Mes chers collègues, je vous informe que nous avons reçu, en application de l'article 12 de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001, quatre projets de décret portant transfert et virement de crédits. Ces documents sont à votre disposition.
Vous vous souvenez que, le 23 novembre dernier, notre Commission a donné un avis défavorable à une ouverture de crédits relatifs à la politique immobilière dans le cadre du récent décret d'avance. C'est la première fois depuis l'adoption de la loi organique relative aux lois de finances que nous exprimons ainsi un avis défavorable.
En l'espèce, nous avons assez fortement douté de l'urgence de l'ouverture de 232 millions d'euros d'autorisations d'engagement en vue de souscrire un bail immobilier pour l'administration centrale du ministère de la Justice.
Alors qu'un projet de loi de finances rectificative était sur le point d'être déposé, il ne nous a pas paru convenable d'approuver implicitement une décision engageant l'État pour de tels montants et pour une durée de l'ordre de 15 à 20 ans. Cette ouverture de crédits prenait en effet parti sur l'arbitrage entre achat et location immobilière pour une administration centrale emblématique.
Entre ce moment et la discussion du collectif, les offres de vente ont été connues, renforçant les doutes que nous pouvions avoir sur l'opportunité de certains termes de ce décret d'avance, concernant les deux immeubles en vue : il en est résulté en séance publique, en accord entre nous, à l'initiative de notre Rapporteur spécial, le vote d'une réduction des crédits de 72 millions d'euros de manière à ce que l'État renonce à la location et opte pour l'achat de l'immeuble le moins onéreux, porte de Bagnolet.
Cet épisode a montré, en tout état de cause, que le moment était venu de faire le point avec les représentants de la Commission au Conseil de l'immobilier de l'État, et en particulier son président, Yves Deniaud. Tel est l'objet de notre réunion.
Je veux simplement rappeler que la politique immobilière est l'un de nos sujets de prédilection, depuis la MEC de 2005 qui fut un levier déterminant de sa réforme. Les conclusions du rapport de la MEC étaient tellement convaincantes que le ministre du budget, il s'agissait de M. Jean-François Copé à l'époque, avait décidé de les reprendre à son compte. Symboliquement, le Conseil de l'immobilier de l'État a été créé, avec à sa présidence le rapporteur de la MEC, votre prédécesseur Georges Tron.
Ce fut donc pour nous, d'un point de vue institutionnel, un beau succès. Pour autant, rien n'est encore acquis. Deux nouveaux rapports de la MEC en 2006 et 2008 ont montré ce que la réforme exige de persévérance de la part des parlementaires que nous sommes. Les ministères se vivent souvent encore comme des « quasi-propriétaires », sans toutefois en manifester les exigences, et les nouvelles procédures sont longues à généraliser.
Après cinq ans, nous avons donc encore besoin d'une détermination institutionnelle, consensuelle et réelle. Pour soutenir ces efforts, cet échange nous sera utile. Il conviendra par la suite, si vous en êtes d'accord, de le renouveler périodiquement.
Monsieur le Président, vous avez la parole.
Comme vous venez de le rappeler, la nouvelle politique immobilière de l'État est née ici, dans la salle de notre Commission. Certes, entre 2002 et 2005, le gouvernement avait pris quelques initiatives pour dynamiser sa politique immobilière. Notamment, le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin avait demandé à l'inspection générale des finances et à une mission présidée par M. Olivier Debains des propositions pour améliorer la situation. Nombreux étaient ceux qui pensaient que cette politique ne fonctionnait pas correctement, sans toutefois prendre la mesure réelle de l'étendue de ce qu'il faut bien appeler un désastre. En résulteront notamment la création d'une mission interministérielle pour la valorisation du patrimoine de l'État et une adaptation du cadre juridique de gestion.
En 2005, à la suite des dysfonctionnements constatés, notre commission des Finances a manifesté son intention de s'attaquer énergiquement à ce sujet. Pour mémoire, je pourrais citer les péripéties rocambolesques de l'immeuble dit des « Bons enfants » du ministère de la Culture, resté inoccupé pendant dix ans, après le départ vers Bercy des services du ministère de l'Économie. Donc, en 2005, la MEC a dressé un constat très sévère de la gestion du patrimoine immobilier de l'État. Elle a formulé des propositions, qui serviront de cadre aux réflexions et décisions ultérieures, parmi lesquelles je citerai particulièrement : l'affirmation du rôle de l'État propriétaire unique ; la nécessité de responsabiliser les ministères gestionnaires ; la création d'une structure spécifique, autonome, pour conduire la politique immobilière ; l'élaboration de schémas directeurs immobiliers ; l'instauration de loyers budgétaires ; le versement des produits de cession à un compte d'affectation spéciale.
