Examen du rapport d'information sur la mission d'information « Aide au développement : quel équilibre entre multilatéralisme et bilatéralisme ? »
La séance est ouverte à dix-heures quinze.
La France est parmi les tout premiers contributeurs de l'aide publique au développement. Elle se place, selon l'OCDE, en volume, au deuxième rang derrière les Etats-Unis, et au 11e rang en terme de RNB. Nous y consacrons en effet des sommes considérables, puisque nous avons déclaré au Comité d'aide au développement, CAD, quelque 8,9 milliards d'euros à ce titre en 2009.
Cela étant, nous avons aussi en mémoire les conclusions du rapport au Premier ministre de notre collègue Henriette Martinez, qui avait notamment mis en lumière la complexité du système, parfois son incohérence, et la difficulté de lire cette politique publique. Surtout, nous avons tous le sentiment diffus que notre APD transite aujourd'hui essentiellement par nos contributions aux institutions multilatérales ou européennes et que ce déséquilibre a conduit à une perte de nos marges de manoeuvre, comme de l'influence et de la visibilité que notre pays retirait auparavant de son action, préoccupations qui ont motivé la constitution de cette Mission.
Je laisserai naturellement à Nicole Ameline la primeur de la présentation des conclusions de la Mission, mais je voudrais vous détailler notre démarche et l'architecture générale du rapport.
Nous avons auditionné à Paris plus d'une trentaine de personnalités et de spécialistes de l'aide au développement et nous avons effectué cinq déplacements, au Vietnam, en Tunisie, aux Etats-Unis, en République démocratique du Congo, ainsi qu'à Bruxelles. Ce choix de destinations traduit notre approche : il était en premier lieu essentiel que nous nous rendions sur place pour entendre ce que les pays bénéficiaires de notre aide ont à nous dire de notre politique de coopération, connaître le regard qu'ils portent sur ses instruments, et l'appréciation qu'ils ont de l'action des autres acteurs de l'aide internationale et notamment des institutions multilatérales, en termes de réponse à leurs attentes et d'efficacité.
Nous avons choisi trois pays différents et avec lesquels nous avons des liens étroits : le Vietnam, en premier lieu, futur pays émergent, et la Tunisie, pays en transition et très proche de nous. Les enjeux et les problématiques de développement y sont différents, mais la relation avec la France est dans chaque cas forte et elle conditionne la nature de la coopération qu'on y met en oeuvre. La République démocratique du Congo, ensuite, géant de l'Afrique, premier pays francophone, en sortie de crise, - si ce n'est même toujours en crise -, et encore aujourd'hui dans la catégorie des pays les moins avancés. Les perspectives y sont évidemment tout autres, ce qui affecte la nature même de la coopération que l'on peut avoir et des instruments que l'on peut mettre en oeuvre.
Les autres déplacements avaient surtout pour finalité d'étudier en détail le multilatéral. Nous avons pour cela rencontré les autorités des principales organisations internationales qui interviennent dans le champ de l'APD : aux Etats-Unis, le système des Nations Unies, la Banque mondiale, la Banque interaméricaine de développement ainsi que le FMI. Nous avons profité de notre séjour à Washington pour rencontrer les responsables de l'agence américaine de développement, l'USAID, le Département du Trésor, le Département d'Etat, le Congrès ou encore la Fondation Bill et Melinda Gates, qui est devenue un acteur fondamental de l'aide au développement au niveau mondial et engage des budgets aujourd'hui équivalents à ceux de l'OMS.
Notre déplacement à Tunis était également motivé par la présence de la Banque africaine de développement qui y a transféré « provisoirement » son siège d'Abidjan il y a bientôt une dizaine d'années en attendant la fin des troubles en Côte d'Ivoire. Enfin, nous avons fait le déplacement de Bruxelles pour nous entretenir avec les responsables de la politique européenne de coopération qui représente une part majeure de nos contributions.
J'ajoute que nous avons aussi systématiquement cherché à rencontrer les responsables des autres coopérations bilatérales et multilatérales sur le terrain, de manière à pouvoir comparer leurs perceptions sur la thématique de l'articulation entre bilatéralisme et multilatéralisme et entendre leurs analyses sur nos préoccupations. Nous avons ainsi pu recueillir les impressions des autorités de la Banque asiatique de développement et du ministère britannique de la coopération, (DFID), au Vietnam, celles des ambassadeurs belge, chinois et britannique en RDC, ainsi que du représentant de la Banque mondiale en Tunisie.
Le rapport que les membres de la Mission ont adopté lors de leur dernière réunion, se présente en trois parties.
La première partie propose une mise en situation et en perspective de l'APD. Il nous a en effet tout d'abord paru nécessaire de remettre l'aide au développement dans son contexte historique et de commencer par présenter les origines des politiques d'aide au développement telles qu'elles ont été instaurées après les indépendances et telles qu'elles ont depuis lors évolué.
