, les arbitrages se font de plus en plus souvent en faveur de la médiation ou de la parentalité, au détriment de l'éducation et de l'information sur les questions touchant à la sexualité, et naturellement sans aucune négociation avec le Planning et les établissements d'information concernés. Les représentantes locales du Planning familial s'étonnent aussi de voir que certaines associations reçoivent des subventions sans avoir effectué les heures d'accueil correspondantes.
D'autant que, dans notre milieu, tout le monde se connaît.
Si j'ai bien compris, à partir du moment où vous n'êtes pas éligibles à l'enveloppe des 500 000 euros, vous perdez de l'argent. L'enveloppe globale du Planning n'est donc plus de 2,6 millions d'euros, mais de 2,3 ou de 2,4 millions selon les années.
Le Planning familial n'a jamais perçu 2,6 millions d'euros.
L'enveloppe globale est bien de 2,6 millions d'euros pour l'ensemble des établissements d'information. Le Planning familial, lui, représente la moitié de la ligne budgétaire, c'est-à-dire 1,3 million.
Il m'est difficile de répondre à cette question.
Un autre problème se pose. Les conventions passées avec les associations ne sont pas toutes basées sur une situation réelle. Certains départements ayant plafonné le nombre d'heures, celles qui sont effectuées au-delà du plafond sont à la charge des associations.
Le protocole est sans doute un dispositif mal connu, qui pourrait être amélioré. Nous projetons d'évaluer les actions conduites dans le cadre du partenariat entre l'État et l'ensemble des EICCF pour mesurer l'adéquation entre les besoins et les moyens.
Si vous divisez 2,6 millions d'euros par 8 euros de l'heure, vous obtenez la totalité des heures financées sur le territoire. C'est très en deçà des besoins. Nous estimons qu'il faudrait au moins le double d'heures pour répondre à la demande, étant entendu qu'une conseillère conjugale professionnelle est rémunérée beaucoup plus que 8 euros de l'heure. Le constat est clair : le système des heures d'accueil provoque un déficit structurel pour bon nombre d'associations, dans le financement d'activités qui correspondent pourtant à leur mission principale.
Ces 8 euros correspondaient, au départ, à une aide au fonctionnement, et non au paiement des heures d'accueil. Mais cette somme n'a pas été réévaluée depuis 2002 et c'est ce qui met en difficulté les associations départementales. La directrice de l'association départementale de Marseille, qui est l'une des associations les plus importantes du Planning familial, dit souvent que le travail d'accueil, qui fait notre image, est aussi celui qui nous détruit.
Le fait de devoir établir deux dossiers de demande de financement coûte cher à l'association en nombre d'heures salariées, au détriment du temps consacré aux contacts et aux services rendus au public. Notre association ne désemplit pas. Nous inaugurerons demain de nouveaux locaux : un grand nombre de jeunes s'y pressent déjà !
En 2012, nous devons faire en sorte que l'affectation des fonds se passe de la meilleure manière possible. Le temps que les personnes, qu'elles soient salariées ou bénévoles, consacrent à l'établissement des demandes de subventions, de plus en plus techniques, n'est pas consacré à l'accueil du public. Non seulement nos subventions diminuent mais le temps que nous consacrons aux dossiers administratifs augmente considérablement. Sachant que nous sommes tenus de limiter nos frais de fonctionnement à 7 ou 10 %, que reste-t-il pour mener à bien notre mission ?
Moins l'État est présent, plus il est tatillon. Le protocole arrive à échéance fin 2011 : avez-vous commencé à négocier le suivant ?
Nous nous sommes naturellement rapprochés de la Direction de la cohésion sociale à ce sujet. La directrice nous a reçues en l'absence des ministres concernés, en particulier celle de Mme Roselyne Bachelot-Narquin. La situation semble consolidée pour 2012. En revanche, pour les années suivantes, nous assistons à un certain attentisme qui devrait durer jusqu'aux élections présidentielles. Cela dit, compte tenu du discours ambiant sur la baisse des crédits, je m'attendais à une baisse des financements en 2012.