En 2006, à la suite d'une présentation en Conseil des ministres, les nouveaux principes de la politique immobilière de l'État ont été arrêtés. Ils ont conduit notamment à la création d'un Conseil de l'immobilier de l'État, qui a vocation à fournir des avis au ministre chargé du domaine, fonction assumée par le ministre du Budget et des comptes publics.
Le Conseil de l'immobilier de l'État a été installé le 19 juin 2006, pour une durée de cinq ans, avec une composition originale. Il comprend notamment des représentants du Parlement : trois députés et deux sénateurs. Deux députés et deux sénateurs sont désignés par les présidents de leur assemblée respective, la présence du troisième député relevant plus de l'usage selon lequel le Président du Conseil de l'immobilier de l'État, nommé par le ministre du Budget, est un parlementaire. Le premier président, de 2006 au printemps 2010, a été Georges Tron qui avait été rapporteur de la MEC. Bien que rien ne l'impose dans les textes, je suis donc le deuxième parlementaire à être nommé président du Conseil de l'immobilier de l'État. À mon sens, il est fondamental que cette tradition perdure, notamment pour assurer une réelle indépendance d'esprit et une liberté de parole au président du Conseil de l'immobilier de l'État, lesquelles ne seraient pas forcément assurées si un haut fonctionnaire venait à exercer cette responsabilité. Il s'agit là d'un gage de la réussite du Conseil de l'immobilier dans l'exercice de ses fonctions et missions.
Le Conseil de l'immobilier de l'État est également composé de représentants de grands corps de contrôle comme l'Inspection générale des finances, la Cour des comptes et le Conseil général de l'écologie, de représentants du secteur privé – non pas des promoteurs mais principalement des représentants des professions juridiques, notaires et avocats – de représentant du secteur parapublic, notamment le président de La Poste et son directeur de l'immobilier, ainsi que d'un fonctionnaire du ministère allemand des finances.
Le Conseil est assisté dans son travail par un secrétariat général composé d'agents de Bercy. Le secrétaire général, M. Emmanuel Charron, est ici présent.
Quels sont les principes de la nouvelle politique immobilière de l'État ? Une circulaire du Premier ministre du 29 février 2007 a fixé l'organisation du secteur entre le Conseil de l'immobilier de l'État, France Domaine - service aux compétences renforcées et en principe, représentant unique de l'État propriétaire, sous réserve des spécificités des biens situés à l'étranger et du ministère de la Défense - et les préfets, représentants uniques de l'État sur ces sujets.
Les principes généraux mis en avant par le Conseil de l'immobilier de l'État sont simples et relèvent du bon sens : pour l'État, comme pour tout propriétaire, l'immobilier a un coût qu'il faut minimiser. Diminuer les coûts, cela implique de professionnaliser la gestion du parc, d'avoir des localisations adaptées, des ratios d'occupation raisonnables ou encore d'améliorer l'entretien du parc, qui en a singulièrement besoin.
Concrètement, quatre principes majeurs ont été défendus et mis en place.
Premièrement le principe de l'État propriétaire : ce ne sont pas les ministères qui sont propriétaires mais bien l'État. En conséquence, les intérêts de ce propriétaire doivent être défendus par une structure autonome, France Domaine. En 2007, la suppression du régime de l'affectation a marqué un pas décisif. De même, l'instauration de loyers budgétaires traduit cette réalité.
Le deuxième principe est la rationalisation de l'occupation des espaces : naguère, occuper des locaux domaniaux n'avait pas de coût. La superficie occupée n'avait donc pas d'importance. D'où la norme de 12 m2 par agent que le Conseil de l'immobilier de l'État a contribué à faire adopter.
Le troisième principe est la rationalisation du patrimoine : être propriétaire, cela a un coût et dans bien des cas, il est utile de vendre des immeubles devenus inutiles. A contrario, multiplier les locations pour des services pérennes est une absurdité économique. Nous en avons eu la démonstration la semaine dernière.
