L'audition débute à dix-huit heures cinquante.
La Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes a procédé à l'audition de Mme Brigitte Grésy, membre de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS), auteur du rapport préparatoire à la concertation avec les partenaires sociaux sur l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes.
Madame Grésy, merci d'avoir accepté cette nouvelle invitation.
Nous vous avons déjà entendue sur l'article 99 du projet de loi portant réforme des retraites. Cet article visait à instituer des sanctions pour les entreprises qui ne seraient pas couvertes par un accord collectif sur l'égalité professionnelle ou qui, à défaut, n'auraient pas adopté de plan d'action.
Aujourd'hui, il y reste assurément d'autres points sur lesquels nous devons aussi avancer : la simplification des méthodes de négociation, qui me paraît urgente ; la place des femmes dans les organisations qui conduisent les négociations – l'un de mes amendements de 2006 qui avait fixé un pourcentage de 20 % de femmes dans les organisations syndicales mériterait d'être repris – ; le temps partiel pour ne pas se limiter à la simple information sur la surcotisation à l'assurance vieillesse que nous avons inscrit dans le projet de loi portant réforme des retraites ; l'articulation du temps personnel et du temps de travail.
J'interviens en tant qu'auteur du rapport préparatoire à la concertation avec les partenaires sociaux sur l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, qui a maintenant plus d'un an d'existence.
L'article 99 de la loi sur les retraites apporte une solution législative à la question de la sanction en cas d'absence de dispositif relatif à l'égalité professionnelle, mais il ne traite pas des autres sujets qui avaient été évoqués dans mon rapport. Le Premier ministre l'a reconnu au moment où il a installé l'Observatoire de la parité en souhaitant que cet observatoire fasse des propositions pour un éventuel projet de loi sur l'égalité professionnelle. L'idée d'un projet de loi en dehors de l'article 99 n'est donc pas totalement exclue par les pouvoirs publics.
L'article 99 a été voté à la dernière minute, en raison de l'échéance du 31 décembre 2010 imposée par la loi de mars 2006 qui disposait qu'« une sanction pourra être établie s'il n'y a pas suppression des écarts de rémunération au 31 décembre 2010 ». Un tel article était sans aucun doute indispensable, mais il n'a pas clarifié le paysage législatif.
Le système actuel est, en effet, extrêmement ambigu : certains juristes interprètent l'article 99 comme s'appliquant à la négociation spécifique sur l'égalité professionnelle, et d'autres comme édictant une obligation d'avoir un accord ou, à défaut, un plan pour l'égalité salariale.
Les dispositions législatives et réglementaires concernant le rapport de situation comparée sont elles-mêmes ambiguës. À l'origine, il s'agissait d'un diagnostic chiffré qui pouvait aussi servir de plan ; aujourd'hui, l'article 99 précise les objectifs chiffrés, les mesures prévues et l'évaluation de leur coût, que doit comporter le rapport de situation comparé (RSC), pour les entreprises de plus de 300 salariés, et le rapport de situation économique, pour les entreprises de moins de 300 salariés.
Les dispositions régissant le RSC viennent donc de changer. Mais notre double système demeure : d'une part, celui qui nous vient de la loi Génisson de mai 2001, et qui est basé sur l'obligation de négocier spécifiquement sur l'égalité professionnelle, tous les ans et, à partir du moment où il y a un accord, tous les trois ans ; d'autre part, celui institué par la loi sur l'égalité salariale de mars 2006, fondé sur l'obligation de négocier annuellement sur les salaires dans le cadre de la négociation annuelle obligatoire (NAO) et, à défaut d'accord, sur la production d'un plan unilatéral par l'employeur, avec procès-verbal de désaccord dûment identifié.
Comme je l'ai analysé dans mon rapport, il est devenu, en pratique, impossible de faire un reporting. La Direction générale du travail (DGT) et la Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES), ont bien du mal à savoir si elles sont en face d'un accord NAO ou d'un accord spécifique – à moins d'examiner contenu de l'accord, ce qui est matériellement impossible, surtout dans une période de reconfiguration du système des directions du travail. De ce fait, le système de sanction est quasiment inapplicable. C'est pourquoi l'article 99 renvoie à des décrets le soin de préciser les modalités de la sanction et de la transparence, sur la base de critères clairs, précis et opérationnels – grâce à un amendement adopté au Sénat.
