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Intervention de Philippe Van de Maele

Réunion du 5 octobre 2011 à 9h30
Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

Philippe Van de Maele, président de l'ADEME :

Il faudrait l'exiger de toute entreprise industrielle et non des seules déchetteries. Le montant risque de devenir de plus en plus important. C'est un vrai sujet de société : il faut aller plus loin dans la réflexion sur la responsabilité sociale des entreprises.

Je suis convaincu que l'application des mesures du Grenelle de l'environnement se fera via les collectivités locales, avec le concours des acteurs privés et des citoyens. L'ADEME doit continuer d'apporter son expertise aux régions. Disant cela, je ne pense pas tant à l'expertise technique thématique, dont l'ADEME partage désormais la compétence avec d'autres instances, qu'à ce regard global sur les problèmes environnementaux qu'elle est la seule à porter puisque, exception faite de l'eau et de la biodiversité, l'ADEME est chargée de l'ensemble du Grenelle. C'est pourquoi, du reste, il serait bon que l'ADEME renforce sa compétence sur l'eau, domaine qu'elle touche déjà au travers du traitement des sites pollués, de l'épandage des boues ou de la micro-hydroélectricité. Nous ne sommes pas assez présents auprès des agences de l'eau et de l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques (ONEMA)..

L'éco-conception est effectivement un enjeu majeur du monde économique : elle va de la meilleure utilisation de l'énergie dans la conception des produits à une meilleure recyclabilité en passant par la meilleure utilisation des matières. C'est une méthodologie d'analyse encore insuffisamment répandue, alors même qu'elle procure un avantage compétitif aux entreprises puisqu'elle leur permet d'alléger leurs charges. Les ingénieurs des unités de production commencent à y être sensibilisés, contrairement aux concepteurs marketing : l'emballage peut, à lui seul, ruiner la valeur ajoutée en termes d'éco-conception si l'aspect « vente » prend le pas sur l'aspect environnemental. Nous accompagnons les entreprises sur le sujet.

Je confirme les résultats du rapport relatif aux biocarburants, tout en rappelant que les notions d'impact carbone de l'usage des sols ou de changement d'usage des sols n'y sont pas très bien appréciées, car nous n'avons pas suffisamment de recul sur la question. Par exemple, alors que le bioéthanol issu de la canne à sucre a un très bon bilan carbone, nous ignorons en revanche si une partie de la déforestation de la forêt brésilienne n'est pas liée, directement ou indirectement, à la production de cannes à sucre pour ce même bioéthanol. Cet aspect du bilan n'est pas intégré à nos calculs, car nous ne savons pas encore le mesurer. Il conviendra de réduire cette incertitude : nous y travaillons avec l'INRA.

Des projets portant sur les biocarburants issus d'algues sont en cours d'instruction. La question du coût reste pour l'heure déterminante. Il faut également calculer le coût carbone de la récupération des algues. De plus, toutes les algues ne sont pas utilisables. C'est une piste de travail.

S'agissant du bois – la France n'en manque pas ! –, le problème se pose en termes d'accès à la matière première, d'autant qu'aucun fonds de mobilisation du bois n'a pu voir le jour jusqu'à présent. J'ai décidé de consacrer une partie du « fonds chaleur » à faire des expérimentations de mobilisation du bois sur les monts du Forez, en Auvergne. La filière forestière me laisse néanmoins perplexe. Outre les questions de propriété, de coût du remembrement et d'accès à la ressource, j'ai le sentiment que la filière forestière française ne jure historiquement que par le bois noble, la « biomasse-énergie » n'en étant que le sous-produit. On ne procède à des coupes que pour produire du bois noble, pensant que le développement de la filière ne peut reposer que sur la construction de maisons en bois. Je n'y suis pas opposé, mais nous partons de si bas, que, même si la construction de ces maisons est en pleine croissance à l'heure actuelle, la filière construction ne pourrait à elle seule assurer le développement de la filière bois – d'autant que notre culture nous porte plutôt vers la pierre ou le béton, c'est-à-dire une maison de maçon. J'attends les conclusions de l'expérimentation pratiquée en Auvergne. Il existe bien des cellules « biomasse » au niveau régional, qui analysent les plans d'approvisionnement des grands projets ; mais je regrette que tous les partenaires concernés n'y soient pas toujours présents. Je tiens toutefois à préciser que les projets « bois » retenus par la Commission de régulation de l'énergie (CRE), qui ne visent qu'à produire de l'électricité – et éventuellement, l'hiver, à alimenter des réseaux de chaleur –, ont un faible rendement puisqu'ils n'utilisent que 30 % de la chaleur produite par le bois. Un bon rendement implique d'utiliser, durant toute l'année, les 70 % de chaleur restante à l'activité industrielle. Sur les quatre appels à projets, un seul a été finalisé.

Les papetiers-panneautiers redoutent la montée du prix du bois qui résulterait d'un développement de la « biomasse-énergie »… ce qui ne les empêche pas, dans les Landes, de proposer des projets à la CRE ! Mais il est normal que l'augmentation du prix d'une matière première inquiète les industriels concernés.

Je reconnais que nous n'entretenons que des rapports très limités avec l'Office national des forêts. Je rappelle que la forêt française est répartie entre l'ONF, les communes forestières et la forêt privée. Le contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens de l'ONF, arrêté en accord avec le ministère de l'agriculture et le ministère de l'écologie, couvre notamment la ressource en bois, la biodiversité et l'accueil du public. L'ONF a une expérience ancienne de la gestion du bois, puisque les maîtres forestiers ont été créés par Louis-Philippe pour une gestion soutenable de la forêt. Nous travaillons avec eux dans le cadre d'expérimentations de programmes de mobilisation du bois.