Enfin, le quatrième principe est la nécessité d'une stratégie immobilière : les occupations de surfaces par les services administratifs doivent se programmer, d'où les schémas prévisionnels de stratégie immobilière qui ont été adoptés en ce qui concerne les services centraux des ministères, et qui sont en cours d'élaboration pour les services déconcentrés dans les régions et départements.
Depuis 2006, le Conseil de l'immobilier de l'État a tenu 30 séances et rendu 48 avis.
Naturellement, les règles de gestion de l'État propriétaire ont particulièrement été étudiées, notamment les loyers budgétaires : les administrations doivent dorénavant acquitter un loyer à France Domaine pour les superficies qu'elles occupent. À partir du 1er janvier 2011, elles devront financer le coût de l'indexation sur leurs crédits existants. Deuxièmement, la politique de cession : depuis 2002, ces cessions représentent à peu près 4 milliards d'euros, hors opérations exceptionnelles du ministère de la Défense, évaluées à 1 milliard d'euros. Les produits sont affectés en priorité au désendettement (à hauteur de 15 % aujourd'hui, de 30 % en 2014). Le solde permet le financement des projets immobiliers majeurs de l'État, notamment pour le relogement des services restructurés. Une part de ces produits de cessions est mutualisée, pour gommer les différences entre ministères. Le Conseil de l'immobilier de l'État milite pour que cette part s'accroisse nettement. Actuellement, 65 % du produit des cessions retourne vers les ministères.
La troisième règle de gestion est l'affectation d'un niveau sécurisé de ressources à la politique d'entretien, qui a trop longtemps été négligée : 20 % des loyers budgétaires, soit 140 millions d'euros en crédits de paiement en 2010, règle promue par le Conseil de l'immobilier de l'État en raison de la priorité qu'il a soulignée dès l'abord.
Les schémas d'implantation des ministères ont tous été élaborés : statutairement, le Conseil de l'immobilier de l'État doit être saisi pour avis sur chacun d'eux. Son intervention a d'ailleurs conduit plusieurs ministères à « revoir leur copie ». Certains ministères ont été particulièrement coopératifs et réactifs aux propositions du Conseil de l'immobilier de l'État, notamment le ministère de l'Éducation nationale.
Nous sommes également informés des grandes opérations d'implantation à Paris, et notamment, de l'opération très lourde du ministère de la Défense à Balard, qui consiste à y regrouper l'ensemble de ses services centraux actuellement dispersés dans le centre de Paris. Cette opération doit être achevée en 2014, date correspondant à la cession de toutes les emprises parisiennes de ce ministère. Nous suivons pareillement l'opération de relocalisation du tribunal de grande instance de Paris aux Batignolles, cette opération étant annoncée comme encore plus importante sur le plan financier que le projet Balard. Sur ces opérations, le Conseil de l'immobilier de l'État éprouve d'ailleurs parfois des difficultés à obtenir des informations.
La dernière grande règle de gestion est le renforcement de l'opérateur de l'État propriétaire. Certes, le rôle et l'action de France Domaine s'améliorent depuis 2006. Pour autant, son statut de service de la DGFIP l'empêche de jouer un rôle d'opérateur comme pourrait l'être une société foncière. Ce statut est appelé à évoluer, de même que la professionnalisation des agents de France Domaine notamment en ce qui concerne les procédures d'évaluation des biens.
Les problématiques actuelles sont tout d'abord l'inscription dans une vision territoriale grâce notamment aux SPSI régionaux. Le Conseil de l'immobilier de l'État a été sollicité par le ministre du Budget pour émettre un avis sur les schémas stratégiques arrêtés par les préfets. Les premières auditions effectuées par le Conseil de l'immobilier de l'État appellent quelques observations : la volonté de localisation en coeur d'agglomération a un coût et ne se justifie pas toujours ; les baisses d'effectifs ne sont pas toujours anticipées ; le respect des ratios d'occupation et la connaissance des coûts de fonctionnement ont de grandes marges de progression.
Les 643 opérateurs de l'État, dont une première évaluation du patrimoine est estimée à 40 milliards d'euros, sont une autre grande problématique. Il s'agit d'un nouveau champ d'intervention qui sera la priorité de 2011. Les enjeux à venir sont relativement lourds et concernent les universités, les hôpitaux, les organismes de sécurité sociale ou encore les grands opérateurs à Paris, comme le Louvre ou le Centre national du cinéma.
