Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire
La commission du développement durable et de l'aménagement du territoire a entendu M. Philippe Van de Maele, président de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME).
Je vous rappelle tout d'abord qu'à l'issue de cette audition, chers collègues, nous examinerons, sur le fondement de l'article 88 de notre Règlement, les amendements restant en discussion sur la proposition de loi (n° 3690) relative à l'interdiction de l'exploration et de l'exploitation des hydrocarbures non conventionnels par fracturation hydraulique.
Je remercie M. Philippe Van de Maele, président de l'ADEME, de sa présence. Vous avez déjà été auditionné au mois de décembre dernier et nous avons aujourd'hui le plaisir de vous entendre à nouveau tant sur les projets de l'ADEME – je songe, en particulier, aux véhicules du futur – que sur les moyens financiers dont l'agence dispose, notamment dans le cadre des investissements d'avenir.
Je vous remercie de votre invitation. Je suis toujours heureux de nos échanges et de faire un point avec vous sur l'avancement des différents dossiers que nous gérons.
A la suite du Grenelle de l'environnement, l'Agence a été mobilisée autour de deux enjeux essentiels.
Le premier concerne la chaleur renouvelable. Le Grenelle prévoit d'augmenter de 20 millions de tonnes équivalent pétrole (TEP) la production annuelle d'énergies renouvelables d'ici 2020, dont près du tiers concerne la biomasse – notamment, la récupération du bois en chaleur de chauffage ou la biomasse électricité –, l'éolien et la géothermie constituant les deux autres postes dont les enjeux sont également essentiels ; la production d'énergie issue du solaire photovoltaïque est, quant à elle, beaucoup plus faible. L'ADEME est notamment chargée de la mutualisation des énergies à travers les réseaux de chaleur dans un certain nombre de grandes villes et de l'accompagnement de leur déploiement ; elle vise également à orienter un changement des ressources d'énergie en direction du bois ou de la géothermie lorsque cela est évidemment possible – et ce, malgré quelques précédents difficiles, certains projets ayant été élaborés sans avoir jamais été appliqués.
Depuis 2008, le « fonds chaleur » est doté chaque année de 240 millions € de budget qui permettent d'accompagner, pour un tiers, des projets industriels de chaleur renouvelable, un autre tiers étant dédié à l'installation de petites chaudières dans des équipements publics ou des entreprises du bâtiment, le dernier tiers de l'enveloppe étant enfin consacré au déploiement des réseaux de chaleur. À ce jour, nous avons réalisé environ 500 000 TEP mais nous n'avons pas encore atteint le rythme permettant de viser l'objectif de 5 millions de TEP d'ici 2020. Je rappelle qu'une TEP coûtant entre 700 et 1 000 euros, une production de 500 000 TEP annuelle représente, selon le cours du baril, une économie de 300 à 500 millions € sur la facture pétrolière.
Les projets industriels connaissent une phase de stagnation, voire une légère baisse : si la demande reste forte, les industriels n'en ont cependant pas moins tendance à reporter leurs investissements. Les projets de réseaux de chaleur, quant à eux, nécessitent une plus grande concertation – les collectivités locales participant à leur définition et à leur extension – mais la montée en puissance des demandes est sensible. En la matière, nous avons trouvé un modus operandi efficace, dont nous souhaitons qu'il se perpétue.
Second enjeu : le plan « Déchets », lequel comporte deux versants. Le soutien à la prévention, tout d'abord : d'ores et déjà, près de 50 % des Français sont couverts par des plans ou des programmes – animations, investissements en faveur de compostages individuels –, l'ADEME ayant atteint les objectifs qui lui avaient été fixés. L'investissement en faveur du tri des déchets, des déchetteries et du recyclage, ensuite : la montée en puissance est en l'occurrence plutôt lente, mais nous ne désespérons pas de faire mieux. Cette remarque vaut également pour le tri mécano-biologique, dont on sait que le déploiement peut être assez conflictuel puisque certaines collectivités investissent dans cette technologie sur l'efficacité de laquelle l'ADEME, comme l'ensemble de l'administration, se montre réservée – cela dépend, en tout cas, grandement de la manière dont elle est exploitée.
Je précise par ailleurs que le Parlement ayant voté l'année dernière une moindre progression de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) par rapport à celle qui avait été prévue dans le cadre du Grenelle de l'environnement, nos capacités d'engagement dans les domaines des énergies renouvelables et des déchets se sont tendues.
Nous avons relancé une démarche sur les sites pollués orphelins, qui tendent malheureusement à se multiplier en raison soit d'une mauvaise gestion, soit d'escroqueries : certains centres de tris prétendument organisés ne disposent d'aucun opérateur effectif, ce qui implique le nettoyage de volumineux tas d'ordures. Dans le cadre de projets d'aménagement et dans la lignée des opérations « villes durables », nous avons également lancé des actions d'aides à la dépollution de friches urbaines.
L'ADEME travaille donc intensivement et elle conservera cette ligne de conduite tant que ses financements seront maintenus. Agir en faveur de l'efficacité énergétique et des énergies renouvelables, en effet, implique une inscription dans la durée en évitant les à-coups : si les actions lancées dans les années soixante-dix et quatre-vingt avaient été pérennisées, nous serions aujourd'hui surpris des économies pétrolières qui auraient été réalisées et de l'amélioration du solde de notre balance commerciale.
Par ailleurs, je me réjouis de la table ronde nationale sur l'efficacité énergétique lancée par la ministre Nathalie Kosciusko-Morizet, qui se déroule en ce moment même : les enjeux sont importants aux plans environnemental et écologique, certes, mais également économique et social. Les résultats obtenus n'ont pas été aussi rapides que nous l'espérions, même si beaucoup a été fait dans le secteur du bâtiment – éco-prêt à taux zéro, crédit d'impôt, livret de développement durable… quoique la part qui y est strictement dédiée soit encore insuffisante. Nous avons donc tout intérêt à continuer de nous mobiliser. Dans le cadre des investissements d'avenir, le fonds « Habiter mieux » de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) dédié à la réhabilitation thermique des logements précaires se déploie difficilement : outre les lourdeurs administratives, il s'adresse en effet à des publics qui ne peuvent pas toujours accompagner ces opérations – d'où l'enjeu social que j'évoquais. Ce dernier est d'autant plus important que le coût de l'énergie – et notamment celui de l'électricité – doit augmenter et que tel sera inévitablement le cas : la demande en énergies fossiles continuera à être importante, voire s'accroîtra – le Japon transfère ainsi actuellement une partie de sa production énergétique du nucléaire vers le gaz. J'espère donc que cette table ronde débouchera sur des préconisations ambitieuses qui contribueront à préparer l'avenir.
