Je suis heureux d'ouvrir cette deuxième matinée d'auditions que la Mission d'évaluation et de contrôle consacrera à l'enseignement français à l'étranger, qui est l'un trois des thèmes de travail qu'elle a retenus en 2010. Je salue, aux côtés de nos trois Rapporteurs, Jean-François Mancel, Hervé Féron et André Schneider, ainsi que de M. Jean-Pierre Brard, les représentants de la Cour des comptes qui, comme d'ordinaire, nous assistent durant nos auditions : M. Jean-François Bernicot, conseiller-maître, et René André, conseiller-maître en service extraordinaire.
Vous connaissez tous l'importance et l'actualité du thème qui nous réunit aujourd'hui. Le Président de la République a mentionné un plan de développement de l'enseignement français à l'étranger dans la lettre de mission qu'il a adressée au ministre des Affaires étrangères. L'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) fait actuellement l'objet d'une évaluation et d'un audit. Enfin, le Parlement souhaite prendre toute la mesure des enjeux financiers de l'enseignement français à l'étranger car il nous appartient bien sûr de nous assurer de la bonne utilisation des crédits de l'État. Nos trois rapporteurs seront vigilants sur ces aspects financiers, tout en étant conscients de la dimension bien plus large de l'enseignement du français à l'étranger.
Si vous me permettez une précision, monsieur le Président, il s'agit de l'« enseignement français » à l'étranger, et non de l'« enseignement du français » à l'étranger.
L'enseignement français à l'étranger est un enseignement global des programmes scolaires français, analogue à ce qu'il est en France, dispensé à l'étranger à des enfants français ou non qui ont fait le choix de suivre un enseignement dans notre langue. Il ne s'agit pas seulement de l'enseignement de la langue française, mais de l'ensemble des matières, dans le cadre de notre système et du respect des valeurs qui sont les siennes.
Tout à fait.
Je vous propose, Mesdames, Messieurs, de présenter brièvement vos organisations et de nous dire comment elles voient la situation.
La Fédération des parents d'élèves de l'enseignement public, présente de la maternelle à l'université, est une association également présente dans les établissements publics français à l'étranger. Comment nos adhérents dont les enfants fréquentent ces établissements perçoivent-ils les choses ? Tous considèrent que cet enseignement coûte désormais vraiment trop cher et est devenu inaccessible aux familles qui ne disposent pas de gros moyens – la crise ne sévit pas qu'en France. Tous reconnaissent la qualité de l'encadrement dans ces établissements, dont les résultats sont excellents, mais beaucoup nous ont fait part des difficultés que rencontrent les enfants à leur retour dans le système scolaire français. Ils s'y sentent perdus et ont beaucoup de mal à s'adapter, notamment à l'université – sans que cela tienne à une insuffisance de niveau scolaire.
Administrateur de la FCPE, je suis également président de la FCPE Maroc. L'enseignement français à l'étranger est un enseignement d'excellence, qui participe largement au rayonnement international de la France, mais aujourd'hui ses objectifs semblent être devenus flous. Est-ce seulement une prestation au bénéfice des Français expatriés ou est-il destiné aussi à former des élites dans les pays d'accueil et à marquer la présence française à l'étranger ? Cet enseignement ne va-t-il pas être sacrifié sur l'autel budgétaire car les prix pratiqués sont tels que, de fait, il devient réservé à une élite très aisée ? Il se trouve aujourd'hui à la croisée des chemins avec la question des bourses et de la prise en charge (PEC). Une réflexion approfondie est nécessaire pour répondre à cette question qui taraude tous les parents d'élèves et tous les acteurs : la pression budgétaire mise aujourd'hui sur l'AEFE lui permettra-t-elle de continuer à exercer sa mission de service public ?
Je suis président de la FAPÉE, association créée il y a trente ans pour traiter exclusivement des problèmes de l'enseignement français à l'étranger, très spécifiques, et pour en défendre les valeurs. Nous comptons aujourd'hui entre 120 et 150 associations locales de par le monde. Je suis par ailleurs administrateur de la Mission laïque française (MLF). J'ai également occupé des fonctions au Cercle Magellan et ai participé aux réflexions conduites avec les entreprises, notamment sur la possibilité de développer des actions dans le cadre des dispositifs de mécénat.
Cette audition est pour nous la marque de l'intérêt que vous portez à l'enseignement français à l'étranger et de votre conscience, au-delà des exigences de la RGPP et des difficultés de l'AEFE, de son importance pour la présence et le rayonnement de la France dans le monde. Comme l'ont dit les deux intervenants précédents, les restrictions budgétaires rendent la situation difficile. Sans doute a-t-on négligé le fait que l'enseignement français à l'étranger s'adresse aussi aux élèves nationaux des pays hôtes.
Nous sommes reconnaissants de l'effort consenti par l'État pour aider les familles françaises afin que leurs enfants ne soient pas exclus de cet enseignement pour des raisons financières. Nous regrettons néanmoins que l'accent n'ait pas été mis exactement là où il aurait fallu. Non seulement une catégorie de la population s'est trouvée favorisée par rapport à une autre, mais on a déséquilibré des ressources budgétaires, déjà limitées, aux dépens de ceux qui doivent supporter les dépenses.