Nous en sommes persuadés, et notre action en matière de lutte contre le VIHsida l'a prouvé. La prévention de la grossesse et la prévention des infections sexuellement transmissibles (IST) et du VIHsida ne sont pas très éloignées.
Il s'agit, dans tous les cas, de gestion des risques sexuels et de prévention. Une relation sexuelle peut entraîner aussi bien une grossesse qu'une IST ou une infection par le VIHsida. Apprendre aux personnes, aux jeunes en particulier, à connaître leur corps et son fonctionnement, et à se sentir bien avec leur sexualité, est l'une des composantes de notre action de prévention.
Une autre difficulté vient du fait que le projet de loi de finances pour 2012 est illisible. Au sein du PAP « Solidarité, insertion et égalité des chances », le programme 137 « Égalité entre les hommes et les femmes » est passé de cinq actions en 2007 à trois actions en 2012 (n°11, 12 et 13).
La présentation budgétaire est effectivement très complexe. Le projet de budget pour 2011 était réduit de 2 millions d'euros : nous n'avons jamais trouvé où étaient mentionnées ces diminutions !
Dans l'action n° 12 du programme 137, la subvention au Planning, en tant que tête de réseau, est de 213 000 euros, montant identique à celui de 2011. Les subventions aux centres d'information sur les droits des femmes (CIDF) ont été diminuées. Les 180 lieux d'accueil et d'écoute pour les femmes victimes de violence, qui relèvent du Centre national d'information sur les droits des femmes et des familles (CNIDFF), voient leurs crédits réduits de 3 %.
Il est très difficile de s'y retrouver. Nous n'avons obtenu ces chiffres qu'en interrogeant les services.
En 2009, les diminutions de crédits étaient explicites. En face de chaque action se trouvait le montant qui lui était dédié. Cette année, les diminutions sont annoncées dans l'exposé des motifs. Seules les structures qui ont donné de la voix sont clairement mentionnées.
C'est à la page 56 du PAP 2012 « Solidarité, insertion et égalité des chances », dans la partie qui concerne les actions en faveur des familles vulnérables, que figurent des éléments d'information tels que le tarif horaire de 8 euros ou encore l'engagement de l'État pour trois ans.
À la page 64 de ce document, il est dit que « le conseil conjugal et le Planning familial font l'objet d'un effort soutenu » et à la page 122, le programme 137 « Égalité entre les hommes et les femmes » fait état de la politique du Gouvernement en la matière.
Pourtant, le montant de la subvention allouée à la Confédération en sa qualité de tête de réseau n'a pas évolué depuis 2002, ce qui, en euros constants, représente une diminution de 15 %. Les affectations, structure par structure, se trouvent page à la 146 du PAP.
Nos associations bénéficient en outre de subventions locales pour des actions spécifiques.
À la page 65 du PAP, il est écrit : « Ce protocole, qui doit être renouvelé, prévoit un financement de l'État de 2,1 millions d'euros sur le programme 106 et de 0,5 million d'euros sur le programme 147 « Politique de la ville et Grand Paris », répartis entre les 220 EICCF dans le cadre de conventions pluriannuelles. Cet effort financier s'accompagne d'un meilleur cadrage de l'activité de ces établissements, depuis l'élaboration en 2010 d'un référentiel professionnel, en concertation avec les parties concernées ».
Ce cadrage concerne la formation des conseillers conjugaux et des personnes chargées de l'éducation à la vie ; il est effectué par le biais du référentiel professionnel instauré par le décret du 3 décembre 2010 et piloté par la DCS, en collaboration avec les EICCF.