Pourtant toute une série de sanctions sont possibles.
Premièrement, les sanctions pour délit d'entrave demeurent.
Deuxièmement, on peut toujours appliquer la loi de 2008 en faveur des revenus du travail, qui prévoit que les entreprises n'ayant pas négocié sur les salaires subiront une diminution de leurs allègements de charges de 10 % la première année, diminution pouvant aller jusqu'à 100 % la troisième année. En effet, la loi de mars 2006 sur l'égalité salariale disposait déjà que, dans le cadre de la NAO, il fallait travailler sur l'égalité professionnelle. Les entreprises n'ayant pas négocié sur les salaires, ni donc sur la NAO « égalité salariale », laquelle égalité est intégrée dans la NAO globale, pourraient être concernées. Beaucoup de juristes considèrent d'ailleurs que la loi de mars 2006 demeure in extenso et que, s'il n'y a pas de négociation sur l'égalité salariale au sein de la NAO, il y a un risque de voir le dispositif de réduction des allégements de charges remis en cause.
Troisièmement, la loi de mars 2006 prévoit deux types de sanctions administratives, toujours en vigueur.
D'abord, si un accord de branche n'a pas été négocié et qu'il n'a pas intégré de dispositions sur l'égalité salariale, il ne peut pas être étendu. Or il ressort de mon rapport que, depuis 2006, nonobstant le fait que 5 % seulement des branches avaient négocié sur l'égalité salariale, cette sanction n'a jamais été appliquée.
Ensuite, si une entreprise n'a pas négocié sur l'égalité professionnelle ou, à défaut, n'a pas établi de procès-verbal de désaccord, elle ne peut faire enregistrer son accord auprès de l'administration compétente. Cela n'empêche pas l'application unilatérale, par l'employeur, de son accord et de son plan, mais cet accord n'est pas opposable aux tiers.
Quatrièmement, vient de s'ajouter la sanction de l'article 99 : une pénalité représentant 1 % au maximum de la masse salariale si l'entreprise n'est pas couverte par un accord d'égalité professionnelle ou, à défaut d'accord, par un plan que l'employeur devra présenter au comité d'entreprise. Le montant de la pénalité sera fonction des efforts constatés dans l'entreprise et des raisons de la défaillance qui seront précisés par décret. Les indicateurs et les objectifs de progression figurant dans la synthèse de l'éventuel plan d'action seront également définis par décret.
Tout cela est extraordinairement compliqué, et les nombreuses sanctions ne sont jamais appliquées, que ce soit la non-extension de l'accord ou la non-application des allégements de charges. Je ne connais qu'un cas où l'accord n'a pas été enregistré par l'administration du travail. Qu'en sera-t-il de la sanction prévue par l'article 99 ?
Hier, j'ai lu que la sanction prévue ne s'appliquait pas à la négociation spécifique sur l'égalité. Ce matin, j'ai entendu un avocat soutenir qu'il s'appliquait à l'égalité professionnelle au sens large, et un autre qu'il s'appliquait à l'égalité salariale car l'article 99 était destiné à compléter la loi de mars 2006…
Nous courons par ailleurs le risque que l'employeur qui ne négocie pas puisse se contenter de présenter son plan, ce qui le dispenserait de toute sanction. Voilà pourquoi il faut absolument que le décret précise clairement : « à défaut d'accord, manifesté par la signature d'un procès-verbal de désaccord entre l'employeur et les partenaires sociaux… » C'est le seul moyen de s'assurer que ces derniers tenteront d'aboutir à un accord.
La loi de 2006 n'a fait que compliquer la situation alors que celle de 2001 offrait tous les outils nécessaires pour négocier sur l'égalité salariale.… En tout état de cause, on ne peut appliquer de sanction que sur la base d'un diagnostic établi noir sur blanc. Or, comme vous l'avez écrit, on ne contrôle pas leur réalisation. À partir de là, l'article 99 n'a pas apporté de vraie réponse à la question de la sanction.
En 2006, il aurait suffit de légiférer pour les petites et moyennes entreprises en simplifiant le rapport de situation comparé, difficile à établir pour ces entreprises. Certes, on a l'a fait après novembre 2007, mais le problème est que les chefs d'entreprise trouvent encore ce document trop complexe à réaliser.