Il était opportun de rappeler que l'APD est une politique publique qui repose, dans l'ensemble des pays occidentaux, sur deux piliers parallèles : la solidarité internationale du Nord envers le Sud, d'une part, et la politique de sécurité nationale et d'intérêt national d'autre part. La solidarité internationale a été réaffirmée avec force au tournant des années 2000 avec l'adoption des Objectifs du Millénaire pour le Développement par l'Assemblée générale des Nations Unies. Ces objectifs se sont alors imposés pour donner à la coopération internationale une tonalité nette en faveur de la réduction de la pauvreté, qu'elle n'avait pas auparavant. Ils constituent depuis plus de dix ans les critères sur lesquels les efforts des bailleurs sont jugés. Le sommet qui s'est tenu à New York en septembre dernier a rappelé avec force l'engagement de la communauté internationale vers ces objectifs pour qu'ils soient atteints d'ici à 2015 et elle a appelé à un effort plus soutenu, compte tenu des retards pris sur certaines thématiques et dans certaines régions, notamment en Afrique subsaharienne. La sécurité nationale et l'intérêt national, seconde dimension de cette politique, n'ont jamais été absentes des préoccupations de l'ensemble des pays qui contribuent à l'aide au développement et elle est même aujourd'hui de nouveau au coeur des réflexions et des réformes des politiques d'aide que certains pays engagent actuellement.
En outre, les profondes mutations que le monde a connues ces dernières années ont eu un impact direct sur les enjeux de l'APD qui ont considérablement évolué. La problématique du bilatéralisme et du multilatéralisme s'en est trouvée à son tour affectée. Sur fond de mondialisation, certaines thématiques nouvelles ont surgi, comme celle des Biens publics mondiaux, du changement climatique ou de la lutte contre certaines pandémies, pour lesquelles on sait que l'action collective est plus pertinente. C'est précisément la raison pour laquelle depuis près d'une dizaine d'années, la réflexion internationale s'est renforcée autour des thèmes de la cohérence entre les instruments, de la coordination des bailleurs, de l'efficacité de l'aide, de la prise en compte des besoins des bénéficiaires, réflexion qui s'est traduite par l'adoption de divers engagements internationaux sur ces questions, soit dans le cadre européen, soit au plan mondial, comme lors des conférences de Monterrey en 2002, de Rome en 2003 ou de Paris en 2005.
Si les préoccupations quant à l'efficacité de l'aide ou à la coordination sont anciennes, ce n'est que tout récemment qu'elles ont commencé à véritablement déboucher sur des perspectives nouvelles et sur des changements importants touchant aux modalités de l'aide et à sa gouvernance, difficultés budgétaires des bailleurs obligent. Et ce n'est pas un hasard si le G20 se saisit aussi aujourd'hui des thématiques de développement.
La question de l'équilibre entre bilatéralisme et multilatéralisme ne peut par conséquent pas se résoudre d'un trait de plume, en poussant simplement le curseur vers l'un ou l'autre. Des tendances lourdes sont à l'oeuvre au niveau mondial dont notre réflexion ne pouvait pas ne pas tenir compte. Elles commencent à marquer l'aide internationale d'une manière déterminante et l'on sait désormais que le multilatéralisme et le bilatéralisme sont bien plus complémentaires qu'antagoniques et qu'ils ont chacun leur utilité.
Sur cette toile de fond, la deuxième partie du rapport se devait d'analyser en détail la structure de la politique française d'aide au développement. Notre pays est l'un des tous premiers acteurs au niveau mondial, que ce soit par la géographie de son aide, le montant global des financements qu'il y consacre, les thématiques qu'il couvre ou le rôle qu'il joue. Cela devait être rappelé, mais l'analyse détaillée montre surtout que notre politique d'aide présente certaines singularités par rapport à celles de nos principaux partenaires. De sorte que, indépendamment des éléments de contexte international, si déséquilibre il y a dans notre politique d'APD, c'est surtout du fait des instruments que l'on a privilégiés. L'analyse à laquelle nous nous sommes livrés nous a conduit à porter des conclusions assez sévères qu'au sein de la Mission, nous partageons tous. Car malgré certains efforts et réformes entrepris par le gouvernement ces dernières années, notre politique d'aide au développement reste fortement déséquilibrée sur de multiples aspects, et souvent même illisible, pas seulement sur la seule question du multilatéralisme et du bilatéralisme. Les structures qui en sont chargées sont éparses, l'architecture appellerait à être resserrée pour une meilleure coordination sur le terrain, tout comme au niveau de la définition et du pilotage politiques. Les instruments de notre aide sont eux-mêmes déséquilibrés, de telle sorte que, entre le discours, les ambitions affichées et la réalité, on note des contradictions qui portent elles-mêmes préjudice à la cohérence de notre action et à sa visibilité. Le choix de privilégier certains outils, les prêts sur les dons, notamment, nous conduit à délaisser de facto les pays les plus pauvres au profit des pays solvables, en contradiction avec les priorités géographiques que nous affirmons avoir envers l'Afrique subsaharienne. Vous lirez aussi nos analyses sur les secteurs de la santé, de l'eau et de l'assainissement, qui mettent en lumière les contradictions qui surgissent entre nos engagements et notre action, par le simple choix de nos instruments d'intervention. Ces déséquilibres-là nous ont semblé être d'une importance majeure pour notre propos, dans la mesure où ils renforcent le seul déséquilibre entre le multilatéralisme et le bilatéralisme.
En d'autres termes, par comparaison avec la politique d'aide au développement que mènent nos principaux partenaires, c'est surtout l'ensemble de l'architecture, les contradictions et les incohérences aux effets cumulatifs qui nous semblent poser problème, et pas seulement un déséquilibre en faveur du multilatéralisme.
