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Intervention de Yves Deniaud

Réunion du 15 décembre 2010 à 9h30
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYves Deniaud, Président du Conseil de l'immobilier de l'état :

Comme vous venez de le rappeler, la nouvelle politique immobilière de l'État est née ici, dans la salle de notre Commission. Certes, entre 2002 et 2005, le gouvernement avait pris quelques initiatives pour dynamiser sa politique immobilière. Notamment, le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin avait demandé à l'inspection générale des finances et à une mission présidée par M. Olivier Debains des propositions pour améliorer la situation. Nombreux étaient ceux qui pensaient que cette politique ne fonctionnait pas correctement, sans toutefois prendre la mesure réelle de l'étendue de ce qu'il faut bien appeler un désastre. En résulteront notamment la création d'une mission interministérielle pour la valorisation du patrimoine de l'État et une adaptation du cadre juridique de gestion.

En 2005, à la suite des dysfonctionnements constatés, notre commission des Finances a manifesté son intention de s'attaquer énergiquement à ce sujet. Pour mémoire, je pourrais citer les péripéties rocambolesques de l'immeuble dit des « Bons enfants » du ministère de la Culture, resté inoccupé pendant dix ans, après le départ vers Bercy des services du ministère de l'Économie. Donc, en 2005, la MEC a dressé un constat très sévère de la gestion du patrimoine immobilier de l'État. Elle a formulé des propositions, qui serviront de cadre aux réflexions et décisions ultérieures, parmi lesquelles je citerai particulièrement : l'affirmation du rôle de l'État propriétaire unique ; la nécessité de responsabiliser les ministères gestionnaires ; la création d'une structure spécifique, autonome, pour conduire la politique immobilière ; l'élaboration de schémas directeurs immobiliers ; l'instauration de loyers budgétaires ; le versement des produits de cession à un compte d'affectation spéciale.

En 2006, à la suite d'une présentation en Conseil des ministres, les nouveaux principes de la politique immobilière de l'État ont été arrêtés. Ils ont conduit notamment à la création d'un Conseil de l'immobilier de l'État, qui a vocation à fournir des avis au ministre chargé du domaine, fonction assumée par le ministre du Budget et des comptes publics.

Le Conseil de l'immobilier de l'État a été installé le 19 juin 2006, pour une durée de cinq ans, avec une composition originale. Il comprend notamment des représentants du Parlement : trois députés et deux sénateurs. Deux députés et deux sénateurs sont désignés par les présidents de leur assemblée respective, la présence du troisième député relevant plus de l'usage selon lequel le Président du Conseil de l'immobilier de l'État, nommé par le ministre du Budget, est un parlementaire. Le premier président, de 2006 au printemps 2010, a été Georges Tron qui avait été rapporteur de la MEC. Bien que rien ne l'impose dans les textes, je suis donc le deuxième parlementaire à être nommé président du Conseil de l'immobilier de l'État. À mon sens, il est fondamental que cette tradition perdure, notamment pour assurer une réelle indépendance d'esprit et une liberté de parole au président du Conseil de l'immobilier de l'État, lesquelles ne seraient pas forcément assurées si un haut fonctionnaire venait à exercer cette responsabilité. Il s'agit là d'un gage de la réussite du Conseil de l'immobilier dans l'exercice de ses fonctions et missions.

Le Conseil de l'immobilier de l'État est également composé de représentants de grands corps de contrôle comme l'Inspection générale des finances, la Cour des comptes et le Conseil général de l'écologie, de représentants du secteur privé – non pas des promoteurs mais principalement des représentants des professions juridiques, notaires et avocats – de représentant du secteur parapublic, notamment le président de La Poste et son directeur de l'immobilier, ainsi que d'un fonctionnaire du ministère allemand des finances.

Le Conseil est assisté dans son travail par un secrétariat général composé d'agents de Bercy. Le secrétaire général, M. Emmanuel Charron, est ici présent.

