En application de l'article 13 de la Constitution, la commission a auditionné M. Philippe de Ladoucette, dont la nomination en qualité de président de la Commission de Régulation de l'Énergie (CRE) est envisagée par le Président de la République. …
Mes chers collègues, notre Commission est réunie ce matin pour entendre M. Philippe de Ladoucette, dans la perspective de sa reconduction à la présidence du collège de la Commission de régulation de l'énergie, la CRE.
C'est donc le candidat au poste, et non le président de la Commission de régulation de l'énergie, que nous recevons, monsieur de Ladoucette. Ce n'est pas que nous ayons besoin de nous assurer que vous disposez des compétences nécessaires à l'exercice de la fonction à laquelle vous aspirez, puisque vous en avez apporté la preuve au cours de vos quatre années à la tête de cette institution. En revanche, la Commission des affaires économiques attend de vous que vous présentiez votre vision de la CRE, avec le recul d'un président sortant et l'ambition d'un candidat.
Ayant conscience de la réserve que vous devez garder en tant que membre encore en poste du collège de la CRE, je vous laisse juge des réponses que vous pourrez apporter aux questions des membres de cette Commission. Je suppose que, comme tout candidat, vous nous retracerez votre parcours. J'aimerais savoir, pour ma part, quelle est votre vision de l'évolution des marchés de l'énergie à court et moyen termes, dans le contexte actuel et en l'état des marchés. S'agissant des délibérations prochaines de la CRE, y a-t-il, selon vous, des points qui risquent de faire difficulté dans les relations entre EDF et les autres fournisseurs d'électricité ? Je ne vous demande pas de vous prononcer sur le prix de l'ARENH, mais pourriez-vous nous présenter les éléments dont vous tiendrez compte lorsque vous émettrez un avis sur le prix qui aura été fixé par le Gouvernement ? Comment comptez-vous mener les appels d'offres pour les projets éoliens offshore, de façon à ne pas tomber dans le piège de la lenteur et de la complexité des procédures ? Prévoyez-vous une évolution sensible du tarif d'utilisation des réseaux publics d'électricité, le TURPE, de façon à financer des investissements supplémentaires dans les réseaux publics d'électricité ?
Puisqu'il est d'usage pour un candidat de présenter en quelques mots les grandes étapes de sa carrière professionnelle, je dirai que la mienne a été consacrée successivement à trois domaines : l'aménagement du territoire, l'industrie, puis l'énergie. J'ai consacré vingt ans aux deux premiers et seize ans au dernier.
Je passerai rapidement sur la première partie de ce parcours, que j'ai essentiellement consacrée, à partir de 1974, date de mon entrée à la DATAR, aux questions de conversion industrielle, y compris sur le terrain, ayant été pendant cinq ans commissaire à l'industrialisation des Ardennes. Nous étions au lendemain du premier choc pétrolier et à l'époque des premiers plans de restructuration de la sidérurgie.
Je m'attarderai un peu plus sur la seconde période. C'est à partir de 1994 que j'entre réellement dans le monde de l'énergie en devenant président des Houillères du bassin du Centre et du Midi. Nommé président-directeur général de Charbonnages de France en février 1996, je le resterai durant dix ans, ayant été renouvelé deux fois par des gouvernements issus de deux majorités différentes. Ma mission était, dans le cadre du pacte charbonnier, d'organiser la fin de l'exploitation des mines françaises sans crise sociale. L'exploitation de la dernière mine s'est arrêtée en Lorraine, à la Houve en avril 2004, et je crois pouvoir dire qu'aussi douloureux que ce fût pour les hommes et les femmes concernées, tout s'est déroulé dans la plus grande dignité. Permettez-moi un commentaire personnel à cet égard : on ne sort pas de ce type d'expérience comme on y est entré, ne serait-ce que du fait de la richesse des expériences humaines rencontrées et de l'importance des décisions que l'on doit prendre.
Au cours de cette période, j'ai également, de 1996 à 2000, présidé la toute nouvelle filiale électrique de Charbonnages de France, la SNET. Ce fut une période passionnante, celle des premières directives européennes sur la libéralisation du secteur de l'énergie. La transposition de la directive de 1996 par la loi de 2000, qui ouvrait le marché aux gros consommateurs industriels en même temps qu'elle créait la CRE, posait la question du devenir de l'actionnariat de la SNET. Deux scénarios étaient envisagés : constituer un pôle public avec la Compagnie nationale du Rhône, la CNR, et la Société hydroélectrique du Midi, la SHEM, filiale de la SNCF, ou ouvrir le capital sur appel d'offres. C'est cette seconde voie qui fut choisie par le gouvernement en 2000, et c'est ainsi qu'ENDESA prit 30 % du capital de la SNET qui devint de ce fait la première société française de production électrique partiellement privatisée. C'était donner à la fois une perspective d'avenir au personnel et des gages à la Commission européenne. Tout en restant actionnaire principal, je laissai ensuite la présidence de la société à André Sainjon, qui mena à bien le développement de la SNET et parvint à la privatisation totale en 2004. Troisième producteur d'électricité sur le territoire national, cette société appartient désormais à E.ON.
J'en viens maintenant à la Commission de régulation de l'énergie, la CRE, dont j'ai été nommé président en avril 2006. Ayant eu l'occasion de vous rendre compte régulièrement de son activité, je voudrais simplement évoquer certains événements qui mettent en perspective les priorités d'aujourd'hui et de demain. Ces années ont été, en effet, ponctuées par quelques faits marquants pour le monde de l'énergie.
