COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L'ÉDUCATION
Mardi 8 novembre 2011
La séance est ouverte à seize heures quinze.
(Présidence de M. Michel Herbillon, vice-président de la Commission)
La Commission des affaires culturelles et de l'éducation examine, pour avis, les crédits pour 2012 de la jeunesse et de la vie associative de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » sur le rapport de M. Jean-Philippe Maurer.
Je rappelle que nous avons entendu en commission élargie M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, et Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'État chargée de la jeunesse et de la vie associative, le jeudi 27 octobre.
Lors de cette commission élargie, plusieurs de nos collègues ont pu faire part de leurs observations et questions sur les aspects budgétaires. Je propose donc que nous entendions notre rapporteur pour avis, M. Jean-Philippe Maurer, pour une présentation rapide de son avis qui porte notamment sur le service civique. Nous passerons ensuite aux explications de vote, le vote aura lieu demain matin.
Dans un contexte budgétaire contraint, celui de 2012, je me félicite tout d'abord que le programme 163 Jeunesse et vie associative, doté de 230 millions d'euros en crédits de paiement et autorisations d'engagement, constitue une exception notable avec une progression de ses crédits d'environ 8 %.
Les crédits affectés au périmètre historique sont stabilisés, eux, à hauteur de 90 millions d'euros. Ce périmètre recouvre les actions en faveur de la jeunesse et de l'éducation populaire et le développement de la vie associative.
Les perspectives des crédits pour 2012 du programme « Jeunesse et vie associative » sont incontestablement marquées par la montée en charge du service civique.
Voté en 2010, engagé cette même année, le service civique a pris sa pleine mesure sur une année complète en 2011 même si nous ne sommes pas au terme de celle-ci.
Les objectifs sont ambitieux et l'année 2012 verra progresser le service civique avec l'annonce de 25 000 contrats supplémentaires et un budget de 134 millions d'euros.
Mais le déploiement de ce dispositif ne doit pas faire oublier les autres aspects de ce programme 163 et notamment ceux concernant la vie associative et l'éducation populaire.
Les principales orientations dans le domaine de la vie associative s'articulent autour des subventions versées au Conseil de développement de la vie associative (CDVA) pour 10,8 millions d'euros, un montant identique à celui inscrit en loi de finances pour 2011.
L'évolution de ce dispositif doit permettre d'en faire un centre de ressources dédié à la vie associative, chargé de former les bénévoles, renommé Fonds de développement de la vie associative.
Les moyens mobilisés visent à assurer le financement de 15 000 sessions de formation et la majeure partie de ce dispositif sera régionalisée, pour irriguer en proximité la vie locale.
La promotion de la vie associative doit se suffire de moyens inférieurs à ceux de 2011, même si 400 000 euros seront versés aux fédérations nationales et régionales pour y développer le bénévolat et l'engagement citoyen et 1,1 million d'euros aux 160 centres de ressources et d'information des bénévoles, les CRIB, par l'intermédiaire du Fonds de coopération de la jeunesse et de l'éducation populaire (FONJEP).
Les frais de fonctionnement accordés aux délégués départementaux à la vie associative sont également en recul, leur coût moyen passant de 4 850 euros à 3 000 euros.
L'action « Jeunesse et éducation populaire » constitue un pilier important de l'action publique de l'État et elle représente 33,6 % du programme 163 pour 77,2 millions d'euros.
L'Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire (INJEP) est le principal opérateur de ce programme et pourra compter sur une subvention de 3,3 millions d'euros, quasi équivalente à celle de 2011 qui était de 3,4 millions d'euros.
Il faut relever que les emplois hors plafond passeront de 18 à 21 équivalents temps plein car des crédits européens permettent de mettre en place un centre d'assistance technique pour assister les unités jeunesse des pays de la rive sud de la Méditerranée.
On assiste à une stabilisation des effectifs et des moyens de l'INJEP dans le cadre de la révision générale des politiques publiques et de la conclusion d'un contrat d'objectifs et de performance pour 2010 – 2012.
À noter que l'INJEP bénéficie également de crédits européens au titre du programme « Jeunesse en action » et ceux-ci augmenteront de 6 % pour s'élever à 10,3 millions d'euros en 2012.
L'initiative des jeunes est soutenue par le programme « Envie d'agir » qui a trouvé sa vitesse de croisière et l'information des jeunes est diffusée par les 30 centres régionaux d'information pour la jeunesse.
L'essentiel du soutien aux projets associatifs passe par le FONJEP pour les associations bénéficiant de l'agrément jeunesse et éducation populaire, pour 24,9 millions d'euros.
Le Fonds d'expérimentation pour la Jeunesse (FEJ) mérite d'être évoqué car le succès rencontré par le nombre de propositions reçues témoigne de l'intérêt pour ce dispositif, soit environ 400 expérimentations soutenues, et contribue à la prolongation de ce fonds jusqu'en 2013.
Il faudra dégager les projets les plus pertinents et donner plus de réactivité au travail d'évaluation.
La majeure partie de cet avis concerne bien entendu le service civique de par l'ampleur du projet et de par les moyens mobilisés, car il concentre plus de la moitié des crédits, soit 134 millions d'euros sur un budget de 230 millions d'euros.
J'ai choisi d'y consacrer la seconde partie de mon rapport sur un plan financier, je reviendrai plus longuement avec mon collègue Bernard Lesterlin sur le dispositif lui-même lors de l'examen du rapport d'information sur l'application de la loi relative au service civique que nous examinerons par la suite.
Ce programme bénéficie d'une montée en charge régulière comme en témoignent les moyens budgétaires mobilisés, tant à l'Agence du service civique qu'à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) pour valider les trimestres pour la retraite, soit 134 millions d'euros pour 2012 contre 97 millions d'euros en 2011.
Les avis divergent entre celui du président de l'Agence du service civique qui estime que les moyens sont insuffisants pour remplir les objectifs quantitatifs assignés – entre 200 à 250 millions d'euros pour 25 000 postes en 2012 et 528 millions d'euros en 2014 pour 75 000 postes – et celui du ministre qui, lui, constate que le taux de consommation des crédits ne provoque pas de tension sur les moyens disponibles et permettent ou obligent, selon le point de vue, à reporter les crédits d'une année à l'autre afin de mobiliser les sommes retenues à cet effet.
Ainsi, le directeur de la direction de la jeunesse et des sports a annoncé que le financement des 5 000 postes supplémentaires proposés pour 2012 résulterait du report de crédits non consommés en 2011.
Il convient de souligner que ce dispositif est géré selon le principe des règles budgétaires en vigueur, dont celle notamment de l'annualité, alors que son fonctionnement se caractérise par des entrées massives à l'automne, et plus particulièrement sur les quatre derniers mois de l'année.
C'est pourquoi la lecture de l'année 2011 est nécessairement très incomplète et le chiffre disponible actuellement basé sur une année scolaire, de septembre 2010 à septembre 2011, traduit des chiffres en deçà des prévisions.
Cette période de l'année correspond d'ailleurs pour l'essentiel à celle où les jeunes se posent la question de leur orientation et amène nombre d'entre eux à choisir cette forme d'engagement pour faire une étape dans leur vie et effectuer ultérieurement un point sur leur évolution et leur choix.
Il convient de noter d'ores et déjà que les critères physico-financiers de la montée en puissance de ce dispositif doivent toujours se mesurer aussi par rapport à la qualité des missions proposées, et à la capacité des associations et des collectivités à les accueillir en nombre de plus en plus élevé.
Le service civique n'est pas une variable d'ajustement du service public de l'emploi où il faudrait mobiliser et consommer des crédits destinés à des contrats aidés en fonction des chiffres du chômage.
Le caractère saisonnier du service civique a donné lieu à quelques difficultés pour l'Agence de services et de paiement (ASP) qui doit gérer essentiellement sur quatre mois les trois quarts des postes pourvus.
Au sein de l'ASP, des dossiers incomplets, la multiplicité des interlocuteurs, l'absence de logiciel adapté ont contribué à entraver les débuts du service civique début 2010.
Ces difficultés ont été surmontées au fur et à mesure et l'ASP a obtenu en 2011 une progression de ses moyens.
