La commission a examiné, sur le rapport de M. Jean-Claude Lenoir, la proposition de loi, adoptée par le Sénat, tendant à autoriser les petits consommateurs domestiques et non domestiques d'électricité et de gaz naturel à accéder ou à retourner au tarif réglementé (n° 2392).
Nous examinons aujourd'hui une proposition de loi, adoptée par le Sénat, tendant à autoriser les petits consommateurs d'électricité et de gaz à retourner au tarif réglementé, conformément à la volonté unanime de la représentation nationale. Je laisse à notre rapporteur, M. Jean-Claude Lenoir, le soin de vous présenter l'article unique de cette proposition de loi, ainsi que les amendements proposés par la Commission, dont l'un vise à prolonger l'application du tarif réglementé transitoire d'ajustement du marché de l'électricité, ou TaRTAM, adopté en 2006 à l'initiative de notre rapporteur, avec la collaboration de l'opposition.
La loi relative au secteur de l'énergie, adoptée par le Parlement en 2006, comportait des dispositions relatives au tarif réglementé dont la validité expire au 30 juin 2010 : la faculté pour les consommateurs particuliers de revenir au tarif réglementé ; la possibilité pour un nouveau site d'avoir accès au tarif régulé ; la faculté pour les entreprises qui étaient allées se fournir sur le marché de revenir au TaRTAM, qui ne peut être supérieur de plus de 25 % au tarif régulé.
On se souvient que nous avions donné naissance « au forceps » à ce dernier dispositif, afin de remédier aux difficultés considérables dont souffraient les industriels, surtout les électro-intensifs, du fait de la flambée des prix de l'électricité. En effet, ceux qui avaient choisi d'accepter les offres alternatives d'électricité, avantageuses jusqu'en 2004, se retrouvaient par la suite devoir acquitter des tarifs de 50 à 60 % supérieurs au tarif régulé. Nous avions dû alors affronter de nombreuses oppositions, notamment de la part d'EDF. Aujourd'hui pourtant, le TaRTAM est une référence en matière tarifaire, son montant permettant de couvrir les coûts du fournisseur tout en restant acceptable pour les entreprises clientes.
Cependant, la validité de ce dispositif, comme des deux premiers, expire le 30 juin 2010. Cette date avait été votée dans la perspective du vote de la loi relative à la nouvelle organisation du marché de l'électricité, ou loi NOME, qui aurait dû intervenir avant cette date si les travaux préparatoires n'avaient pas duré plus longtemps que prévu. C'est pour combler le vide juridique qui s'installerait à compter du 1er juillet que nous avons, avec les sénateurs, imaginé cette proposition de loi. Il s'agit d'une précaution minimale, attendue par les consommateurs – particuliers, professionnels ou industriels –, qui n'entame pas le dispositif de la future loi NOME.
La proposition de loi du sénateur Ladislas Poniatowski autorise donc, sans limite de temps, les particuliers à revenir au tarif régulé, cette faculté n'étant en rien contraire aux directives européennes. Elle proroge en outre, pour les nouveaux sites, la possibilité d'accéder au tarif régulé.
En revanche, les sénateurs nous ont laissé le soin de prolonger l'application du TaRTAM, ce dispositif ayant été créé par l'Assemblée nationale. C'est pourquoi je vous proposerai de voter un amendement prolongeant l'application de ce dispositif jusqu'au 31 décembre de cette année, la loi NOME devant être votée d'ici là.
Je soumettrai en outre à votre examen un amendement tendant à apporter à la rédaction de la disposition relative aux nouveaux sites une précision toute formelle, n'altérant en rien l'intention du Sénat.
Il s'agit de voter dans l'urgence la prorogation d'un dispositif inventé ici même pour remédier aux dysfonctionnements majeurs liés à l'ouverture du marché de l'énergie. Celle-ci a en effet provoqué une flambée des prix de l'électricité insupportable pour les consommateurs comme pour les entreprises. C'est bien la preuve que considérer l'électricité, bien universellement nécessaire et impossible à stocker, comme un bien ordinaire relève d'une forme d'inconscience.
Ayant partagé avec vous l'initiative de la création du TaRTAM, monsieur le rapporteur, nous ne pouvons qu'être favorables à sa prorogation. Votre proposition nous semble même un peu timorée : nous aurions préféré aller jusqu'à 2011, voire 2012, car nous craignons de devoir recommencer dans six mois. Soucieux cependant d'éviter toute surenchère, le groupe SRC votera ce texte.