S'agissant des investissements d'avenir, quatre programmes ont été confiés à l'ADEME pour un total de 2,850 milliards € : les véhicules du futur, les énergies renouvelables – en liaison avec la chimie verte –, les smart grids – réseaux électriques intelligents – et l'économie circulaire – recyclage et récupération. Plus de vingt appels à manifestation d'intérêt (AMI) portant sur l'ensemble des thématiques ont été lancés. La mobilisation des entreprises en réponse a été réelle, puisqu'en un an nous avons reçu plus de 350 projets de qualité dans tous les domaines : solaire thermique, thermodynamique, photovoltaïque, grand éolien, géothermie, véhicules du futur, traction thermique, réseaux intelligents… Les investissements d'avenir nous permettent désormais d'intervenir dès les phases de recherche et d'élaboration des démonstrateurs, puis lors de la pré-industrialisation voire lors de l'accompagnement industriel – dans la mesure où nous pouvons contribuer au capital des petites entreprises par des apports en fonds propres, notamment afin de développer des filières industrielles. L'enjeu, certes, est de parvenir à trouver des solutions techniques, mais également d'accompagner la structuration de certaines filières dans les domaines éolien ou hydrolien. Au début de 2012, nous devrions être en mesure d'identifier des projets de recherche ou industriels couvrant près de la moitié de l'enveloppe qui nous a été confiée, une seconde sélection étant prévue à la fin de 2012 ou au début de 2013. La dynamique est donc très forte – même si une solution technique ne créera pas nécessairement un marché –, de petites entreprises étant prêtes à se lancer dans la production de nouveaux produits.
Le captage et le stockage de carbone, en revanche, se développent mal, alors qu'ils seront de plus en plus nécessaires : les enjeux sont lourds, en effet, tant du point de vue technique que de celui de l'acceptabilité sociale – la ville de Pau, notamment, connaît bien ce problème. En Chine, la consommation énergétique explose : des efforts importants sont consentis afin de faire baisser la production électrique issue du charbon de 80 % à 60 % du total, mais compte tenu de l'évolution de la consommation, une centrale à charbon n'en voit pas moins le jour chaque semaine ! Les Chinois se montrent également intéressés par l'efficacité énergétique et les énergies renouvelables, mais s'ils se préparent à investir massivement dans le captage et le stockage du carbone, ils sont avant tout vigilants quant à leur approvisionnement énergétique et à leur indépendance – d'où le développement du véhicule électrique. Enfin, le captage et le stockage du carbone me semblent constituer un enjeu d'autant plus important que nous ne sommes pas sur la bonne voie pour atteindre l'objectif du « facteur quatre » à l'horizon de 2050.
La réforme de la progression de la TGAP, en réduisant nos prévisions d'apports financiers, nous a conduits à nous interroger sur nos capacités d'engagement. Jusqu'en 2010, le niveau global d'intervention de l'ADEME s'élevait à 690 millions €, l'essentiel de cette somme résultant de taxes affectées et seuls 80 millions € provenant du budget de l'État. Si l'adaptation de nos capacités d'engagement par rapport à la prévision de recettes fixée dans le cadre de la loi triennale relève d'un débat interministériel, j'essaie quant à moi de maintenir constant notre niveau d'intervention. En complément des mesures fiscales ou réglementaires, nous devrons sans doute renforcer notre action en matière d'efficacité énergétique principalement liée, à ce jour, à nos contractualisations avec les régions et qui porte sur trois types d'intervention, dont notamment la recherche et l'innovation dans le secteur du bâtiment dans le cadre du programme PREBAT.
En l'occurrence, j'ai demandé à nos équipes de moins mettre l'accent sur les bâtiments neufs – sauf dans une démarche prospective, intégrant la notion de stockage de l'électricité – que sur les techniques de réhabilitation, afin que l'efficacité énergétique soit effective dans les bâtiments existants. Nous ne ferons pas l'économie d'un débat sur le mix énergétique ainsi que sur l'organisation de la distribution d'électricité et le stockage de l'énergie – batteries, remontées d'eau dans les barrages, air comprimé, ballons d'eau chaude… En effet, ce sont là autant d'enjeux essentiels si nous tenons à accroître la part des énergies renouvelables dans notre production, ce qui est non seulement l'un des objectifs du Grenelle de l'environnement mais aussi le souhait de l'ADEME et… une nécessité ! J'ai eu l'occasion de discuter de cette question avec mon homologue japonais du NEDO : il n'est pas un seul bâtiment « intelligent », dans ce pays, qui ne comporte un moyen de stocker l'énergie.
Sur un plan budgétaire, j'espère pour conclure que le même niveau d'engagement pourra être maintenu dans les années à venir. La discussion aura lieu au sein du conseil d'administration de l'ADEME, où siège votre collègue Guy Geoffroy. Ce niveau est bien entendu, in fine, tributaire du montant des crédits de paiement versés.
Je vous remercie pour cet exposé passionnant et fort bien maîtrisé, si vous me passez ce jeu de mot. (Sourires).
Au nom du groupe UMP, je salue la passion et le dynamisme dont vous avez fait preuve, Monsieur Van de Maele, qui témoignent l'une et l'autre du bon fonctionnement des lois issues du Grenelle de l'environnement même si la crise financière a ralenti leur application.
S'agissant du budget, ne pensez-vous pas que l'évolution de la TGAP est paradoxale ? Son assiette fiscale risque en effet de se réduire, car plus la taxe augmente, plus les centres d'enfouissement technique risquent de disparaître.
En ce qui concerne les sites pollués orphelins, ne conviendrait-il pas de mettre en place en amont un système de caution beaucoup plus lourd, afin que cette dépollution puisse être opérée y compris en cas de défaillance de l'exploitant ? Vous avez fait allusion à Limeil-Brévannes, je pourrais parler de Gonesse où nous avons dû prendre en charge toute la dépollution dans le cadre du prolongement de la Francilienne. Aujourd'hui, c'est un peu la loi de la jungle qui domine.