La sanction porte sur l'obligation de négocier, pas sur le plan en tant que tel. Il s'agit d'une obligation de moyens, pas de résultat.
La loi de mars 2006 a été présentée précisément parce les entreprises ne négociaient pas sur l'égalité professionnelle, considérant que c'était un sujet accessoire « pour les femmes ». Nous avons donc voulu introduire l'égalité professionnelle dans les négociations sur les salaires, qui constituent une obligation. Le seul problème, c'est l'absence de sanction. Les entreprises n'ont donc pas plus négocié dans un domaine que dans l'autre, et ce fut un double échec.
Selon moi, il faut conserver l'obligation de négocier sur l'égalité professionnelle et y intégrer obligatoirement l'égalité salariale parce qu'il est clair que l'égalité salariale est la résultante de tout.
Il conviendrait donc de reprendre l'obligation sur la négociation spécifique et la porter à trois ans une fois qu'un accord est conclu. L'accord serait triennal, l'éventuelle sanction également triennale, mais le plan serait annuel, conformément à la loi. Pour l'année n, l'année n + 1 et l'année n + 2, l'entreprise s'engagerait sur un certain nombre d'objectifs, avec des indicateurs, sur la base de leviers précis.
Comme il sera impossible de multiplier le nombre des inspecteurs du travail, la seule solution consiste à simplifier les modalités de leur contrôle, en le faisant porter sur un certain nombre de leviers, de deux à dix, l'égalité salariale en faisant obligatoirement partie. Ainsi, une PME travaillerait sur deux ou trois leviers, les moyennes entreprises sur cinq, les grosses sur huit ou neuf, etc. Elles choisiraient les autres leviers, mais celui de l'égalité salariale serait toujours obligatoirement requis.
L'inspecteur du travail contrôlerait les efforts réalisés en vue de l'égalité salariale. Il faudrait que ce soit simple pour lui. Il examinerait une feuille indiquant : accord ou plan d'action ; nombre de salariés de l'entreprise ; leviers d'action choisis parmi la liste fixée par décret (à l'instar de ce qui se fait pour les seniors) avec, par levier, les prévisions et les réalisations en année n, en année n + 1 et en année n + 2. L'inspecteur du travail pourrait voir immédiatement ce qui a été fait et ce qui ne l'a pas été et, dans ce dernier cas, demander des explications.
La plupart du temps, il examine le RSC, qui représente une quantité considérable de documents inutilisables. Il se contente donc de repérer une ou deux discriminations avérées et de les analyser, faisant en réalité le travail d'un juge, d'un avocat ou de la HALDE. Ensuite, il renvoie les affaires au délégué de la HALDE en région ou à des avocats spécialisés et il s'arrête là.
Pourquoi l'inspecteur du travail s'intéresse-t-il tant à la sécurité ? Parce que c'est un domaine où l'on travaille rapidement, en analysant des éléments techniques. Il faut donc introduire également un comptage quantitatif dans les accords, à charge pour l'inspecteur de procéder à une analyse un peu plus poussée, sur un ou deux points, et de vérifier l'exactitude de ce qui est indiqué.
De leur côté, les partenaires sociaux pourront se prononcer sur l'évaluation qui est faite et demander éventuellement des explications à l'employeur. Ils le feront d'autant plus facilement qu'ils n'auront que deux ou trois indicateurs à vérifier.
Il faut absolument simplifier le dispositif, le clarifier afin que l'on puisse le contrôler et, in fine, sanctionner.