Là aussi, à un échéancier pré-défini versé à l'ASP par l'Agence du service civique et qui a conduit à des ruptures de trésorerie, a été substitué un appel de fonds trimestriel, élaboré selon les prévisions de dépenses calculées par l'ASP.
Pour 2012, la mise en place d'un outil informatique extranet permettra aux structures d'accueil de saisir les données ce qui devrait permettre de réduire les délais pour le paiement aux bénéficiaires, de mieux suivre la consommation des agréments, d'assurer une prise en charge du dispositif plus importante et de limiter les indus.
La montée en charge du service civique est incontestablement l'action phare du programme 163. Il mobilise les structures locales et nécessite un pilotage central du versement de l'indemnité aux volontaires, tout en gardant une rapidité d'action garantissant la qualité du projet mis en oeuvre.
En conclusion, j'émets un avis favorable à l'adoption des crédits de la jeunesse et de la vie associative.
Je rappelle que le vote sur les crédits aura lieu demain et que vos éventuelles questions spécifiques sur le service civique peuvent être posées à l'occasion du débat qui suivra la présentation du rapport d'information sur la mise en application de ce dispositif.
Je ne dirai que quelques mots sur ce budget, dont les crédits se caractérisent par une absence de volontarisme politique. À cet égard, nous nous faisons les porte-parole d'un certain nombre de bénévoles, qui éprouvent de la lassitude et tirent désormais la sonnette d'alarme. Il faut dire que le contexte d'ensemble est particulièrement sombre et se caractérise, notamment, par la baisse du nombre de nouvelles associations créées – ce qui constitue une première – et de celui des emplois associatifs.
Ainsi que l'a relevé le rapporteur spécial de la Commission des finances, M. Henri Nayrou, à périmètre constant, hors service civique et hors Fonds d'expérimentation pour la jeunesse, les crédits pour la jeunesse et la vie associative auront baissé de 37 % entre janvier 2008 et décembre 2012. Les crédits de l'action Soutien au développement de la vie associative diminuent ainsi de 11 % pour s'élever, en tout et pour tout, à 12,7 millions d'euros alors que notre pays compte 16 millions de bénévoles. Si les crédits réservés à la formation des bénévoles stagnent à 10,8 millions, ce qui est insuffisant et nous conduit à regretter qu'ils n'augmentent pas, même légèrement, le soutien aux associations d'éducation populaire, quant à lui, diminue, en passant de 12 à 9 millions en quatre ans, soit une baisse de 25 %.
Enfin, dans ce budget, aucune mesure n'est consacrée aux trois dossiers essentiels que sont la sécurisation des emplois associatifs, la simplification des dispositions administratives et financières et la formation des bénévoles, alors même que de tels dispositifs ne seraient pas coûteux.
Ces constats conduiront le groupe SRC à voter contre ces crédits.
Je reviens sur l'incongruité d'examiner un budget dont nous savons qu'il ne correspond pas à la réalité, en raison d'une prévision de croissance erronée et de la mise en place d'un plan d'austérité qui apportera des modifications aux crédits que nous sommes en train d'examiner.
S'agissant des crédits pour la jeunesse et la vie associative, nous regrettons que, derrière leur hausse apparente, se cachent une claire mise à contribution du ministère de la jeunesse à l'austérité, visible dans la baisse de la quasi-totalité des lignes budgétaires, et la seule volonté politique de promouvoir le service civique.
Cette promotion du service civique apparaît, en ce sens, comme un moyen de déstructurer l'ensemble du budget jeunesse. De nombreuses actions ont disparu depuis 2009. D'autres ont été tellement transformées que l'on peut considérer qu'elles ont disparu, comme par exemple l'INJEP, qui a été transformé en centre d'observation de la jeunesse. Le service civique permet, dans ce contexte, d'organiser un transfert de ressources, via la mise à disposition de jeunes faiblement rémunérés par l'État, qui tend de surcroît à masquer une part importante du chômage des jeunes.
Cette déstructuration touche particulièrement l'éducation populaire. Dans un contexte de la remise en cause du statut des bénévoles par le Conseil d'État, qui souhaite leur appliquer le code du travail, les crédits dédiés à la rénovation des centres de vacances et à l'encadrement des personnels de ces centres ont été amputés : division par deux du budget de la rénovation et division par cinq de celui de l'encadrement. La fusion du soutien logistique aux associations de jeunesse et à celles d'éducation populaire avait d'ailleurs conduit à une première baisse de moyens. La réduction des crédits aux fédérations agréées en constitue donc une seconde. Ajoutons enfin la diminution des crédits FONJEP, observable depuis 2009.
Le Fonds d'expérimentation pour la jeunesse avait également pour vocation de compenser cette déstructuration. Il s'agissait de remplacer l'octroi des crédits de fonctionnement aux fédérations et associations par des crédits contractualisés, comme c'est le cas dans la politique de la ville. Or cette logique d'appel à projets pose en soi problème, car il s'agit d'une mise sous tutelle des associations de jeunesse, qui sont amenées à se substituer à l'action de l'État de façon moins coûteuse. Il s'agit, de fait, de délégations de service public à moindre coût. De plus, cette logique est plus précaire encore que dans d'autres budgets : ainsi, les crédits des internats d'excellence, qui relevaient de la politique de la ville, sont désormais intégrés au Fonds…
Au total, il semble que l'on assiste à une remise en cause des politiques vis-à-vis de la jeunesse qui sont remplacées par le service civique et, pour ce qu'il en reste, placées sous la tutelle du Fonds d'expérimentation. Les politiques vis-à-vis de la jeunesse orientées vers les loisirs et le temps libre sont, de manière générale, réorientées vers la « réussite » scolaire et professionnelle. Les politiques en faveur de la jeunesse ou de l'éducation populaire ne peuvent se résumer au service civique. Or, abstraction faite de celui-ci et du Fonds d'expérimentation pour la jeunesse, bien loin de croître, le budget pour la jeunesse et la vie associative a baissé de plus de 30 % depuis 2009 et nous voyons disparaître tout ce qui faisait la force et l'originalité de ces politiques.
Le Comité pour les relations nationales et internationales des associations de jeunesse et d'éducation populaire (CNAJEP) a d'ailleurs déploré que « à travers ce projet de loi de finances, l'État risquait de retirer progressivement son soutien à une politique d'accompagnement et de développement de la vie associative autonome ».
Pour toutes ces raisons, le groupe GDR rejettera ce budget.
Je suis choquée par cet état de lassitude et de découragement qui transparaît dans les commentaires des différents rapports qui nous sont soumis. Mais, paradoxalement, au détour d'une phrase, on trouve toujours une reconnaissance a posteriori. Il est donc dommage que l'analyse des politiques en faveur de la jeunesse et de la vie associative se résume à celle des moyens qui leur sont consacrés par l'État. Il est dommage aussi que ne soient pas posées plus souvent la question de l'efficience des crédits alloués aux associations, ainsi que celle de la capacité d'innovation de ces structures. Personne ne peut, aujourd'hui, ignorer la contrainte budgétaire à laquelle nous devons faire face, mais cela ne signifie pas, pour autant, que nous obtiendrons de moindres résultats. Le groupe UMP adoptera donc les crédits proposés pour ce budget.
Je suis également frappé par la baisse des crédits, mais cette diminution est-elle vraiment de nature à empêcher la jeunesse de s'exprimer ? Les crédits destinés à cette partie de la population ne se résument pas au programme 163, car la politique engagée en sa faveur s'appuie sur les moyens de multiples ministères. L'action en faveur de la jeunesse est en effet une action transversale.
Comme l'a souligné le rapporteur, il importe, en effet, de suivre avec attention la montée en charge du service civique. Les objectifs ambitieux ne sont certes pas encore atteints. Mais la montée en puissance du dispositif ne peut qu'être progressive, même si nous considérons qu'il s'agit d'une alternative importante pour notre jeunesse.
Nous sommes heureux de constater, en dépit du temps long qu'impose une telle montée en puissance, qu'autant de jeunes continuent de s'engager. Certes, les chiffres ne correspondent pas encore aux objectifs affichés, mais il importe de privilégier une approche qualitative de l'engagement, ainsi que l'a souligné le rapporteur pour avis. Les dispositifs doivent favoriser des postes utiles à la collectivité et surtout ne pas agir comme une substitution d'emplois.