Mesdames, Messieurs, je vous remercie tout d'abord d'avoir accepté de venir nous rencontrer. Vous vous êtes livrés à un rapide diagnostic de la situation. Pourriez-vous l'approfondir ? Quelles sont vos propositions concrètes d'amélioration ? Nous ne pouvons en effet nous limiter à nous assurer que l'argent public est utilisé à bon escient et efficacement. Vous avez dit, Monsieur Boukouraych, qu'une « réflexion approfondie » était nécessaire. Mais des réflexions, il y en a déjà eu beaucoup. Des assises ont été organisées, les sénateurs représentant les Français de l'étranger ont déjà publié un rapport en 2004. Considérez-vous qu'on dispose d'ores et déjà de toute la matière pour agir ou qu'il faille aller plus loin ? Si oui, sur quels points plus particuliers ? Pensez-vous que les problèmes rencontrés tiennent quasi exclusivement aux moyens financiers ou faut-il, d'une manière plus large, faire évoluer notre enseignement français à l'étranger ? Une « révolution culturelle » n'est-elle pas nécessaire dans la manière de s'adresser à la fois aux élèves français mais aussi étrangers ? Avez-vous le sentiment que l'ensemble des acteurs publics, au premier rang desquels l'AEFE, assument dans de bonnes conditions leurs responsabilités ? Des évolutions vous paraissent-elles souhaitables sur ce point ? Si oui, lesquelles ? Enfin, vous paraît-il possible de faire appel à d'autres acteurs, peut-être trop peu sollicités jusqu'à présent ?
Il importe avant tout que la démarche soit coordonnée. L'AEFE joue un rôle fondamental par la dimension de réseau qu'elle apporte. En effet, aucun établissement français à l'étranger ne ressemble à un autre : tous ont leurs racines, leur histoire, leurs particularités, qui font leur singularité. Tous, chacun à leur façon, doivent défendre et faire respecter les valeurs de notre enseignement, notamment celles de service public – même lorsque ce ne sont pas des établissements relevant du service public. Il ne serait pas illogique, notamment dans les établissements homologués, que la coordination et le contrôle soient plus forts. Nous avons beaucoup milité pour l'élaboration d'une charte et la conclusion de contrats de partenariat, énonçant clairement des droits et des devoirs, car il en va de la raison même pour laquelle nous avons voulu que cet enseignement existe.
En quelque sorte, mais la labellisation est un sujet un peu différent.
Nous sommes bien conscients que les ressources de l'État ne sont pas illimitées et que, dans le contexte de crise actuel, elles sont encore plus contraintes qu'elles ne l'étaient hier. Nous pensons malgré tout que l'enseignement français à l'étranger est un domaine prioritaire, fondamental pour les personnels expatriés des entreprises nationales, mais aussi pour le rayonnement international de la France. J'ai personnellement travaillé vingt-cinq ans à l'étranger pour une grande entreprise française. Nous y avons créé des écoles, avant même la mise en place de l'AEFE, pour aller de l'avant. Je ne comprends pas pourquoi certains font aujourd'hui valoir que cela ne concerne pas les entreprises et invitent à rechercher plutôt d'autres solutions.
Aujourd'hui, l'action du ministère de l'Éducation nationale et celle du ministère des Affaires étrangères sont très imbriquées concernant l'enseignement français à l'étranger. Cette imbrication peut devenir encore plus étroite, mais un regard spécifique n'en reste pas moins nécessaire sur l'enseignement français à l'étranger, ses spécificités et ses richesses particulières, dont il faudrait, me semble-t-il, davantage tirer parti. Le ministère de l'Éducation nationale a envoyé quelque 320 enseignants à l'étranger pour étudier les systèmes d'enseignement d'autres pays. Pourquoi n'enverrait-il pas une partie de ces personnels dans les établissements français à l'étranger, qui devraient être un creuset d'innovation ? Pourquoi non plus ne pas associer Ubifrance, à l'image de ce qui se fait avec le VIE, le volontariat international en entreprise ? Ce pourrait être une réponse partielle aux questions budgétaires qui nous préoccupent. Pourquoi non plus ne pas faire appel à des fondations ? Nous sommes, pour notre part, ouverts à toute idée permettant de développer le réseau de l'enseignement français à l'étranger grâce à des ressources extérieures. Cela étant, ne nous faisons pas d'illusions : cela ne suffira pas. Les locaux des établissements sont dans un état très moyen. Les travaux indispensables de sécurité ont été réalisés, mais il reste encore beaucoup à faire. Force est de constater que l'État n'a pas toujours très bien géré son patrimoine, sans compter que, celui-ci n'amortissant pas son immobilier comme le font les entreprises privées, a été transférée à l'AEFE, avec les bâtiments, une charge sans les moyens nécessaires d'y faire face. Il est aujourd'hui impossible à l'Agence de supporter elle-même ce type de dépenses. Et pourquoi les parents d'élèves devraient-ils payer pour l'entretien d'un patrimoine qui appartient à l'État ?
En outre, les frais d'écolage ont fortement augmenté. Or il existe une limite au-delà de laquelle l'augmentation ne peut plus être supportée. Et nous constatons d'ores et déjà beaucoup de départs, notamment d'élèves étrangers dont les familles ne reçoivent aucune aide. L'une des richesses de l'enseignement français à l'étranger réside dans le brassage des cultures que celui-ci permet et l'ouverture sur le monde qu'il procure. Je suis donc inquiet de cette évolution, d'autant que l'équilibre des comptes des établissements tient pour une large part à la scolarisation d'élèves étrangers en leur sein. Nous rencontrons aujourd'hui de gros problèmes à cet égard, en Espagne notamment. Une répartition entre pour moitié des élèves français, pour moitié des élèves étrangers me paraît équilibrée.
En réponse à votre question, Monsieur le rapporteur, je pense que le temps des réflexions a assez duré et qu'il faut maintenant agir. Existe-t-il une réelle volonté politique de donner à l'AEFE les moyens nécessaires ? Avec ceux qui lui sont alloués aujourd'hui, l'Agence ne peut plus assumer ses missions.