J'évoquerai d'abord l'augmentation, de 2004 à 2006, des prix de l'électricité sur le marché de gros, qui vous a conduits à instaurer le tarif réglementé transitoire d'ajustement du marché, le TaRTAM, afin d'éviter une perte de compétitivité brutale aux entreprises françaises. Cette décision est en partie à l'origine de la loi NOME, qui visait à répondre à la procédure engagée par la Commission européenne contre les tarifs réglementés, dont le TaRTAM.
Un autre fait marquant est le black-out électrique de novembre 2006, qui a touché, à partir de l'Allemagne, une grande partie de l'Europe et de la France. Cet événement a mis en lumière la nécessité d'une réelle indépendance des gestionnaires de réseaux de transport vis-à-vis de leurs maisons mères, dans le cadre d'une organisation verticalement intégrée, et a conduit la Commission européenne à défendre la séparation patrimoniale des entreprises intégrées du secteur de l'électricité. La France, parce que son système fonctionnait, et l'Allemagne, parce que le sien ne fonctionnait pas, ont défendu une option alternative, le modèle des opérateurs de transport indépendants, ITO. C'est ce modèle que la CRE aura à certifier dans les mois à venir.
Troisièmement, la crise du gaz russe, fin 2008, a révélé la vulnérabilité des pays européens et leur dépendance vis-à-vis des grands fournisseurs comme Gazprom. Cette prise de conscience a conforté la conviction qu'il fallait parachever le marché intérieur de l'énergie pour assurer sa sécurité d'approvisionnement, notamment en investissant dans les tuyaux ou en diversifiant les sources grâce à la construction de ports méthaniers permettant l'importation de gaz naturel liquide, GNL. Nous trouvons une traduction de ces préoccupations dans la troisième directive.
Quatrièmement, l'exploitation du gaz de schiste aux États-Unis a eu des conséquences sur le prix du gaz, notamment en induisant une décorrélation entre les prix des contrats à long terme, indexés sur celui du pétrole, et les prix de marché, qui ont considérablement baissé. Cette situation a conduit la CRE à réviser la formule de calcul des tarifs réglementés, en y introduisant 9 % de prix spot.
Cinquièmement, les grandes tempêtes que la France a connues ont désorganisé les réseaux de transport et de distribution, privant une partie de nos concitoyens d'électricité et de chauffage. Ces événements ont mis en exergue les questions de sécurité et de qualité des réseaux. Une mission d'information de votre commission travaille sur ce sujet, et la CRE y a consacré un rapport à la fin de l'année dernière.
Sixièmement, le discours du président Obama sur les réseaux intelligents, les smart grids, allait susciter un extraordinaire engouement en faveur de ceux-ci. En France, c'est la CRE qui s'est emparée du sujet en organisant il y a un an, à l'Assemblée, le premier colloque sur ce thème.
Il y a eu enfin – mais cette liste n'est pas exhaustive – le vote du paquet énergie-climat, au niveau européen, et du Grenelle de l'environnement, au niveau français, qui fixent un objectif de 23 % d'énergies renouvelables dans notre consommation énergétique d'ici à 2020. C'est dans ce contexte qu'il convient d'examiner les interrogations suscitées par des filières comme le photovoltaïque ou l'éolien offshore et par les coûts supportés par le consommateur au travers de la contribution au service public de l'électricité, la CSPE.
De ce passé récent découlent les grands sujets que la Commission de régulation de l'énergie va devoir traiter dans les prochains mois, voire les prochaines années, dans le cadre de la loi NOME et de la mise en oeuvre de la troisième directive.
Pour la clarté du débat, je retiendrai trois grandes priorités pour l'action de la CRE au cours des années à venir : contribuer à la sûreté des systèmes et à la sécurité d'approvisionnement ; améliorer la qualité et l'efficacité des réseaux ; créer les conditions d'une concurrence effective.
Sur le premier point, la responsabilité de la CRE sera de vérifier que la sécurité du système, tant au plan national qu'européen, est assurée par un niveau adéquat d'investissements dans les réseaux et par un nombre suffisant d'infrastructures. Le troisième paquet lui donne cette capacité en lui confiant la responsabilité d'approuver les plans d'investissement décennaux des gestionnaires de réseaux d'électricité et de gaz, en liaison avec l'Agence européenne de coopération des régulateurs de l'énergie, l'ACER, qui aura pour tâche, à partir de mars, de veiller à la cohésion de ces plans au niveau européen.
La troisième directive introduit un autre élément fondamental : l'élaboration d'un système de règles d'accès aux réseaux, communes à toute l'Europe.
Ces éléments, qui paraissent un peu obscurs, sont néanmoins très importants, notamment pour le secteur du gaz, puisqu'ils vont définir le modèle de marché au travers des mécanismes d'allocation de capacités.
Ma participation depuis cinq ans aux travaux européens me conduit à la réflexion personnelle suivante : s'il est souhaitable d'aller vers une harmonisation du marché européen de l'énergie, j'estime en revanche que la volonté d'uniformisation que l'on sent poindre au travers d'une certaine dérive technocratique, est à combattre. Je suis ainsi convaincu qu'il faut laisser aux États membres une marge de manoeuvre, afin que les spécificités des marchés nationaux soient mieux prises en compte.
J'ajouterai que l'un des grands problèmes de la construction du marché européen de l'énergie provient de l'approche différente du « mix » énergétique par la France et par l'Allemagne. Je voudrais éviter que nous connaissions dans le secteur du gaz ce qui s'est passé en matière électrique, où c'est le modèle allemand qui l'a emporté. Défendre les intérêts français : telle est la ligne de la CRE, et celle que je serai conduit à réaffirmer si je suis reconduit à sa tête.