Le rapporteur a évoqué le Fonds d'expérimentation et les 400 projets retenus pour souligner ensuite l'importance de la problématique de l'évaluation. Mais avec quels moyens peut-on contrôler et évaluer efficacement l'emploi des moyens ainsi mobilisés ? Il semblerait, selon certaines estimations que pas plus d'un tiers de ces projets, soit environ 30 %, présenteraient un intérêt réel pour le renouvellement des politiques de jeunesse. Quid donc du travail d'évaluation quand l'État ne dispose plus nécessairement des moyens lui permettant d'exercer cette fonction ?
Je dirai quelques mots sur la situation des fédérations d'éducation populaire. Les crédits consacrés aux associations nationales agréées « jeunesse et éducation populaire » diminueront de 370 000 euros par rapport à 2011, soit une diminution de 4 %. Depuis 2008, la baisse est égale à – 25 %, soit une diminution de 2,87 millions d'euros. Il s'agit là d'une erreur considérable au regard des attentes de ces associations en matière de reconnaissance et de leur rôle en matière de développement local et de maintien du lien social.
Je vous remercie pour l'intérêt que vous portez à ce budget. Comme vous l'avez compris, celui-ci ne constitue pas un exercice figé, mais je crois qu'en la matière, il faut oser et c'est le pari du service civique et du Fonds d'expérimentation. Les redéploiements proposés tiennent compte de l'émergence de ce nouveau paysage et ne se traduisent pas, pour autant, par une mise sous tutelle de la vie associative.
Ce nouveau contexte repose, certes, pour beaucoup, sur des appels à projet. Mais cela revient à encourager l'audace et à faire confiance aux associations qui doivent devenir des relais de l'engagement du service civique. La méthode choisie est celle de l'irrigation, en profondeur, de nos territoires, à partir de l'action des grands réseaux associatifs et de toutes les structures qui peuvent relayer leurs actions. La place de chacun est ainsi confortée ; d'ailleurs, je ne crois pas aux visions unilatérales où tout reposerait sur les efforts de l'État.
En ce qui concerne le contrôle des expérimentations, il faut distinguer le contrôle stricto sensu du bon emploi des moyens alloués de l'évaluation, laquelle porte sur la pertinence des actions proposées. À cet égard, je rappellerai que les projets retenus ont déjà fait l'objet d'un premier « tri » ou d'une lecture sélective, cette étape équivalant à une forme d'évaluation. Cependant, il est vrai que les projets approuvés sont, par la suite, évalués dans des délais trop lointains. Une mission a d'ailleurs été confiée à l'Inspection générale des finances afin de déterminer une méthodologie permettant de cerner l'efficience des actions entreprises.
Pour ma part, je suis persuadé qu'un dispositif ne doit pas nécessairement faire école et être reproduit à l'infini, sur tout le territoire, car, parfois, ce sont des conditions locales bien particulières qui font la force d'un projet. Il faudra réfléchir sur ce sujet, même si j'ai bien conscience qu'une telle approche de l'évaluation ne correspond pas vraiment à notre culture.
Au total, ce budget n'est pas sur la défensive, même s'il prend le risque de favoriser certains dispositifs plutôt que d'autres et c'est pourquoi je me permets de redonner un avis favorable à l'adoption des crédits proposés.
Puis, la Commission procède à l'examen, ouvert à la presse, du rapport d'information sur l'application de la loi n° 2010-241 du 10 mars 2010 relative au service civique, sur le rapport de MM. Bernard Lesterlin et Jean-Philippe Maurer.
Nous en arrivons à l'examen du rapport d'information sur l'application de la loi relative au service civique. Je rappelle que nos rapporteurs sont M. Bernard Lesterlin et M. Jean-Philippe Maurer, qui a succédé à Mme Claude Greff après son entrée au Gouvernement.
Je souligne que c'est la première fois que notre Commission exerce la compétence qu'elle tient du Règlement de contrôler l'application d'une loi qu'elle a eu à examiner.
Je voudrais remercier les rapporteurs pour leur implication dans cet exercice délicat mais nécessaire pour bien évaluer la mise en oeuvre d'une législation.
Le rapport que Bernard Lesterlin et moi-même allons vous présenter poursuit un double objectif : d'une part, conformément à l'article 145-7 de notre Règlement, il vise à dresser un bilan de l'application réglementaire de la loi du 10 mars 2010 relative au service civique ; il tente, d'autre part, d'apprécier, après un an et demi de fonctionnement, la mise en oeuvre sur le terrain d'un dispositif qui a recueilli une approbation quasi-unanime au Parlement.
Sur ce second aspect, je souhaite préciser que les auditions et tables rondes qui ont été organisées du 31 mars au 6 juillet 2011 avec différents acteurs du service civique ont été conduites par Claude Greff et Bernard Lesterlin, rapporteurs initialement désignés par notre Commission. Comme vous le savez, je remplace Claude Greff qui a été nommée secrétaire d'État à la famille en juin dernier, et je tiens à souligner que je m'associe pleinement aux observations et aux conclusions qui ont été tirées de ces entretiens.
Texte d'origine parlementaire, la loi du 10 mars 2010 vise à encourager l'engagement citoyen des jeunes en instituant un service civique qui réunit les différentes formes de volontariat existantes sous un statut homogène, plus lisible et plus simple. Principalement destiné aux jeunes de 16 à 25 ans, sous la forme d'un « engagement de service civique », le dispositif comporte un second volet, le « volontariat de service civique », qui s'adresse aux plus de 25 ans et sans limite d'âge. La loi crée par ailleurs une « Agence du service civique », structure de pilotage destinée à accompagner la montée en puissance du service civique, le dispositif devant en effet mobiliser 10 % d'une classe d'âge, soit environ 75 000 jeunes, à échéance 2014, selon l'objectif confirmé récemment par le Gouvernement.
Conformément à l'article 23 de la loi du 10 mars 2010 qui prévoyait une mise en oeuvre réglementaire au plus tard le 1er juillet 2010, la plupart des mesures d'application ont été prises rapidement, permettant le démarrage effectif du dispositif et l'accueil, dès le mois de juin 2010, des premiers volontaires.
Sur les dix-huit mesures appelant une application réglementaire, qui étaient prévues par l'article 8 de la loi, seize ont reçu une application à travers le décret n° 2010-485 du 12 mai 2010.
Les deux derniers textes sont parus plus tardivement, en mai et en octobre 2011 : il s'agit d'arrêtés concernant, d'une part, la couverture complémentaire des personnes effectuant un service civique en outre-mer et fixant, d'autre part, le niveau de l'indemnité supplémentaire due aux volontaires effectuant leur service civique à l'étranger.
Par ailleurs, deux décrets en Conseil d'État non prévus par la loi ont été pris, l'un, en septembre 2010, sur la protection sociale de la personne volontaire, et l'autre, en décembre 2010, sur les modalités d'application du service civique dans les outre-mers. D'autres textes réglementaires ou assimilables, arrêtés ministériels pris en application des décrets, instructions, décrets de nomination, etc. ont été également publiés.
Il reste donc à paraître un décret non prévu par la loi, autorisant l'Agence du service civique à verser aux organismes d'accueil des subventions relatives à la formation civique et citoyenne.
S'agissant des mesures non réglementaires, la loi prévoyait la signature par l'État de deux conventions concernant la mise en oeuvre du service civique dans les collectivités d'outre-mer – ce qui n'a pas encore été fait – ainsi que le dépôt de deux rapports du Gouvernement au Parlement. L'un, qui concernait la création d'un congé de service civique, devait être déposé avant le 30 juin 2010, et ne l'a pas été ; l'autre, prévu à l'article 22, concerne la mise en oeuvre du service civique et sa contribution à la cohésion nationale, et doit être remis avant le 31 décembre 2011.
Au-delà de cette approche purement juridique, nous avons souhaité aborder dans notre rapport l'aspect qualitatif de l'application de la loi. En effet, le texte, qui résulte d'un compromis entre le Gouvernement et le Parlement, a laissé pendants certains points essentiels du dispositif qui n'ont pas été précisés par le décret d'application du 12 mai 2010. Il semblait de ce fait intéressant d'examiner la manière dont le service civique s'implantait sur le territoire dans ce cadre très souple, qui laissait une large place aux initiatives des principaux acteurs, associations et collectivités, sous le pilotage de l'Agence du service civique.