Les frais d'écolage atteignent des sommets tels que beaucoup de familles ont déjà retiré, ou s'apprêtent à le faire, leurs enfants des établissements français pour des raisons financières. La loi du 6 juillet 1990 a assigné une double mission à l'Agence, celle d'offrir un enseignement aux enfants des Français expatriés, mais aussi à ceux des nationaux du pays d'accueil. On s'oriente malheureusement vers un système où le fardeau du financement serait supporté par les étrangers, vu le poids des bourses et de la PEC. Est-ce cela que l'on veut ?
La FCPE a toujours revendiqué pour les établissements où elle est présente, c'est-à-dire seulement ceux qui sont en gestion directe, la continuité du service public qui s'inscrit dans le droit fil de la politique de la France de défendre le français face à ce qu'il faut bien appeler l'« agression » de l'anglais. Or nous avons l'impression que l'enseignement français à l'étranger ne navigue plus aujourd'hui qu'avec pour seule boussole les considérations financières. La seule question qui semble importer est de trouver une manière d'équilibrer les budgets, tout le reste étant renvoyé au rang de questions accessoires.
S'agissant de la distinction entre enseignement français étranger et enseignement du français à l'étranger, permettez-moi de faire observer que, lorsque j'étais lycéen au Maroc, cinq de mes sept professeurs étaient français. Pourquoi a-t-on abandonné cette politique ? Pourquoi ne s'implante-t-on plus dans les établissements des pays étrangers ? L'enseignement du français est une question clé si la France demeure attachée à la présence et à l'influence internationales qui l'ont si longtemps caractérisée. Elle ne peut pas sacrifier ce rayonnement pour des raisons budgétaires. Or, comme en atteste, hélas, l'évolution de la part du budget de l'AEFE dans le budget général de l'État, on ne veut plus financer l'enseignement français à l'étranger.
J'ajoute que la FCPE a toujours souhaité que l'AEFE soit placée sous la double tutelle du ministère de l'Éducation nationale et du ministère des Affaires étrangères.
Je partage, hélas, une grande partie des réflexions de mes collègues. L'état de l'immobilier dans beaucoup d'établissements laisse à désirer – et c'est un euphémisme ! Beaucoup d'associations sont obligées de prendre à leur charge des « actions repas » car les établissements n'ont pas la chance de posséder comme en France une cantine scolaire. Les frais de restauration s'ajoutent encore aux frais d'écolage. Je comprends les contraintes budgétaires qui peuvent être celles des pouvoirs publics, mais il faut aussi mesurer celles des familles. Beaucoup, hélas, ont retiré leurs enfants des établissements français pour des raisons financières. On se félicitera certainement que les enfants concernés aient fréquenté les établissements du pays d'accueil, se soient ouverts à sa culture, aient appris sa langue, mais ce ne sera pas sans poser ensuite d'autres problèmes.
Quel est le nombre d'enfants scolarisés dans les établissements français à l'étranger et le montant moyen des frais de scolarité ?
Je voudrais revenir un instant sur la défense du français par rapport à ce que vous avez qualifié, monsieur Boukouraych, d'« agression » de l'anglais. Certains jugent ce problème dépassé et pensent qu'il est vain d'essayer de faire en sorte que le français puisse rivaliser avec l'anglais, qui est désormais la première langue parlée dans le monde. Les mêmes estiment en revanche que, hors de toute rivalité avec l'anglais, il faut permettre que le français soit enseigné, appris et parlé le plus largement possible dans le monde.
C'est à juste titre que vous avez fait la distinction entre l'enseignement français et l'enseignement du français. Mais que proposez-vous pour une meilleure coordination entre les deux ?
La FCPE insiste sur le coût de la scolarité dans les établissements français à l'étranger et ses conséquences sur le public qui les fréquente, lequel a évolué pour s'éloigner sans doute de celui visé dans les missions premières de l'AEFE. Au-delà de ce constat, largement partagé, quelles sont vos propositions ? Il existe indéniablement des contraintes budgétaires, mais la lettre de mission du Président de la République affiche aussi une ambition nette pour l'enseignement du français. Comment expliquez-vous la dégradation de la situation actuelle et, surtout, que proposez-vous pour y mettre un terme ? Je veux pour preuve du malaise actuel que la FCPE a fait savoir qu'à tel ou tel endroit le représentant de l'AEFE demandait avec insistance aux représentants des parents d'élèves de ne pas communiquer sur les difficultés de l'AEFE auprès de ces derniers.
En effet, la FCPE a dit cela, mais dans un cas très particulier. Ce n'est pas la situation générale. Au Maroc par exemple, nous n'hésitons pas à revendiquer, nous manifestons même devant l'ambassade, et il nous a toujours été dit que nous étions là dans notre rôle et que la mise en évidence de ces difficultés ne gênait personne.
L'AEFE a déjà du mal à s'en sortir avec sa mission première. Si on lui en confie d'autres, sa situation ne pourra qu'empirer. L'idée de développer l'enseignement du français dans les établissements du pays d'accueil est très intéressante, mais il faut la mettre en oeuvre autrement que par le biais de l'Agence, ou alors revoir le cahier des charges de celle-ci. Sa mission première est aujourd'hui d'assurer la gestion au quotidien de son réseau d'établissements. Si l'on veut lui donner un rôle complémentaire de coopération, il faut repenser totalement son action. Aujourd'hui, dans les ambassades, le conseiller culturel adjoint à l'enseignement et le conseiller de coopération et d'action culturelle appartiennent à des services différents.
Nous avons, pour notre part, toujours revendiqué que les réformes mises en oeuvre en France le soient également dans les établissements français de l'étranger. Je voudrais ici soulever le problème posé par l'exclusion d'un élève par le conseil de discipline d'un établissement français à l'étranger. Le non-droit continue de prévaloir. En effet, en France, un élève n'est jamais qu'exclu d'un établissement, pas de l'enseignement en général. À l'étranger, un élève exclu n'a d'autre recours que de saisir le tribunal administratif. Imagine-t-on que des familles qui ont déjà du mal à payer les frais de scolarité intentent une action en justice ?