Aujourd'hui, le Planning familial dispense des formations de conseil conjugal et d'éducateur à la vie. Cette mission répond à notre volonté de faire du conseil un métier, ce qui n'est pas du goût de la DCS qui préférait l'amalgamer à la médiation familiale. Mais nous avons trouvé un accord autour d'un nouveau référentiel. Le décret de 2010, obsolète, doit être renouvelé car il ne mentionne pas l'organisme chargé de délivrer les agréments de formation. Actuellement, cet agrément est délivré a posteriori, ce qui veut dire que tout le monde peut faire du conseil conjugal, y compris le secteur marchand.
Jusqu'à présent, le Conseil supérieur de l'information sexuelle (CSIS) validait les organismes habilités à dispenser des formations en conseil conjugal.
Mme Geneviève Couraud. La validation de la formation des personnels intervenant dans les centres de planification d'éducation familiale figurait déjà dans l'article 2 de l'arrêté du 23 mars 1993. Elle correspondait déjà, à l'époque, à une volonté précise du législateur.
La présence d'au moins une conseillère conjugale est l'une des conditions auxquelles une association doit satisfaire pour obtenir le statut d'établissement d'information.
Elle est convaincue du bien-fondé des actions que mène le Planning familial, mais sa marge de manoeuvre est étroite. Elle a clairement montré, au cours de notre réunion, son désir de faciliter les choses.
Mais que se passera-t-il ensuite ? La convention relative à la subvention au titre de l'activité de tête de réseau n'a pas été revue. Le statu quo me fait craindre que la convention triennale 2012-2014 ne devienne une convention quadriennale…
De quelles marges de manoeuvre disposez-vous pour améliorer l'accueil de proximité, notamment dans les territoires qui en sont totalement dépourvus ? Dans ma région de Sambre-Avesnois, où le nombre des grossesses précoces est plus important qu'ailleurs, les services d'information, de communication et de suivi sont très insuffisants. Envisagez-vous de travailler en réseau sur des bassins de vie ? Le planning familial est-il impliqué dans les contrats locaux de santé (CLS) ?
Le Planning familial est-il partie prenante des schémas régionaux d'organisation sanitaire (SROS) mis en oeuvre par les agences régionales de santé (ARS) ?
Dans un autre ordre d'idées, que pensez-vous des déclarations de Mme Nora Berra sur la toxicité de la pilule ?
S'agissant de nos marges de manoeuvre, monsieur le député, je vous ferai une réponse de Normande. Le Planning familial a de très nombreux projets mais n'a pas toujours les moyens de les financer. Notre association départementale du Nord est très active, vous le savez sans doute.
Oui, nous avons envie de travailler en réseau. J'en veux pour preuve les 17 colloques régionaux que nous avons organisés sur le thème de la contraception. Nous souhaitons prolonger cette action, en particulier dans le département du Nord. Les comités de pilotage ont amélioré la fluidité entre l'ensemble des acteurs et permis une meilleure connaissance des enjeux locaux. Dans plusieurs départements, les pharmaciens ne savaient même pas où se trouvaient les centres de planification qui, depuis 1982, dépendent du conseil général. Nous ne pouvons rester centrés sur nos missions propres au sein d'un territoire.
Comment y parvenir ? L'argent est le nerf de la guerre, mais où le trouver, sachant que les ressources des collectivités locales sont limitées ? Les initiatives menées depuis deux mois par les instances associatives – Conférence permanente des coordinations associatives (CPCA), Centre National d'Appui et de Ressources en Financement (CNAR financement) – souffrent de la raréfaction de la ressource publique.
Nous devons nous interroger sur le rôle du militantisme et du bénévolat. Il reste heureusement quelques bénévoles, mais le secteur emploie de plus en plus de professionnels, d'où un alourdissement des charges salariales. Le Planning familial est prêt à intervenir, sur l'ensemble du territoire, sur tous les sujets qui touchent à la sexualité, afin que la question soit abordée plus sainement et ne soit plus un tabou. Mais nous nous heurtons à des limites techniques, humaines et financières.