La question de la qualité et de l'efficacité des réseaux a donné lieu à beaucoup de discussions, sinon de controverses. Il y a cependant un constat partagé : celui de la dégradation de la qualité de l'alimentation électrique. Ainsi la durée moyenne des coupures augmente depuis plusieurs années. C'est pourquoi le renforcement des outils de surveillance de cette qualité d'alimentation et du bon fonctionnement des réseaux constitue une priorité de la CRE. Lors de l'élaboration du TURPE 3, entré en vigueur le 1er août 2009 pour une durée de quatre ans, la CRE a privilégié la trajectoire d'investissement la plus favorable à l'amélioration de la qualité d'alimentation, avec 20 % d'investissements supplémentaires. ERDF a, quant à elle, prévu d'y investir au cours de cette période 3,3 milliards d'euros.
Le diagnostic de la CRE, que j'ai présenté à la mission d'information sur la sécurité des réseaux conduite par MM. Gaubert et Proriol, montre qu'il faut renouveler les réseaux basse tension aériens à fils nus et faire porter l'effort sur les réseaux haute tension de classe A (HCA) ainsi que sur les « points noirs », situés le plus souvent au niveau des queues de distribution, où les coupures sont fréquentes. Ce sera incontestablement un des principaux sujets de discussion lors de l'élaboration du TURPE 4.
L'amélioration de l'efficacité des réseaux passe également par l'utilisation des technologies de l'information et de la communication et par le développement du comptage évolué. C'est le projet Linky, sur l'expérimentation duquel la CRE aura à donner son avis en avril prochain. C'est aussi tout l'objet de la réflexion que nous avons lancée, il y a un an, sur les réseaux intelligents afin de permettre à l'ensemble des acteurs d'échanger et d'enrichir la réflexion prospective sur ce sujet. Je suis en effet convaincu que les smart grids sont un instrument d'amélioration de la qualité d'alimentation des réseaux électriques. Nous n'avons d'ailleurs pas le choix si nous voulons réussir l'insertion sur le réseau des moyens de production décentralisés, c'est-à-dire des énergies renouvelables.
Notre troisième priorité est de créer les conditions d'une concurrence effective. C'est d'abord une question de confiance, et pour avoir confiance, il faut être certain que les marchés ne sont pas manipulés. La surveillance des marchés de gros, que vous avez confiée à la CRE en 2007, apporte de ce point de vue une réponse satisfaisante.
En outre, la CRE va désormais, en liaison étroite avec l'Autorité des marchés financiers, l'AMF, surveiller le marché des permis d'émission de CO2, en vertu d'un accord de coopération signé avec Jean-Pierre Jouyet en décembre dernier. Cet accord fait de la France le premier pays européen à anticiper les dispositions du projet de règlement européen sur l'intégrité et la transparence des marchés de l'énergie, que la Commission européenne vient de rendre public. En outre, la CRE a désormais la responsabilité de surveiller le marché de détail. Elle va, enfin et surtout, mettre en oeuvre la loi NOME.
Au-delà du sujet central qu'est la fixation du prix de l'ARENH, la CRE en définira beaucoup de modalités pratiques, son nouveau collège devant prendre plus d'une dizaine de délibérations à cet égard au cours des mois de mars et avril. Il doit notamment émettre un avis sur le projet de décret que le Gouvernement lui soumettra ; rédiger l'accord-cadre, c'est-à-dire le contrat liant EDF et chacun des fournisseurs ayant droit à l'ARENH ; décider du contenu de la déclaration d'enregistrement ; définir celui du dossier de demande d'ARENH ; enfin et surtout donner un avis sur les différents arrêtés définissant les modalités de calcul des droits, la modulation du produit et, évidemment, le prix de cession.
Concernant le prix de départ, qui doit être « en cohérence » avec le TaRTAM, je rappellerai qu'il n'y a pas de définition scientifique de ce que doit être cette cohérence. En dehors du portefeuille de clients au TaRTAM, sur lequel il n'y a pas de discussion possible, la CRE étant la seule à le connaître, ce sont essentiellement deux facteurs qui déterminent le résultat : les prix de marché, dont les cotations évoluent chaque jour, et la quantité d'ARENH allouée à un portefeuille. Chaque modification apportée à l'un de ces éléments modifie le prix final. Dans une hypothèse, par exemple, de 80 % d'ARENH et de prix de marché de 55 euros en base et de 75 en pointe, comme en juin dernier, on obtient un résultat inférieur à 40 euros. En revanche, à partir des prix de marché du 14 janvier dernier – 55 euros en base et 67 en pointe, soit un écart historiquement bas – et en restant dans l'hypothèse de 80 % d'ARENH, le résultat est supérieur à 40 euros. À partir des mêmes hypothèses de prix mais avec 85 % de volume, il est supérieur à 41 euros. Avec un volume de 78 %, on est aux environs de 39 euros. Autrement dit, en fonction des hypothèses retenues, le résultat final se situe dans une fourchette comprise entre plus ou moins 38 et plus ou moins 42 euros.
Il en ressort que la « cohérence avec le TaRTAM » est fortement tributaire des hypothèses de calcul retenues. En ce qui concerne le choix des prix de marché, on peut envisager plusieurs possibilités : soit des moyennes des prix calendaires des années 2011 et 2012 à partir des années 2009 et 2010, pondérés par les volumes échangés sur les bourses, soit les prix de marché observés tel jour, soit en lissant une moyenne sur plusieurs mois, etc. La CRE mettra à disposition son expertise à cet égard.
Pour l'instant, c'est le rôle de la commission Champsaur, la CRE n'intervenant qu'en aval, en rendant un avis sur la proposition d'arrêté du Gouvernement.
Le volume alloué à un portefeuille est en fait l'élément clé de la mécanique de calcul ; il sera déterminé en fonction des dispositions figurant dans le décret de mise en oeuvre de la loi, que le Gouvernement ne nous a pas encore adressé. Ce que je peux vous dire, c'est que les équipes de la CRE sont d'ores et déjà opérationnelles sur ces questions, pour y avoir travaillé depuis plusieurs mois. Le futur collège de la CRE disposera donc de tous les éléments pour émettre un avis sur la proposition du Gouvernement et le défendre, les positions de la Commission de régulation devant toujours, je vous le rappelle, pouvoir être justifiées.