Une langue, c'est une culture, et l'enseignement français à l'étranger est un véhicule de cette culture. Lorsque deux personnes parlent la même langue, mais surtout ont été éduquées de la même façon et dans le même esprit, elles ont plus de chances de se comprendre et de pouvoir avancer d'un pas commun. Voilà ce que nous recherchons. Cela ne signifie pas pour autant que nos enfants ne doivent pas apprendre l'anglais ni s'ouvrir le plus possible sur le monde, notamment en apprenant la langue locale du pays d'accueil – bien au contraire, et la jeunesse actuelle sait toute l'importance d'une ouverture d'esprit internationale. Tout en respectant les principes d'éducation qui sont les nôtres, il faut aussi tirer profit du fait de se trouver à l'étranger, faire en sorte que nos enfants puissent intégrer l'enseignement supérieur des pays hôtes et, inversement, que des nationaux ayant fréquenté les établissements français rejoignent notre enseignement supérieur, ou celui de pays tiers – imprégnés de la culture française, ils demeureront des alliés de la France. C'est ainsi que notre culture essaimera. Pour un bon fonctionnement du système, il faut s'adapter aux pays hôtes : on ne peut pas partout transposer telles quelles toutes les circulaires de l'Éducation nationale. La suppression des cours le samedi matin dans le primaire, par exemple, pose des problèmes insurmontables dans de nombreux pays, comme au Liban, en Espagne ou au Maroc. Autant de sujets à traiter, comme aussi celui de l'enseignement des langues locales.
J'en viens au registre financier. Comment équilibrer les comptes ? L'AEFE ne gaspille pas ses crédits et elle a un rôle fondamental de coordination dans un réseau extrêmement disparate. Cette disparité même l'oblige à avoir une présence forte pour faire valoir certains principes, et notamment aider à l'orientation des élèves. J'estime que l'on n'a pas encore assez travaillé sur ces spécificités et que l'action est encore trop calquée sur ce qui existe en France.
Il faut écouter les parents d'élèves. Beaucoup d'établissements conventionnés sont, comme vous le savez, gérés par des parents. D'autres, au sein desquels nous nous battons pour qu'ils soient représentés, le sont par des fondations. Un lien étroit entre « usagers » et « dispenseurs » de savoirs est en effet indispensable pour proposer des améliorations, trouver ensemble des réponses, rechercher éventuellement une aide financière complémentaire. Bien que les aspects pédagogiques ne soient pas de notre ressort, nous souhaitons néanmoins être associés à certains choix car ils conditionnent l'avenir de nos enfants, et ont aussi des incidences financières. En un mot, il faut bien se poser la question du rapport qualitéprix, lequel permet d'ailleurs de se positionner par rapport à la « concurrence » – concept à manier avec précaution en matière d'éducation car nous devons nous garder de juger à l'aune des seuls aspects financiers.
Je milite pour l'égalité des chances, notamment face à l'orientation. Or, dans les établissements français de l'étranger, cette égalité n'est pas garantie. L'offre de formation est limitée, si bien que les enfants n'ont pas vraiment le choix. S'il n'y a par exemple qu'une filière scientifique avec options, ils sont bien obligés de s'y diriger.
L'AEFE a une mission qu'elle ne peut pas remplir. Oui, il faut repenser son rôle et lui donner davantage…
De moyens !
Je ne dirais pas cela car je suis consciente des contraintes qui pèsent sur les ressources. Je dirais plutôt que l'AEFE ne peut pas tout faire et qu'il faut en conséquence clarifier ses missions. Associer d'autres partenaires nous semble la solution la plus réaliste.
Ex-chef d'établissement du secondaire, j'accorde la plus grande importance à l'avis des parents d'élèves. Dans tout le système éducatif français, une place leur est d'ailleurs donnée, et nous regrettons parfois qu'ils ne l'occupent pas.
Je souhaiterais que nous puissions disposer de chiffres précis sur la répartition entre établissements en gestion directe et établissements conventionnés. Par ailleurs, je voudrais aborder la question des personnels. Aux côtés des fonctionnaires français détachés, il y a d'autres catégories de personnels, en proportion variable selon les régions. En résulte une certaine complexité dans la gestion. Quelle appréciation portez-vous sur cette question clé car, si les choix pédagogiques ne sont pas directement de votre ressort, il en va quand même de l'avenir de vos enfants ?
Comment se répartissent les personnels entre les différentes catégories et que pensez-vous de cette répartition ? Cela n'est pas neutre sur les choix budgétaires et revêt donc une très grande importance dans un contexte financier contraint.
Je ne suis pas certaine de pouvoir répondre précisément à cette question complexe. Les informations qui reviennent du terrain sont très variables selon les pays.
Il existe aujourd'hui environ 450 établissements français à l'étranger, dont 77 en gestion directe, entre 150 et 160 conventionnés avec l'AEFE, les autres n'étant qu'homologués. La Mission laïque française coordonne pour sa part les activités d'une centaine d'établissements regroupant quelques conventionnés et un grand nombre d'homologués, dont 32 établissements d'entreprise. En matière de personnels, les situations sont très diverses selon les pays. Au Liban, par exemple, quelque 85 % des enseignants sont des locaux – ce qui ne préjuge en rien d'une qualité inférieure de leur enseignement. Il nous faut simplement bien définir les profils de poste et les critères de sélection.
