Je vais m'efforcer de répondre à l'ensemble de vos questions, tout en vous priant par avance d'excuser d'éventuels oublis.
Il est vrai que le budget d'intervention de l'ADEME a été multiplié par trois, voire plus, entre 2008 et 2010. Il était même prévu d'aller au-delà. Toutefois, la capacité d'instruction et de production de l'ADEME a atteint ses limites : le niveau de mobilisation de nos équipes est important et il serait difficile de leur en demander davantage. Les dispositifs relevant du crédit d'impôt sont certainement plus faciles à gérer que ceux qui relèvent des subventions.
De plus, les projets n'ont pas tous démarré aussi rapidement que nous l'avions imaginé. Les projets relatifs aux réseaux de chaleur ont demandé du temps. Le maintien de l'enveloppe budgétaire me paraît d'autant plus nécessaire que les objectifs du Grenelle de l'environnement sont ambitieux et que nous avons encore beaucoup d'efforts à fournir, notamment pour atteindre les 20 millions de tonnes d'équivalent pétrole. Il ne s'agit pas, du reste, que d'une question purement financière : il faut également réussir à concevoir des projets.
Nous percevons une petite partie de la TGAP de base, qui préexistait au Grenelle, et la totalité de la TGAP additionnelle créée par le Grenelle. Comme d'aucuns l'ont rappelé, elle sert à alimenter l'ensemble des budgets de l'ADEME, y compris les projets liés aux énergies renouvelables, ce qui peut susciter une légitime incompréhension. Faire reposer le financement de nos projets énergétiques sur la TIPP ou sur une éventuelle taxe carbone, sans changement des montants, serait plus lisible. Cela permettrait de régler la question du juste retour de la TGAP sur la politique des déchets. Le Gouvernement a du reste remis un rapport sur le plan « Déchets », le Parlement ayant adopté un amendement en ce sens. Le Grenelle I prévoyait que le retour de la TGAP additionnelle irait majoritairement aux déchets : le taux de retour atteint aujourd'hui 95 %, avec une montée en puissance très lente de la part « Investissement » dans le tri et le recyclage, contrairement à la part « Prévention », qui a été bien relayée par les départements et les syndicats de collecte. La réalisation de l'objectif visant à affecter totalement la TGAP additionnelle aux déchets est en bonne voie.
Les éco-organismes négocient des contrats d'agrément avec le ministère de l'écologie. Nous y sommes associés sans entretenir avec eux un véritable partenariat, qu'il nous faut, sans conteste, améliorer. Un renforcement des synergies est nécessaire.
S'agissant de la récupération des emballages, nous sommes encore très loin du taux de 75 %. Le taux de récupération des bouteilles plastiques, notamment des petites bouteilles individuelles, et des canettes de soda est catastrophique : il ne dépasse pas 50 %, alors même qu'elles sont désormais toutes recyclables, ce qui est paradoxal. Je rappelle que les eaux minérales obéissent à un autre régime. La recyclabilité ayant été grandement améliorée, l'effort à mener avec les éco-organismes doit désormais porter sur le recyclage lui-même.
En matière de méthanisation, nous sommes passés, à ma demande, au système européen d'aide – il s'agit d'aides au privé – qui est plus souple et offre de plus grandes potentialités.
Il ne faut pas oublier, toutefois, que la méthanisation pose des problèmes de réglementation, laquelle dépend du ministère chargé de l'écologie via la direction générale de la prévention des risques. Les ingénieurs de l'ADEME ont des doutes sur cette technique, en raison des risques inhérents à son exploitation, qui doit être très encadrée : une mauvaise exploitation est source de dangers. La méthanisation n'en représente pas moins un énorme enjeu. Toutefois, bien qu'un tarif de rachat du biogaz et de l'électricité issue du biogaz ait été institué récemment et que ce tarif soit cumulable avec des aides de l'agence – ce qui est une nouveauté –, les projets arrivent lentement. Les directions régionales de l'ADEME ont également reçu pour mission de mutualiser ces projets. Nous avons même lancé dans le cadre du plan « Algues vertes » en Bretagne un grand appel d'offres, mais les réponses reçues ne sont pas à la hauteur de nos espérances : le monde agricole n'est pas encore suffisamment sensibilisé à la question et la réglementation doit évoluer.
Il faudrait aussi mieux organiser le cycle de récupération, notamment la collecte des biodéchets ou des déchets fermentescibles des grands émetteurs, ce qui permettrait de faire de la méthanisation en quantité importante. Nous attendons un décret sur le sujet.
S'agissant des déchets produits par le bâtiment et les travaux publics, en Île-de-France les plans départementaux et régionaux avancent lentement. Alors que la profession du bâtiment fait preuve de bonne volonté, nous rencontrons des difficultés à trouver des territoires acceptant d'accueillir des centres de déchets. C'est pourquoi il nous a été demandé de réfléchir à la possibilité d'aider directement la commune ou le territoire d'accueil, afin d'accompagner l'arrivée des déchets. Cette aide ne pourrait être qu'unique. Des progrès sont réalisés, mais nous n'avons pas encore rattrapé notre retard en la matière. Quant aux sites pollués – il s'agit de centres de tri et de recyclage abandonnés : je me contenterai de citer ici Limeil-Brévannes, Le Havre ou la région Centre –, je suis favorable à l'idée d'une responsabilité sociale de l'entreprise, émise dans le cadre du Grenelle mais qui, malheureusement, n'a pas abouti. Il est scandaleux en effet que la collectivité publique soit chargée de financer la dépollution de sites abandonnés par les entreprises. Le Grenelle permet, certes, de se retourner vers l'actionnaire s'il a eu l'intention manifeste de mener l'entreprise à un défaut d'activité, mais encore faut-il pouvoir le prouver. Nous avons, sur le sujet, un écho très faible de la part du monde économique. Quant à la caution, il faudrait qu'elle atteigne un montant astronomique : la dépollution de Limeil-Brévannes va nous coûter 10 millions € !