Assurément ! Dans les grands groupes, le dispositif est un instrument de responsabilité sociale, bien qu'au bout de trois ans tout soit à recommencer parce que les écarts se creusent à nouveau entre les hommes et les femmes. Il faut donc traiter le mal à la source. Les leviers, qui correspondent en fait aux critères du rapport de situation comparée, devraient être précisés, ainsi que certaines notions, dont le statut, la fonction et le métier, pour être sûr que l'on parle des mêmes choses. Mais il est inutile de viser l'exhaustivité : dans le diagnostic partagé, employeurs et partenaires sociaux devront se mettre d'accord sur certaines « poches » d'inégalité : le temps partiel (le plus souvent subi et ne concernant que des femmes) ; la classification des emplois (le coefficient hiérarchique étant trop souvent lié à la personne et non à l'emploi) ; l'accès à l'embauche (par exemple en dénombrant le nombre de femmes en BTS, en sortie d'école, et en décidant d'embaucher, en année n, un % minimum de femmes) ; l'accès à la formation (il y a six points d'écart entre l'accès à la formation en temps partiel et à temps plein) ; la qualité de cette formation (les femmes sont moins dirigées que les hommes vers les formations qualifiantes qui leur permettent d'augmenter leurs compétences) ; l'accès aux postes de décision.
La valorisation des critères ressources humaines est essentielle : la mobilité, la disponibilité, le présentéisme, la pesée des postes, les écarts de rémunération en tant que tels, les politiques de communication, et les politiques d'articulation des temps de vie. Et cela en insistant sur deux points forts : la gestion du temps (comment est organisé le travail dans la journée, comment est organisé le mi-temps dans la carrière) ; l'accès aux congés ou aux services, pour les hommes comme pour les femmes.
On connaît très bien les leviers d'égalité, mais il faut les mettre en musique avec des indicateurs, des engagements, et évaluer ces engagements. Peut-être les décrets le permettront-ils en partie. Mais je pense qu'il faudra travailler aussi sur nos systèmes de reporting, sur la façon dont on fait remonter les accords à la DARES ou à la DGT et sur les modalités de contrôle.
Nous avons besoin d'une loi pour simplifier le code du travail, des décrets et des circulaires sur le reporting et les modalités du contrôle, et d'un décret sur la sanction. Sans véritable système de contrôle, la sanction restera inutile. Aujourd'hui, le système est défaillant. Et si les inspecteurs ne contrôlent pas, ce n'est pas par mauvaise volonté, c'est parce que cela leur est impossible.
Il faudra aussi se prononcer sur l'opportunité du maintien de toutes les sanctions. Doit-on conserver la sanction de la non-extension de l'accord et celle de son non-enregistrement ? Je pense qu'il faut conserver la sanction du délit d'entrave, parce qu'il n'y a aucune raison que ne pas le faire. Et que faire des allégements de charges ?
Il faudra aussi travailler sur la gouvernance. D'ailleurs, selon quel calendrier la fixation d'un pourcentage de 40 % de femmes va-t-elle être réexaminée à l'Assemblée nationale ?
Nous allons proposer une adoption conforme pour que le texte puisse aboutir rapidement. Cela dit, le champ d'application de la proposition de loi a été en partie étendu, puisque maintenant sont concernées environ 2 000 entreprises, celles de plus de 500 salariés et dégageant 50 millions de chiffres d'affaires. Je regrette néanmoins que le Sénat ait exclu du champ les établissements publics.
Sans doute faudra-t-il retravailler sur le rapport de situation comparée, malgré la simplification déjà intervenue après novembre 2007.
Il a été simplifié au niveau des indicateurs, mais il reste malgré tout beaucoup trop important pour permettre d'établir un plan susceptible d'être suivi facilement, d'année en année.
De toute façon, un décret portant sur les critères est prévu à l'article 99 de la loi sur les retraites.
Pourquoi êtes-vous obligés d'en venir à un vote conforme ?
Sans vote conforme, le texte devra de nouveau être examiné au Sénat, sans que nous n'y ayons de garantie sur son inscription à l'ordre du jour.
Je considère que c'est une erreur d'avoir exclu les établissements publics, qui doivent donner l'exemple. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle une proposition de loi belge, qui vient d'être déposée sur ce sujet, commence d'abord par le secteur public.
Nous avons malgré tout amorcé la parité politique en instituant les quotas.
Elle demeurera pour les élections municipales et européennes.
Pour résumer mon propos, je crois que quatre objectifs sont essentiels : simplification, clarification, sensibilisation des acteurs – même si la sensibilisation n'est pas d'ordre législatif –, et transparence. En effet, les médias peuvent faire se faire entendre, au niveau local et dans les entreprises.
Les médias se sont déjà emparés de la question. Et je pense que c'est à nous, à partir du mois de janvier, d'orienter le nouveau système sur la transparence.