Enfin, nous avons essayé de tracer quelques pistes pour que le développement, comme le dit son intitulé, soit un élément structurant de notre politique étrangère et nous avons élaboré un grand nombre de recommandations. Nous proposons certaines pistes pour aller vers un meilleur équilibre entre le multilatéralisme et le bilatéralisme, mais nous essayons aussi de voir les moyens de mieux tirer profit du multilatéralisme auquel nous participons, auquel nous ne pouvons bien sûr pas renoncer et dans lequel nous ne pouvons qu'être de plus en plus présents, compte tenu des dynamiques qui sont en marche. La logique de l'évolution en cours, les enjeux qui s'imposent obligent à être partie prenante des instruments multilatéraux. Il s'agit donc de savoir mieux les investir pour pouvoir tenir le rôle que l'on entend y jouer et que l'on attend de la France, que ce soit dans l'espace européen ou au niveau global. Cela suppose aussi, si l'on entend y exercer une meilleure influence et en retirer une meilleure visibilité, de remettre de l'ordre dans notre aide bilatérale.
Cette mission était d'une très grande actualité. Le monde a changé et plus que jamais l'APD apparaît comme un élément d'une politique d'influence pour tous les Etats. Je me réjouis que nous ayons pu parvenir au sein de la Mission à dégager des lignes d'analyse et de propositions consensuelles, qui répondent aux principales préoccupations de l'ensemble des membres de la Mission.
Nous nous sommes aperçus, au fur et à mesure de notre investigation que c'était moins la structure de nos instruments que leur pilotage qui était en cause et que l'essentiel est de revenir à la stratégie de notre APD. Il faut admettre le retour du politique. L'APD a toujours dépendu du contexte et la mondialisation nous oblige d'avoir une vision stratégique à l'échelle du monde, dans un contexte international et géopolitique en constante évolution. Il est donc essentiel que la question du rééquilibrage de nos instruments se fasse à la lueur de cette dimension politique.
Comme première priorité, nous devons réaffirmer le rôle et la place de la politique de développement dans l'ensemble de nos politiques publiques et nous souhaitons aussi qu'elle soit lisible. Or, l'architecture institutionnelle reste éminemment compliquée, tant pour les bénéficiaires que pour nous-mêmes, parlementaires, qui n'y sommes pas associés. C'est d'ailleurs une remarque récurrente que tous les observateurs font, le CAD en premier lieu, comme les praticiens et les experts que nous avons interrogés. Entre Bercy et le MAEE, on ne sait pas vraiment aujourd'hui qui réellement détermine et conduit la politique de coopération au développement dans notre pays et cette situation a de très grandes incidences sur la nature des instruments que l'on emploie. La divergence des instruments reflète aussi celle du pilotage. L'argument selon lequel au ministère des finances revient la gestion de nos contributions financières au système de Bretton Woods n'est pas suffisant pour lui attribuer un tel rôle, et il est tout à fait essentiel d'avoir une stratégique beaucoup plus claire et opérationnelle, à laquelle nous invite la comparaison internationale, avec nos voisins, les Britanniques, notamment et pas seulement en termes de gestion.
Le deuxième point porte sur le parlement. On peut parler d'un déficit démocratique en matière de politique de coopération au développement car, sur les grandes actions, la représentation nationale n'a pas les moyens de contrôle et d'analyse. C'est la raison pour laquelle nous souhaitons que l'APD fasse l'objet d'une loi-cadre et que cette loi prévoie la création d'une délégation parlementaire qui serait chargée du suivi et du contrôle de la politique de coopération. Nous considérons, dans le cadre de la mondialisation, où la France a un rôle éminent à jouer, que cette politique doit s'engager avec le poids du Parlement dont l'implication doit être renforcée. A titre d'exemple, la Chambre des Communes dispose d'une commission du développement international qui a autant de moyens que la commission des affaires étrangères et il ne nous semble pas normal qu'en France, aucun débat ne soit jamais organisé sur la politique de coopération. Nous pensons qu'il faut que le parlement soit associé à l'adoption et à la révision des politiques sectorielles et des stratégies, ainsi qu'aux travaux du Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID). Cette meilleure implication du Parlement serait d'ailleurs dans l'intérêt même du gouvernement qui verrait ainsi sa politique mieux légitimée. A cet égard, dans la mesure où le gouvernement vient coup sur coup d'adopter divers documents cadre, très utiles, où nous-mêmes publions ce rapport d'information, sans doute le moment est-il venu d'organiser un premier débat dans les toutes prochaines semaines, c'est du moins le voeu que nous formulons.
Concernant notre dispositif bilatéral, la Mission recommande un effort de transparence et de sincérité sur nos financements. Certains effets d'affichage, en termes d'annulations de dette, de frais d'écolage, notamment, qui sont certes des investissements tout à fait essentiels, sont quelque peu préjudiciables à la lisibilité de nos politiques. Sans doute est-il temps d'adopter une comptabilisation de nos financements qui ne nous mettent pas en porte-à-faux par rapport à nos principaux partenaires. Sans doute aussi serait-il opportun de s'engager vers la budgétisation du taux de 0,7 % de notre RNB consacré à l'APD, à l'instar de nombre de nos voisins. Le Royaume-Uni prend actuellement cette voie, nécessairement difficile compte tenu des difficultés budgétaires qui sont les siennes, mais qui traduit l'importance de cette politique et le respect des engagements internationaux. On peut presque parler de sacralisation de cette politique, autour d'un engagement historique.