La loi NOME ne devant pas être votée avant la fin de l'année, il était en effet absolument nécessaire de prolonger jusqu'au 31 décembre 2010 le dispositif TaRTAM et l'accès au tarif réglementé pour les sites qui souscrivent une puissance de plus de 36 kilovoltampères. Le groupe UMP votera ce texte.
Même si on ne peut pas être défavorable à ces propositions, il faut dénoncer le bricolage permanent à laquelle se résume notre politique énergétique depuis quelques années, notamment en ce qui concerne les tarifs de l'électricité et du gaz. On assiste en effet à une succession ininterrompue de textes qui modifient les lois précédentes : en l'occurrence, il s'agit de prolonger jusqu'au 31 décembre 2010 certains dispositifs dans l'espoir que la loi NOME sera votée d'ici là et qu'elle ne remettra pas en cause notre travail d'aujourd'hui.
Ce bricolage perpétuel est le résultat de la libéralisation du secteur énergétique en 2005-2006, choix que ce texte ne remet pas en cause : autoriser un tel nomadisme entre les différents tarifs, régulés ou non régulés, d'EDF ou d'un autre fournisseur, ce n'est pas construire une véritable politique énergétique. On commence pourtant à évoquer une régulation du secteur énergétique – je vous renvoie à la dernière note du Conseil d'analyse économique –, beaucoup se rendant compte qu'on est allé trop loin au vu des conséquences pour nos compatriotes et pour nos entreprises. Je vous rappelle que, dès l'origine, notre politique industrielle était associée à une politique énergétique favorable au développement de l'industrie, et que nous sommes en train de perdre cet avantage.
Pour toutes ces raisons, le groupe GDR s'abstiendra.
Certes, le secteur de l'énergie traverse une période de transition, et il n'est pas facile de sortir d'une organisation fondée depuis des années sur des monopoles nationaux. Mais on ne reviendra pas en arrière. L'avenir est à une régulation européenne qui ne nous interdira pas une politique énergétique nationale réservant toute sa place au nucléaire et ayant pour objectif de préserver la compétitivité de notre industrie. Au regard d'enjeux aussi complexes, le retard de la loi NOME n'a rien de dramatique.
N'aurait-il pas fallu cependant que cette proposition de loi prolonge explicitement le dispositif jusqu'au vote de la loi NOME ?
Par ailleurs, cette prolongation est-elle eurocompatible ?
Le débat n'est pas aujourd'hui entre régulation ou absence de régulation : il s'agit d'une question d'application de la loi dans le temps. Si nous enfermons l'application du dispositif dans un nouveau délai, nous risquons de retrouver le même problème et d'être de nouveau obligés de voter un dispositif transitoire : peut-être vaudrait-il mieux adopter la solution proposée par M. Dionis du Séjour.
Hormis cette réserve, ce texte est à mes yeux nécessaire pour appliquer la loi en vigueur, nécessaire pour limiter la réversibilité aux seuls consommateurs résidentiels et aux seules petites entreprises – réversibilité qui, en 2008, existait dans tous les autres États de l'Europe sauf en France – et assurer ainsi son eurocompatibilité. Il contribue par ailleurs à la loyauté de la concurrence sur le marché de l'énergie.
Je m'interroge sur la fixation du tarif réglementé de l'électricité. Ne risque-t-il pas demain d'échapper aux pouvoirs publics, comme c'est d'ores et déjà le cas pour le gaz, dont le tarif est fixé par la commission de régulation de l'énergie, la CRE ? Au moment où M. Proglio demande une hausse de 24 % des tarifs de l'électricité, on peut s'inquiéter pour le maintien de ce tarif à un niveau raisonnable.
On peut en effet douter que la loi NOME sera votée et applicable au 1er janvier 2011.
On nous parle de concurrence, mais s'agissant d'un produit non stockable et d'un marché spéculatif, la loi de l'offre et de la demande n'est pas le nec plus ultra. La spéculation fausse la réalité économique, avec des conséquences d'autant plus lourdes que la tendance haussière des prix de l'électricité est appelée à durer. Nos compatriotes, comme notre industrie, notamment les électro-intensifs, souffrent du caractère erratique de ces tarifs.
Cessons donc de faire croire qu'il faut être les plus libéraux pour être de bons Européens. Inspirons-nous plutôt des Allemands, ou de nos concurrents à l'échelle mondiale, la Chine, l'Australie ou le Canada, qui ont avant tout le souci de réduire le coût de production de leurs industries.