Si la nouvelle forme d'engagement citoyen suscite indiscutablement l'intérêt des jeunes, comme en témoignent les 12 022 contrats signés au 3 novembre 2011 depuis l'entrée en vigueur de la loi – chiffre qui tient compte des 2 571 ruptures –, les auditions ont révélé plusieurs difficultés ou dérives dans sa mise en oeuvre.
Qu'ils concernent la mixité sociale, le contrôle des missions, la formation des jeunes et des tuteurs, la valorisation du service civique, la procédure d'agrément, la gouvernance du dispositif ou encore sa dimension internationale, les problèmes devront être traités rapidement compte tenu des enjeux et des espoirs qu'a suscités le service civique, et de sa montée en charge, plus lente qu'attendu lors du vote de la loi, mais néanmoins réelle.
S'agissant tout d'abord de la mixité sociale, qui constitue un objectif essentiel du service civique, il s'avère qu'à l'issue de la première année de mise en oeuvre, le dispositif intéressait une population plutôt diplômée, féminine, urbaine et métropolitaine.
Si la surreprésentation des candidatures féminines – 57 % des volontaires engagés en service civique sont des jeunes filles –, est conforme à la tendance observée dans toutes les formes d'engagement citoyen, la sous-représentation des jeunes de niveau infra-baccalauréat dans les effectifs du service civique tient notamment au fait que les structures d'accueil proposent des missions relativement qualifiées qui répondent à leurs besoins plutôt qu'aux attentes de jeunes sans qualification dont l'encadrement nécessite un investissement plus lourd et donc plus coûteux. Ainsi, alors que les jeunes de niveau infra-bac représentent 36 % de l'ensemble des jeunes, ils ne constituaient que 23 % des jeunes engagés en service civique.
Certaines structures d'accueil tentent néanmoins de corriger la tendance, par exemple en ne mettant en place que des missions par équipes assurant un brassage social. Pour sa part, l'Agence du service civique a décidé de donner en 2011 la priorité à l'accueil de jeunes sans qualification, issus des quartiers sensibles ou handicapés, afin que la représentation de ces publics dans le service civique corresponde à leur proportion dans la population.
S'agissant de l'implantation du dispositif dans les territoires, le manque de moyens des petites communes rurales – en personnels et en compétences – entrave sa progression, de même que les problèmes liés à mobilité, les frais de transport constituant clairement un frein à la présence de jeunes en service civique en dehors des agglomérations. Plusieurs solutions sont donc envisagées, comme le portage par une collectivité intermédiaire à l'instar de ce qui se pratique dans le cadre de la coopération décentralisée, ou l'offre de facilités de transport aux jeunes engagés, que proposent certaines régions dans le cadre de leurs politiques de la jeunesse.
Nous allons essayer de faire cet exercice à deux voix assez rapidement pour permettre à nos collègues, qui connaissent bien le dispositif pour le vivre chez eux, de poser des questions. Je souhaiterais souligner l'excellent esprit dans lequel nous avons travaillé, d'abord avec Claude Greff, puis avec Jean-Philippe Maurer. Dans cet exercice d'évaluation qui n'était pas simple, nous avons essayé de ne pas être complaisants, sans être systématiquement critiques.
Je compléterai les propos de mon collègue sur la mixité sociale par quelques mots sur l'outre-mer, pour lequel le service civique semble particulièrement bien adapté, compte tenu de la jeunesse de la population et du taux de taux de chômage des 16-24 ans, supérieur à 50 %, dans l'ensemble des DOM. L'implantation du dispositif a démarré très vite en Guadeloupe et en Martinique, avec la crise de la dengue, à laquelle il a fallu répondre en appui de la préfecture, de l'Agence régionale de santé et des communes, et ce début a été assez exemplaire. Cela a été aussi le cas à la Réunion, où la gouvernance de proximité avec les collectivités locales et les associations a été un modèle de réussite. Mais pour les collectivités et dans plusieurs territoires, comme Mayotte qui est devenu récemment un département, il est dommage qu'il ait fallu attendre si longtemps pour que le décret d'application paraisse et permette, en s'appuyant sur des associations sérieuses, de faire bénéficier du dispositif les jeunes Mahorais, dont on connaît la situation difficile.
Comme je l'indiquais précédemment, le contrôle des missions est important puisque la loi dispose que le service civique ne peut se substituer à un emploi ; il convient, par ailleurs de s'assurer que les missions concernent des projets nouveaux, définis conjointement par la structure d'accueil et le jeune engagé.
Il ressort des auditions que ces principes ne sont pas toujours respectés, malgré la rédaction par l'Agence du service civique d'un référentiel des missions à l'usage des structures d'accueil. En pratique, les missions servent souvent de cadre à des projets qui ne sont pas vraiment déterminés ou encore concrétisés sur le terrain lors de la demande d'agrément ; de ce fait, leur contenu est parfois très flou et les risques de dérapage sur le terrain sont alors bien réels, y compris de la part de grands réseaux associatifs porteurs du dispositif ; si le principal écueil est la substitution à l'emploi, la tendance à recycler en service civique les missions antérieures, développées notamment dans le cadre du service civil volontaire, est également fréquente.
Jusqu'à présent, le contrôle de l'Agence ne s'exerçait, faute d'effectifs, qu'à l'occasion de la validation des missions et de la délivrance de l'agrément aux organismes d'accueil. L'Agence a décidé en mai 2011 de mettre en place un programme de contrôle organisé en deux volets – national et régional –, portant à la fois sur la qualité des missions et sur leur conformité par rapport aux agréments délivrés, et de s'appuyer, pour ce faire, sur les services déconcentrés de l'État. Précisons que ce contrôle ne concernera que les missions agréées au plan national, aucune procédure de contrôle n'étant envisagée pour l'instant pour les missions agréées au plan local.
La formation civique et citoyenne et le tutorat donnent au service civique tout son sens. C'est d'ailleurs cet apport d'éducation à la citoyenneté qui fait la différence entre la loi de 2006 relative au service civil volontaire et la loi du 10 mars 2010. Or, sur ce point, nous ne pouvons que constater l'échec du dispositif. Je pense qu'il y a eu un malentendu sur qui devait s'occuper de quoi.
Le législateur avait voulu que les organismes d'accueil se sentent responsables de cette formation, quitte à être aidés à la dispenser. Puis il y a eu des pressions pour que des organismes expérimentés et relativement spécialisés en la matière s'en occupent en lieu et place des organismes « de base ». Et cela a conduit l'Agence du service civique à prendre plusieurs initiatives qui se sont heurtées à un obstacle juridique, puisqu'il fallait une procédure d'appel d'offre ; et en tout état de cause, tout ceci ne correspondait plus à l'esprit de la loi. Après une expertise de l'administration, nous en sommes revenus en théorie à ce qui avait été décidé lors des débats parlementaires, c'est-à-dire la responsabilité des organismes d'accueil, qui est gage d'innovation et de proximité avec le terrain en matière de formation civique et citoyenne. Il ne s'agit pas en effet d'éducation civique, mais d'une découverte de la vie citoyenne à travers des visites de collectivités territoriales, d'institutions étatiques… et pour cela, les initiatives doivent venir de la base.
Pour ce faire, il faut un décret qui autorise l'Agence à subventionner les organismes d'accueil. Ce décret, nous le demandons depuis plus d'un an. Selon Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'État à la jeunesse, que j'ai interrogée lors de la commission élargie du 27 octobre dernier sur les crédits pour 2012 de la jeunesse et de la vie associative, la parution était imminente, mais, à ma connaissance, le texte n'est toujours pas sorti, ce qui bloque le dispositif. Le résultat est qu'un grand nombre de recrues ont terminé leur service civique sans avoir été formées, ce qui est extrêmement regrettable.
Le tutorat est aussi essentiel. Chaque jeune a un tuteur, mais le tutorat ne peut être efficace que si les tuteurs sont formés, ou qu'ils aient au moins l'occasion d'échanger sur leurs expériences. Et malgré les propositions que nous avons faites, nous n'avons pas ressenti de la part de l'Agence une réelle volonté de mettre en oeuvre une formation des tuteurs.