Enfin, votre Mission estime opportun un meilleur travail de communication sur la politique de coopération au développement, afin d'une part, de mieux faire connaître l'effort et les réalisations dont notre pays n'a évidemment pas à rougir, loin de là, et de contribuer à une meilleure mobilisation. Cela nous semble d'autant plus important que les objectifs ont évolué et que nous avons besoin de retrouver une ligne directrice claire. J'ai parlé à l'instant de coordination et de cohérence. Sans que la Mission se soit vraiment penchée sur cet aspect, il nous apparaît à cet égard que la synergie avec la coopération décentralisée mériterait d'être aussi renforcée et qu'un effort sur ce plan serait opportun.
C'est aussi à une forme de refondation de notre politique bilatérale d'aide au développement que notre Mission invite, notamment autour d'un principe de partenariat avec les pays bénéficiaires. On sent actuellement des frémissements en ce sens mais nous croyons important que ce soit désormais le principe unique sur laquelle notre politique doive être articulée. Les pays bénéficiaires sont d'ailleurs demandeurs de telles pratiques, et n'envisagent plus leur relation avec nous d'une autre manière. Surtout, la Mission y voit la manière d'optimiser nos financements, de mieux articuler nos divers instruments et de viser à une meilleure efficacité de notre politique.
A cet égard, si des orientations opportunes ont été décidées, la question de la prise en compte réelle de l'Afrique subsaharienne comme première priorité reste malgré tout posée eu égard à la structure actuelle de nos financements, et du rapport entre les prêts et les dons, comme vous le verrez à la lecture du rapport. C'est un effort sur lequel il convient d'être attentif. Cela suppose de lancer le chantier d'une réflexion générale sur nos financements et de travailler sur cette idée.
Vous verrez à la lecture du rapport que nous n'opposons pas bilatéralisme et multilatéralisme mais nous parlons d'une complémentarité nouvelle, d'une articulation plus poussée et d'une intégration plus active. Il ne faut pas oublier à cet égard la politique européenne. Il nous paraît tout à fait essentiel que la France pèse de tout son poids. La dimension européenne de notre politique de coopération au développement est une donnée majeure, depuis toujours. Nous sommes parmi les pères fondateurs du FED, et à l'occasion du rééquilibrage que l'on souhaite entre nos diverses modalités de financements, on ne saurait remettre en question un tel engagement de plusieurs décennies. Mais un meilleur ciblage, une meilleure articulation avec les participations bilatérales est également tout à fait essentielle. Or, l'Europe intervient encore parfois comme si elle était un 28e Etat plus qu'en complémentarité avec les Etats membres. A cet égard, le Traité de Lisbonne offre de nouvelles opportunités d'intégration cohérente de la politique de développement à la politique extérieure de l'Union dont il faudra veiller à ce qu'elle tienne toutes ses promesses. Si elle est un bailleur primordial, l'ensemble du monde n'identifie pas l'Union européenne à ce niveau : nous avons pourtant les fonds et les instruments, telle la BEI, sans qu'ils soient identifiés. Il est important que la France pèse de tout son poids sur ces différentes questions.
En ce qui concerne le système multilatéral, enfin, notre réflexion nous a évidemment conduit sur des pistes similaires et à recommander une meilleure articulation avec le bilatéral. Il faut aussi un meilleur respect de nos priorités et qu'il y ait de notre part un meilleur investissement dans le multilatéral. Investissement, non pas ici, au sens financier, même si comme l'a dit Jean-Paul Bacquet, nous avons un bilatéral affaibli et un multilatéral déséquilibré. Il faut aussi un investissement humain et de ce point de vue, une politique de ressources humaines vis-à-vis des organisations internationales auxquelles la France contribue nous semble essentielle, et pas seulement au niveau des postes de direction.
Des réajustements doivent être faits aussi au niveau du système onusien dans lequel nous sommes en dessous de nos responsabilités. Notre effort baisse d'année en année et le signal d'alarme est tiré. De fait, nous privilégions beaucoup les fonds verticaux, le Fonds mondial tout particulièrement, sans que l'on soit vraiment certains que nous y jouions un rôle véritablement à la hauteur de notre apport, ni que nos priorités, tel le respect de la francophonie, soient prises en compte comme elles le mériteraient.
Il y a là un ensemble de sujets sur lesquels il est souhaitable que la France soit plus attentive en engageant une réflexion sur l'interaction et l'optimisation de nos instruments multilatéraux et sur leur articulation et leur mise en cohérence avec nos instruments bilatéraux, sans opposer les systèmes. Il nous paraît très important de rechercher de nouveaux partenariats entre bailleurs. La une nouvelle division du travail dans le monde moderne impose un meilleur ciblage entre les approches, plus de cohérence et de coordination.
Dans la conjoncture actuelle, ce rapport tombe à point nommé. La multiplicité d'opérateurs nouveaux dans le monde, la Chine, les fondations privées, de nouveaux financements aussi, ceux des envois de fonds des travailleurs immigrés notamment, ont des conséquences importantes sur la nature des financements et risquent de marginaliser, de relativiser l'aide publique. Il faut donc soutenir une nouvelle vision de notre APD, une articulation plus poussée des instruments bilatéraux et multilatéraux et que la France a plus que jamais, un rôle majeur.