Les pouvoirs publics français ont souhaité, pour des raisons budgétaires, réduire le nombre d'enseignants expatriés. Il est d'abord anormal d'avoir fait supporter la charge des résidents, qui les remplacent, aux établissements. En effet, les expatriés sont rémunérés par l'AEFE, alors que les établissements doivent payer les enseignants qui leur ont été substitués – d'où une augmentation mécanique des frais d'écolage aujourd'hui. Quant à la diminution du nombre des expatriés, on est arrivé à l'os, si je puis dire. Il ne serait pas raisonnable de réduire encore les effectifs d'expatriés, car ceux-ci ont aussi des missions plus larges, essentielles, de coopération, de formation, de contrôle et de coordination des enseignants locaux. La Commission sur l'avenir de l'enseignement français à l'étranger avait conclu qu'il fallait environ 50 % de titulaires. C'est globalement une bonne proportion – appelée toutefois à varier selon les pays. Pour certains enseignements techniques, technologiques ou linguistiques, il est des pays où l'on peut sans problème faire largement appel à des enseignants locaux. Légitimement fiers de notre enseignement, nous n'en devons pas moins reconnaître la valeur de celui d'autres pays. Les personnels d'encadrement doivent, quant à eux, demeurer en nombre suffisant des expatriés, se ressourçant régulièrement en France, et seuls à même d'apporter la cohérence et la vision d'ensemble nécessaires.
Un mot sur la Mission laïque française. Celle-ci ne crée qu'un nombre limité d'établissements, qui incluent bien sûr les écoles d'entreprises, lesquelles apportent alors leur contribution – ce qui est bien la preuve, soit dit au passage, qu'elles le peuvent. Le programme Français langue maternelle, ou FLAM, est un excellent outil, notamment là où il n'est pas envisageable de créer un établissement. Mais ce ne peut pas être une alternative à l'enseignement français à l'étranger, seulement un complément nous permettant de développer notre culture à l'étranger.
Il ne faut pas confier à l'AEFE, dont les moyens sont déjà limités, trop de missions supplémentaires qui ne sont pas fondamentalement de son ressort. En revanche, oui, développons des coopérations, de nouveaux outils pédagogiques, surtout à l'ère du numérique. Nous y sommes tout à fait disposés. Ce n'est d'ailleurs pas tout à fait un hasard si la FAPÉE a actuellement son siège au sein de l'immeuble parisien de l'Alliance française.
Il y a encore du chemin à parcourir avant d'en arriver à l'« égalité des chances » que vous avez évoquée, madame Caux, et que vous espérez. La meilleure coordination, que nous appelons de nos voeux, est sans doute l'un des moyens de mieux l'assurer.
Vous avez raison, monsieur Boukouraych : l'AEFE ne peut pas tout faire. Nous ne demandons d'ailleurs pas qu'elle assume d'autres missions que celles qui sont les siennes aujourd'hui. Nous insistons en revanche sur la nécessité d'une mise en cohérence et d'une coordination avec les autres dispositifs, comme l'enseignement du français dans les systèmes scolaires étrangers, et les autres partenaires, comme l'Alliance française notamment. Vous avez dit, à juste titre, Monsieur Denis, que le programme FLAM constituait non une alternative, mais un complément. Mais comment organiser la nécessaire complémentarité entre tout cela ? Dans certains pays, des initiatives alternatives ont été lancées, souvent par des parents, qui, tout en ne coûtant pas très cher, n'en sont pas moins judicieuses et très intéressantes. Si l'on devait à New York accueillir tous les enfants de parents francophones, jamais on ne pourrait répondre à la demande ! Ces initiatives alternatives, complémentaires du reste, méritent donc le plus grand intérêt.
Il est certain que l'État français ne pourra pas ouvrir partout des établissements en nombre suffisant. Nous avons bien perçu l'intérêt du programme FLAM et nous avions d'ailleurs invité sa responsable à New York lors de notre dernière assemblée générale.
Ce que vous dites de New York est vrai et la situation est encore pire à Londres où, avec 300 000 Français, les listes d'attente pour entrer dans les établissements français sont interminables. Un nouvel immeuble a été acheté à Kentish Town qui permettra d'augmenter le nombre de places. Je souligne que cette acquisition s'est faite avec un concours financier d'entreprises se montant à 1,2 million d'euros.
En Allemagne, une solution passe par les écoles ayant le statut d'Ersatzschule. En Suède, l'enseignement est gratuit dans notre établissement français. Les solutions sont diverses.
Il faut travailler à des accords d'État à État, sachant que c'est là davantage le rôle des politiques que des associations de parents d'élèves. Mais ne nous leurrons pas : si cela apporte des solutions dans certains endroits, cela ne résoudra pas le problème du réseau actuel, qui doit, pour faire face à la demande, s'agrandir et s'améliorer, tous objectifs qui coûtent cher.
Les frais d'écolage sont très variables, allant de 1 300 euros à Madagascar jusqu'à 18 000 ou 19 000 euros à New York ou San Francisco. Cela étant, ces montants n'ont pas une grande signification par eux-mêmes car les coûts varient aussi fortement d'un pays à l'autre. Pour avoir été président de plusieurs conseils de gestion et activement impliqué dans celui du lycée français La Pérouse de San Francisco, je sais qu'il n'est pas possible là-bas de faire autrement car tout y coûte beaucoup plus cher, qu'il s'agisse des locaux ou des personnels.
Je voudrais évoquer un sujet qui nous préoccupe tous et qui n'a pas été abordé jusqu'à présent : la prise en charge (PEC). Nous avons toujours été hostiles à la réforme, de même que la FCPE d'ailleurs, et l'avons fait savoir au Président de la République. Mieux aurait valu, selon nous, améliorer le dispositif des bourses et trouver les moyens d'aider les familles étrangères modestes souhaitant néanmoins que leurs enfants puissent fréquenter un établissement français. Toutes les craintes que nous avions exprimées à l'époque se sont avérées. Cela a notamment provoqué des distorsions entre Français et étrangers et, au sein même de la communauté des Français, des tensions entre ceux qui ont droit à la PEC et ceux qui n'y ont pas droit, selon qu'ils possèdent, bien souvent du simple fait des hasards de l'histoire, la seule nationalité française ou la double nationalité. Il faut mettre un terme à ces injustices. Il faut aussi que la PEC soit fonction du niveau de revenus : il n'est pas admissible que des familles aux revenus parfois considérables en bénéficient, alors même que l'accès aux bourses a été rendu plus difficile.
