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Intervention de Philippe de Ladoucette

Réunion du 2 février 2011 à 10h00
Commission des affaires économiques

Philippe de Ladoucette :

Mme Kosciusko-Morizet a fait preuve d'une grande honnêteté en indiquant ce qu'impliquait le développement de l'éolien offshore pour l'évolution de la CSPE entre 2015 et 2020. Si on avait fait la même chose pour le photovoltaïque, on aurait peut-être limité la bulle spéculative : il représentait 64 millions de la CSPE en 2009, 360 millions en 2010 et on en sera à 997 millions en 2011 ! Cette croissance phénoménale a amené la CRE à proposer de faire passer la CSPE de 4,70 euros par mégawattheure à 12,9 – soit une augmentation de la facture du consommateur final de l'ordre de 12 %. Fort heureusement, un amendement parlementaire a limité l'augmentation à 3 euros par mégawattheure. Mais il est clair que, au vu des choix ont qui ont été faits, la CSPE ne va pas cesser d'augmenter jusqu'en 2014.

Toujours au sujet du photovoltaïque, il existe un débat entre tarif de rachat fixe et appels d'offres. Pour ce qui est des grands projets, c'est-à-dire des installations de plus de 36 kilovoltampères, la CRE est plutôt favorable à l'appel d'offres : cela permettra de limiter les projets et de maîtriser les coûts. En revanche, pour les petites toitures, le prix de rachat garanti convient mieux, dans la mesure où de tels projets ne représentent pas des volumes de production importants. Les installations sur les grandes toitures – surfaces commerciales ou industrielles par exemple – présentent, elles, un véritable risque de dérapage si l'on en reste au prix garanti. Nous penchons donc plutôt pour l'appel d'offres. C'est ce que j'indiquerai aux ministres, M. Besson et Mme Kosciusko-Morizet, dans les heures qui viennent.

Pour ce qui est de l'appel d'offres sur l'éolien offshore, nous n'avons encore rien reçu. Ce qui est sûr, c'est que ce sera très lourd – 50 pages de cahier des charges – et très complexe, parce qu'il faudra évaluer non seulement les aspects économiques des projets, mais aussi leurs conséquences sur la faune et la flore marines. Or, malgré l'immense qualité des hommes et des femmes qui animent notre commission, nous n'avons pas de grand spécialiste de ces sujets. Nous serons donc sans doute obligés de faire appel à des organismes spécialisés, afin d'éviter que notre classement puisse être contesté devant le Conseil d'État. Le classement des offres doit en effet être parfaitement objectif : il s'effectue de façon assez automatique, en fonction des critères à prendre en compte – et, pour éviter les mêmes problèmes juridiques, le ministre le conserve généralement tel quel. Nous sommes soucieux de conserver ce niveau de fiabilité pour des projets dont certains aspects sortent de nos compétences habituelles.

Les divergences entre MM. Proglio et Mestrallet me semblent résulter de ce qu'ils ne parlent pas de la même chose. Pour M. Proglio, un prix de l'ARENH inférieur à 42 euros – montant assurant une cohérence avec le TaRTAM – coûterait de l'argent à EDF. Pour M. Mestrallet, il ne doit pas dépasser 35 euros parce que la CRE elle-même a évalué le prix du ruban nucléaire à 31 euros. Mais ce sont des concepts totalement différents. Parler du ruban nucléaire, c'est parler des tarifs réglementés, lesquels couvrent les coûts comptables historiques d'EDF, mais pas ceux de l'allongement de la durée de vie des réacteurs. L'une des raisons essentielles d'ailleurs de la différence de calcul entre le nucléaire français et le belge est le taux de disponibilité – 78 % contre 90 % pour Electrabel, un taux que la France ne pourra sans doute jamais atteindre parce qu'elle n'utilise pas le nucléaire uniquement en base. La meilleure performance que nous pourrions réaliser se situe autour de 85 %. La cohérence avec le TaRTAM, elle, n'inclut aucun calcul économique : c'est juste un concept. Le calcul économique ne vient qu'après. Il sera fonction de l'estimation de la valeur des actifs d'EDF, entre la valeur comptable de 15 milliards et la valeur à neuf de plus de 100 milliards, et ce travail revient à la commission Champsaur.