Parmi les propositions, je mentionnerai encore celle de budgétiser le FED, ce qui nous permettrait de disposer de quelque 135 millions d'euros par an de plus, qu'il conviendrait de sanctuariser et de consacrer à notre aide bilatérale programmable que nous souhaitons voir doublée d'ici à 2015. Le fait d'être arrivé à un étiage dans les opérations programmables est désormais problématique pour la France qui n'a plus de marge de manoeuvre. Nous souhaitons dans le multilatéral aussi, un réajustement dans certaines institutions internationales ; vous lirez toutes les propositions que nous faisons pour améliorer les mécanismes existants.
Nous sommes parmi les premiers pays du monde sur ce terrain. C'est plus que jamais nécessaire. Le gouvernement doit avoir conscience que seule une politique plus claire, plus déterminée, plus lisible, plus efficace est la condition de l'engagement de la Nation derrière lui pour conduire une politique à la hauteur de ses ambitions.
J'aurai deux remarques. Sur la forme, j'imagine que le rapport écrit sera très explicite sur ce point mais pourriez-vous préciser quelle est la répartition chiffrée, au sein de l'aide publique au développement, entre les trois modalités que sont les annulations de dettes, les dons et les prêts ? Pour chacune de ces modalités, quelle part respective occupent le bilatéral et le multilatéral ?
Sur le fond, vous estimez que l'aide bilatérale française devrait être doublée. Mais si l'on veut bien rappeler que la France consacre déjà quelque 4 milliards d'euros à l'APD, qu'en valeur absolue elle est le deuxième contributeur au monde après les États-Unis, et qu'en valeur relative, en pourcentage du RNB, elle fait jeu égal avec le Royaume-Uni et laisse loin derrière les autres grands pays… n'est-ce pas un effort suffisant par les temps budgétaires qui courent ?
Enfin, sur le sujet majeur de l'articulation entre l'aide bilatérale et l'aide multilatérale, le rapport évoque-t-il la politique menée par les autres grands pays ?
Ce dont nous demandons l'augmentation sensible, c'est la partie de l'aide bilatérale constituée de dons, qui aujourd'hui représente 200 millions d'euros. Le rapport est très clair sur ce point. Ces sommes sont en effet très aisées à utiliser et la France pèche par la faiblesse des moyens ainsi mobilisés ; 500 millions d'euros seraient un bon niveau d'intervention.
En volume, il est vrai que nous sommes un contributeur très important, mais ces sommes comprennent tout aussi bien des annulations de dettes que des écolages, pour une part très substantielle du total ; or il n'est pas unanimement admis que ce type de dépenses relève de l'APD. Nos partenaires sont peut-être moins disants globalement, mais interviennent de façon plus efficace. Par exemple, à la contribution que verse la France au Fonds mondial de lutte contre le sida on peut opposer les contributions volontaires d'autres pays, plus visibles et plus valorisantes, au profit par exemple de l'Unicef. Par ailleurs, nos partenaires dégagent des marges de manoeuvre plus importantes que nous en matière de dons bilatéraux, notamment à l'égard des plus pauvres des pays d'Afrique.
Par conséquent, je le répète, c'est davantage la structure de notre aide que les montants globaux qu'il s'agit d'améliorer.
Nous constatons un réel manque de clarté et un déficit de gouvernance. Le montant de l'APD française, correspondant à un ratio de 0,44 % du RNB, ou de 0,48 % en programmation, inclut notamment des écolages, ce qui n'est pas le cas pour l'Allemagne et ce qui n'est admis par l'OCDE que dans certaines limites. Il inclut également l'aide aux réfugiés, là où l'OCDE recommande de ne pas l'inclure ; des dépenses au profit de Mayotte ou de Wallis-et-Futuna ; des annulations de dettes en omettant d'en retrancher ce qui ne contribue pas à financer des actions en faveur du développement – par exemple la vente d'armes à l'Irak à l'époque de son conflit avec l'Iran… De même, la programmation comprend-elle régulièrement des objectifs non tenus, comme la proportion de 46 %, puis de 60 %, d'aide destinée à l'Afrique subsaharienne. C'est pourquoi nous proposons de doubler l'aide programmable en direction de l'Afrique.
On doit se demander s'il y a « un pilote dans l'avion » quand on constate que 263 organisations internationales sont compétentes dans le domaine de l'APD, contre 15 seulement en 1940 et 80 en 1970… Les donateurs bilatéraux sont au nombre de 280, il existe 242 programmes d'aide et pas moins de 24 banques de développement. Pour la seule Tanzanie, nous avons constaté, dans le champ de l'APD, la production de 2 000 rapports, l'envoi de 1 000 délégations et l'existence de 600 projets en cours dans le domaine de la santé, tous d'un montant inférieur au million d'euros… comment s'étonner de ce que le suivi soit difficile ?
C'est avec raison que notre contribution au Fonds mondial de lutte contre le sida est critiquée : la France est le deuxième contributeur, sa part va encore s'accroître et pourtant, lors du déplacement de la mission en République démocratique du Congo – pays concerné s'il en est par le virus –, nous avons rencontré le responsable des programmes de santé qui a vivement reproché à la France de ne pas intervenir dans ce domaine !
Le travail de la mission est intéressant et je voterai en faveur de sa publication mais face à un monde compliqué, ayons des idées simples. La liste des propositions est trop longue ; il faut dégager des axes stratégiques. Par ailleurs, comme l'a dit le président de notre commission, les comparaisons internationales font défaut. Et ce rapport ne souligne pas assez combien l'APD est un élément de la stratégie d'influence de la France.