Enfin, il convient de mener à son terme le combat pour la rationalité des décisions. L'exemple tout à fait récent du choix de l'implantation des services du ministère de la Justice à Bagnolet ou à Issy-les-Moulineaux en est une parfaite illustration.
En conclusion, essayons de voguer vers un sujet compliqué avec des idées simples.
Il convient avant tout d'éviter les idées fausses. La politique immobilière de l'État, ce n'est pas vendre quelles que soient les circonstances et pour le principe. Le produit de cessions annuel n'est pas l'alpha et l'oméga de la politique immobilière de l'État. Il s'agit avant tout de promouvoir l'utilisation la plus rationnelle possible des locaux occupés par les services de l'État.
Il convient également d'avoir de la constance : de nombreuses administrations ont évolué dans leur approche des questions immobilières mais il reste bien des réticences à vaincre.
Il faut aussi connaître exactement le sujet en question : entre le rapport de 2005 de la MEC et aujourd'hui, la simple valorisation du patrimoine immobilier a doublé ! Il est aujourd'hui valorisé à 67,8 milliards d'euros dans le rapport sur la certification des comptes établi par la Cour des comptes en mai 2010 pour l'exercice 2009. Je rappelle que le patrimoine immobilier de l'État fait toujours l'objet d'une réserve substantielle de la part de Cour des comptes.
Enfin, il nous faut mesurer le chemin qui reste à parcourir : pour ne prendre qu'un ultime principe, la question du statut de France Domaine, aujourd'hui encore simple service de la DGFIP à Bercy empêche la mise en oeuvre d'une réelle politique de l'État propriétaire.
Je suis favorable à votre suggestion de faire de France Domaine un service autonome par rapport à la DGFIP ; cependant je souligne que dans ce cas, le versement d'une prime de scission ne s'imposerait pas, car on se souvient qu'il y a peu a été attribuée aux agents une prime de fusion des services…
Le ministère de la Justice apparaît plus que jamais comme une entité autonome qui va à son rythme et, il faut bien le dire, un peu au gré de ses caprices, mais l'enjeu est de faire dorénavant coïncider les principes et les circonstances. Par quels moyens y parvenir ?
L'affaire de la gestion par le ministère de la Culture de l'immeuble des Bons Enfants a été l'exemple de la mauvaise gestion du passé et de la résistance de certains ministères aux nouvelles règles qu'on a voulu leur imposer. L'audition il y a quelques années du ministre de la Culture reste en mémoire des commissaires. Le travail de la commission depuis cinq ou six ans a contribué à améliorer la situation, mais beaucoup de progrès restent à faire. On a souligné la légitimité de l'acquisition d'immeubles pour certaines instances et services, de préférence à la location pour les services pérennes, mais n'y a-t-il pas lieu d'adopter des règles pour l'acquisition foncière ? Ceci semble d'autant plus indispensable que la MEC sur les recettes exceptionnelles du ministère de la Défense a donné l'occasion de constater que France Domaine ne pouvait pas fournir la valorisation correspondante à une liste d'emprises. Or l'administration doit répondre précisément aux questions des parlementaires.
Je soutiens la démarche de M. Giscard d'Estaing sur la nécessité de l'évaluation avant de décider en faveur de l'achat ou de la location. Procède-t-on à une évaluation en surface par ministère, avec des ratios par ministère ou ensuite par poste de travail ? Comment prendre en compte l'ancienneté des bâtiments, avec l'analyse de la vétusté et de leur état d'entretien ? Les coûts prospectifs d'entretien doivent aussi être pris en compte.
L'intervention récente de la commission des Finances doit permettre de réorienter le choix du ministère de la Justice. Quel sera l'équilibre financier de l'opération immobilière prévue par le ministère? Les relations entre l'État et collectivités locales sont mauvaises au cours du processus de restitution de biens immobiliers par les services déconcentrés et leur mise en vente. En effet, les mises en vente de foncier important, comme les casernes de gendarmerie par exemple, contribuent à la spéculation foncière dans les centres ville où la pression est forte. À l'heure actuelle, les collectivités sont juste prévenues mais elles devraient pouvoir prendre part aux décisions de manière à ce que ce soit l'intérêt général qui prévale et non le seul souci du ministère concerné de vendre le plus cher possible une implantation. Les collectivités doivent pouvoir acquérir, préempter ou au moins peser sur les prix. France Domaine doit évaluer les biens de l'État mais aussi les autres biens car ses évaluations ont des conséquences sur les autres biens existants à proximité, donc sur les prix locaux de manière plus large.