Quels sont les principes de la nouvelle politique immobilière de l'État ? Une circulaire du Premier ministre du 29 février 2007 a fixé l'organisation du secteur entre le Conseil de l'immobilier de l'État, France Domaine - service aux compétences renforcées et en principe, représentant unique de l'État propriétaire, sous réserve des spécificités des biens situés à l'étranger et du ministère de la Défense - et les préfets, représentants uniques de l'État sur ces sujets.

Les principes généraux mis en avant par le Conseil de l'immobilier de l'État sont simples et relèvent du bon sens : pour l'État, comme pour tout propriétaire, l'immobilier a un coût qu'il faut minimiser. Diminuer les coûts, cela implique de professionnaliser la gestion du parc, d'avoir des localisations adaptées, des ratios d'occupation raisonnables ou encore d'améliorer l'entretien du parc, qui en a singulièrement besoin.

Concrètement, quatre principes majeurs ont été défendus et mis en place.

Premièrement le principe de l'État propriétaire : ce ne sont pas les ministères qui sont propriétaires mais bien l'État. En conséquence, les intérêts de ce propriétaire doivent être défendus par une structure autonome, France Domaine. En 2007, la suppression du régime de l'affectation a marqué un pas décisif. De même, l'instauration de loyers budgétaires traduit cette réalité.

Le deuxième principe est la rationalisation de l'occupation des espaces : naguère, occuper des locaux domaniaux n'avait pas de coût. La superficie occupée n'avait donc pas d'importance. D'où la norme de 12 m2 par agent que le Conseil de l'immobilier de l'État a contribué à faire adopter.

Le troisième principe est la rationalisation du patrimoine : être propriétaire, cela a un coût et dans bien des cas, il est utile de vendre des immeubles devenus inutiles. A contrario, multiplier les locations pour des services pérennes est une absurdité économique. Nous en avons eu la démonstration la semaine dernière.

Enfin, le quatrième principe est la nécessité d'une stratégie immobilière : les occupations de surfaces par les services administratifs doivent se programmer, d'où les schémas prévisionnels de stratégie immobilière qui ont été adoptés en ce qui concerne les services centraux des ministères, et qui sont en cours d'élaboration pour les services déconcentrés dans les régions et départements.

Depuis 2006, le Conseil de l'immobilier de l'État a tenu 30 séances et rendu 48 avis.

Naturellement, les règles de gestion de l'État propriétaire ont particulièrement été étudiées, notamment les loyers budgétaires : les administrations doivent dorénavant acquitter un loyer à France Domaine pour les superficies qu'elles occupent. À partir du 1er janvier 2011, elles devront financer le coût de l'indexation sur leurs crédits existants. Deuxièmement, la politique de cession : depuis 2002, ces cessions représentent à peu près 4 milliards d'euros, hors opérations exceptionnelles du ministère de la Défense, évaluées à 1 milliard d'euros. Les produits sont affectés en priorité au désendettement (à hauteur de 15 % aujourd'hui, de 30 % en 2014). Le solde permet le financement des projets immobiliers majeurs de l'État, notamment pour le relogement des services restructurés. Une part de ces produits de cessions est mutualisée, pour gommer les différences entre ministères. Le Conseil de l'immobilier de l'État milite pour que cette part s'accroisse nettement. Actuellement, 65 % du produit des cessions retourne vers les ministères.

La troisième règle de gestion est l'affectation d'un niveau sécurisé de ressources à la politique d'entretien, qui a trop longtemps été négligée : 20 % des loyers budgétaires, soit 140 millions d'euros en crédits de paiement en 2010, règle promue par le Conseil de l'immobilier de l'État en raison de la priorité qu'il a soulignée dès l'abord.

Les schémas d'implantation des ministères ont tous été élaborés : statutairement, le Conseil de l'immobilier de l'État doit être saisi pour avis sur chacun d'eux. Son intervention a d'ailleurs conduit plusieurs ministères à « revoir leur copie ». Certains ministères ont été particulièrement coopératifs et réactifs aux propositions du Conseil de l'immobilier de l'État, notamment le ministère de l'Éducation nationale.