Les mois accomplis doivent être valorisés. Ils constituent en effet une étape importante pour les jeunes dans la poursuite de leur parcours de vie, que ce soit au plan éducatif, de formation ou professionnel ; ils représentent également un enjeu fondamental dans la mesure où, en 2010, 42 % des engagés étaient des demandeurs d'emploi.
Le service civique doit être valorisé auprès des établissements d'enseignement supérieur. Le décret, pris tardivement, à la fin du mois d'août 2011, incite chaque université, désormais autonome, à attribuer des crédits du système européen de transfert et d'accumulation de crédits (ECTS) selon des modalités déterminées par son conseil d'administration.
Quant à la valorisation du dispositif auprès des employeurs, elle se limite pour l'instant à l'élaboration de conventions entre le secrétariat d'État chargé de la jeunesse et de la vie associative, l'Agence et les entreprises du CAC 40. Nous portons un regard interrogateur sur plusieurs d'entre elles, en espérant qu'elles ne s'apparentent pas à des opérations de marketing ou de promotion prenant appui sur les jeunes, mais qu'elles mèneront à une reconnaissance du parcours accompli par chaque volontaire.
Un autre mode de valorisation du service civique est exploré par le président de l'Agence, en dehors de tout cadre légal et sans consultation préalable du comité d'orientation stratégique. Il s'agit de la création d'un Institut du service civique, financé uniquement sur fonds privés et accessible aux jeunes les plus prometteurs ; seuls 1 % des jeunes en service civique seraient concernés.
Il est donc important de consulter le comité d'orientation stratégique sur la pertinence de cette initiative et faire en sorte que l'Agence travaille de manière plus large à la valorisation du dispositif qui doit intéresser 10 % d'une tranche d'âge.
Le moins que l'on puisse dire est que ce projet par trop élitiste ne fait pas consensus. Il fait néanmoins partie des orientations stratégiques de l'Agence, et il n'est pas inutile que la représentation nationale, à travers notre Commission, puisse donner son point de vue.
Nous avons relevé un autre problème de fond, qui concerne la procédure d'agrément. L'agrément des organismes d'accueil fixe aussi le nombre de postes dont dispose l'organisme d'accueil ; il est délivré par l'Agence lorsque l'organisme exerce une activité nationale ; par les délégués territoriaux de l'Agence – les préfets de région – dans les autres cas.
Il y a là un problème systémique de gouvernance, dans la mesure où l'agrément donné aux structures, qui engage l'argent de l'État, sert aussi à valider les missions elles-mêmes et concerne donc deux durées différentes : deux ans pour l'organisme, environ neuf mois pour les missions. Cela conduit à des embouteillages dans la mesure où des agréments sont donnés à des organismes qui, ne pouvant parfois pas les honorer tout de suite, « bloquent » des postes, ce qui explique en partie que la montée en charge du dispositif n'ait pas été aussi rapide que prévu.
Il faut donc réfléchir à la manière de dissocier l'agrément de l'organisme de la validation qualitative des missions destinée à s'assurer que ces dernières correspondent à l'esprit de la loi.
S'agissant de la gouvernance, nous nous devons de rappeler que le Gouvernement, alors représenté par le haut commissaire à la jeunesse, M. Martin Hirsch, s'était engagé, en marge des débats parlementaires, à associer le comité stratégique à l'accompagnement réglementaire de la loi du 10 mars 2010. Force est de constater que cela n'a pas été le cas concernant le contenu de l'application réglementaire, même si cette dernière est intervenue rapidement, et qu'un certain nombre de dispositions du décret de mai 2010 ne correspondent pas complètement à notre conception de l'esprit de la loi.
L'Agence a incontestablement une vision technocratique et centralisatrice d'un dispositif qui, par nature, doit se situer dans la proximité. C'est la raison pour laquelle nous avons suggéré de réfléchir, au-delà des délégations, prévues par les textes, aux préfets de région, à une structuration de la gouvernance partenariale de proximité, pilotée par l'État, qui permette aux collectivités locales et aux associations qui accueillent des jeunes de se réunir et d'échanger et éventuellement de donner un avis éclairé sur la pertinence et la validité des missions proposées par rapport à l'esprit de la loi.
Mon collègue a parlé du contrôle. Je pense qu'un bon contrôle est un contrôle en amont, qui est aussi du conseil et qui permet à des organismes de rectifier éventuellement le contenu de telle ou telle mission, afin qu'il soit au plus près de l'esprit de la loi.
Ce pilotage de proximité a été étudié et suggéré à l'Agence, mais n'a pas fait l'objet, c'est le moins que l'on puisse dire, d'une impulsion volontariste de sa part. Nous en restons donc à quelques expérimentations locales qui ne sauraient constituer un réseau de pilotage de proximité. Or ce dernier est absolument nécessaire avec la montée en charge du dispositif, compte tenu des effectifs réduits de l'Agence – une vingtaine d'agents. La multiplication par sept des missions et des jeunes impose qu'il y ait un relais dans la proximité du terrain, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.
Je ferai enfin quelques observations sur la dimension internationale du service civique
Si le service civique intègre tous les volontariats internationaux – volontariat international en administration, volontariat international en entreprise, volontariat de solidarité internationale –, il est davantage conçu comme un dispositif qui s'exerce dans le cadre national, et il y a peu de structures qui soient en capacité d'accueillir sur place, dans de bonnes conditions, les jeunes qui s'engagent.
C'est pourquoi nous préconisons que l'Agence s'appuie davantage sur l'expertise d'organismes de référence avec lesquels elle a signé des conventions, comme, par exemple, l'Office franco-allemand pour la jeunesse (OFAJ), l'Agence française du programme jeunesse en action (INJEPAFEJPA), l'Office franco-québécois pour la jeunesse ou encore l'association France Volontaires, structure très présente.
Il faut également indiquer qu'au plan financier, le service civique à l'étranger a un coût beaucoup plus important, du fait des frais de déplacements plus élevés et une logistique plus conséquente. Cela implique que les structures organisatrices cherchent des ressources supplémentaires et puissent bien encadrer les jeunes qui sont accueillis. Il est donc essentiel qu'elles prennent le temps de réfléchir à la détermination d'objectifs précis pour eux et à l'élaboration de procédures fiables au sein du groupe dans lequel ils doivent s'insérer. C'est la raison pour laquelle, je crois, ce volet du service civique est encore assez peu développé puisqu'il ne concerne qu'une centaine de jeunes.
Je pense être l'interprète de l'ensemble des commissaires en remerciant les deux rapporteurs pour leur travail très intéressant, inédit pour notre Commission, d'évaluation d'une loi que nous avions examinée en 2010. Ils ont ainsi pu rendre compte à la fois des succès et des difficultés rencontrés. J'ai en particulier pris note de l'absence de parution d'un décret sur la formation civique et citoyenne, de problèmes en matière de procédure d'agrément, du caractère peut-être trop élitiste de l'Institut du service civique et de la nécessité d'un pilotage de proximité du dispositif. Les préconisations émises m'ont paru extrêmement intéressantes.
Je tiens moi aussi à féliciter les rapporteurs pour la qualité de leur travail qui montre tout l'intérêt d'un contrôle parlementaire de l'application des lois. Ce « temps d'arrêt » et d'évaluation me paraît très utile.
J'ai bien noté que des difficultés ont été observées en matière d'information des jeunes et de promotion du service civique. Il me semble que la journée « défense et citoyenneté » pourrait constituer, à cet égard, une opportunité pour mieux faire connaître le dispositif, dans un cadre qui permet la rencontre de jeunes d'une même classe d'âge et qui promeut la citoyenneté. Utilise-t-on suffisamment cet outil pour informer les jeunes ? J'ai pu constater, lors d'un colloque organisé par le ministère de la défense et des anciens combattants, son utilité pour sensibiliser les jeunes à la problématique de l'illettrisme.
Permettez-moi de remercier, à mon tour, les deux rapporteurs pour la qualité de leur travail d'évaluation dans lequel j'ai d'ailleurs pu retrouver nombre de positions que nous avions défendues lors du débat sur la proposition de loi relative au service civique. Cela montre tout l'intérêt de mener un travail de suivi des lois que nous avons votées.