S'agissant de la gestion des déchets, je suis frappé de l'appétence de plus en plus forte de nos concitoyens pour payer le service fait. Quel programme encouragez-vous pour aller en ce sens dans le domaine de la collecte des ordures ménagères – il est question de puces embarquées et de verrouillages électromagnétiques –, la taxe d'enlèvement des ordures ménagères (TEOM) étant quant à elle assise sur une valeur locative d'ailleurs très variable d'une commune à l'autre ? Quels soutiens comptez-vous apporter à la filière industrielle ?
Il est beaucoup question ici ou là de biomasse et de réseaux de chaleur, mais nombre d'élus et de citoyens protestent face aux coupes forestières jugées intempestives de l'ONF – avec lequel je me demande d'ailleurs si vous entretenez ou non des relations. Où se situe donc la limite ? Existe-t-il des possibilités d'arbitrage entre gestion sylvicole et maîtrise de l'énergie ?
S'agissant des investissements d'avenir, que pensez-vous des futurs compteurs communicants et intelligents d'ERDF ?
Enfin, quel jugement l'ADEME porte-t-elle sur la qualification des professionnels qui réalisent les diagnostics énergétiques des habitations, sur leur agrément et sur les prix demandés, lesquels sont parfois choquants ?
Quelles seraient les conséquences, pour un certain nombre d'organismes, de la récupération par l'ADEME d'une mission complémentaire concernant l'hydrolien et comment cette mission serait-elle financée ?
S'agissant des investissements d'avenir, les cinq derniers appels à manifestation d'intérête – géothermie, mobilité occasionnelle, poids lourds et bus, hydrogène dans les transports et éco-conception – me semblent très importants. Que recouvrent-ils précisément ?
Dans quel sens le mix énergétique doit-il, selon vous, évoluer ?
Vous avez par ailleurs raison de souligner la lenteur des évolutions dans le domaine du stockage alors que cette question est essentielle si nous voulons répondre au défi de l'intermittence des énergies renouvelables.
Quel est le montant global de la TGAP, dont 508 millions € ont été affectés en 2011 au budget de l'ADEME ? Peut-on notamment évaluer le produit supplémentaire imputable aux augmentations qui ont été actées par le Grenelle ? Quel est le montant de la TGAP affecté au plan « Déchets » ?
En matière d'éco-conception, la ministre chargée de l'environnement a esquissé quelques orientations mais que peut-on faire plus précisément ? Le développement d'une économie circulaire – qui ne produirait pas de déchets – est-il possible, de même que celui d'une économie de la fonctionnalité, selon le principe de la location des biens plutôt que selon celui de leur achat ?
S'agissant de la TEOM, la ministre a annoncé des mesures favorisant la mise en place d'une part incitative. Disposez-vous d'informations à ce propos ? Pensez-vous que les collectivités territoriales s'engageront dans une telle voie ?
Enfin, l'ADEME souhaite soutenir les communes qui s'engageraient à accueillir des unités de recyclage des déchets du bâtiment et des travaux publics sur leur territoire. Un schéma national a-t-il été mis en place et les départements répondant aux obligations formulées dans ce secteur sont-ils nombreux ?
Disposez-vous de chiffres intermédiaires concernant la réalisation des objectifs du Grenelle de l'environnement – lesquels avaient été naguère qualifiés « d'ambitieux » –, notamment la production d'ordures ménagères et assimilées, celle-ci devant être réduite de 7 % par habitant entre 2009 et 2014 ? Qu'en est-il de la valorisation de ces déchets jusqu'à 45 % de leur tonnage en 2015, le niveau de 2009 étant de 33 % ? Enfin, quid du taux de recyclage des emballages ménagers à 75 % dès 2012 ?
L'ADEME est citée à plusieurs reprises dans le rapport de la Cour des comptes sur la gestion des déchets ménagers et assimilés par les collectivités territoriales, à propos du rôle d'accompagnement des acteurs nationaux qui lui a été dévolu. Or, celui-ci est limité : si des missions d'accompagnement spécifiques ont été confiées à des acteurs nationaux importants, dont l'ADEME et les éco-organismes, les collectivités publiques demeurent, en pratique, en première ligne pour assurer le service public. L'ADEME pourrait-elle les aider encore plus, en particulier s'agissant de la maîtrise des coûts ?
Parvenir à une meilleure maîtrise publique implique de disposer d'outils performants. Or, selon ce rapport, de nombreux facteurs échappent au contrôle des collectivités, alors que la question essentielle de l'exploitation optimale des grands équipements – incinérateurs, usines de méthanisation etc. – se pose prioritairement. Les collectivités et leurs groupements rencontrant de réelles difficultés avec leurs prestataires privés – qu'ils contrôlent au demeurant insuffisamment –, l'ADEME n'aurait-elle pas un rôle encore plus important à jouer ? En effet, les collectivités manquent d'argent pour investir dans la recherche – d'où une mainmise quasiment inévitable des grands groupes sur toutes les étapes du processus, la Cour des comptes recommandant d'ailleurs de doter prioritairement les collectivités des moyens de mener des analyses fiables.
Les contributions financières des industriels aux éco-organismes, désormais modulées en fonction de critères d'éco-conception, comptent certes parmi les avancées du Grenelle de l'environnement mais peut-on en dire autant de l'éco-conception, laquelle me semble primordiale ? Celle-ci consiste à mettre en oeuvre une double stratégie productive, soit en organisant le bouclage des cycles de matière à travers l'utilisation des éco-produits, des sous-produits et des déchets d'un certain type de productions par d'autres productions – c'est l'économie circulaire –, soit en assurant le démantèlement du produit en fin d'usage et le recyclage des éléments qui le composent, l'exigence de réduire au maximum la quantité de matière et d'énergie, notamment décarbonée, étant fondamentale. Parce qu'il ne sera pas possible, sans elles, de régler les problèmes liés aux déchets, l'éco-conception et l'éco-production doivent être considérées comme ultra-prioritaires.
Dans le cadre de son soutien à l'innovation durable, l'ADEME a organisé, le 26 septembre dernier, la deuxième édition du Forum des innovations, consacrée aux nouvelles techniques qui rendront notre quotidien plus vert : véhicules décarbonés, moteurs électriques, piles à combustibles, éoliennes et hydroliennes. Parmi toutes les pistes que vous avez évoquées, quelle est celle qui vous paraît la plus prometteuse et la plus susceptible d'être appliquée à court terme ?