Qui est l'évaluateur en fait ? France Domaine n'a pas compétence pour ce qui concerne la Chancellerie. Quelle analyse porte France Domaine sur le doublement de l'évaluation globale de l'immobilier de l'État en cinq ans ? Enfin, pourquoi la Cour des comptes émet-elle une réserve substantielle sur le sujet ?
Il faut saluer notre vote récent sur les crédits du ministère de la Justice, à l'unanimité de plus. Le travail de la commission a permis d'obtenir des résultats : la vigilance doit rester de mise au vu de la cupidité dont font preuve certains ministères. Le ministère de l'Intérieur par exemple ferme l'École de police de Vannes mais veut vendre les terrains et les bâtiments le plus vite et le plus cher possible, ce à quoi s'est opposée la municipalité. Alors que l'État n'est pas exemplaire pour ses administrations centrales, on constate une absence de recherche d'économie et une recherche excessive de valorisation pour les implantations déconcentrées.
Afin d'éviter de telles pratiques, il faudrait changer la loi pour rendre possible l'expropriation des biens de l'État par les collectivités locales sous le contrôle du juge. Des biens ferroviaires sont inutilisés et « gelés » depuis des dizaines d'années et l'expropriation n'est pas possible, ce qui est inadmissible. On pourrait exproprier le ministère de la Défense qui gèle des terrains considérables quant un régiment quitte une ville. Ce serait un moyen de rappeler à l'administration que cette situation n'est plus acceptable et une leçon donnée par les élus aux fonctionnaires.
Il en est de même en Aquitaine où un terrain militaire de 9 000 hectares aurait pu être reconverti en zone classée « Seveso » extrêmement sécurisée, mais aucune discussion n'a pu être ouverte avec le ministère de la Défense. Il m'est revenu que les fonctionnaires de France Domaine étaient rémunérés de manière variable en fonction du volume ou du nombre de transactions. J'espère que cela est faux naturellement.
Je suis très satisfait d'entendre que la politique va aujourd'hui dans le sens de l'achat immobilier lorsqu'il s'agit de services régaliens pérennes, car il y a quelques années, les services de l'État ont fait de grandes erreurs lorsque la ligne de conduite était de vendre les emprises et de loger les services dans des immeubles loués. Il faut actuellement prêter attention aux risques de la spéculation et en particulier dans la région parisienne. Les gens qui négocient les terrains de l'État sont formatés comme de mauvais agents immobiliers. L'évaluation d'un projet de déménagement de services de l'État présente différents aspects et quand une administration quitte la région parisienne, il faut prendre en compte l'apport positif en termes de reconquête du territoire. À Montreuil, l'arrivée des douanes nationales a joué un rôle dans le développement du territoire et la valeur marchande a moins d'importance dans le contexte global de l'opération.
Il convient de mettre un terme à l'arrogance de la nomenklatura d'État qui survit à tous les régimes : chacun doit rester à sa place, les politiques décidant et les fonctionnaires exécutant. Vous ne devez pas vous abriter derrière la pesanteur d'une fonction publique formatée comme vous pour oublier la logique politique des décisions. Lorsqu'une évolution va toucher un service de l'État (le domaine de l'armement par exemple), il faut imposer une vraie concertation ou négociation avec les collectivités. Ministres et fonctionnaires partagent la responsabilité du manque actuel de concertation qui fait que, à la pénalisation de la perte d'emplois s'ajoute la pénalisation de la vente de l'immobilier, souvent aggravée encore par le phénomène de spéculation. Les ministres imposent leur volonté sans tenir compte de l'intérêt local.
Existe-t-il des pistes pour améliorer la gestion des biens immobiliers qui font l'objet d'un legs ? Aujourd'hui, l'État se retrouve souvent propriétaire de biens dont l'affectation est trop précisément définie et dont le coût d'entretien est important ; je pense en particulier au domaine de Saint-Cloud ou à la villa Finaly en Italie dont l'utilité publique n'est pas particulièrement évidente. Existe-t-il des études bien par bien pour préciser dans quelles conditions le legs de chaque bien peut être accepté ?