L'approche économique s'inscrira dans une seconde phase. De ce point de vue, il convient de remarquer qu'il n'y a aucun lien automatique entre le prix de l'ARENH déterminé en cohérence avec le TaRTAM et les coûts de revient de la production nucléaire d'EDF. C'est ce qui explique la divergence entre la position de M. Proglio et celle de M. Mestrallet : ils ne parlent pas de la même chose.
Sans vouloir entrer dans le détail de cette question, qui relève de la responsabilité de la commission Champsaur, on peut dire que le calcul d'un prix de l'ARENH représentatif des conditions économiques du parc nucléaire historique dépend, d'abord et essentiellement, du montant des capitaux immobilisés à rémunérer, c'est-à-dire de la valeur des actifs nucléaires historiques – qui peut varier de 15 milliards, si l'on prend la valeur comptable actuelle, à plus de 100 milliards si l'on opte pour la valeur « à neuf » – et, dans une moindre mesure, du montant et du mode de prise en compte des investissements nécessaires à la prolongation de la durée d'exploitation des réacteurs.
Je terminerai, monsieur le président, par quelques mots sur la CRE et sa gouvernance.
La CRE, c'est aussi, voire surtout, une équipe de 130 personnes, ingénieurs, économistes, mathématiciens, juristes, dont la moyenne d'âge est de trente-cinq ans, et où la parité entre hommes et femmes est totale. Je rappellerai que cette équipe dépend du président, et non du collège de la CRE, contrairement à ce que prétendent certains rapports.
Votre Commission s'est souvent préoccupée de la déontologie de la CRE et des risques de conflits d'intérêts. À cet égard, j'ai étendu à nos agents l'interdiction, qui valait déjà pour les commissaires, de vendre ou d'acheter des valeurs mobilières émises par des sociétés du secteur régulé de l'énergie. Par ailleurs, tout agent doit passer devant la commission de déontologie avant de quitter la CRE.
En ce qui concerne le collège, vous avez souhaité que le nombre de commissaires soit réduit à cinq membres à temps complet. Cette disposition va dans le bon sens : elle permettra un travail naturellement plus collégial. J'espère néanmoins pour la CRE que ce sera la dernière modification de son mode de gouvernance avant longtemps, les réformes qui se sont succédé ces cinq dernières années ne nous ayant pas facilité la tâche. Je voudrais à ce propos saluer le travail remarquable effectué par les commissaires qui ont siégé à temps partiel au cours de cette période, les femmes comme les hommes, puisque le collège dont le mandat se termine le 7 février comporte deux femmes.
Les modifications qui ont affecté la gouvernance de la CRE ces cinq dernières années, dont ceux qui sont devant vous sont en grande partie responsables, avaient pour but d'améliorer le fonctionnement de cette commission et de lui permettre de satisfaire aux exigences de la loi, et si nous avons souhaité que les commissaires siègent à temps plein, c'est pour qu'ils puissent se consacrer totalement à leur mission.
Avez-vous des propositions, d'ordre juridique ou financier, en vue d'améliorer la situation des réseaux de distribution ?
Après avoir entendu les présidents de deux entreprises majeures dans le domaine de la fourniture d'électricité, la Commission ne peut que s'interroger sur ce que devrait être le prix de l'ARENH. À en croire l'un d'eux, le régulateur aurait estimé à 31 euros le coût du mégawattheure nucléaire historique.
Vous avez raison de parler du gaz, monsieur de Ladoucette, car on n'en parle pas assez quand on parle de la CRE. Pourriez-vous être plus explicite sur la question du débat entre la France et l'Allemagne à propos de l'organisation des réseaux ?
Estimez-vous que les moyens de la CRE doivent être renforcés, pour tenir compte de ses nouvelles missions et des contraintes budgétaires pesant sur elle ? Comment voyez-vous enfin l'organisation future des régulateurs européens et le rôle que vous pourrez y jouer ?
Nous ne participerons pas au vote, par défiance, non pas à l'égard de M. de Ladoucette, mais à l'égard de ceux qui, chargés de désigner les membres de la CRE, n'ont fait aucune place aux femmes. Nous sommes en train d'étudier la compatibilité de cette désignation avec les lois en vigueur. En effet, nous disposons désormais d'un important corpus de textes, certains de niveau constitutionnel, imposant le respect du principe de la parité dans les instances de la République, et une autorité de régulation, émanation de la loi, se doit de respecter ce principe, comme le fait l'Autorité de régulation des communications électroniques, l'ARCEP, dont le collège compte des femmes en son sein.
On peut se demander par ailleurs si le commissaire du Gouvernement à la CRE, qui a théoriquement le pouvoir d'intervenir dans l'ordre du jour, sert réellement à quelque chose. Fait-il parfois acte de présence ? Comment se comporte-t-il ? Votre expérience nous est d'autant plus utile que le Gouvernement vient de décider de créer un tel poste à l'ARCEP.
Quelles relations voulez-vous entretenir avec le médiateur de l'énergie ? Que pensez-vous du stop-and-go dans le domaine du photovoltaïque ? Comment comptez-vous faire de l'efficacité énergétique un élément de régulation du secteur ? Je rappelle que, selon la Commission européenne, l'Union européenne ne parviendra pas à atteindre l'objectif qu'elle lui avait assigné d'accroître de 20 % son efficacité énergétique d'ici à 2020.