Nous nous souvenons tous du véritable feuilleton qu'avait été la publication du rapport de l'ADEME sur le bilan carbone des biocarburants. Une première version publiée en ligne en 2009 avait dû être retirée à la hâte face aux protestations des ONG, qui la jugeaient trop favorable aux biocarburants et l'ADEME avait dû s'engager à remettre son étude sur le métier. Une deuxième mouture, définitive, a été rendue publique au mois d'avril 2010 et a globalement confirmé les conclusions de la première : le bilan carbone des biocarburants est favorable par rapport à celui des carburants fossiles – la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) se situant entre 60 % et 80 % dans le cas du biodiesel produit à partir d'oléagineux et de 90 % dans le cas de celui élaboré à partir de déchets alimentaires – graisses animales ou huiles usagées. Pour le bioéthanol, la réduction évoquée des émissions de GES était de 50 % à 70 %. Sachant que le Gouvernement a décidé de transposer par ordonnance deux directives européennes imposant notamment des critères de durabilité pour les biocarburants consommés en France – ce qui règlera, je l'espère, la question du fameux risque de changement d'affectation des sols, sujet à de nombreuses polémiques –, pourriez-vous de nouveau confirmer sans ambiguïté aucune – il est encore des esprits chagrins et sceptiques – que le bilan carbone des biocarburants de première génération est favorable ?
De plus, qu'est-il ressorti de la première réunion de l'observatoire des biocarburants qui s'est tenue le 22 septembre dernier et à laquelle l'ADEME a participé ?
Enfin, les technologies de l'information et de la communication (TIC) contribuent aux émissions de GES. Selon un récent article consacré à un rapport rendu public par l'ADEME au mois de juillet dernier, à l'horizon de 2020, les TIC contribueront à hauteur de 4 % aux émissions européennes de GES contre 2 % en 2005. Sachant que 247 milliards de courriers électroniques ont été envoyés chaque jour dans le monde en 2009 et que l'on en comptera sans doute quotidiennement 507 milliards en 2013, sachant de surcroît que l'envoi d'un message électronique à dix destinataires multiplie par quatre son impact sur le changement climatique et sachant, enfin, que nous renouvelons nos ordinateurs de plus en plus fréquemment, les communications électroniques ont un impact certain sur le réchauffement climatique et sur l'épuisement des ressources en métaux et matières fossiles. Que pensez-vous donc d'une telle situation, d'ailleurs assez étonnante après des années de communication sur le thème : « Pensez à l'environnement, privilégiez les mails par rapport au papier » ?
Vivant dans une région rurale très forestière, dans laquelle des réseaux de chaleur ont été installés et où la production d'électricité est industrielle, je m'avise depuis quelques mois que le prix de la matière première augmente si rapidement qu'à terme, la chaleur issue de ce processus pourrait devenir plus chère que celle dont nous bénéficions actuellement. Une multitude de projets étant en cours dans ma région, je me demande où nous irons chercher cette matière sauf à aller très loin, y compris à l'étranger, ce qui coûtera encore plus cher.
Depuis une vingtaine d'années, nous nous félicitons des contrats passés avec l'ADEME sur un plan départemental, la compétence technique qu'elle apporte étant très appréciée des collectivités locales. Hélas, s'il n'en est plus tout à fait de même aujourd'hui, est-ce pour des raisons budgétaires – auquel cas, nous pouvons espérer des jours meilleurs – ou est-ce délibéré, ce qui serait particulièrement regrettable ?
Enfin, nous regrettons la très grande lourdeur administrative caractérisant nos relations. Particulièrement désagréable, elle nous oblige parfois à retarder certains projets, étant entendu que même dans le cadre de contractualisations avec l'ADEME, notamment pour la mise en place de guichets uniques, nous connaissons des retards de paiement d'une année et que nous devons donc prévoir des avances d'autant plus difficilement supportables que, comme toutes les collectivités locales, nous souffrons de problèmes de trésorerie.
Les problèmes liés à la biomasse sont aussi prégnants dans la Haute-Loire que dans le Jura. Il était nécessaire, me semble-t-il, de réaliser des plans d'approvisionnement en matière sur l'ensemble du territoire – ce qui a été parfois le cas sur un plan départemental, très rarement sur un plan régional et plus souvent sur un plan local – mais ne serait-il pas utile de les consolider afin de disposer d'une vision claire des productions susceptibles d'être utilisées ? En pays dolois, où se trouve la forêt domaniale de Chaux, nous en sommes arrivés à des aberrations, un plan faisant état de 10 000 tonnes potentiellement mobilisables et un autre de 80 000 tonnes !
Si vous avez parlé des véhicules du futur, vous n'avez jamais évoqué les piles à combustible (PAC) à hydrogène, technologie pourtant prometteuse à l'horizon de 2020. Des démonstrations étant nécessaires, il importe que la réglementation évolue. Quelle action pouvez-vous avoir de ce point de vue-là ? En outre, j'étais hier sur le circuit privé de Marcoussis où j'ai eu l'occasion de conduire des véhicules à hydrogène : Daimler, Mercedes, Opel, Hyundai et Toyota étaient représentés mais ni Renault, ni Peugeot ne l'étaient. Il est regrettable que ces entreprises ne prennent pas le train en marche – si vous me passez la formule – d'une technologie qui finira pourtant par s'imposer.
Enfin, chaque fois que je participe à une inauguration, les financeurs – département, région, ADEME – sont cités mais ne faudrait-il pas considérer que, dans ce dernier cas, ce sont en fait des crédits d'État qui sont engagés ?
S'agissant de l'énergie bois, l'objectif du Grenelle de l'environnement – 20 millions de mètres cubes de bois supplémentaires mobilisés sur les 40 % de bois qui ne sont pas utilisés en forêt – ne peut être atteint qu'à condition de pouvoir récupérer la matière première. Or nous sommes dans la nécessité d'engager des remembrements sur des surfaces importantes. L'ADEME serait-elle prête à favoriser des expérimentations regroupant tous les acteurs de la filière bois ?
Nos objectifs de maîtrise de la production de déchets ménagers sont pour l'heure atteints mais ces derniers ne représentent que 10 % de la totalité des déchets produits. Quelle politique mener pour maîtriser la production des déchets de l'industrie et du bâtiment ?