La proposition de François Brottes de prolonger la validité de ces dispositions jusqu'en 2012 n'a rien d'une plaisanterie, étant donné la façon dont le Gouvernement ne cesse de charger notre ordre du jour. Dans ces conditions, la proposition de M. Nicolas de prolonger leur validité jusqu'à l'adoption de la NOME est la bonne solution.
La fixation des tarifs de l'énergie est extrêmement sensible puisqu'elle affecte le pouvoir d'achat des ménages et la compétitivité des entreprises. Il faut également tenir compte du fait que les caractéristiques particulières de l'énergie nourrissent des fluctuations de prix sur ce marché qui sont insupportables pour les ménages et pour les entreprises.
On ne peut pas suspendre l'adoption d'une disposition d'un texte à celle – hypothétique – d'un autre texte qui n'existe pas encore !
Par ailleurs, j'appelle le Gouvernement à supprimer la disposition du projet de loi NOME qui prévoit la transposition par ordonnance des directives relatives au troisième paquet énergie. Compte tenu de l'importance de ces directives pour le fonctionnement du marché de l'électricité, une telle disposition est inacceptable. Il ne faut pas s'étonner du mépris dont souffrent les institutions européennes si on dépouille les parlements nationaux du droit de débattre de textes encadrant les secteurs vitaux de l'activité économique propre à chaque pays.
Je vous rappelle, madame Massat, que la CRE fixe les tarifs de transport et de distribution : si le Gouvernement peut refuser ces décisions, il ne peut pas prendre de décisions différentes. En matière de fourniture, en revanche, la CRE propose et le Gouvernement dispose.
En ce qui concerne la question de la date, deux dispositions de la proposition de loi ne sont pas limitées dans le temps : la réversibilité au bénéfice des particuliers et la possibilité pour les nouveaux sites souscrivant une puissance inférieure à 36 kilovoltampères d'accéder au tarif régulé. En revanche, la possibilité d'accéder au tarif régulé ouverte aux nouveaux sites souscrivant une puissance supérieure ainsi que le TaRTAM ne sont prolongés que jusqu'au 31 décembre 2010.
Sur l'impossibilité de renvoyer à une loi qui n'est pas encore adoptée, je vous renvoie à l'excellente argumentation de M. Brottes. À ceux qui proposent de reculer cette date, je rappelle que la France a un contentieux avec la Commission européenne à ce propos et que notre pays s'est engagé à régler cette question en 2010. Voter un tel recul serait d'autant plus inopportun que le Gouvernement s'entretenir de ces questions avec la Commission.
La Commission procède alors à l'examen de l'article unique de la proposition de loi.
Article unique de la proposition de loi
La Commission est saisie de l'amendement CE 2 du rapporteur.
Cet amendement vise à préciser formellement l'alinéa 5 de l'article, sans en modifier le fond. Il s'agit simplement de mieux distinguer, dans l'application de l'article 66 de la loi du 13 juillet 2005 au nouveaux sites de consommation, entre les consommateurs finals souscrivant une puissance électrique égale ou inférieure à 36 kilovoltampères – application sans limite de temps – et les consommateurs finals souscrivant une puissance supérieure – application limitée au 31 décembre 2010.
La Commission adopte cet amendement.
Elle examine ensuite l'amendement CE 3 du rapporteur.
Il est proposé, par cet amendement, de proroger jusqu'à la fin de l'année 2010 le tarif réglementé transitoire d'ajustement du marché de l'électricité.
La Commission adopte cet amendement.
La Commission adopte l'article unique de la proposition de loi ainsi modifié.
Article additionnel après l'article unique
La Commission est saisie de l'amendement CE 1 de M. François Brottes, portant article additionnel après l'article unique.
Conformément à l'esprit du Grenelle, cet amendement vise à permettre aux départements et aux régions de revendre à EDF l'électricité produite par les établissements publics dont les bâtiments sont à énergie positive.
Votre amendement est satisfait par l'article 33 du projet Grenelle 2, dont nous devons la rédaction à la Commission du développement durable. Je vous demande en conséquence de retirer cet amendement.
Pourriez-vous nous dire au préalable la date à laquelle cette disposition sera mise en oeuvre ?
Il nous est évidemment impossible de vous préciser exactement la date de promulgation de cette loi ! Mais vous savez que l'adoption du projet de loi Grenelle 2, dont ce débat relève, est une urgence.
L'amendement CE 3 est retiré.
Puis la Commission des affaires économiques adopte la proposition de loi tendant à autoriser les petits consommateurs domestiques et non domestiques d'électricité et de gaz naturel à accéder ou à retourner au tarif réglementé, ainsi modifiée.
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Informations relatives à la commission