Monsieur Denis, vous avez évoqué tout à l'heure les « valeurs » de notre enseignement. Encore faudrait-il les énumérer, afin de lever toute ambiguïté ou malentendu.
S'agissant de la prise en charge, je déplore qu'au nom de l'égalité on ait laissé se développer des pratiques inégalitaires. Il est proprement scandaleux que M. Jean-Marie Messier ne paie rien pour l'éducation de ses enfants à New York.
À mes yeux, l'enseignement français et l'enseignement du français sont indissociables, le premier étant un outil, parmi d'autres, du second. Pour moi, Français éminemment patriote, ce qui passe avant tout, c'est l'enseignement du français. Lors d'une visite au Liban, j'ai été très frappé que plusieurs membres des élites locales nous expliquent combien ils étaient attachés à la défense du français, non pour complaire à la France, mais parce que c'était l'instrument de leur liberté. Un gros effort est nécessaire pour que le français soit encore pratiqué au Moyen-Orient. Nous avons abandonné à leur sort les francophones dans cette région du monde, aussi bien en Israël qu'au Liban, et c'est fort dommage pour la présence et l'influence de notre pays.
Pourquoi les manuels français sont-ils quatre fois plus chers que ceux fournis par les Américains ? Un manuel scolaire ne coûte pas cher : c'est donc une question non pas de moyens, mais bien de ligne politique. Les contraintes budgétaires – et les considérations boutiquières qui s'ensuivent – ne peuvent l'emporter sur la vision politique. D'ailleurs, il s'agit non pas de contraintes budgétaires, mais de choix budgétaires, ce qui est fort différent.
J'aimerais disposer de données chiffrées précises sur les exclusions d'élèves. Il est en effet extrêmement choquant qu'un élève puisse être exclu d'un établissement quand il n'existe pas d'autre solution, car cela revient à l'exclure de l'enseignement.
Pour ma part, je milite, Madame Caux, non pour l'égalité des chances, mais pour l'égalité des droits. L'avenir de nos enfants ne doit pas relever d'une chance comme s'il se tirait à la loterie. Un digne héritier de la Révolution française ne peut que défendre l'égalité des droits.
J'aimerais beaucoup disposer – je m'adresse là non aux personnes que nous auditionnons, mais à notre Mission – d'un état précis de l'enseignement du français à l'étranger, lequel a énormément reculé, au profit d'un sabir international plus que du véritable anglais. Par le passé, les élites vietnamiennes parlaient français. Aujourd'hui le Premier ministre vietnamien lui-même ne connaît pas notre langue ! Et il en est de même dans beaucoup de pays, notamment en Israël. Nous ne pouvons pas, dans ces travaux, nous intéresser seulement à l'enseignement français, à moins de ne voir que le doigt quand celui-ci montre la lune, ce qui serait très dangereux pour l'avenir de notre langue.
La création de l'AEFE a été un grand succès – on pourrait même dire que ses établissements en ont été victimes. Ainsi a-t-on enregistré plus de 6 900 inscriptions supplémentaires, dont 4 900 d'élèves français, dont la part est passée de 45 % en 2005 à 47 % en 2008. Le nombre d'élèves étrangers a également augmenté en valeur absolue, même s'il l'a fait moins vite.
L'un des principaux défis de l'AEFE aujourd'hui est celui de l'immobilier. Les besoins immédiats pour la seule mise aux normes de sécurité des bâtiments sont estimés à 50 millions d'euros quand le budget annuel ne comporte pas plus de 60 millions d'euros de crédits pour le poste immobilier. D'après les informations dont nous disposons, l'établissement de Madrid est représentatif de ce problème majeur.
Par ailleurs, il convient de souligner que c'est en Europe que le nombre d'élèves étrangers a le plus diminué. Ainsi, de jeunes fonctionnaires européens, venant de pays où les élites connaissaient traditionnellement le français, n'apprennent plus notre langue. Les fonctionnaires européens italiens ou espagnols parlent désormais l'anglais, mais plus le français.
Enfin, il y a un vrai problème budgétaire, l'équilibre financier de l'Agence reposant sur les frais d'écolage – lesquels ont augmenté de 18 % l'année dernière, leur montant moyen s'établissant entre 3 000 et 3 500 euros – et ses fonds propres. Depuis deux ans, 10 % du financement de l'Agence proviennent de prélèvements sur son fonds de réserve, lequel n'est pas inépuisable.
Le fonds de roulement de l'Agence ne représente aujourd'hui que 25 jours de fonctionnement.
Quelles sont, Mesdames, Messieurs, vos propositions concrètes en matière de frais d'écolage, de bourses et de prise en charge, puisque la situation actuelle ne vous semble pas satisfaisante ?
Par ailleurs, pensez-vous que l'enseignement français à l'étranger utilise assez notre audiovisuel extérieur ?
Pour ce qui est de votre deuxième question, même en métropole, l'utilisation des vidéoconférences et des tableaux interactifs n'est pas encore très répandue. Si ces outils représentent un investissement de départ important, on sait qu'ils sont très efficaces de par l'interactivité qu'ils autorisent, et très utiles notamment à l'université où, par le biais de la vidéoconférence, un professeur peut s'adresser en même temps à un très grand nombre d'étudiants. Nous militerons pour qu'il y soit plus largement recouru, en veillant à leur bonne utilisation car, comme avec toute technologie, il faut éviter les dérives. Gageons qu'ils seront utilisés au mieux, au profit surtout des élèves et des enseignants, lesquels doivent avoir été formés au maniement de ces nouveaux outils pédagogiques, ce qui n'est pas toujours le cas en France, et encore moins à l'étranger.