L'ADEME est essentiellement alimentée par la TGAP, c'est-à-dire la taxe déchets : or vous financez également avec cette taxe la politique que vous menez dans le domaine énergétique. Ne serait-il pas possible d'ouvrir le financement de l'ADEME à un prélèvement sur la TIPP ?
Dans le cadre de la table-ronde nationale pour l'efficacité énergétique, quelles mesures efficaces conviendrait-il de suggérer pour le bâtiment ancien, compte tenu des pratiques internationales ? En effet, autant nous avons atteint nos objectifs dans le secteur du neuf, autant il convient de redoubler d'efforts en direction de l'ancien.
Le « fonds chaleur », que vous gérez, devait s'élever à 450 millions € : or il n'a mobilisé jusqu'à présent que 240 millions €. Est-ce en raison d'une réduction des crédits ou les demandes ont-elles été moins importantes que prévues ?
La loi Grenelle a prévu l'obligation, pour les grands magasins, de récupérer les emballages à la sortie des caisses. Pourquoi cette disposition n'est-elle pas appliquée ?
Êtes-vous associé au projet d'écotaxe poids lourds que le Gouvernement serait sur le point de proposer ? Pouvez-vous nous en préciser les contours ?
Il y a deux types de pompes à chaleur : les pompes produites en France et les pompes produites en Chine, dont nous ne contrôlons pas l'efficacité énergétique. Est-il normal de faire bénéficier d'un crédit d'impôt des pompes qui sont inefficaces sur le plan environnemental et dont l'importation, de plus, menace l'industrie française ? Les décrets d'application ne prennent pas en compte les mesures réglementaires que nous adoptons, en termes de coefficient énergétique, chaque année en loi de finances dans le cadre du crédit d'impôt : la validité de ce coefficient n'est en effet pas vérifiée.
Vous pouvez vous rendre chez les distributeurs – je le ferai durant l'examen du projet de loi de finances : ils sont incapables de vous indiquer le coefficient énergétique des pompes, en raison d'une entente entre les importateurs français. On pleure sur les délocalisations, mais – alors que nous pourrions favoriser l'industrie française du secteur – les mesures fiscales que nous votons profitent à l'industrie chinoise ! Cela commence à bien faire !
Le marché des déchets s'élève à plus de 10 milliards € en France. La taxe d'enlèvement des ordures ménagères (TEOM) et la redevance d'enlèvement des ordures ménagères (REOM) représentent entre 6 et 7 milliards € par an. Il ne faut pas oublier que le budget de l'ADEME a beaucoup augmenté ces dernières années grâce aux mesures que le Parlement a adoptées en matière de TGAP. Cette avancée, due au Grenelle de l'environnement, a favorisé l'ADEME et, à travers les redistributions qu'elle a effectuées, les collectivités locales. Il convenait de le rappeler.
Alors que la collecte et le recyclage des déchets fonctionnent bien, en revanche, le déchet recyclé n'est pas systématiquement réintroduit dans le cycle de vie du produit, si bien que nos déchets intéressent les pays étrangers – c'est ainsi que notre papier intéresse les Chinois. Est-il normal que le tri et le recyclage ne bénéficient pas à l'industrie française ?
Il serait par ailleurs utile de développer, dans les zones rurales, la méthanisation permettant de valoriser simultanément biodéchets, graisses alimentaires et effluents d'élevage. Les pays de l'Europe du nord la pratiquent depuis longtemps : pourquoi la France n'arrive-t-elle pas à sortir des projets en la matière, alors que les techniques sont évidemment les mêmes ? Recourir à cette pratique permettrait de sauver nos industries locales tout en aidant le monde agricole.
Quelles sont, enfin, vos relations avec les éco-organismes : entretenez-vous des partenariats, avez-vous signé des conventions ? La question est d'autant plus importante que les éco-organismes collectent beaucoup d'argent.
S'agissant du logement à caractère social, les organismes rencontrent des difficultés pour se conformer aux normes de performance énergétique, car ils n'ont aucune visibilité en matière notamment d'éco-prêt, qui a été gelé avant d'être pérennisé. Il faudrait également instaurer un mode de financement permettant aux organismes de récupérer sur l'investissement en vue de réinvestir, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.
Par ailleurs, le mode de vie dans les maisons passives ou à basse consommation nécessite un apprentissage des occupants, faute duquel les objectifs en termes d'économies d'énergie risquent de servir de prétexte à la disparition de la mixité sociale. Afin d'assurer cet accompagnement des locataires, on avait un temps envisagé d'instituer des « ambassadeurs de l'énergie ». Qu'en est-il de cette idée ? Des cofinancements sont en tout cas nécessaires.
Enfin, les recherches en matière d'énergies alternatives maritimes commencent à aboutir. Avez-vous des partenariats sur le sujet, notamment avec l'IFREMER ? N'oublions pas qu'on peut produire des éco-carburants à partir d'algues. De plus, cette filière – qui ne demande qu'à se développer – participerait de notre indépendance énergétique. L'ADEME prend-elle en considération l'enjeu maritime ? Je crains que non.
L'ADEME soutient-elle le projet de l'investisseur Vincent Bolloré de développer l'Autolib', système fondé sur le partage d'une flotte de véhicules électriques ?
Quelle est votre perception des nouvelles énergies marines, en dehors de l'éolien offshore ? La mer est un immense réservoir énergétique. Comment le valoriser ? Il est dommage que la France, grand pays maritime, oublie trop souvent cet enjeu majeur pour l'avenir.
La ministre chargée de l'écologie m'a récemment confié une mission sur la réforme du dispositif d'aide à l'insonorisation aux abords des aéroports. Comment l'ADEME peut-elle intervenir pour favoriser la réalisation parallèle des travaux d'isolation thermique et phonique ?
Une expérience est actuellement menée à Lyon. Les premiers résultats en sont-ils connus ?
Vous regrettez que l'ADEME ne se soit vu confier aucune mission concernant les ressources hydriques. Vous avez raison, car une telle compétence vous permettrait de porter un regard d'ensemble sur les problèmes environnementaux.
Quelle est votre position sur l'épandage des boues d'épuration en forêt ? Des expériences sont actuellement menées en France, quelles réflexions ces expériences vous inspirent-elles ?
Je vais m'efforcer de répondre à l'ensemble de vos questions, tout en vous priant par avance d'excuser d'éventuels oublis.