Pour ce qui est du calendrier, il débutera avec le rapport de cette dernière. Ensuite, le Gouvernement déterminera le prix de l'ARENH par arrêté et le soumettra pour avis à la CRE, avant de prendre l'arrêté final. Telle sera la procédure pour les trois ans qui viennent. Cette période écoulée, la procédure s'inversera : c'est la CRE qui proposera le prix, considéré comme acquis sauf opposition du Gouvernement dans les trois mois. Enfin, au 1er janvier 2016, la CRE sera chargée de la détermination du tarif réglementé pour les résidentiels – les tarifs vert et jaune disparaissant. Ce tarif sera fonction de plusieurs composantes : l'ARENH, le prix du marché – pour environ 20 % –, l'acheminement – c'est le TURPE – et la CSPE. L'ensemble de ses éléments pousse le prix à la hausse. Ce n'est pas le fait de la loi NOME : on ne peut pas à la fois couvrir les besoins d'investissement dans les réseaux, développer les énergies renouvelables et financer la poursuite de l'exploitation d'EDF sans cette augmentation. Et cette situation n'est pas propre à la France : il est admis que le monde est entré dans une période d'énergie chère, parce que rare. Une des conclusions du Conseil mondial de l'énergie de Montréal, en septembre dernier, est que nous aurons besoin de toutes les énergies – nucléaire, thermique, renouvelables – pour limiter le décalage entre l'offre et la demande, notamment dans les pays dits émergents.

Pour ce qui est du gaz de schiste, il est vrai que les États-Unis ont complètement changé la donne. Le gaz naturel liquéfié qui leur était destiné se trouve aujourd'hui en surplus, ce qui provoque une baisse du prix sur le marché « gaz-gaz ». D'où l'intérêt de tenir compte aussi du marché dans la formule de calcul des tarifs réglementés… Alors, GDF Suez doit-il renégocier avec ses fournisseurs pour remplacer ses contrats à long terme fondés sur l'indice du pétrole par des transactions spot ? Il essaye, mais l'Algérie, la Russie ou la Norvège sont assez peu enclines à accepter. Gazprom notamment répond que, si nous ne voulons pas de son gaz, la Chine est toute prête à le lui acheter… Les producteurs sont pour l'instant en position de force et je ne pense pas que GDF Suez puisse dépasser les 15 %, et peut-être un jour 20 %, d'indexation sur les prix spot dans ses contrats approvisionnements. Au reste, l'accès aux marchés spot ne garantit en rien une baisse permanente des tarifs réglementés : il y a une forte incertitude sur l'évolution du prix du gaz au-delà de deux ans. Total, par exemple, estime que cette sorte de bulle de surproduction disparaîtra en 2013 et que les prix « gaz-gaz » rejoindront ceux du pétrole. Bref, la présence de prix spot dans les tarifs présente l'avantage de refléter les conditions d'approvisionnement de GDF Suez, mais n'est en aucun cas une martingale pour faire baisser le prix payé par les consommateurs.

Enfin, la question des réseaux de distribution, autrement dit du TURPE, est un sujet essentiel. Quels sont les moyens d'action de la CRE ? À la grande différence de ce qui se passe pour le réseau de transport, nous n'avons pas là à approuver les programmes d'investissement. C'est un domaine compliqué, où interviennent à la fois ERDF, les collectivités locales, l'État et la CRE, et je n'ai pas encore trouvé de formule qui permette de satisfaire les intérêts de chacun. J'attends beaucoup du rapport parlementaire pour connaître la vision des élus, dans un contexte de relations extrêmement difficiles entre la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies et ERDF. Nous avons un réel besoin d'investissements, qui se traduit automatiquement par une augmentation du TURPE, et au final des tarifs réglementés. Comme pour les énergies renouvelables, il faudra une opération vérité : combien les Français sont-ils disposés à payer pour améliorer la qualité de la distribution, sachant que, malgré une détérioration, elle reste dans les quatre meilleures au niveau européen ? Donnée complémentaire : le réseau de distribution allemand est de meilleure qualité que le nôtre, mais coûte 60 % de plus… Le choix sera donc, une nouvelle fois, politique.

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