Participent à la gouvernance non seulement les conseils d'administration, mais aussi les institutions représentatives du personnel. Dans mon rapport, j'avais proposé qu'on attende 2013 pour évaluer l'application de la loi sur la représentativité syndicale et que l'on rappelle aux entreprises de plus de 300 salariés un principe figurant dans la loi de mars 2001, celui de la représentation équilibrée des hommes et des femmes lors de l'élaboration du protocole pré-électoral. Je voulais aller plus loin en faisant instituer une représentation proportionnelle des femmes par rapport à leur poids dans le corps électoral au niveau des comités d'entreprise et des délégués du personnel, avec une alternance stricte des deux sexes. Pour les prud'hommes, j'ai renouvelé l'idée d'une réduction d'un tiers par rapport au scrutin de 2008.
Jean-François Copé m'a donné l'occasion de reprendre une partie des articles que j'avais fait adopter en 2006, ceux relatifs aux conseils d'administration. Maintenant, je crois qu'il faut faire adopter les autres qui concernaient les institutions représentatives du personnel, les syndicats et les prud'hommes. Mais on ne peut le faire sans les partenaires sociaux.
Depuis décembre 2009, les partenaires sociaux ont été invités à négocier sur les institutions représentatives du personnel. La concertation a démarré en octobre dernier, mais les partenaires sociaux n'ont pas vraiment répondu. Les négociations avaient débuté sur quatre sujets : le temps partiel, la négociation collective, les IRP, et l'entretien de conciliation entre la vie familiale et la vie professionnelle. Pour l'instant, nous n'avons pas de résultats, le MEDEF n'ayant pas souhaité engager une négociation sur l'égalité professionnelle à part entière, préférant répartir ces sujets dans l'ensemble des négociations.
Les partenaires sociaux ne sont pas très partants. D'abord, ils ont un problème de recrutement – déjà, ils n'arrivent pas à trouver des hommes ! Ensuite, les nouvelles lois sur la représentativité syndicale risquent de bouleverser le paysage syndical. La CFDT et FO se sentent très menacées. Les partenaires sociaux avaient toujours dit que les quotas ne les concernaient pas, sauf pour les représentants des administrateurs salariés. Et ils préfèrent se prononcer un peu plus tard sur les IRP.
Au moment de la convention tripartite de novembre 2007, Xavier Bertrand avait dit que l'égalité salariale devrait être effective avant le 1er janvier 2010. Le Président de la République avait déclaré de son côté que c'était trop tard, et qu'il faudrait gagner un an !
Il faut appeler cette négociation, négociation sur l'égalité professionnelle et l'égalité salariale. En effet, qu'est-ce qui fait mouche dans l'opinion ? Les salaires ! Ce qui énerve le plus une femme, c'est que l'on pense qu'elle vaut moins qu'un homme sur le marché du travail. De fait, elle est moins payée qu'un homme, avec les mêmes diplômes et la même expérience. La dernière enquête de Meurs et Ponthieu montre que, parmi les quadragénaires ayant des enfants, le même diplôme et la même expérience, l'écart de rémunération est encore de 17 % au détriment des femmes. Et sur ces 17 %, il y a 70 % d'écarts inexpliqués, simplement parce qu'on est une femme, simplement parce qu'on est un homme. C'est intolérable !
Je me méfie des discours mettant en avant des écarts structurels, des écarts inexpliqués, et finalement l'idée qu'il existe des écarts licites. Par exemple, comme il y a plus de femmes à temps partiel, il serait normal que, globalement, les femmes gagnent moins. Sauf que le temps partiel est très souvent subi par les femmes. Inutile de débattre des écarts licites et des écarts illicites : les écarts s'expliquent par les inégalités existant dans notre société entre les hommes et les femmes, aussi bien sur le marché du travail que dans la vie privée.
Je ne sais pas si, à la faveur de la loi sur l'égalité professionnelle, vous pourrez travailler sur d'autres mesures. En effet, vous allez devoir transposer dans les trois ans la directive européenne sur le congé parental. Vous devrez également étudier la question du congé de maternité. Faut-il fixer sa durée à vingt semaines ? Tout le monde n'est pas d'accord. Personnellement, cela me semble beaucoup et je préférerais que l'on aménage le travail des femmes revenant de congé de maternité, pour leur permettre d'allaiter ou de rentrer plus tôt chez elles, et surtout que l'on accompagne leur retour dans la communauté du travail. Avoir un enfant n'enlève pas de compétences. Il faut lever l'opprobre qui pèse sur ces femmes et dissiper l'autocensure qu'elles s'imposent.