Il est vrai que le budget d'intervention de l'ADEME a été multiplié par trois, voire plus, entre 2008 et 2010. Il était même prévu d'aller au-delà. Toutefois, la capacité d'instruction et de production de l'ADEME a atteint ses limites : le niveau de mobilisation de nos équipes est important et il serait difficile de leur en demander davantage. Les dispositifs relevant du crédit d'impôt sont certainement plus faciles à gérer que ceux qui relèvent des subventions.
De plus, les projets n'ont pas tous démarré aussi rapidement que nous l'avions imaginé. Les projets relatifs aux réseaux de chaleur ont demandé du temps. Le maintien de l'enveloppe budgétaire me paraît d'autant plus nécessaire que les objectifs du Grenelle de l'environnement sont ambitieux et que nous avons encore beaucoup d'efforts à fournir, notamment pour atteindre les 20 millions de tonnes d'équivalent pétrole. Il ne s'agit pas, du reste, que d'une question purement financière : il faut également réussir à concevoir des projets.
Nous percevons une petite partie de la TGAP de base, qui préexistait au Grenelle, et la totalité de la TGAP additionnelle créée par le Grenelle. Comme d'aucuns l'ont rappelé, elle sert à alimenter l'ensemble des budgets de l'ADEME, y compris les projets liés aux énergies renouvelables, ce qui peut susciter une légitime incompréhension. Faire reposer le financement de nos projets énergétiques sur la TIPP ou sur une éventuelle taxe carbone, sans changement des montants, serait plus lisible. Cela permettrait de régler la question du juste retour de la TGAP sur la politique des déchets. Le Gouvernement a du reste remis un rapport sur le plan « Déchets », le Parlement ayant adopté un amendement en ce sens. Le Grenelle I prévoyait que le retour de la TGAP additionnelle irait majoritairement aux déchets : le taux de retour atteint aujourd'hui 95 %, avec une montée en puissance très lente de la part « Investissement » dans le tri et le recyclage, contrairement à la part « Prévention », qui a été bien relayée par les départements et les syndicats de collecte. La réalisation de l'objectif visant à affecter totalement la TGAP additionnelle aux déchets est en bonne voie.
Les éco-organismes négocient des contrats d'agrément avec le ministère de l'écologie. Nous y sommes associés sans entretenir avec eux un véritable partenariat, qu'il nous faut, sans conteste, améliorer. Un renforcement des synergies est nécessaire.
S'agissant de la récupération des emballages, nous sommes encore très loin du taux de 75 %. Le taux de récupération des bouteilles plastiques, notamment des petites bouteilles individuelles, et des canettes de soda est catastrophique : il ne dépasse pas 50 %, alors même qu'elles sont désormais toutes recyclables, ce qui est paradoxal. Je rappelle que les eaux minérales obéissent à un autre régime. La recyclabilité ayant été grandement améliorée, l'effort à mener avec les éco-organismes doit désormais porter sur le recyclage lui-même.
En matière de méthanisation, nous sommes passés, à ma demande, au système européen d'aide – il s'agit d'aides au privé – qui est plus souple et offre de plus grandes potentialités.
Il ne faut pas oublier, toutefois, que la méthanisation pose des problèmes de réglementation, laquelle dépend du ministère chargé de l'écologie via la direction générale de la prévention des risques. Les ingénieurs de l'ADEME ont des doutes sur cette technique, en raison des risques inhérents à son exploitation, qui doit être très encadrée : une mauvaise exploitation est source de dangers. La méthanisation n'en représente pas moins un énorme enjeu. Toutefois, bien qu'un tarif de rachat du biogaz et de l'électricité issue du biogaz ait été institué récemment et que ce tarif soit cumulable avec des aides de l'agence – ce qui est une nouveauté –, les projets arrivent lentement. Les directions régionales de l'ADEME ont également reçu pour mission de mutualiser ces projets. Nous avons même lancé dans le cadre du plan « Algues vertes » en Bretagne un grand appel d'offres, mais les réponses reçues ne sont pas à la hauteur de nos espérances : le monde agricole n'est pas encore suffisamment sensibilisé à la question et la réglementation doit évoluer.
Il faudrait aussi mieux organiser le cycle de récupération, notamment la collecte des biodéchets ou des déchets fermentescibles des grands émetteurs, ce qui permettrait de faire de la méthanisation en quantité importante. Nous attendons un décret sur le sujet.
S'agissant des déchets produits par le bâtiment et les travaux publics, en Île-de-France les plans départementaux et régionaux avancent lentement. Alors que la profession du bâtiment fait preuve de bonne volonté, nous rencontrons des difficultés à trouver des territoires acceptant d'accueillir des centres de déchets. C'est pourquoi il nous a été demandé de réfléchir à la possibilité d'aider directement la commune ou le territoire d'accueil, afin d'accompagner l'arrivée des déchets. Cette aide ne pourrait être qu'unique. Des progrès sont réalisés, mais nous n'avons pas encore rattrapé notre retard en la matière. Quant aux sites pollués – il s'agit de centres de tri et de recyclage abandonnés : je me contenterai de citer ici Limeil-Brévannes, Le Havre ou la région Centre –, je suis favorable à l'idée d'une responsabilité sociale de l'entreprise, émise dans le cadre du Grenelle mais qui, malheureusement, n'a pas abouti. Il est scandaleux en effet que la collectivité publique soit chargée de financer la dépollution de sites abandonnés par les entreprises. Le Grenelle permet, certes, de se retourner vers l'actionnaire s'il a eu l'intention manifeste de mener l'entreprise à un défaut d'activité, mais encore faut-il pouvoir le prouver. Nous avons, sur le sujet, un écho très faible de la part du monde économique. Quant à la caution, il faudrait qu'elle atteigne un montant astronomique : la dépollution de Limeil-Brévannes va nous coûter 10 millions € !
Prouver qu'un dépôt de bilan est le fruit d'une intention est très difficile. Il est beaucoup plus facile de réclamer le dépôt d'une caution préalable.
Il faudrait l'exiger de toute entreprise industrielle et non des seules déchetteries. Le montant risque de devenir de plus en plus important. C'est un vrai sujet de société : il faut aller plus loin dans la réflexion sur la responsabilité sociale des entreprises.