Vous nous avez dit vouloir faire de la sécurité des réseaux l'une de vos priorités. Il est vrai que des événements comme la tempête Klaus en 2009 nous ont rappelé la dure réalité de l'électro-dépendance et ont fait clairement apparaître la vulnérabilité de nos réseaux de distribution. Cependant, je ne vois pas très bien ce que vous pouvez changer à cet état de fait, que nous devons à un niveau d'investissement insuffisant de 1999 à 2005. Hormis l'examen des plans d'investissement, compétence qui vous a été confiée par les directives européennes, de quels moyens disposez-vous pour y remédier ?
Je voudrais également savoir ce que vous comptez faire en matière de photovoltaïque, domaine sur lequel vous êtes resté discret alors qu'il soulève des problèmes de régulation. Comptez-vous émettre un avis sur le rapport que MM. Charpin et Trink doivent rendre le 11 février ? L'objectif, défini par le Gouvernement, de 500 mégawatts connectés chaque année permet-il un bon équilibre entre le développement de la filière et le coût supporté par la CSPE ? Je serais pour ma part plutôt favorable à un objectif situé entre 800 et 1 000 mégawatts.
Le développement de cette filière pose par ailleurs d'évidents problèmes de concurrence, EDF étant juge et partie dans cette affaire : les projets de sa filiale EDF-Énergies nouvelles occupent plus de 30 % de la file d'attente, et c'est à ERDF qu'il revient d'accepter ou de refuser les demandes de raccordement.
Avec le prix de l'ARENH, notre Commission a décroché le pompon ! D'un côté, M. Mestrallet, se plaçant du point de vue de la comptabilité analytique, nous explique que le coût de revient du mégawattheure nucléaire est 30 ou 31 euros. De l'autre côté, M. Proglio nous affirme que fixer un prix inférieur à 42 euros reviendrait à livrer EDF au pillage ! Nous, les centristes, avions souligné les risques de conflit d'intérêts, l'État, actionnaire à 87 % d'EDF, étant juge et partie, et nous avions demandé en conséquence qu'il se dessaisisse de cette compétence au profit de la CRE. La question est de savoir si vous avez les moyens de l'exercer. À ce propos, je n'ai pas très bien compris comment vous étiez parvenu à un résultat situé entre plus ou moins 38 et plus ou moins 42 euros.
J'aimerais savoir enfin à quel moment vous interviendrez dans le processus de décision.
À l'instar de mes collègues du groupe socialiste, je ne participerai pas au vote, non pas à cause de l'absence de femmes au sein de la CRE – encore qu'elle justifie pleinement cette décision, voire un vote négatif –, ni à cause d'une opposition à la personne de M. de Ladoucette, mais pour une raison de principe : notre groupe considère que, par leur importance au plan social et économique, les questions énergétiques, en particulier celles relatives à l'électricité, ne relèvent pas de la compétence d'une autorité dite « indépendante », mais de l'État.
Quelle serait l'incidence d'un prix de l'ARENH compris entre 38 et 42 euros sur le niveau des tarifs régulés ?
Êtes-vous favorable au maintien de ces tarifs ? Il n'est pas indifférent de connaître la position du président de la CRE, à un moment où on parle d'attribution automatique d'un tarif social de l'énergie aux ménages en grande précarité, ce qui pourrait laisser craindre la suppression des tarifs régulés dans tous les autres cas.
J'ai été surpris de vous entendre dire, monsieur de Ladoucette, qu'assurer les conditions d'une concurrence effective figurait au nombre de vos priorités. Notre objectif ne doit pas être la concurrence pour la concurrence. Je pense, en tant qu'élu, que la concurrence doit être au service de l'économie et du budget des ménages : je n'y suis favorable que dans la mesure où elle contribue à faire baisser les prix.
Par ailleurs, j'aimerais connaître votre définition des réseaux dits intelligents. S'agit-il exclusivement de la communication par fibres optiques, ou ces réseaux peuvent-ils incorporer du câblage électrique ? Y a-t-il un risque de concurrence entre les deux technologies, provoquant un surinvestissement dans certains secteurs au détriment d'autres ? Peut-il y avoir des complémentarités ?
Vous nous avez rappelé que le rôle de la CRE présente de multiples facettes, au service d'un unique objectif : les énergies, dans toute leur variété et sous tous leurs aspects, notamment économiques. Vous contribuez en effet, par vos avis, à la fixation d'un prix de l'énergie qui tienne compte des coûts réels, et les rapports de votre commission constituent une mine d'informations à ce sujet. De ce point de vue, la Commission de régulation n'est pas seulement utile à l'information du Parlement, mais également à la protection du consommateur, qu'il soit domestique ou industriel, du citoyen et du contribuable, et donc aux intérêts de la France au sens large.
Votre parcours personnel, monsieur de Ladoucette, témoigne d'ailleurs de la force de votre engagement pour la res publica. Cette audition est l'occasion de faire valoir votre conception d'une institution voulue par le Parlement et dotée d'une indépendance incontestable.
Quel est votre sentiment sur les gaz de schistes, dont on dit que leur exploitation permettrait de couvrir largement la consommation de la France pendant de nombreuses décennies ?
La concurrence a-t-elle vraiment sa place dans le marché de l'énergie tel qu'il existe actuellement ?
Ne pensez-vous pas que la CSPE souffre de la maladie de la subvention, celle-ci devenant une incitation à la spéculation ?
Je souhaite m'élever à mon tour contre l'absence de toute femme au sein du nouveau collège de la CRE. Les questions d'énergie seraient-elles réservées à la haute intelligence masculine ?