La politique immobilière de l'État est aujourd'hui à la croisée des chemins : l'administration a pris conscience des immenses progrès à réaliser, la structure de France Domaine est en place et la stratégie à suivre entre propriété ou location est plus claire.
Une lacune demeure cependant concernant la culture de la gestion immobilière des ministères ; une solution pourrait venir de l'inclusion d'une formation spécifique dans le programme des fonctionnaires.
La position que nous avons prise concernant l'installation du ministère de la Justice porte de Bagnolet est emblématique mais elle risque de ne pas être suivie d'effet si le Parlement ne pousse pas sa réalisation.
Dans cette affaire, le ministère a avancé deux arguments également faux :
– l'appréciation d'un immeuble dans un meilleur quartier étant supérieure, la différence de coût initial – de l'ordre de 70 millions d'euros – sera absorbée en quelques années. Cette position n'est pas acceptable car elle induit que les ministères mènent leur politique immobilière à des fins de profit immobilier ;
– en outre, contrairement à ce qui a été affirmé, le personnel est unanime, par la voix de ses syndicats, à souhaiter l'installation porte de Bagnolet.
Le loyer des immeubles parisiens du ministère de la Justice – 25 millions d'euros par an – suffit amplement à justifier l'investissement de 150 millions d'euros pour l'acquisition de l'immeuble porte de Bagnolet qui serait amorti en six années seulement. Cet immeuble répond en outre aux dernières normes en matière de qualité environnementale et d'accessibilité.
Personnellement, je n'ai eu aucun écho syndical défavorable à cette délocalisation, à part un unique courriel d'un employé, habitant les Yvelines.
L'argument de la valorisation est en outre d'autant plus faux que le Conseil de l'immobilier de l'État, qui comprend des experts du marché parisien, a estimé que le rendement financier de l'investissement porte de Bagnolet serait supérieur aux autres solutions envisagées.
Lors de leurs auditions, les différents ministères ont tous fait valoir la « spécificité » de leur mission impliquant par exemple, pour le ministère de la Justice, la gestion des prisons ou pour le ministère de l'Intérieur la gestion des commissariats et des gendarmeries. En ce qui me concerne, je considère que les entreprises de BTP qui construisent ces installations sont les mêmes que pour toute opération privée et donc que ces prétendues spécificités sont mises en avant pour éviter tout progrès dans ce domaine. Aujourd'hui, nous avons encore quatorze budgets opérationnels de programme pour l'entretien de l'immobilier de l'État, ce qui est beaucoup trop.
Il y a donc encore des avancées considérables à réaliser, notamment en développant les compétences de France Domaine dans le domaine de l'évaluation. Les exemples locaux ne manquent pas démontrant une mauvaise connaissance du patrimoine immobilier de l'État. La mission d'évaluation et de contrôle de 2005 avait mis en lumière les insuffisances de l'information du directeur des domaines lui-même, notamment en ce qui concerne le tableau général des propriétés de l'État qui n'était pas à jour, sur les acquisitions et les cessions opérées dans une période récente, voire la totale méconnaissance des données en matière de baux de l'État ; cette audition, relayée dans une émission de télévision, avait provoqué la colère du ministre des comptes publics de l'époque.
Le travail réalisé depuis lors a permis de doubler l'évaluation du patrimoine immobilier de l'État, même si ces progrès n'ont pas permis d'éviter la réserve substantielle de la Cour des comptes sur la certification des comptes de l'État, en raison précisément de cette mauvaise évaluation.
L'une des origines de ces approximations provient également des informations gérées par le logiciel Chorus, qui ne permet pas de croiser des informations contradictoires. En outre, le nombre des spécialistes de l'évaluation de France Domaine est largement insuffisant : il en faudrait une trentaine alors qu'ils ne sont que quatre aujourd'hui.
S'agissant des relations avec les collectivités locales, le ministère de la Défense a un statut particulier, puisqu'il perçoit 100 % du produit des cessions qu'il opère. En outre, il est contraint de céder à l'euro symbolique certains biens lorsqu'ils sont situés dans des villes en zones de restructuration.
Le Conseil de l'immobilier de l'État estime que certaines situations se prolongent excessivement : en effet, le délai moyen de réalisation des cessions dans ce secteur est de six ans, ce qui apparaît excessivement long pour des biens qui sont, la plupart du temps, abandonnés par les unités. Il faudrait, en tout état de cause, que l'armée accélère ces opérations de cessions.