Quant aux organisations internationales, elles sont devenues des « fromages ». Il faut dénoncer ce système qui s'auto-entretient.
Enfin, j'exprime mon désaccord total avec la proposition consistant à dépouiller la commission des Affaires étrangères de sa compétence en matière de suivi de l'APD ; à nous de faire notre travail, sans avoir peur des différends avec le ministère des Finances !
Je salue ce travail considérable. Peut-on évaluer l'ensemble des aides non publiques au développement ? Je songe par exemple à ces firmes américaines qui distribuent des montants d'aide colossaux, dans les domaines caritatif, économique, sanitaire… L'aide privée est très importante et non désintéressée ; combien représente-elle pour la France ?
Un autre sujet important concerne les critères de l'aide : pourquoi telle aide, selon quelle stratégie – une stratégie fixée par qui ? En son temps, François Mitterrand avait instauré, dans son discours de La Baule, le critère de la démocratie et des droits de l'homme, sans pouvoir développer cette politique sur le long terme car il n'avait plus assez de temps devant lui. Aujourd'hui, qu'en est-il ? À cet égard, les graphiques qui nous ont été distribués à propos des régimes que nous aidons donnent à réfléchir.
En tant que membre de la mission, ayant participé à ses déplacements en République démocratique du Congo et en Tunisie, j'approuve le contenu de ce rapport. La France est un acteur important de l'aide au développement mais quid de son influence ? C'est un euphémisme de dire que la lisibilité de notre action bilatérale n'est pas excellente. Dans certains cas, les sommes ainsi versées le sont presque de façon mécanique, ce qui est à la limite de l'acceptable. Quel contraste avec la stratégie développée par la Chine, dont l'ambassadeur nous a dit tout de go que la « visibilité immédiate » de l'aide bilatérale était tout ce qui importait à son pays.
Le soutien à la francophonie est essentiel ; lors des auditions et des déplacements, la mission a entendu des reproches envers les manques de la France sur ce point.
Enfin, je voudrais soulever la question du train de vie des ONG dont les frais de fonctionnement sont parfois impressionnants.
Je salue le fait que, dans ce rapport, le débat entre le bi- et le multilatéral ait été abordé de manière positive, dépassant ce que l'opposition entre ces deux modes d'intervention aurait pu avoir de frontal. Je sais gré aux intervenants d'avoir souligné le point faible de la France : la nette dégradation des contributions volontaires aux organisations internationales. Au palmarès, nous sommes derrière la Belgique en ce domaine ! À propos du Fonds mondial de lutte contre le sida, je rappelle qu'il s'attaque aussi au paludisme et à la tuberculose. Il s'agit d'une institution efficace, dont la France devrait s'honorer d'être l'un des tout premiers contributeurs.
S'agissant des propositions formulées, je reconnais moi aussi qu'il faudrait les hiérarchiser et je me permets, un peu tard, d'en rajouter une à la liste : il est grand temps d'ouvrir un débat sur l'avenir du franc CFA avec les 15 pays concernés.
Vous plaidez pour une meilleure articulation entre politique nationale et coopération décentralisée. Votre analyse repose t-elle sur le constat que la coopération décentralisée joue un rôle marginal ou significatif en matière d'aide au développement ? Ce point précis ne devrait- il pas faire l'objet d'une évaluation ? Par ailleurs, que pensez-vous de la proposition de la ministre des affaires étrangères et européennes de détacher des diplomates auprès des collectivités territoriales afin de professionnaliser leur action dans ce domaine notamment et de l'harmoniser avec la politique nationale ?
Votre travail suscite de nombreuses réflexions et questions qui devraient donner lieu à débat plus fréquemment.
En premier lieu, il me semble que sur cette question le pouvoir est à prendre pour le Parlement. Il appartient à la Commission et non à une quelconque délégation de s'emparer du sujet et d'en traiter en profondeur les grands chapitres que vous avez dégagés. C'est un énorme travail à accomplir.
En second lieu, sur le niveau de l'APD, je considère que le chiffre de 0,7 % ne peut pas être traité comme une relique sacrée, cible de critiques permanentes. Dans la réalité, il se trouve que la France figure parmi les plus importants contributeurs. Il ne faut pas sans cesse battre notre coulpe mais s'honorer de la prééminence française ! En outre la politique d'aide au développement ne peut pas plus que d'autre être sanctuarisée et échapper au programme d'économies budgétaires auquel nous devrons nous astreindre dans les prochaines années. La demande de doublement de l'aide programmable ne peut aujourd'hui être soutenue dans un rapport parlementaire.
En troisième lieu, l'équilibre actuel entre multilatéral (45 %) et bilatéral (55 %) me paraît raisonnable. Nous devons maîtriser au minimum la moitié de l'aide que nous distribuons. Si nous devons préserver quelque chose, c'est l'aide au niveau européen. Nous devons être cohérents avec notre soutien à la construction européenne. S'il faut se battre pour rendre efficace une aide européenne très conséquente, cela ne signifie pas que nous devons nous livrer aux fonctionnaires européens.
En quatrième lieu, le choix de donner la priorité aux prêts sur les dons me paraît une bonne stratégie. Prêter, c'est responsabiliser. Nous devrions légitimer ce choix judicieux.