Vous nous aviez dit, à l'occasion d'une audition précédente, que le prix de l'ARENH devait permettre à EDF d'assurer le financement du parc de production existant, du démantèlement du parc ancien et de la gestion des déchets, ainsi que des investissements nécessaires pour prolonger l'exploitation des centrales et pour renouveler l'outil de production. Vous avancez aujourd'hui une fourchette de prix comprise entre 38 et 42 euros, en vous laissant une certaine marge de manoeuvre. Or M. Proglio nous a dit la semaine dernière que passer de 46 à 42 euros coûterait dix milliards d'euros à EDF en quatre ans. Pourriez-vous revenir sur ce point ?
Nous aimerions par ailleurs savoir comment vous comptez garantir le caractère confidentiel des informations que les compteurs Linky pourraient permettre de recueillir à propos des usagers. Je rappelle que notre groupe avait, à l'occasion de la loi NOME, exprimé son souhait que la CNIL donne son avis sur l'installation de tels compteurs.
Le conflit entre EDF et GDF Suez à propos du prix de l'ARENH ne trouve-t-il pas son origine dans une appréciation divergente du taux de disponibilité des centrales nucléaires, l'un de ces grands opérateurs l'estimant à 90 % et l'autre le situant entre 75 et 80 % ? À 200 millions d'euros le point de disponibilité, l'écart n'est pas mince !
Nous ne pouvons que souscrire à vos propos sur la qualité des réseaux, mais n'est-ce pas avant tout un problème de volonté politique et de moyens ?
S'agissant de la fourniture de gaz, ne conviendrait-il pas de revoir les contrats à long terme, compte tenu du bouleversement du marché mondial induit par l'essor de l'exploitation du shale gas aux États-Unis ?
Je suis tout autant que vous favorable à une harmonisation du marché européen de l'énergie qui ne soit pas une uniformisation, mais qui tienne compte des spécificités de chaque pays, en matière de consommation comme de production.
J'aimerais enfin connaître votre avis sur les charges de plus en plus considérables qui alourdissent la CSPE, au bénéfice parfois de la spéculation.
C'est au nom du principe de la parité, défendu par François Brottes, que, nonobstant vos qualités, monsieur de Ladoucette, je voterai contre votre nomination. Si je vais plus loin que M. Brottes, c'est que nous avons voté à l'unanimité un texte imposant cette parité dans les conseils d'administration des entreprises du CAC 40. Je regrette beaucoup que la majorité ait refusé que nous étendions cette obligation aux grands organismes d'État. Je déplore également que notre Commission n'ait eu à se prononcer sur aucune proposition de nomination d'une femme à un emploi relevant de l'article 13 de la Constitution : le Président de la République devrait lui-même montrer l'exemple, en proposant des candidatures féminines. Bien au contraire, l'une des rares à occuper un tel emploi est actuellement sur la sellette.
Je rappelle que la loi relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d'administration et de surveillance, qui a été promulguée en janvier, ne concerne pas les autorités administratives indépendantes.
Je tiens à préciser, que, sans remettre en cause la nécessité de la parité, je voterai en faveur de votre nomination, monsieur de Ladoucette, bien que vous soyez un homme !
Pouvez-vous nous démontrer que vous avez la capacité de résister aux pressions des lobbies ? S'agissant, par exemple, du prix de rachat de l'électricité produite par cogénération, les très grosses unités de production sont naturellement mieux armées que les petites pour faire valoir leurs arguments.
Tout le monde sait qu'il faudrait augmenter le prix de rachat de l'électricité issue d'installations de méthanisation pour que celles-ci deviennent rentables mais, outre que ce serait une forme de subvention, est-il économiquement justifié de développer cette filière en s'inspirant de l'Allemagne, sachant que, dans ce pays, seulement 30 % environ de l'électricité est d'origine du nucléaire, contre plus de 80 % en France ?
Je voudrais, monsieur de Ladoucette, apporter un bémol aux propos que vous avez tenus sur le pacte charbonnier. Je ne pense pas en effet que la réindustrialisation des bassins miniers, deuxième volet du pacte, ait été à la hauteur des attentes des intéressés.
S'agissant du prix de l'ARENH, M. Proglio nous déclarait la semaine dernière que le nucléaire français n'était pas en solde, et que lui n'était pas là pour brader le patrimoine national. Que pensez-vous de ces déclarations ? N'avez-vous pas le sentiment de jouer le rôle du juge de paix entre des acteurs de l'énergie à l'appétit grandissant dans un environnement de plus en plus concurrentiel ?
Comment la CRE peut-elle prendre en compte les intérêts du consommateur dans la régulation de l'énergie ?
Quel est, à la lumière de votre expérience dans l'aménagement du territoire puis dans l'industrie, votre sentiment sur la dégradation de l'alimentation en électricité, et surtout sur ses causes ? S'agissant des réseaux intelligents, la CRE a-t-elle déjà identifié des technologies qui lui paraissent plus performantes que d'autres ?
La filière nucléaire française est la meilleure au monde. Que pensez-vous des coups de boutoir dont elle est l'objet ? Enfin, quel est votre avis sur les différents types d'énergies renouvelables et sur les opérations purement financières auxquelles ont pu donner lieu l'éolien – des parcs sont vendus et revendus plusieurs fois avant même la construction de la première éolienne – ou le photovoltaïque ?
Le modèle du futur commissaire du Gouvernement de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) est calqué sur celui de la CRE : il a ainsi le pouvoir d'inscrire des points à l'ordre du jour et de prendre part aux débats. Je voudrais donc savoir comment font concrètement le commissaire du Gouvernement et le président de la CRE pour gérer d'éventuels conflits d'intérêts sur des sujets essentiels.
Je voterai pour votre reconduction, monsieur de Ladoucette. Quels sont les instruments dont vous disposez et les pistes auxquelles vous pensez pour instaurer une concurrence saine ? Quel est le calendrier pour l'application de la loi NOME ? Quelle est enfin votre position face aux revendications d'EDF et des fournisseurs alternatifs d'électricité ?