Un lycée français à l'étranger dont le taux de réussite au baccalauréat n'est que de 85 % est un mauvais lycée : la moyenne tourne plutôt autour de 95 %, sinon davantage. Et ce taux est encore plus élevé quand l'Agence s'implique au-delà de sa stricte mission. Les taux les plus élevés se rencontrent pour le baccalauréat français option internationale préparé dans ces lycées.
Je suis d'accord avec vous, monsieur le député Brard : le problème n'est pas de contraintes budgétaires, mais de choix budgétaires. Nous considérons, nous, à la FCPE, que le choix d'aider les familles plutôt que les établissements, met en péril ces derniers. Devant la diminution du nombre d'enseignants expatriés, les établissements n'auront d'autre choix que de recruter toujours plus de personnels sous contrat local, qui coûtent moins cher. Les choix budgétaires qui ont été faits menacent gravement la qualité d'un enseignement que chacun s'accorde à reconnaître d'excellence.
S'agissant des frais d'écolage, il faut se représenter leur poids pour une famille de plusieurs enfants qui n'a droit ni à une bourse ni à la PEC ! Trois fois 3 500 euros pour une famille de trois enfants, ce n'est pas rien ! Or c'est le prix à payer pour des familles dont le seul mal a été de choisir que leurs enfants soient éduqués dans la culture française, le choix d'un établissement français à l'étranger reposant non pas sur la volonté d'un bilinguisme mais sur des critères culturels plus larges. Comment ne pas en tenir compte à l'heure des « choix budgétaires » ? Les établissements français de l'étranger peuvent demeurer des établissements d'excellence et un formidable outil de coopération avec les pays hôtes. On a suffisamment réfléchi et pointé le mal. Il faut maintenant une volonté politique forte pour aller de l'avant.
Pour ce qui est de l'utilisation des nouvelles technologies, on pourrait essayer de travailler avec TV5 notamment. La directrice générale de TV5 Monde, qui a été membre du conseil d'administration de l'AEFE, y est tout à fait disposée.
Pour le reste, les pouvoirs publics se focalisent trop sur le programme 151 Français à l'étranger et étrangers en France. Ses crédits ont paru si considérables que tout a été mis en oeuvre pour les réduire, alors que le problème est plus global. Concentrer l'effort, par une approche réductrice, sur l'aide aux familles a conduit à une situation inextricable. Il faudrait, d'une part, limiter la PEC, qui n'était peut-être pas une mauvaise idée au départ, mais dont le coût explose dans la mesure notamment où elle n'est pas soumise à condition de ressources. Il importerait, d'autre part, de continuer à aider les établissements, faute de quoi les frais d'écolage augmenteront de façon telle qu'il faudra revaloriser très fortement les bourses. Au final, on finira par redonner d'un côté ce qu'on aura cru économiser de l'autre. Il faut aussi tenir compte de la crise, qui sévit tout autant à l'étranger qu'en France. Des familles jusqu'à présent aisées commencent à se trouver en difficulté, n'étant plus épargnés par la perte d'emploi, et leur situation est d'autant plus difficile que, expatriées, elles ne peuvent pas compter sur la solidarité de leurs proches. Leurs enfants, scolarisés dans un établissement français, doivent y poursuivre leurs études jusqu'au bout, coûte que coûte – au sens propre – parce qu'il n'existe pas pour eux d'autre solution dans les pays hôtes.
Il ne faut pas exclure de l'octroi d'une bourse des familles qui en auraient de plus en plus besoin. Il faut aussi réfléchir à des bourses d'établissement pour les nationaux, afin de compenser la hausse des frais d'écolage. Si cela ne va pas dans le sens de la réduction des coûts que certains souhaiteraient, ce n'est pas moins essentiel.
Enfin, il y a longtemps que l'influence de la France et du français dans le monde a commencé de décliner. Jusqu'en 1914, chaque fois qu'un mot nouveau devait être forgé dans l'Empire ottoman, on utilisait le français. Depuis 1920, en grec comme en turc, les mots nouveaux viennent de l'anglais.
Les valeurs que nous défendons et que vous m'avez demandé, Monsieur Brard, d'énumérer, sont celles de liberté, de laïcité, de tolérance, d'ouverture…
La contrainte budgétaire est indiscutable et il nous faut trouver des solutions. Si nous avons souhaité vous rencontrer ce matin, c'est que nous ne sommes pas insensibles aux préoccupations des parents d'élèves et que nous espérons, à l'issue de cette audition, avoir ouvert avec vous quelques pistes de réflexion.
Les personnels locaux ne sont pas nécessairement mauvais, avez-vous dit. Cela va de soi. Peut-être pourrait-on encore mieux les former, évaluer et certifier leurs qualifications et en assurer le suivi. Pourquoi ne pas en faire un axe de coopération ? Cela ne coûterait pas nécessairement très cher, d'autant que les actions pourraient être adaptées en fonction des situations locales. Sans nuire aux établissements, il y aurait là une piste susceptible de donner satisfaction à tous. L'idée vous paraît-elle acceptable ?
Aujourd'hui, les personnels expatriés sont de plus en plus non-enseignants. S'ils viennent dispenser des formations ou assurer un suivi pédagogique, il faut s'en féliciter, mais si ce ne sont que des gestionnaires d'établissements, ce n'est pas l'idéal – et c'est un ancien chef d'établissement qui vous le dit.