En dernier lieu, la coopération décentralisée doit bénéficier d'un large soutien pour permettre aux régions notamment de développer une véritable politique en matière d'aide au développement. En effet, la solidarité de proximité fonctionne.
L'unanimité de la mission a été obtenue sur le constat – la situation, les incohérences, les outils, etc. – pas forcément sur les solutions.
Sur l'évaluation de l'aide, je crois que le travail reste à faire ; nos entretiens ont mis en avant l'absence de lisibilité, ce qui ne vaut pas nécessairement pour l'efficacité.
Je souhaite revenir sur l'importance de la notion de conditionnalité de l'aide. Alors que certains n'envisagent cette question que de manière affairiste comme un nécessaire retour sur investissement, on pourrait au contraire s'intéresser aux progrès en matière de droits de l'homme ou d'éducation, des critères pertinents, me semble t-il.
J'ai insisté sur l'aide décentralisée. Si ce n'était pas l'objet principal de la mission, nous ne pouvions éviter le sujet qui mobilise des sommes considérables et répond aux impératifs de lisibilité et visibilité. On évoque souvent l'aide directe apportée par les départements et régions mais il peut aussi s'agir d'aide indirecte, par exemple des subventions versées par des petites communes comme la mienne à des projets plus importants.
L'idée de créer à l'Assemblée une délégation à la coopération au développement avait pour but de témoigner de l'importance de cette question pour les parlementaires. Si vous considérez que la Commission est le niveau approprié pour traiter le sujet comme il le mérite, cela me convient.
Sur le niveau des subventions, il me semble que les effets de la crise devraient se faire sentir pour tout le monde, y compris le fonds mondial. Je préfère que ce sujet soit traité sur les bancs de l'Assemblée plutôt qu'à l'Elysée !
Les questions posées par le Président trouvent leurs réponses dans le rapport. On constate que l'aide multilatérale a augmenté dans des proportions élevées tandis que l'aide bilatérale a diminué de manière considérable alors même qu'elle est mieux identifiée sur le terrain. Le doublement de l'aide programmable d'ici 2015 ne représente qu'un effort de 200 millions d'euros à comparer aux 350 millions consacrés au Fonds mondial de lutte contre le sida… Seul un objectif chiffré peut permettre d'enrayer la spirale baissière de la seule part visible de l'influence de la France sur le terrain. On peut d'ailleurs mettre en rapport ces chiffres avec ceux de la Grande-Bretagne dont la politique est très visible et qui consacre 1 000 millions d'euros à l'aide bilatérale contre 250 millions aujourd'hui pour la France.
La mission est parvenue à dépasser l'opposition entre multilatéral et bilatéral d'une part en proposant de stopper la baisse de l'aide bilatérale et d'autre part en réfléchissant aux moyens de tirer notre épingle du jeu dans l'aide multilatérale. Sur ce point, les Britanniques et les Américains savent très bien utiliser les agences de l'ONU.
En conclusion, je me félicite de cet intéressant rapport qui présente un constat partagé remarquable. Parmi les propositions qui vont toutes dans le bon sens, je retiens la préconisation forte visant à inverser la vapeur sur l'aide bilatérale.
J'ai été très heureux de participer à cette mission passionnante. Je souhaiterais mettre l'accent sur plusieurs points qui m'ont frappé ou choqué :
D'abord, l'effet d'affichage qui voit la France gonfler ses chiffres en intégrant l'écolage et les remises de dettes. Il faut comparer les chiffres qui peuvent l'être : notre effort en faveur de l'APD se situerait ainsi plutôt autour de 0,34 % que de 0,47 %. La présentation incohérente du Gouvernement me gêne.
Ensuite, la politique des prêts : je suis favorable à la responsabilisation mais les pays de l'Afrique subsaharienne sont dans l'incapacité de rembourser des prêts. Cela rend notre politique en direction des pays pauvres inexistante. Seuls les dons peuvent leur apporter l'aide nécessaire et ceux-ci sont en forte baisse.
Les pays comme la Grande-Bretagne, qui nous est bien supérieure en matière de lisibilité et de visibilité de l'aide accepteront-ils de jouer le jeu d'une politique européenne plus reconnue ? La comparaison avec les Britanniques est intéressante car, au contraire de la France dont c'est l'une des faiblesses, ils parviennent très bien à tirer leur épingle du jeu en matière de représentation dans les instances internationales.
Enfin, je regrette l'absence de contrôle du Parlement. Les décisions sont prises par des fonctionnaires et nous échappent ce qui est anormal dans une démocratie comme la nôtre. Encore une fois l'influence des parlements britannique ou américain sur le rayonnement de leur pays est tout autre…Nous proposons de réorienter l'aide française mais serons-nous entendus par l'Exécutif ? Quel sera le suivi ? Il faut taper du poing sur la table !
Il est vrai que nous ne faisons pas de remise officielle de nos rapports à l'Exécutif. Nous sommes confrontés à l'éternel problème entre l'Exécutif et le Législatif. Sur ce sujet comme sur bien d'autres, nous aimerions contribuer plus à la décision.