Je rejoins M. Bernard Lesterlin sur la nécessité d'une implication locale plus forte en matière de pilotage du dispositif, qui doit associer davantage les élus locaux et le monde associatif.
Je constate que l'information délivrée sur le service civique est aujourd'hui insuffisante, même s'il a beaucoup été recouru à internet. La campagne de communication dont le service civique devait faire l'objet a été absorbée par la campagne menée sur la réforme des retraites qui nécessitait sans doute une certaine pédagogie… Mais il paraît nécessaire aujourd'hui d'orienter la communication sur le service civique davantage vers le grand public et de manière plus régulière.
Lors de l'adoption de la loi relative au service civique, l'objectif de M. Martin Hirsch était d'atteindre 75 000 volontaires du service civique en 2014. Nous n'en comptons que 10 000 en 2011. Nous aurons donc du mal à assurer la montée en charge initialement prévue pour le dispositif – 25 000 volontaires en 2011 et 40 000 en 2012 –, mais il nous faut malgré tout agir en ce sens. Il est en effet indispensable de toucher davantage de jeunes pour accroître le brassage social et il convient de développer rapidement le dispositif pour disposer d'un véritable effet de levier au profit du monde associatif. Je rappelle, à titre de comparaison, que l'Allemagne compte 100 000 jeunes accomplissant un service civique.
S'agissant plus précisément de l'objectif de mixité sociale, on observe un problème de sous-représentation des jeunes n'ayant pas atteint le niveau du baccalauréat : ils ne sont que 23 % des volontaires, alors qu'ils représentent 36 % de leur classe d'âge. Le même constat s'impose concernant les jeunes issus du monde rural ou handicapés. Il convient donc de créer des outils permettant de corriger ce biais ; cela passe peut-être par un cahier des charges plus contraignant pour les associations et par un accompagnement plus soutenu, ce qui est nécessairement plus coûteux. Cela étant, des mesures non coûteuses peuvent également être prises, comme privilégier le partage et l'échange d'expériences non seulement lors de la formation mais aussi pendant l'accomplissement du service civique ; c'est la démarche poursuivie, par exemple, par l'association Unis-Cité.
Je terminerai en abordant la question de la formation et du tutorat des jeunes. Comme cela a été souligné, le décret d'application n'est pas encore paru et l'on manque d'un référentiel. En outre, les petites structures associatives ne disposent pas forcément des moyens adéquats pour assurer la formation des volontaires qu'elles accueillent. Il convient donc de réfléchir à un dispositif d'aide financière, et pas seulement à l'attention des grands réseaux associatifs qui peuvent mutualiser cette formation. À cette question est liée celle de la formation des tuteurs ; la suggestion de recourir à un centre de formation, émise par M. Bernard Lesterlin, me semble intéressante et j'observe que ce débat rejoint celui que nous avons eu précédemment sur le budget dédié à la jeunesse et à la vie associative : il est nécessaire de disposer de moyens supplémentaires pour aider les têtes de réseau associatives à assurer la formation civique et citoyenne dans de bonnes conditions.
Je me réjouis de la qualité du rapport qui nous a été présenté, mais mes propos vont sans doute diverger de ceux tenus par les précédents orateurs. Je rappelle que, seul, le groupe GDR avait voté contre la proposition de loi relative au service civique ; le rapport que nous venons d'entendre confirme que nous avions alors raison. Le service civique est un dispositif précaire de plus pour notre jeunesse. J'en veux pour preuve qu'il est principalement utilisé par de jeunes diplômés, peu payés et pas formés, comme nous le craignions lorsque nous dénoncions l'absence de garde-fou en la matière, la proposition de loi ayant été adoptée dans la précipitation. Nous aurions effectivement plutôt dû nous orienter vers un service civique obligatoire, tel le service civil pratiqué en Norvège où 10 % des habitants ont consacré au moins une année de leur vie, entre dix-huit et vingt-cinq ans, à un engagement artistique, sportif, social ou international. Nous aurions dû nous inspirer de tels exemples étrangers.
J'en viens à quelques questions. Vous avez dressé le constat d'une insuffisante mixité sociale. Cela vaut-il pour l'ensemble du territoire national, ou bien observe-t-on des disparités régionales en la matière, liées notamment à l'action particulière qu'auraient menée certains préfets ?
Vous avez évoqué la substitution du service civique à l'emploi salarié : disposez-vous de données chiffrées sur cette question, au-delà du constat d'une « tendance » ?
Enfin, le service civique est ouvert aux jeunes mineurs de seize à dix-huit ans, ce que le groupe GDR avait vivement critiqué. Pourriez-vous nous préciser le nombre de mineurs accomplissant un service civique, leurs diplômes éventuels et si leur formation bénéficie d'un appui spécifique ?
Permettez-moi une boutade, Madame Amiable : si vous voyez dans le rapport de MM. Lesterlin et Maurer la justification a posteriori de votre opposition à la proposition de loi relative au service civique, vous auriez été privée de ce rapport d'évaluation si nous n'avions pas adopté la proposition en question…
Je tiens tout d'abord à souligner combien le service civique résulte d'une idée remarquable et je remercie nos deux rapporteurs de chercher à la faire prospérer.
Je me permettrai de vous faire part de mon expérience personnelle. Je préside l'établissement public Parcs nationaux de France qui a conclu une convention avec l'Agence du service civique. Celle-ci prévoit que tous les parcs nationaux peuvent accueillir des jeunes dans le cadre d'un service civique. Cette démarche offre un réel intérêt car elle permet à des jeunes de sortir des agglomérations et en particulier de leurs quartiers urbains défavorisés pour travailler dans des espaces naturels remarquables et exceptionnels où ils côtoient l'excellence. Un partenariat a en outre été conclu avec la GMF qui accorde un complément de financement pour permettre le déplacement et le logement de ces jeunes volontaires. Cette action est également menée en outre-mer, en Guadeloupe, Guyane et à La Réunion.
Les parcs nationaux accueillent ainsi des jeunes en leur faisant partager le sens de l'intérêt général, tout en évitant de recourir à des subventions pour assurer leur formation civique et citoyenne. Il me semble d'ailleurs un peu paradoxal de subventionner l'accueil de jeunes par des structures ne poursuivant pas un but d'intérêt général ; peut-être ne faudrait-il pas, en premier lieu, confier de volontaires à ces structures. Cela mérite réflexion.
Le risque de substitution ou de confusion entre service civique et emploi salarié a été évoqué. Je pense qu'il ne faut pas, de ce point de vue, être trop exigeant : le service civique permet d'inscrire un public défavorisé dans une trajectoire le menant à terme vers l'emploi, par un glissement naturel et même souhaitable. Il est pour le moins délicat d'accueillir un jeune pendant six mois sans proposer de suite à cette expérience. La confusion me paraît donc plutôt positive : le service civique permet aux plus défavorisés de découvrir ce que sont une organisation et l'intégration dans une structure pour y acquérir une formation et, à terme, y être éventuellement employés.
J'estime que le service civique est une idée excellente, qui pâtit malheureusement d'une information insuffisante. Il convient donc de mieux le promouvoir, notamment dans les cités, sachant qu'il n'a pas, ensuite, à être mis en oeuvre « au pied des immeubles ».
Je rejoins les propos tenus par Jean-Pierre Giran. J'ai moi aussi prolongé mon travail de parlementaire en m'impliquant dans la mise en oeuvre du service civique dans mon département. Je confirme l'infime connaissance qu'ont les jeunes de ce dispositif alors qu'il a été créé il y a maintenant dix-huit mois. Le message a incontestablement été mal relayé et il est nécessaire d'insister sur ce point si l'on souhaite atteindre l'objectif de 75 000 volontaires.
J'observe par ailleurs que les départements ruraux rencontrent davantage de difficultés que les autres dans la mise en oeuvre du service civique. Cela résulte d'un manque de portage et de visibilité des structures pouvant porter les projets, d'autant que les rares moyens des services déconcentrés de l'État sont insuffisants pour accompagner le dispositif.