S'il faut travailler sur l'égalité salariale et l'égalité professionnelle au sens large, il importera aussi de travailler sur deux autres leviers : le temps partiel, même si ce n'est pas encore le moment et qu'il faut encore négocier et, surtout, la santé au travail, sur laquelle j'ai beaucoup travaillé avec l'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail (ANACT).
Comme je l'ai montré dans mon rapport, la santé au travail n'est prise en compte que pour le salarié masculin, sous l'angle de la pénibilité au travail. Mais on ne prend pas en compte le risque de stress des femmes – ce risque est de 40 % supérieur à celui des hommes – ni leur risque de souffrir de troubles musculo-squelettiques. Il faut étudier ces sujets. Il convient également de travailler dans le cadre de l'accord national interprofessionnel sur le harcèlement et la violence au travail, et notamment sur le sexisme ordinaire. Il faut absolument faire des enquêtes dans les entreprises sur la souffrance que représente la non-reconnaissance des femmes, leur fragilisation, leurs problèmes d'identité au travail. Ce qui s'est passé à France Télécom montre bien que le bien-être des salariés passe par la reconnaissance de leur identité au travail, c'est-à-dire la reconnaissance de leurs compétences et de leur savoir-faire.
Il faut mettre sur la table la fragilisation des compétences féminines que leur impose autrui et qu'elles s'imposent à elles-mêmes. Par exemple, certaines femmes, parce qu'elles rentrent de congé de maternité, n'osent pas postuler. Il faut poser la question de la souffrance au travail qui résulte du sexisme. La DARES pourrait s'y intéresser et mener des enquêtes. Il faudrait mettre le mot « sexisme » sur la table.
Qui aura le courage de le faire ? Et qui pourrait s'en charger au sein du nouveau ministère ?
Les décrets d'attribution devraient bientôt nous fixer sur les compétences des uns et des autres.
La question des femmes a fini par arriver sur le devant de la scène, au moment du débat sur les retraites. Les femmes étaient nombreuses dans les manifestations pour témoigner de l'injustice dont elles sont victimes, injustice qui se répercute sur leur retraite. À cette occasion, j'ai discuté avec une femme polypensionnée, qui a travaillé toute sa vie, qui a cotisé auprès de dix-sept caisses de retraite, et qui touche maintenant 900 euros par mois, ce qui lui laisse 6,60 euros par jour pour vivre ! Les femmes ressentent cette injustice.
Il y a deux types de ressentis : d'abord, celui de l'injustice et de la discrimination, qui est de plus en plus fort et qui se traduit par des inégalités de salaires et de retraites ; ensuite, le ressenti du sexisme, qui se traduit par les phénomènes de déstabilisation au travail, qui existent dans les grandes organisations et qui font que les femmes n'arrivent pas à crever le plafond de verre.
Tout le monde est très satisfait de notre taux fécondité, de 2,2 enfants par femme, qui nous place en tête des pays européens, avec l'Irlande. Comment valoriser le fait qu'en France les femmes, même en travaillant, assurent le renouvellement des générations dans les meilleures conditions ?
En outre, en matière de retraite, l'annulation de la décote ne s'appliquera qu'à partir de trois enfants. Cela revient à faire une mesure spécifique pour les femmes de trois enfants, alors qu'elles auraient pu bénéficier à toutes les femmes, même sans enfant.
Aujourd'hui, je distribue sur les marchés une plaquette que j'ai rédigée, et une lettre indiquant pourquoi je n'ai pas voté le projet de loi sur les retraites. Une femme est venue me dire qu'elle touchait 600 ou 800 euros de retraite ! Comment peut-elle faire pour vivre ?
Nous avons proposé que l'on améliore l'information des salariés mais il reste qu'une véritable information sur les conséquences du temps partiel en termes de retraite est indispensable.
Madame Grésy, je vous remercie.
L'audition s'achève à vingt heures.