Certes, quelques-unes de nos associations sont impliquées dans les contrats locaux de santé, mais le Planning n'est toujours pas perçu par les ARS comme un partenaire des schémas locaux. Et le fait que chaque agence régionale ait une organisation différente n'a pas simplifié les choses.
En effet, car l'éducation à la sexualité est l'une des missions confiées aux ARS.
Le Planning intervient beaucoup en milieu scolaire. Depuis quelque temps, les inspections académiques et les rectorats nous dictent notre conduite et nous reprochent d'être trop militants… Nous assistons à un retour de l'ordre moral. On privilégie les associations familialistes, au détriment de celles dont la mission est d'informer. La loi de 2001, qui prévoyait trois séances d'éducation à la sexualité, n'est pas appliquée, pas plus que la circulaire de 2003. Mais personne ne dit rien.
Permettez-moi de réagir. Nous, à la Délégation aux droits des femmes, nous ne cessons de nous élever contre certaines pratiques. J'envisage parfois de demander, à la fin de mon mandat, la suppression de cette Délégation, mais, si nous n'avions pas élevé la voix, la situation serait sans doute pire.
Au nom de la Délégation, Mme Bérengère Poletti a remis un rapport sur la contraception des mineures au ministre de l'Éducation nationale – qui, au passage, lui a emprunté quelques idées. Nous entreprenons également un travail sur le genre, en auditionnant des personnalités du ministère, des professeurs de sciences naturelles, etc. Pourtant, lorsque nous posons la question que vous venez de soulever, nous suscitons souvent l'incompréhension.
Il n'est pas tolérable non plus que nous soyons obligés de triturer un document budgétaire dans tous les sens pour trouver un minimum d'informations. Pour reprendre les termes d'une célèbre candidate aux élections présidentielles, là où y a du flou, il y a un loup… Vous pourrez le dire de ma part, ce soir, chère collègue, en commission élargie !
Je suis ravie de vous avoir permis, Mesdames, d'exposer vos problèmes devant la Délégation. Nous devons tirer la sonnette d'alarme. Le Planning familial est au coeur du combat en faveur des droits des femmes. Si l'on fait preuve de légèreté avec vous, qu'en sera-t-il avec les autres ?
Madame Coutelle, le Planning familial fait partie du groupe d'experts qui a travaillé avec l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (INPES) à la nouvelle campagne en faveur de la contraception. Nous plaidons, depuis de nombreuses années, pour faciliter l'accès à l'ensemble des méthodes de contraception de façon à en améliorer l'efficacité, tout au moins l'acceptabilité par les femmes. Nous avons été choqués par les propos de Mme Nora Berra qui renvoie la question à des discussions entre les adolescents et leurs parents, avec le risque médical que cela comporte. Ces propos sont totalement contre-productifs. Quoi qu'il en soit, une campagne n'est pas suffisante, il faut aussi travailler sur le terrain. Mais actuellement – peut-être est-ce dû au syndrome du Mediator – chacun sort son parapluie. Et si nous sortons trop souvent nos parapluies, les jeunes sortiront découverts, ce qui, dans ce domaine, n'est pas la meilleure solution…
Le discours de Mme Berra a été mal ressenti car il va à l'encontre des propos tenus dans le cadre de la campagne d'information sur la contraception. Ensuite, M. Xavier Bertrand a également suscité de l'étonnement en annonçant la baisse du coût des pilules de deuxième génération – ce qui les met à 2 euros par mois, soit 70 centimes après remboursement de la sécurité sociale. Encore une fois, c'est totalement contre-productif ! Nous menons une campagne qui vise à démontrer qu'il existe d'autres modes de contraception que la pilule et qui présente le patch et l'anneau comme de vraies alternatives ; et, quelques jours plus tard, le ministre de la santé décide de baisser le coût des pilules de deuxième génération ! Je ne comprends pas sa politique, qui relève du saupoudrage et de l'effet d'annonce. Nous n'en resterons pas là.