Les personnels recrutés sous contrat local ne sont pas nécessairement des personnels locaux. Notre exigence, légitime, de parents d'élèves pour garantir la qualité de ces établissements est que leurs enseignants soient des titulaires. Dans quelle proportion ? C'est là la pierre d'achoppement pour l'instant. La question du statut, quant à elle, est tout autre.
Ne pensez-vous pas qu'augmenter la proportion de personnels locaux – je parle bien de personnels locaux, pas de résidents français du pays hôte recrutés sous contrat local – serait un formidable levier pour répondre à la préoccupation, que je partage avec Jean-Pierre Brard et tous nos collègues, de l'usage et du rayonnement de notre langue dans le monde ? Ne pourrait-on pas là faire d'une pierre deux coups ?
Tout dépend du vivier local. Il est des endroits où, en tout état de cause, il sera très difficile de trouver des enseignants locaux, comme il est déjà très difficile d'y envoyer des expatriés. Certains pays ont des systèmes d'éducation très développés qui permettent de trouver des enseignants de grande valeur. Reste à trouver le moyen non pas d'une certification, mais d'équivalences permettant de s'assurer qu'ils possèdent un niveau comparable à nos propres enseignants. À Hong-Kong ou à Singapour, il n'y a pas de problème. De même, dans les sections internationales des établissements français à l'étranger, on rencontre des enseignants de toutes origines. À ce sujet, j'insiste sur la nécessité de développer ces sections internationales ainsi que l'option internationale du baccalauréat. Ce serait une grave erreur que de délaisser le baccalauréat français au profit du baccalauréat dit « de Genève », qui ne répond pas aux mêmes critères et n'a pas la même rigueur.
Pour le reste, je suis d'accord avec vous concernant les personnels locaux. J'insiste néanmoins sur la nécessité de bien les encadrer et de les contrôler, afin d'éviter tout dérapage. Dès lors que l'on s'est assuré que leur cursus est comparable à celui de nos enseignants, un ratio de 50 % de titulaires nous paraît convenable. Mais, dans certains endroits, il faudra aller jusqu'à 90 % parce qu'il n'y a pas d'autre solution. Il faut compter aussi avec les titulaires résidents. Les chefs d'établissement et le personnel d'encadrement doivent quant à eux demeurer des expatriés.
Il faudrait commencer par dresser un état des lieux précis. Cette analyse préalable est déjà en soi un exercice très difficile vu la diversité des situations selon les pays, lesquelles évoluent elles-mêmes différemment au sein d'un même pays, selon les villes, après chaque grande réforme comme celle de la PEC. Ce n'est qu'après ce diagnostic qu'il conviendra de se réinterroger sur les missions et les objectifs de cet enseignement, puis sur les moyens, pas seulement financiers d'ailleurs – je pense au programme FLAM, label derrière lequel il y a tout un savoir-faire –, qu'on est prêt à y consacrer.
S'agissant des moyens, notre collègue Jean-Pierre Brard a distingué, à juste titre, contraintes budgétaires et choix budgétaires. Le transfert du patrimoine immobilier n'est pas la seule cause des difficultés financières de l'AEFE. La prise en charge trop partielle de la part patronale des cotisations de pensions civiles des personnels n'a pas été sans incidence. L'institution de la PEC a aussi eu des conséquences dommageables aux équilibres financiers de l'Agence, dont le fonds de roulement est aujourd'hui si faible qu'il y a vraiment urgence. La PEC a eu une incidence sur les demandes de bourses. Et cette réforme entraînera bien d'autres problèmes qui ne se sont pas encore manifestés mais qui vont monter en puissance.
Vous avez, monsieur Denis, exprimé le souhait que la PEC soit plafonnée en fonction des revenus et des frais de scolarité. Est-ce bien cela ?
Le vrai problème, ce sont les revenus. Il ne serait pas juste de dénoncer l'augmentation des frais de scolarité par tel ou tel établissement quand il y a été contraint du fait de décisions restreignant le budget de l'AEFE. La seule question qui vaille est de savoir si l'augmentation a été ou non disproportionnée et s'il a pu y avoir avantage indu. Autrefois, les entreprises payaient entre 10 % et 15 % des frais d'écolage, parfois davantage. Aujourd'hui, avec la PEC, elles en viennent de plus en plus au versement d'enveloppes globales à leurs expatriés, ce qui ne signifie qu'elles ne prennent pas en charge directement la scolarité des enfants de leurs collaborateurs, si bien que ceux-ci bénéficient de la PEC. Nous avions dès le départ dénoncé la PEC, dont nous avions entrevu les possibles effets pervers. Et il s'avère, hélas, qu'on ne la maîtrise plus du tout. Il faut mettre des limites, faute de quoi ne seront pas aidés ceux qui ont réellement besoin de l'être. Il faut se féliciter des plans Écoles, mais ceux-ci sont trop souvent élaborés dans le secret des cabinets d'ambassade. Si certains ont été parfaitement élaborés, trop d'entre eux n'ont pas assez associé les différents acteurs pour que l'on parvienne à une vision globale des besoins et que l'on trouve les bonnes réponses.
L'AEFE a entrepris de percevoir des contributions nouvelles sur les établissements conventionnés et homologués. Des établissements homologués s'en sont indignés. Il est normal que la Mission laïque française, présidée par M. Yves Aubin de La Messuzière, ne soit pas disposée à faire payer deux fois les établissements car la Mission joue déjà, pour une bonne part, le rôle de l'AEFE, notamment vis-à-vis de ses membres affiliés aux États-Unis, leur apportant conseil et assistance. En revanche, pourquoi ne pas prévoir un cadre à l'AEFE, qu'on est d'ailleurs en train de mettre en place, pour signer des contrats avec les établissements homologués et en faire même une des conditions du renouvellement de leur homologation ? C'est en allant dans cette direction que l'on trouvera des solutions.