Je suis convaincu que l'application des mesures du Grenelle de l'environnement se fera via les collectivités locales, avec le concours des acteurs privés et des citoyens. L'ADEME doit continuer d'apporter son expertise aux régions. Disant cela, je ne pense pas tant à l'expertise technique thématique, dont l'ADEME partage désormais la compétence avec d'autres instances, qu'à ce regard global sur les problèmes environnementaux qu'elle est la seule à porter puisque, exception faite de l'eau et de la biodiversité, l'ADEME est chargée de l'ensemble du Grenelle. C'est pourquoi, du reste, il serait bon que l'ADEME renforce sa compétence sur l'eau, domaine qu'elle touche déjà au travers du traitement des sites pollués, de l'épandage des boues ou de la micro-hydroélectricité. Nous ne sommes pas assez présents auprès des agences de l'eau et de l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques (ONEMA)..
L'éco-conception est effectivement un enjeu majeur du monde économique : elle va de la meilleure utilisation de l'énergie dans la conception des produits à une meilleure recyclabilité en passant par la meilleure utilisation des matières. C'est une méthodologie d'analyse encore insuffisamment répandue, alors même qu'elle procure un avantage compétitif aux entreprises puisqu'elle leur permet d'alléger leurs charges. Les ingénieurs des unités de production commencent à y être sensibilisés, contrairement aux concepteurs marketing : l'emballage peut, à lui seul, ruiner la valeur ajoutée en termes d'éco-conception si l'aspect « vente » prend le pas sur l'aspect environnemental. Nous accompagnons les entreprises sur le sujet.
Je confirme les résultats du rapport relatif aux biocarburants, tout en rappelant que les notions d'impact carbone de l'usage des sols ou de changement d'usage des sols n'y sont pas très bien appréciées, car nous n'avons pas suffisamment de recul sur la question. Par exemple, alors que le bioéthanol issu de la canne à sucre a un très bon bilan carbone, nous ignorons en revanche si une partie de la déforestation de la forêt brésilienne n'est pas liée, directement ou indirectement, à la production de cannes à sucre pour ce même bioéthanol. Cet aspect du bilan n'est pas intégré à nos calculs, car nous ne savons pas encore le mesurer. Il conviendra de réduire cette incertitude : nous y travaillons avec l'INRA.
Des projets portant sur les biocarburants issus d'algues sont en cours d'instruction. La question du coût reste pour l'heure déterminante. Il faut également calculer le coût carbone de la récupération des algues. De plus, toutes les algues ne sont pas utilisables. C'est une piste de travail.
S'agissant du bois – la France n'en manque pas ! –, le problème se pose en termes d'accès à la matière première, d'autant qu'aucun fonds de mobilisation du bois n'a pu voir le jour jusqu'à présent. J'ai décidé de consacrer une partie du « fonds chaleur » à faire des expérimentations de mobilisation du bois sur les monts du Forez, en Auvergne. La filière forestière me laisse néanmoins perplexe. Outre les questions de propriété, de coût du remembrement et d'accès à la ressource, j'ai le sentiment que la filière forestière française ne jure historiquement que par le bois noble, la « biomasse-énergie » n'en étant que le sous-produit. On ne procède à des coupes que pour produire du bois noble, pensant que le développement de la filière ne peut reposer que sur la construction de maisons en bois. Je n'y suis pas opposé, mais nous partons de si bas, que, même si la construction de ces maisons est en pleine croissance à l'heure actuelle, la filière construction ne pourrait à elle seule assurer le développement de la filière bois – d'autant que notre culture nous porte plutôt vers la pierre ou le béton, c'est-à-dire une maison de maçon. J'attends les conclusions de l'expérimentation pratiquée en Auvergne. Il existe bien des cellules « biomasse » au niveau régional, qui analysent les plans d'approvisionnement des grands projets ; mais je regrette que tous les partenaires concernés n'y soient pas toujours présents. Je tiens toutefois à préciser que les projets « bois » retenus par la Commission de régulation de l'énergie (CRE), qui ne visent qu'à produire de l'électricité – et éventuellement, l'hiver, à alimenter des réseaux de chaleur –, ont un faible rendement puisqu'ils n'utilisent que 30 % de la chaleur produite par le bois. Un bon rendement implique d'utiliser, durant toute l'année, les 70 % de chaleur restante à l'activité industrielle. Sur les quatre appels à projets, un seul a été finalisé.
Les papetiers-panneautiers redoutent la montée du prix du bois qui résulterait d'un développement de la « biomasse-énergie »… ce qui ne les empêche pas, dans les Landes, de proposer des projets à la CRE ! Mais il est normal que l'augmentation du prix d'une matière première inquiète les industriels concernés.
Je reconnais que nous n'entretenons que des rapports très limités avec l'Office national des forêts. Je rappelle que la forêt française est répartie entre l'ONF, les communes forestières et la forêt privée. Le contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens de l'ONF, arrêté en accord avec le ministère de l'agriculture et le ministère de l'écologie, couvre notamment la ressource en bois, la biodiversité et l'accueil du public. L'ONF a une expérience ancienne de la gestion du bois, puisque les maîtres forestiers ont été créés par Louis-Philippe pour une gestion soutenable de la forêt. Nous travaillons avec eux dans le cadre d'expérimentations de programmes de mobilisation du bois.
Nous travaillons également sur les hydroliennes en accompagnant des entreprises de toutes tailles. Des courants marins importants passent au large des côtes françaises, mais nous ignorons encore le coût de maintenance d'une hydrolienne installée au fond de l'eau. Nous nous intéressons également à l'énergie thermique des mers, qui exploite la différence de température entre les eaux superficielles et les eaux profondes, ainsi qu'à l'énergie des vagues – les expérimentations actuelles sont malheureusement loin d'être concluantes, nous en sommes toujours au stade de la recherche.
S'agissant de la pose, par ERDF, des compteurs intelligents ou communicants – je pense aux compteurs Linky –, nous avons demandé au médiateur de l'énergie que leur déploiement, qui coûte cher, s'accompagne d'un affichage intérieur livrant aux occupants de la maison une information minimale, facile à comprendre. C'est en effet l'information fournie aux usagers par ces compteurs déportés qui permettrait d'économiser, selon les études réalisées dans des pays étrangers, entre 5 % et 15 % d'électricité – ce qui serait gigantesque si tous les foyers français étaient concernés. Or nous nous heurtons à la volonté des opérateurs de proposer des services complémentaires d'information à titre onéreux, dont le surcoût ne serait pas compensé par les économies réalisées – les occupants de logements sociaux ne pourraient pas, dès lors, avoir accès à cette information. Il faut également tenir compte de différentes questions d'ordre juridique : les problèmes afférent à la propriété des compteurs sont à résoudre avec la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies ; quant à ERDF, elle n'a pas la possibilité de pénétrer dans la maison en aval du compteur pour afficher l'information. C'est pourquoi il conviendrait d'obliger les fournisseurs d'électricité à proposer différents services d'information, dont un service minimum gratuit. De plus, comme le déplacement des agents entre pour moitié dans le coût de la pose du compteur Linky, il faudrait une pose simultanée du compteur et de l'indicateur incitant les utilisateurs à une gestion plus saine de leur électricité.