Nous travaillons également sur les hydroliennes en accompagnant des entreprises de toutes tailles. Des courants marins importants passent au large des côtes françaises, mais nous ignorons encore le coût de maintenance d'une hydrolienne installée au fond de l'eau. Nous nous intéressons également à l'énergie thermique des mers, qui exploite la différence de température entre les eaux superficielles et les eaux profondes, ainsi qu'à l'énergie des vagues – les expérimentations actuelles sont malheureusement loin d'être concluantes, nous en sommes toujours au stade de la recherche.

S'agissant de la pose, par ERDF, des compteurs intelligents ou communicants – je pense aux compteurs Linky –, nous avons demandé au médiateur de l'énergie que leur déploiement, qui coûte cher, s'accompagne d'un affichage intérieur livrant aux occupants de la maison une information minimale, facile à comprendre. C'est en effet l'information fournie aux usagers par ces compteurs déportés qui permettrait d'économiser, selon les études réalisées dans des pays étrangers, entre 5 % et 15 % d'électricité – ce qui serait gigantesque si tous les foyers français étaient concernés. Or nous nous heurtons à la volonté des opérateurs de proposer des services complémentaires d'information à titre onéreux, dont le surcoût ne serait pas compensé par les économies réalisées – les occupants de logements sociaux ne pourraient pas, dès lors, avoir accès à cette information. Il faut également tenir compte de différentes questions d'ordre juridique : les problèmes afférent à la propriété des compteurs sont à résoudre avec la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies ; quant à ERDF, elle n'a pas la possibilité de pénétrer dans la maison en aval du compteur pour afficher l'information. C'est pourquoi il conviendrait d'obliger les fournisseurs d'électricité à proposer différents services d'information, dont un service minimum gratuit. De plus, comme le déplacement des agents entre pour moitié dans le coût de la pose du compteur Linky, il faudrait une pose simultanée du compteur et de l'indicateur incitant les utilisateurs à une gestion plus saine de leur électricité.

S'agissant des logements sociaux, l'enveloppe d'éco-prêts n'a pas été gelée : nous l'avons entièrement utilisée. Une réflexion est d'ailleurs actuellement menée sur son renouvellement, afin d'aider les bailleurs sociaux dans la rénovation thermique. La loi permet de partager à égalité l'économie réalisée entre le propriétaire, qui investit, et le locataire, qui économise : c'est là une caractéristique originale et incitative.

Les diagnostics de performance énergétique (DPE) sont effectivement aujourd'hui de qualité variable. Sur ce sujet, l'ADEME est une force de proposition pour l'État. Afin de garantir la crédibilité, dans le temps, de ces diagnostics, il est nécessaire de nous diriger vers une véritable qualification des diagnostiqueurs. Nous préparons, pour notre part, une qualification des labels en vue d'améliorer l'information du client final, qui se sent parfois démuni.

Vous avez évoqué Autolib' : je crois que la mutualisation des biens constitue une évolution inévitable et des théoriciens américains réfléchissent précisément à cette collaborative consumption, visant à préférer le partage des biens à leur possession individuelle. Il nous faut maintenant réussir à organiser cette mutualisation.

Il me semble que le futur des véhicules individuels ne pourra se déployer que selon l'un des quatre axes possibles. La première solution consiste à conserver un véhicule servant à tous les types de déplacements : dans ce cas, il vaut mieux opter pour le véhicule hybride rechargeable, sur lequel misent Peugeot et Citroën. Une deuxième solution consiste à adopter le tout-électrique, qui n'assure qu'une autonomie réduite : il faut alors se diriger vers des prolongateurs d'économie, à base notamment d'hydrogène, ce qui nous ramène au premier modèle. On peut également changer de mode de fonctionnement : acheter un petit véhicule électrique pour les déplacements quotidiens et louer un service de mobilité pour la longue distance ; ou bien, inversement, posséder un grand véhicule pour les longs voyages et recourir à des véhicules en partage pour les trajets quotidiens. Dans le cadre des investissements d'avenir, nous travaillons – grâce aux nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC) – sur l'éco-mobilité et les services de mobilité, car il s'agit avant tout de résoudre des problèmes de géolocalisation. À propos des NTIC, le coût énergétique des serveurs a été évoqué, lesquels consomment non seulement pour fonctionner mais également pour se refroidir : on estime ainsi qu'une demande sur Google consomme l'énergie d'une ampoule durant une heure. Il demeure néanmoins préférable de recourir à Internet plutôt que d'utiliser du papier !

Je ne suis pas opposé à Autolib' par principe. J'ignore toutefois si l'opération sera rentable, car il s'agit d'un marché combiné avec de la publicité. Je serais plus favorable à l'autopartage sans stations identifiées, dans la mesure où les stations Autolib' occuperont de l'espace urbain. J'attends donc les résultats de l'expérimentation, mais il est certain qu'Autolib' participe, en toute hypothèse, de la logique de partage des biens.

Le Grenelle de l'environnement nous a dotés d'un fonds pour réduire les nuisances sonores liées au fer et à la route. Il appartient aux aéroports de résoudre, via une taxe dédiée, les problèmes suscités par le bruit des avions. Cette question ne fait donc pas partie des compétences de l'ADEME, qui, de son côté et s'agissant des bâtiments, s'efforce de combiner rénovation thermique et rénovation phonique. Tout dépend évidemment du budget des opérateurs. Les banques, malheureusement, n'ont jamais favorisé l'éco-prêt à taux zéro, dédié à la réhabilitation énergétique : elles en ont moins vendu que des PTZ qui, étant consacrés à l'accession, permettent de « vendre » parallèlement un autre prêt.

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