Le rapport cite le plan Marshall parmi les premiers éléments historiques de l'utilisation de l'aide au développement dans le cadre de la stratégie d'influence, à l'époque pour éviter le basculement de l'Europe occidentale dans le camp communiste. Le rapport évoque également les cas de la décolonisation et, plus récemment, des coopérations en matière de sécurité et de lutte contre le terrorisme. En revanche, nous proposons une nouvelle logique de partenariat, dont la préfiguration nous a été donnée au Viêt-Nam. Avec un Etat fort, qui connaît ses priorités, l'aide au développement est beaucoup plus facile.
Le nombre d'intervenants en matière d'aide au développement est considérable, on en dénombre au moins 263. Le budget de la fondation Gates est égal à celui de l'OMS.
Peut-être notre collègue Jean-Michel Boucheron souhaitait-il une évaluation au niveau international ?
Nous n'avons pas de chiffres exacts dans ce domaine.
Huit critères président désormais à l'attribution de l'aide française. Lorsque l'on observe la liste des premiers bénéficiaires de notre APD, le respect du critère de la démocratie et des droits de l'homme n'apparaît toutefois pas clairement.
Concernant le problème de la visibilité, cela revient à aborder le débat relatif aux biens publics mondiaux. Dans certains pays, la France est accusée de ne rien faire alors que nous sommes le deuxième donateur mondial ! La Chine, elle, sait rendre visible l'aide qu'elle apporte, parfois en nature et en apparence gratuitement. Toutefois, elle masque le fait qu'elle se livre, en échange, à un véritable pillage des pays dans lesquels son aide est versée.
S'agissant des moyens disponibles, je pense que la grande difficulté de l'aide au développement est de la faire accepter par les populations des pays donateurs, qui continuent de privilégier la Corrèze au Zambèze.
Je ne le crois pas. La coopération décentralisée, par exemple, n'est reconduite que parce qu'elle n'est pas soumise au suffrage universel.
Cette coopération est d'ailleurs victime d'une grande incohérence entre les nombreuses actions menées. Je suis très favorable à la proposition de la ministre des affaires étrangères consistant à détacher des fonctionnaires d'Etat auprès des collectivités afin de rationaliser les moyens engagés et d'apporter une expertise.
De la même manière, je suis personnellement favorable au rattachement de la coopération au ministère des affaires étrangères, qui favoriserait également la cohérence de notre aide. Les chiffres révèlent ainsi que nos premiers bénéficiaires ne sont pas toujours ceux dont les besoins sont les plus importants.
Sur l'équilibre entre prêts et dons, il est fondé d'affirmer que les prêts responsabilisent, mais ils excluent dans le même temps les Etats qui ne peuvent pas rembourser, et qui sont précisément ceux qui ont le plus besoin d'aide ! Quand on voit la sphère d'influence que cela représente, on peut s'inquiéter.
Je voudrais enfin revenir sur la question du « retour » attendu de l'aide. Le temps n'est plus des aides versées pour financer les projets que nous définissons, en choisissant jusqu'aux intervenants destinés à mettre en oeuvre ces projets. Les partenariats doivent être plus équilibrés, y compris en Afrique. Sur ce continent, dans les trente ans qui viennent, le nombre de jeunes actifs croîtra de 27 millions par an. Nous ne pouvons pas ne pas prendre en compte cette situation dans le cadre du versement de notre aide au nom d'une charité chrétienne qui refuserait le retour.
Nous avons de nombreuses propositions car il faut une feuille de route très précise à l'orée de changements considérables et d'intenses réflexions quand à l'avenir de l'aide au développement dans le monde et en France.
En matière de conditionnalité, je voudrais évoquer la question de la gouvernance. Lors de la Déclaration de Paris, la France a rappelé son souci de l'Etat de droit, et nous devons développer notre expertise, envoyer des messages à certains pays en termes de gouvernance. Mais la conditionnalité n'est plus acceptée comme avant, car nous faisons face à des pays comme la Chine qui ne fixe aucune condition, et nous sommes sujets à des critiques nous accusant de néo-colonialisme. Cependant, la France doit continuer à souligner l'importance de l'Etat de droit.
Concernant l'évolution du Fonds mondial, je soulignerais que l'augmentation prévue de 1,5 milliard d'euros en trois ans est significative sur un budget global pour notre APD de 9 milliards.
Si la mission a proposé de créer une délégation parlementaire à l'aide au développement, c'est pour favoriser la prise de conscience. Nous pouvons tout à fait supprimer cette proposition dans le rapport final en considérant que notre commission pourrait s'en charger.
Nous proposons également un doublement de l'aide, mais seulement dans sa partie dons, ce qui représenterait seulement une hausse de 250 millions d'euros, dont la moitié pourrait être financée par le Fonds européen pour le développement.
Notre mission s'enorgueillit du rôle joué par la France en matière de développement, et nous n'avons pas l'impression de donner le sentiment contraire dans nos travaux. Nous souhaitons au contraire en être encore plus fiers, en tenant compte notamment de la légère hausse que connaît l'aide au développement au niveau mondial.
Je suis personnellement très favorable à l'aide au développement mise en place au niveau européen.
Sur le chiffre de 0,7 %, le Président de la République y a fait référence une nouvelle fois en 2008. Cet objectif permet de rappeler que l'aide au développement n'est pas versée dans le seul intérêt des pays bénéficiaires. A l'heure de la mondialisation, les problèmes les plus lointains peuvent nous concerner directement. Maintenir notre aide à un bon niveau relève de nos intérêts bien compris.
La commission autorise la publication du rapport d'information.
La séance est levée à onze heures cinquante.