S'agissant des logements sociaux, l'enveloppe d'éco-prêts n'a pas été gelée : nous l'avons entièrement utilisée. Une réflexion est d'ailleurs actuellement menée sur son renouvellement, afin d'aider les bailleurs sociaux dans la rénovation thermique. La loi permet de partager à égalité l'économie réalisée entre le propriétaire, qui investit, et le locataire, qui économise : c'est là une caractéristique originale et incitative.
Les diagnostics de performance énergétique (DPE) sont effectivement aujourd'hui de qualité variable. Sur ce sujet, l'ADEME est une force de proposition pour l'État. Afin de garantir la crédibilité, dans le temps, de ces diagnostics, il est nécessaire de nous diriger vers une véritable qualification des diagnostiqueurs. Nous préparons, pour notre part, une qualification des labels en vue d'améliorer l'information du client final, qui se sent parfois démuni.
Vous avez évoqué Autolib' : je crois que la mutualisation des biens constitue une évolution inévitable et des théoriciens américains réfléchissent précisément à cette collaborative consumption, visant à préférer le partage des biens à leur possession individuelle. Il nous faut maintenant réussir à organiser cette mutualisation.
Il me semble que le futur des véhicules individuels ne pourra se déployer que selon l'un des quatre axes possibles. La première solution consiste à conserver un véhicule servant à tous les types de déplacements : dans ce cas, il vaut mieux opter pour le véhicule hybride rechargeable, sur lequel misent Peugeot et Citroën. Une deuxième solution consiste à adopter le tout-électrique, qui n'assure qu'une autonomie réduite : il faut alors se diriger vers des prolongateurs d'économie, à base notamment d'hydrogène, ce qui nous ramène au premier modèle. On peut également changer de mode de fonctionnement : acheter un petit véhicule électrique pour les déplacements quotidiens et louer un service de mobilité pour la longue distance ; ou bien, inversement, posséder un grand véhicule pour les longs voyages et recourir à des véhicules en partage pour les trajets quotidiens. Dans le cadre des investissements d'avenir, nous travaillons – grâce aux nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC) – sur l'éco-mobilité et les services de mobilité, car il s'agit avant tout de résoudre des problèmes de géolocalisation. À propos des NTIC, le coût énergétique des serveurs a été évoqué, lesquels consomment non seulement pour fonctionner mais également pour se refroidir : on estime ainsi qu'une demande sur Google consomme l'énergie d'une ampoule durant une heure. Il demeure néanmoins préférable de recourir à Internet plutôt que d'utiliser du papier !
Je ne suis pas opposé à Autolib' par principe. J'ignore toutefois si l'opération sera rentable, car il s'agit d'un marché combiné avec de la publicité. Je serais plus favorable à l'autopartage sans stations identifiées, dans la mesure où les stations Autolib' occuperont de l'espace urbain. J'attends donc les résultats de l'expérimentation, mais il est certain qu'Autolib' participe, en toute hypothèse, de la logique de partage des biens.
Le Grenelle de l'environnement nous a dotés d'un fonds pour réduire les nuisances sonores liées au fer et à la route. Il appartient aux aéroports de résoudre, via une taxe dédiée, les problèmes suscités par le bruit des avions. Cette question ne fait donc pas partie des compétences de l'ADEME, qui, de son côté et s'agissant des bâtiments, s'efforce de combiner rénovation thermique et rénovation phonique. Tout dépend évidemment du budget des opérateurs. Les banques, malheureusement, n'ont jamais favorisé l'éco-prêt à taux zéro, dédié à la réhabilitation énergétique : elles en ont moins vendu que des PTZ qui, étant consacrés à l'accession, permettent de « vendre » parallèlement un autre prêt.
Je vous remercie, monsieur le président, pour toutes les informations que vous nous avez apportées.
Membres présents ou excusés
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire
Réunion du mercredi 5 octobre 2011 à 9 h 30
Présents. - M. Jérôme Bignon, M. Philippe Boënnec, M. Maxime Bono, M. Joseph Bossé, M. Jean-Claude Bouchet, Mme Françoise Branget, M. Christophe Caresche, M. Jean-Paul Chanteguet, M. André Chassaigne, M. Frédéric Cuvillier, Mme Claude Darciaux, M. Marc-Philippe Daubresse, M. Stéphane Demilly, M. Olivier Dosne, M. Raymond Durand, M. Paul Durieu, M. Philippe Duron, M. Albert Facon, M. Daniel Fidelin, M. Alain Gest, M. Joël Giraud, M. Daniel Goldberg, M. Didier Gonzales, M. Serge Grouard, M. Antoine Herth, M. Armand Jung, M. Jacques Kossowski, Mme Fabienne Labrette-Ménager, M. Pierre Lang, M. Jean Lassalle, M. Jacques Le Nay, M. Gérard Lorgeoux, M. Jean-Pierre Marcon, M. Philippe Martin, M. Gérard Menuel, M. Philippe Meunier, M. Bertrand Pancher, M. Yanick Paternotte, M. Philippe Plisson, M. Christophe Priou, Mme Catherine Quéré, M. Joël Regnault, Mme Marie-Line Reynaud, M. Martial Saddier, M. Jean-Marie Sermier, M. Jean-Claude Thomas, M. Philippe Tourtelier, M. André Vézinhet
Excusés. - M. Yves Albarello, M. Jean-Yves Besselat, M. André Flajolet, Mme Geneviève Gaillard, M. François-Michel Gonnot, M. Michel Havard, Mme Annick Lepetit, Mme Christine Marin, Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont, M. René Rouquet
Assistaient également à la réunion. - M. Thierry Lazaro, Mme Martine Lignières-Cassou, M. Francis Saint-Léger