Vous avez rapidement évoqué l'importance prise par le gaz de schiste aux États-Unis. Dans notre pays, le débat est lancé : des permis d'exploitation ont été délivrés dans plusieurs régions, suscitant quelques remous. Quel est votre sentiment quant à l'intérêt de l'exploitation en France et aux conséquences de toutes sortes qui en découleraient ?
Commençons par le commissaire du Gouvernement qui, à la CRE, peut depuis l'origine participer à la préparation des débats et introduire des points dans l'ordre du jour. Pour ce qui nous concerne – il n'est pas question d'en tirer des conclusions pour l'ARCEP –, sa présence constitue un avantage. Je regrette d'ailleurs que nous ne l'ayons pratiquement pas vu depuis deux ans… Lorsqu'il est là, l'échange nous permet à la fois de comprendre pourquoi le Gouvernement a choisi telle orientation et de lui faire savoir, le cas échéant, pourquoi nous ne sommes pas d'accord. Cette présence n'a jamais été considérée comme une intrusion ou comme un moyen de pression et je ne connais pas de cas où le commissaire du Gouvernement ait demandé d'inscrire un point à l'ordre du jour.
La CRE a émis des avis souvent négatifs sur les propositions du Gouvernement en matière de tarif de rachat des énergies renouvelables, surtout pour ce qui est de l'éolien et du photovoltaïque. Si ce dialogue en amont avait eu lieu, nous aurions peut-être pu le convaincre d'éviter certaines décisions qui ont abouti à des bulles spéculatives. En l'absence du commissaire du Gouvernement, j'ai dû prendre son relais : j'ai discuté avec les cabinets des ministères concernés et leur ai expliqué la position de la CRE. Pour le photovoltaïque, c'était un peu tard mais je continue ce travail de persuasion pour les autres énergies renouvelables.
Le Parlement et le Gouvernement ayant fait le choix de porter à 23 % de la consommation finale la part de ces énergies renouvelables, il faut maintenant, quoi qu'on en pense, atteindre cet objectif, en s'appuyant principalement sur l'éolien, notamment offshore. Un tel choix politique a un coût. C'est une question de transparence que de dire au consommateur : « Vous êtes pour, on va le faire mais cela aura telle et telle conséquence ».
Mme Kosciusko-Morizet a fait preuve d'une grande honnêteté en indiquant ce qu'impliquait le développement de l'éolien offshore pour l'évolution de la CSPE entre 2015 et 2020. Si on avait fait la même chose pour le photovoltaïque, on aurait peut-être limité la bulle spéculative : il représentait 64 millions de la CSPE en 2009, 360 millions en 2010 et on en sera à 997 millions en 2011 ! Cette croissance phénoménale a amené la CRE à proposer de faire passer la CSPE de 4,70 euros par mégawattheure à 12,9 – soit une augmentation de la facture du consommateur final de l'ordre de 12 %. Fort heureusement, un amendement parlementaire a limité l'augmentation à 3 euros par mégawattheure. Mais il est clair que, au vu des choix ont qui ont été faits, la CSPE ne va pas cesser d'augmenter jusqu'en 2014.
Toujours au sujet du photovoltaïque, il existe un débat entre tarif de rachat fixe et appels d'offres. Pour ce qui est des grands projets, c'est-à-dire des installations de plus de 36 kilovoltampères, la CRE est plutôt favorable à l'appel d'offres : cela permettra de limiter les projets et de maîtriser les coûts. En revanche, pour les petites toitures, le prix de rachat garanti convient mieux, dans la mesure où de tels projets ne représentent pas des volumes de production importants. Les installations sur les grandes toitures – surfaces commerciales ou industrielles par exemple – présentent, elles, un véritable risque de dérapage si l'on en reste au prix garanti. Nous penchons donc plutôt pour l'appel d'offres. C'est ce que j'indiquerai aux ministres, M. Besson et Mme Kosciusko-Morizet, dans les heures qui viennent.
Pour ce qui est de l'appel d'offres sur l'éolien offshore, nous n'avons encore rien reçu. Ce qui est sûr, c'est que ce sera très lourd – 50 pages de cahier des charges – et très complexe, parce qu'il faudra évaluer non seulement les aspects économiques des projets, mais aussi leurs conséquences sur la faune et la flore marines. Or, malgré l'immense qualité des hommes et des femmes qui animent notre commission, nous n'avons pas de grand spécialiste de ces sujets. Nous serons donc sans doute obligés de faire appel à des organismes spécialisés, afin d'éviter que notre classement puisse être contesté devant le Conseil d'État. Le classement des offres doit en effet être parfaitement objectif : il s'effectue de façon assez automatique, en fonction des critères à prendre en compte – et, pour éviter les mêmes problèmes juridiques, le ministre le conserve généralement tel quel. Nous sommes soucieux de conserver ce niveau de fiabilité pour des projets dont certains aspects sortent de nos compétences habituelles.
Les divergences entre MM. Proglio et Mestrallet me semblent résulter de ce qu'ils ne parlent pas de la même chose. Pour M. Proglio, un prix de l'ARENH inférieur à 42 euros – montant assurant une cohérence avec le TaRTAM – coûterait de l'argent à EDF. Pour M. Mestrallet, il ne doit pas dépasser 35 euros parce que la CRE elle-même a évalué le prix du ruban nucléaire à 31 euros. Mais ce sont des concepts totalement différents. Parler du ruban nucléaire, c'est parler des tarifs réglementés, lesquels couvrent les coûts comptables historiques d'EDF, mais pas ceux de l'allongement de la durée de vie des réacteurs. L'une des raisons essentielles d'ailleurs de la différence de calcul entre le nucléaire français et le belge est le taux de disponibilité – 78 % contre 90 % pour Electrabel, un taux que la France ne pourra sans doute jamais atteindre parce qu'elle n'utilise pas le nucléaire uniquement en base. La meilleure performance que nous pourrions réaliser se situe autour de 85 %. La cohérence avec le TaRTAM, elle, n'inclut aucun calcul économique : c'est juste un concept. Le calcul économique ne vient qu'après. Il sera fonction de l'estimation de la valeur des actifs d'EDF, entre la valeur comptable de 15 milliards et la valeur à neuf de plus de 100 milliards, et ce travail revient à la commission Champsaur.