S'agissant des agents de France Domaine, il est inexact qu'ils seraient rémunérés en fonction des opérations qui sont menées : c'est une affirmation erronée.
Il me semble essentiel de souligner que les prix sont souvent estimés plus ou moins correctement et qu'ils sont parfois trop élevés. Il convient d'intégrer dans le prix la valorisation du terrain. De ce point de vue, France Domaine, et plus généralement, l'État n'ont pas la capacité d'obtenir des prix de cessions intégrant la valorisation ultérieure des actifs fonciers. Ce qui me fait venir à mon second point : celui de la valorisation des biens affectés à des opérateurs. L'État est de ce point de vue en situation de sclérose. Je pense à certains opérateurs comme Voies navigables de France (VNF) et à son opération Confluences menée à Lyon. Il est indispensable que l'État mène une réflexion conjointement avec les collectivités locales sur la valorisation des actifs fonciers mis à disposition de VNF en particulier et d'autres types d'opérateurs en général.
Je souhaiterais connaître le sentiment du Président sur l'immobilier extérieur. Avec la révision générale des politiques publiques (RGPP), il a été question de mettre en place une « Foncière de l'étranger » : or, rien n'est advenu. Le rapport spécial de M. Deniaud sur l'immobilier de l'État et mon propre rapport spécial sur l'action extérieure de l'État se rejoignent d'ailleurs souvent sur ce point. Pensez-vous que cette question de l'immobilier extérieur doive rester dans le strict giron du ministère des Affaires étrangères ? Il est indispensable de faire avancer les choses sur ce terrain.
S'agissant des experts auprès du Conseil de l'immobilier de l'État, leurs exploits passés doivent nous inciter à la plus grande prudence ! L'intérêt de France Domaine n'est pas forcément l'intérêt public. Il s'agit d'un enjeu structurel : l'implantation des services publics doit être un levier pour le développement des territoires locaux et n'est pas qu'une simple question de gestion immobilière de l'État, en particulier en Île-de-France.
Pour répondre à M. Bouvard, le patrimoine des opérateurs de l'État n'est en effet pas toujours très clair : s'agissant de Voies Navigables de France, je pense notamment au problème du statut des maisons d'éclusiers. Il est indispensable que des clarifications soient opérées, car les situations sont souvent complexes, comme cela a été le cas pour l'Office national des forêts (ONF), sur le domaine duquel persistaient de nombreux usages anciens. Désormais, les opérateurs auront l'obligation de se doter de leur propre schéma prévisionnel de stratégie immobilière, validé par l'État, et ils devront donc avoir une vision stratégique à long terme qu'ils n'ont pas aujourd'hui.
S'agissant du patrimoine détenu à l'étranger, lors de ma visite à Rome, j'ai constaté que l'État français aurait pu améliorer sa gestion immobilière : il loue actuellement des locaux pour un total de loyers de 770 000 euros par an, alors qu'une gestion d'ensemble lui aurait par exemple permis d'utiliser plus utilement l'immeuble appartenant à l'État, situé Piazza Navona, occupé par l'École française d'archéologie, et ainsi de dégager des espaces au Palais Farnèse pour y loger les services dispersés dans ces immeubles loués.
Le Conseil de l'immobilier de l'État souhaite la mise en place d'une société foncière des biens de l'État à l'étranger, pour doter l'État d'une gestion d'ensemble, alors qu'aujourd'hui, chaque ministère gère sa politique immobilière individuellement pour ses biens situés hors de France.
S'agissant de la question soulevée par Jérôme Chartier concernant les legs, il convient de rappeler que l'État est tenu de respecter un certain nombre d'obligations juridiques en la matière. De nombreux biens détenus par les hôpitaux sont en effet le fruit de legs. En Italie, par exemple, la politique est beaucoup plus stricte en matière d'application des testaments qu'en France.
Je remercie le Président du Conseil de l'immobilier de l'État, par ailleurs Rapporteur spécial de l'immobilier de l'État, de nous avoir informés du projet immobilier concernant la Chancellerie : son alerte a été tout à fait utile, et nous comptons sur sa diligence pour continuer de nous tenir informés des suites qui seront données à ce projet.
Informations relatives à la Commission