Je pensais, naïvement sans doute, que la mise en oeuvre du service civique ne pouvait passer que par des conventions conclues avec des personnes morales de droit public. Je constate que dans mon département, ont été créées des missions de service civique auprès du groupement départemental de gendarmerie et d'un commissariat de police. Cela pose évidemment question en termes de risque de substitution d'un volontaire à un agent public. Ce point a-t-il été évoqué lors des auditions qu'ont menées les deux rapporteurs ?
Enfin, le décret consacrant la valorisation du service civique dans les cursus des établissements d'enseignement supérieur a enfin été publié mais je crains que les universités ne disposent pas des crédits ECTS nécessaires ; c'est ce que je constate sur le terrain. La disponibilité de ces crédits mériterait donc d'être vérifiée auprès des établissements d'enseignement supérieur.
Mes propos rejoignent ceux de Pascal Deguilhem. Ce rapport, excellent, envisage d'un point de vue national une année d'application du service civique. Mais son évaluation au niveau départemental et des services déconcentrés de l'État, comme dans l'Aveyron, par exemple, interroge. Je ne dispose d'aucune information locale sur ce point. Il me semblerait normal que les services déconcentrés de l'État ou d'autres responsables du service civique fournissent ces données, officiellement voire de façon informelle. Les associations, notamment en milieu rural, doivent également être informées de ce dont elles peuvent bénéficier.
Si la durée du service civique est beaucoup plus brève que celle des emplois jeunes, il n'en demeure pas moins qu'il convient d'éviter ce qui se produisait alors : que des jeunes s'installent durablement dans ces emplois sans se soucier de leur sortie. Ils doivent donc également pouvoir bénéficier d'une réelle formation dans ce domaine.
Mes questions concerneront nos deux rapporteurs, mais la première s'adresse plus particulièrement à Bernard Lesterlin, dont le groupe de travail « gouvernance, partenariats et évaluation », au sein du comité d'orientation stratégique de l'Agence du service civique, a été tenu à l'écart lors des discussions avec les différents partenaires concernés, comme il est remarqué dans le rapport. Peut-il nous éclairer sur ce qu'il entend par, je le cite : « il importe de déterminer précisément les missions que ne peuvent pas remplir des agents publics et qui peuvent être confiées aux jeunes engagés » ?
Ma deuxième question, à nos deux rapporteurs cette fois, porte sur l'engagement à l'international. Quelles sont les modalités d'organisation du service civique dans ce cadre, et notamment à Haïti ? Qu'en est-il de l'envoi des vingt-cinq volontaires prévu cet automne, comme vous le notez dans le rapport, dans le cadre du projet initialement prévu autour du chantier-école à Grand-Pré ? Enfin, comme mes collègues, je souscris parfaitement à l'idée d'une vraie campagne d'information en direction des jeunes, aussi bien en milieu rural que dans les quartiers urbains. Les jeunes ne demandent en effet qu'à être insérés et à participer à la vie associative et civique de leur pays.
Je voudrais remercier nos rapporteurs de la sincérité de leur rapport. Vous l'avez rappelé, nous avons voté cette loi à la quasi-unanimité et nous nous réjouissions de sa mise en place. Pourtant, force est de constater que les difficultés sont là. Je voudrais insister sur deux points, qui sont liés : l'implantation du service civique, difficile, dans les territoires ruraux, comme l'ont souligné nos collègues Pascal Deguilhem et Alain Marc, et l'insuffisante concertation.
Dans ces conditions, quels sont les leviers qu'il faudrait activer ou les verrous qu'il faudrait faire sauter pour que l'information sur le service civique soit entendue du plus grand nombre ?
La valorisation du cursus du service civique dans les établissements d'enseignement supérieur était, et est toujours, très attendue. Un décret sur ce point a enfin été pris cet été. En revanche, savez-vous où en est la mise en place dans les universités des mécanismes permettant la prise en compte de cette reconnaissance ?
J'apprécie que les rapporteurs traitent du développement du service civique en outre-mer, et remarquent qu'il y a à cet égard des occasions manquées. Dans mon département, on vient d'être informé que le taux de chômage des jeunes de 15 à 24 ans dépasse 60 %. Voilà qui éclaire notre inquiétude aujourd'hui. L'île de La Réunion a bénéficié de l'inscription par l'UNESCO de ses « Pitons, cirques et remparts » comme bien naturel dans le patrimoine mondial de l'humanité, mais ces richesses naturelles viennent d'être mises à mal, puisque 3 000 hectares ont été brûlés, dans les Hauts de l'Ouest et le Maïdo, notamment. Et la médiatisation de cet événement a sans doute permis que l'incendie n'atteigne pas aujourd'hui 5 000 hectares… Quoi qu'il en soit, il faudra replanter la forêt, les terres brûlées existant déjà du côté du volcan ! Alors que la région, le département et les associations se mobilisent pour trouver une solution permettant de replanter et la reforestation, ne serait-il pas opportun d'y voir un véritable chantier pour le service civique, comme le soulignait précédemment notre éminent collègue sur les interventions dans les parcs nationaux ? Nous disposons, nous aussi, d'un parc national, qui est jeune mais pourrait être un chantier d'excellence pour le service civique et la reforestation des Hauts de La Réunion. Cette proposition a besoin d'être relayée et, hors clientélisme, de permettre une montée en puissance du service civique au service de La Réunion et de ses valeurs.
M. Xavier Breton nous a interrogés sur la Journée défense et citoyenneté (JDC). J'y attache personnellement beaucoup d'importance et j'ai demandé au général commandant la direction du service national (DSN) de nous présenter la modification de la pédagogie qui a conduit de la Journée d'appel et de préparation à la défense (JAPD) à la JDC. Cette présentation n'a pas encore eu lieu mais, comme nous le voulions, l'évolution semble favorable et permet l'information des jeunes souhaitée par beaucoup d'entre vous sur l'existence même du dispositif du service civique. La JDC concerne les jeunes filles et garçons de 17 ans et intervient donc au bon moment, mais je ne dispose pas encore du détail de l'information fournie et figurant dans les modules pédagogiques de la DSN.
L'appropriation de l'information sur le service civique concerne beaucoup d'acteurs. Les jeunes connaissent des passages obligés dans un certain nombre d'endroits, notamment la Journée défense et citoyenneté donc, mais également les Centres d'information et d'orientation (CIO) où ils doivent, là aussi, pouvoir disposer d'informations sur le dispositif. Un certain nombre de jeunes, au collège, au lycée ou à l'université peuvent connaître des moments de doute et d'incertitude. Il est alors important qu'ils soient informés, plutôt que d'énièmes offres de formation mal adaptées, des possibilités offertes par le service civique, temps de respiration, de vie, de formation également, de dépaysement et de mise en situation. Les témoignages de jeunes ayant utilisé le service civique pour se relancer sont convaincants pour encourager de nouvelles structures et associations, mais aussi leurs pairs, de s'engager dans un dispositif profitable.
À sa mise en place, l'Agence du service civique employait de gros moyens de communication, un site internet, des publicités payantes dans un certain nombre de médias, parmi lesquels, je crois, un journal économique, peu adaptés aux premiers destinataires des messages, les jeunes. Ce foisonnement initial assez inefficace doit céder la place à l'approche de proximité qui est nécessaire pour atteindre tous les jeunes au-delà de ceux, bien informés, qui ont été les premiers bénéficiaires du service civique. Cette irrigation de proximité est le principal enjeu, elle doit s'appuyer sur des acteurs locaux, eux-mêmes bien informés, et en mesure de s'intéresser à chaque cas individuel, dans les quartiers comme dans les communes rurales. Il faut donc disposer d'un outil de communication pertinent, convaincant et simple, s'adossant au témoignage irremplaçable des engagés sur leur parcours.