Pour ce qui est du calendrier, il débutera avec le rapport de cette dernière. Ensuite, le Gouvernement déterminera le prix de l'ARENH par arrêté et le soumettra pour avis à la CRE, avant de prendre l'arrêté final. Telle sera la procédure pour les trois ans qui viennent. Cette période écoulée, la procédure s'inversera : c'est la CRE qui proposera le prix, considéré comme acquis sauf opposition du Gouvernement dans les trois mois. Enfin, au 1er janvier 2016, la CRE sera chargée de la détermination du tarif réglementé pour les résidentiels – les tarifs vert et jaune disparaissant. Ce tarif sera fonction de plusieurs composantes : l'ARENH, le prix du marché – pour environ 20 % –, l'acheminement – c'est le TURPE – et la CSPE. L'ensemble de ses éléments pousse le prix à la hausse. Ce n'est pas le fait de la loi NOME : on ne peut pas à la fois couvrir les besoins d'investissement dans les réseaux, développer les énergies renouvelables et financer la poursuite de l'exploitation d'EDF sans cette augmentation. Et cette situation n'est pas propre à la France : il est admis que le monde est entré dans une période d'énergie chère, parce que rare. Une des conclusions du Conseil mondial de l'énergie de Montréal, en septembre dernier, est que nous aurons besoin de toutes les énergies – nucléaire, thermique, renouvelables – pour limiter le décalage entre l'offre et la demande, notamment dans les pays dits émergents.
Pour ce qui est du gaz de schiste, il est vrai que les États-Unis ont complètement changé la donne. Le gaz naturel liquéfié qui leur était destiné se trouve aujourd'hui en surplus, ce qui provoque une baisse du prix sur le marché « gaz-gaz ». D'où l'intérêt de tenir compte aussi du marché dans la formule de calcul des tarifs réglementés… Alors, GDF Suez doit-il renégocier avec ses fournisseurs pour remplacer ses contrats à long terme fondés sur l'indice du pétrole par des transactions spot ? Il essaye, mais l'Algérie, la Russie ou la Norvège sont assez peu enclines à accepter. Gazprom notamment répond que, si nous ne voulons pas de son gaz, la Chine est toute prête à le lui acheter… Les producteurs sont pour l'instant en position de force et je ne pense pas que GDF Suez puisse dépasser les 15 %, et peut-être un jour 20 %, d'indexation sur les prix spot dans ses contrats approvisionnements. Au reste, l'accès aux marchés spot ne garantit en rien une baisse permanente des tarifs réglementés : il y a une forte incertitude sur l'évolution du prix du gaz au-delà de deux ans. Total, par exemple, estime que cette sorte de bulle de surproduction disparaîtra en 2013 et que les prix « gaz-gaz » rejoindront ceux du pétrole. Bref, la présence de prix spot dans les tarifs présente l'avantage de refléter les conditions d'approvisionnement de GDF Suez, mais n'est en aucun cas une martingale pour faire baisser le prix payé par les consommateurs.
Enfin, la question des réseaux de distribution, autrement dit du TURPE, est un sujet essentiel. Quels sont les moyens d'action de la CRE ? À la grande différence de ce qui se passe pour le réseau de transport, nous n'avons pas là à approuver les programmes d'investissement. C'est un domaine compliqué, où interviennent à la fois ERDF, les collectivités locales, l'État et la CRE, et je n'ai pas encore trouvé de formule qui permette de satisfaire les intérêts de chacun. J'attends beaucoup du rapport parlementaire pour connaître la vision des élus, dans un contexte de relations extrêmement difficiles entre la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies et ERDF. Nous avons un réel besoin d'investissements, qui se traduit automatiquement par une augmentation du TURPE, et au final des tarifs réglementés. Comme pour les énergies renouvelables, il faudra une opération vérité : combien les Français sont-ils disposés à payer pour améliorer la qualité de la distribution, sachant que, malgré une détérioration, elle reste dans les quatre meilleures au niveau européen ? Donnée complémentaire : le réseau de distribution allemand est de meilleure qualité que le nôtre, mais coûte 60 % de plus… Le choix sera donc, une nouvelle fois, politique.
Je vous remercie et ne doute pas que nous reparlerons de tout cela dans un futur proche si vous êtes reconduit dans vos fonctions. Je voudrais simplement revenir sur le photovoltaïque : vous préconisez de recourir aux appels d'offres pour les projets supérieurs à 36 kilovoltampères, afin de maîtriser l'augmentation de la CSPE. C'est votre rôle. Mais, en tant que président de la Commission des affaires économiques, je suis soucieux de l'intérêt de toutes ces entreprises qui se sont créées en dehors de toute bulle spéculative et qui seront désavantagées, pour des projets de cette puissance, face aux sociétés plus importantes. Il faut penser à l'emploi dans ce secteur.
Je prends bonne note de votre remarque, en vue du courrier que je vais adresser aux ministres prochainement sur ce sujet.
Il est procédé au vote sur la nomination à la présidence de la CRE de M. Philippe de Ladoucette par appel nominal et à bulletins secrets.
Pour : 18
Contre : 2
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Informations relatives à la commission