Nous sommes également informés des grandes opérations d'implantation à Paris, et notamment, de l'opération très lourde du ministère de la Défense à Balard, qui consiste à y regrouper l'ensemble de ses services centraux actuellement dispersés dans le centre de Paris. Cette opération doit être achevée en 2014, date correspondant à la cession de toutes les emprises parisiennes de ce ministère. Nous suivons pareillement l'opération de relocalisation du tribunal de grande instance de Paris aux Batignolles, cette opération étant annoncée comme encore plus importante sur le plan financier que le projet Balard. Sur ces opérations, le Conseil de l'immobilier de l'État éprouve d'ailleurs parfois des difficultés à obtenir des informations.

La dernière grande règle de gestion est le renforcement de l'opérateur de l'État propriétaire. Certes, le rôle et l'action de France Domaine s'améliorent depuis 2006. Pour autant, son statut de service de la DGFIP l'empêche de jouer un rôle d'opérateur comme pourrait l'être une société foncière. Ce statut est appelé à évoluer, de même que la professionnalisation des agents de France Domaine notamment en ce qui concerne les procédures d'évaluation des biens.

Les problématiques actuelles sont tout d'abord l'inscription dans une vision territoriale grâce notamment aux SPSI régionaux. Le Conseil de l'immobilier de l'État a été sollicité par le ministre du Budget pour émettre un avis sur les schémas stratégiques arrêtés par les préfets. Les premières auditions effectuées par le Conseil de l'immobilier de l'État appellent quelques observations : la volonté de localisation en coeur d'agglomération a un coût et ne se justifie pas toujours ; les baisses d'effectifs ne sont pas toujours anticipées ; le respect des ratios d'occupation et la connaissance des coûts de fonctionnement ont de grandes marges de progression.

Les 643 opérateurs de l'État, dont une première évaluation du patrimoine est estimée à 40 milliards d'euros, sont une autre grande problématique. Il s'agit d'un nouveau champ d'intervention qui sera la priorité de 2011. Les enjeux à venir sont relativement lourds et concernent les universités, les hôpitaux, les organismes de sécurité sociale ou encore les grands opérateurs à Paris, comme le Louvre ou le Centre national du cinéma.

Enfin, il convient de mener à son terme le combat pour la rationalité des décisions. L'exemple tout à fait récent du choix de l'implantation des services du ministère de la Justice à Bagnolet ou à Issy-les-Moulineaux en est une parfaite illustration.

En conclusion, essayons de voguer vers un sujet compliqué avec des idées simples.

Il convient avant tout d'éviter les idées fausses. La politique immobilière de l'État, ce n'est pas vendre quelles que soient les circonstances et pour le principe. Le produit de cessions annuel n'est pas l'alpha et l'oméga de la politique immobilière de l'État. Il s'agit avant tout de promouvoir l'utilisation la plus rationnelle possible des locaux occupés par les services de l'État.

Il convient également d'avoir de la constance : de nombreuses administrations ont évolué dans leur approche des questions immobilières mais il reste bien des réticences à vaincre.

Il faut aussi connaître exactement le sujet en question : entre le rapport de 2005 de la MEC et aujourd'hui, la simple valorisation du patrimoine immobilier a doublé ! Il est aujourd'hui valorisé à 67,8 milliards d'euros dans le rapport sur la certification des comptes établi par la Cour des comptes en mai 2010 pour l'exercice 2009. Je rappelle que le patrimoine immobilier de l'État fait toujours l'objet d'une réserve substantielle de la part de Cour des comptes.

Enfin, il nous faut mesurer le chemin qui reste à parcourir : pour ne prendre qu'un ultime principe, la question du statut de France Domaine, aujourd'hui encore simple service de la DGFIP à Bercy empêche la mise en oeuvre d'une réelle politique de l'État propriétaire.

1 commentaire :

Le 17/12/2010 à 17:47, Mr Ferrandi a dit :

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Bonjour Mr le député. Je souhaiterais savoir sur quelle base seront revalorisés en 2011 les loyers budgétaires dont sont redevables les administrations. En vous remerciant par avance pour votre réponse.

Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui

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