M. Régis Juanico a évoqué de nombreux sujets, qui me semblent autant d'encouragements pour le dispositif, tout en soulevant quelques carences. S'agissant du pilotage, comme nous avons essayé de le montrer, une refonte de la gouvernance du dispositif est nécessaire. L'Agence du service civique repose sur 19 ou 20 agents publics, de différents statuts, qui gèrent près de 15 000 jeunes et autant de missions et d'organismes, sachant cependant que de grands opérateurs comme Unis-Cité et la Ligue de l'enseignement en gèrent plusieurs milliers. Or, on ne parviendra pas à une véritable information des jeunes et à une montée en puissance du dispositif prenant en compte les disparités territoriales et la mixité sociale si l'ensemble reste géré depuis Paris. Nous n'avons pas prévu dans la loi un pilotage de proximité, et Martin Hirsch n'y était pas favorable au nom du Gouvernement, mais la question est maintenant posée. L'encouragement du Parlement sur la réforme de la gouvernance future du service civique, dans le cadre de son évolution de 15 000 à 75 000 jeunes engagés, doit porter sur la réappropriation du dispositif par les acteurs locaux, élus, associations, principaux de collège, directeurs de mission locale, responsables de parcs naturels, de l'Office national de forêts, en coordination avec l'État qui ne doit pas être court-circuité et pouvoir continuer de contrôler ses dépenses. Une initiative dans ce sens à La Réunion serait excellente. Les questions et les recommandations que nous soulevons dans le rapport, en termes de gouvernance et d'information, ne peuvent avoir de réponses satisfaisantes que si elles cessent de dépendre d'une gestion centrée sur Paris ou sur vingt préfets de région qui sont confrontés à d'autres questions comme l'application sur le terrain de la révision générale des politiques publiques (RGPP). On ne peut pas s'appuyer uniquement sur l'administration : tous les partenaires doivent pouvoir être impliqués dans l'animation du dispositif du service civique. Plus que le coût, intervient ici une volonté politique forte et la formation des fonctionnaires dont le corps préfectoral, sous-préfets et directeurs de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale des départements pour ainsi disposer d'échanges d'expériences.
Je partage l'analyse de M. Régis Juanico : le tutorat est effectivement un enjeu crucial. Il ne suffit pas simplement de « plonger » un jeune dans une structure pendant neuf mois, encore faut-il que soit établi un lien entre celui-ci et son tuteur. Cela reste à construire. Les résultats sont pour l'instant décevants et l'absence de tutorat peut conduire à une perte du sens de la mission. Il convient de rappeler que derrière la mission existent une structure, un référent et la force d'un groupe : c'est la clef d'une expérience réussie.
Mme Marie-Hélène Amiable s'est interrogée sur les résultats du service civique en termes de mixité sociale. Les régions ont plus ou moins bien mis en oeuvre le dispositif. Cela s'est révélé plus facile lorsque des réseaux associatifs actifs existaient déjà, comme Unis-Cité, déjà bien implantée et qui sait détecter les jeunes désireux de s'engager. D'une manière générale, il est préférable que les jeunes parlent entre eux du dispositif plutôt que leur soit délivrée une information de manière unilatérale. Il est vrai aussi que de telles structures sont davantage implantées dans les territoires urbains, notamment ceux couverts par un contrat urbain de cohésion sociale.
Concernant la substitution du service civique à l'emploi salarié, que les choses soient claires : cette pratique est strictement interdite ! Cela étant, des jeunes peuvent avoir le sentiment que les missions qu'ils accomplissent dans le cadre de leur service civique ne sont guère différentes des tâches assumées par les salariés de la structure d'accueil et qu'ils servent d'appoint. Il nous a semblé juste de traduire ce sentiment.
Par ailleurs, Madame Amiable, je ne dispose pas de données chiffrées précises quant au nombre de mineurs accomplissant un service civique.
Nous ne disposons pas du recul nécessaire sur ce dernier point. Les cas de mineurs exécutant un service civique sont rares, ce qui ne signifie pas un échec du dispositif car celui-ci n'a pas encore atteint son « régime de croisière ». Je rappelle que nous avions d'ailleurs prévu, dans la loi du 10 mars 2010 relative au service civique, des dispositions particulières pour ces mineurs en matière de familles d'accueil, de tutorat renforcé ou de durée du travail.
M. Pascal Deguilhem s'est inquiété des risques de substitution de volontaires à des agents publics. Cela pose en effet un réel problème de légalité. Le principe est le suivant : un jeune accomplissant un service civique n'est pas placé sous l'autorité de l'organisme qui l'accueille. Cela paraît évidemment très délicat lorsque le jeune accomplit son service civique auprès d'un service de gendarmerie ou de police… J'ai d'ailleurs interrogé le ministre de l'intérieur sur cette initiative intéressante sur le fond mais qui me paraît être à la limite de la légalité : le service civique ne peut, en effet, se substituer à un emploi public. C'est un engagement citoyen.
Je me réjouis des propos tenus par M. Jean-Pierre Giran. Je confirme que le groupe de travail du comité stratégique que je présidais a été tenu à l'écart de l'élaboration des conventions signées avec les différents partenaires. Je constate toutefois, avec satisfaction, que la convention conclue avec Parcs nationaux de France est de qualité et je m'en félicite.
Je partage également l'analyse selon laquelle la mobilité géographique des volontaires présente un réel intérêt. Il convient de poursuivre en ce sens, ce qui suppose de créer des conditions favorables en termes de prise en charge des déplacements ou d'hébergement des volontaires. Ayant moi-même été administrateur de parc national, je sais qu'existent des possibilités matérielles, grâce au soutien de collectivités territoriales, des parcs nationaux ou encore de l'Office national des forêts, pour promouvoir une mobilité géographique allant de pair avec le brassage social et la découverte.
Madame Boulestin, vous m'avez interrogé sur le chantier-école de Grand-Pré en Haïti, sur lequel je ne dispose pas d'information particulière. J'attire néanmoins l'attention sur le caractère exceptionnel de la situation en Haïti et sur la nécessaire prudence qui s'impose avant d'y envoyer des volontaires du service civique. Je rappelle qu'il ne s'agit pas d'une intervention « classique » dans un pays en développement, mais que ce pays est dévasté et que les cadres locaux y sont quasiment inexistants. Des interventions en Haïti doivent donc être bien préparées en amont ; une expertise – notamment celle de France Volontaires – est nécessaire avant d'envoyer des jeunes dans ce pays pour y accomplir des missions de neuf mois, dans des conditions extrêmes.
Je suis confiant pour ce qui concerne la valorisation du service civique dans les cursus d'enseignement supérieur. Le décret est paru, il revient maintenant aux universités de s'approprier le dispositif.
De nombreuses interventions ont porté sur le défaut d'information dont a fait l'objet le service civique, sur la formation et sur la nécessaire évaluation du dispositif. Je pense que nous avons pu vous éclairer sur ces derniers points.
Je m'interroge sur l'usage qui sera fait de ce rapport d'information : si nous en autorisons la publication, ne serait-il pas judicieux que celui-ci comporte, à la fin, une liste récapitulant nos préconisations en matière d'aménagement du cadre législatif du service civique ?
Cela me paraît être une très bonne suggestion. Une telle démarche permettrait de renforcer la lisibilité des nombreuses recommandations émises.
Comme vous avez pu le constater, nous avons mené une évaluation approfondie de l'application du dispositif, ce qui constitue une première pour notre Commission. Une enquête sur l'impact du service civique a par ailleurs été lancée auprès de jeunes, et est actuellement toujours en cours, pour évaluer leur appréciation du service civique. Une synthèse sera par la suite établie par l'Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire (INJEP). M. Martin Hirsch a, pour sa part, lors de la dernière réunion du comité stratégique de l'Agence du service civique, lancé une réflexion sur les éventuelles adaptations législatives et réglementaires à apporter au dispositif – je lui ai d'ailleurs fait remarquer qu'il revenait sans doute davantage au Parlement de se prononcer sur les aménagements de nature législative. La loi du 10 mars 2010 relative au service civique prévoit enfin que le Gouvernement devra rendre un rapport d'évaluation du dispositif avant le 31 décembre de cette année. Il faudra établir, alors, la synthèse de l'ensemble de ces démarches, ce qui pourrait être le rôle du comité de suivi de l'application de la loi – encore faudrait-il, pour que celui-ci soit réuni, que sa composition soit actualisée car il convient notamment de procéder à la nomination d'un membre en remplacement de Mme Claude Greff, désormais secrétaire d'État chargée de la famille. Sans doute la présidente de notre Commission pourrait-elle saisir le Président de l'Assemblée nationale sur ce point.
Messieurs les rapporteurs, je vous remercie et vous félicite pour la qualité du travail accompli.
La Commission autorise, en application de l'article 145-7 du Règlement, le dépôt du rapport d'information en vue de sa publication.
La séance est levée à dix-huit heures trente.