Dans son excellent rapport, Mme Bérengère Poletti avait insisté sur l'importance de former les médecins pour éviter les grossesses précoces. Or le nombre de celles-ci est plus élevé en région Poitou-Charentes que dans les autres régions. Avez-vous constaté une évolution, dans un sens ou un autre, au niveau national ?
Cette question est complexe. Il n'y a pas d'augmentation statistique du nombre des grossesses chez les mineures. En revanche, nous assistons à l'augmentation du nombre des IVG. Cela signifie – en ce sens, c'est un élément positif – que le recours à l'IVG en cas de grossesse non souhaitée est plus fréquent qu'auparavant et que les femmes ont le choix.
Nous avons une responsabilité collective. Nous devons cesser de présenter l'IVG comme une catastrophe. À ce propos, un groupe de jeunes femmes, qui se présentent comme « les filles des 343 salopes », ont créé un blog formidable sous le titre : « IVG : je vais bien, merci ». Certes, un avortement n'est pas anodin, mais il correspond à un choix de vie. Lorsqu'il se passe mal, il est un révélateur de difficultés sous-jacentes. Mais considérer l'IVG comme un acte traumatisant revient à rendre les femmes mineures, car cela sous-entend qu'elles ne sont pas capables d'assumer leur choix. Celles qui l'ont bien vécu se sentent coupables de n'avoir rien ressenti. Nous devons faire très attention aux messages que nous délivrons. Je m'élève aussi contre le discours de certains médecins qui présentent l'avortement comme un parcours traumatique, forcément discriminatoire puisque les garçons en sont préservés.
Les jeunes filles qui se présentent au Planning sont éminemment responsables. Beaucoup viennent chercher des informations ou une prescription de contraception, sans même avoir jamais eu un rapport sexuel. Avant de culpabiliser une jeune femme enceinte qui vient nous voir, nous devons nous interroger sur la nature de la relation qui l'a conduite à cette grossesse. De récents événements me laissent penser que nous ne sommes pas encore prêts pour ce type de comportement.
Il convient de rappeler que 75 % des IVG interviennent chez des femmes sous contraception.
Il est effectivement difficile pour une femme qui a des horaires décalés de prendre la pilule. Le mode de contraception doit être adapté au mode de vie.
Un problème me préoccupe. De plus en plus de femmes vivent dans la rue. Il y a quelques jours, l'une d'entre elles a accouché d'un enfant mort. À Lyon, certaines ont été confrontées à des problèmes de viol. Naturellement, ces femmes ne sont pas protégées et mènent leur grossesse à terme sans le moindre suivi. Après avoir accouché à l'hôpital, elles retournent dans la rue avec leur bébé. Je trouve cela scandaleux. Pourquoi les intervenants sociaux laissent-ils ces personnes dans les rues et ne les prennent-ils pas en charge, si cela n'a pas été fait, à leur sortie de l'hôpital ?
Cette situation renvoie aux problèmes de précarité, qui nous préoccupent en effet.
La question de la formation est transversale : elle concerne les magistrats, les policiers, les éducateurs et les professeurs. Il faut intégrer l'approche du genre à la formation. Face à un public neutre ou sans sexe défini, on ne peut mener des politiques spécifiques.
Je conclurai en rappelant les trois points sur lesquels nous souhaitions appeler votre attention : le montant notoirement insuffisant des 8 euros, le partage des subventions entre l'État et l'ACSÉ, et l'exigence d'un double dossier.
Il faut en ajouter un quatrième, celui visant à la recherche d'un financement adapté pour un domaine que l'État considère - dans la loi créant le Conseil supérieur de l'information sexuelle - comme relevant de la responsabilité nationale, à savoir « l'information de la population sur les problèmes de la vie ».
L'audition s'achève à quinze heures quinze.