Table ronde, ouverte à la presse, sur la couverture numérique du territoire.
Je souhaite la bienvenue aux participants de cette table ronde. Je rappelle que nos débats sont ouverts à la presse et feront l'objet d'un compte rendu publié sur le site de l'Assemblée nationale.
Même si elle est appelée à évoluer, la Délégation à l'aménagement et au développement durable du territoire est une petite structure, qui ne comprend que quinze députés. Elle s'intéresse à tout ce qui touche à l'accès aux services publics ou à leur répartition et, d'une manière générale, à tout ce qui va à l'encontre d'un équilibre entre les différents territoires.
Nous souhaitons aujourd'hui aborder le thème de la couverture numérique, qu'il s'agisse d'Internet ou de la téléphonie mobile. Les élus ressentent en effet une certaine frustration car les taux de couverture annoncés ne correspondent pas toujours à ce que vit la population. Au-delà de la question de l'accès aux services publics, ce problème n'est pas sans conséquence sur le développement et sur l'implantation d'entreprises.
Après avoir donné la parole à M. Pierre Dartout, délégué interministériel à l'aménagement et à la compétitivité des territoires, je demanderai à M. Édouard Bridoux, membre du collège de l'ARCEP, de nous présenter les actions menées par l'Autorité en faveur de l'extension de la couverture numérique et les outils dont elle dispose ou souhaiterait disposer pour aller plus loin en ce domaine. Ensuite, nous entendrons deux représentants de maires : M. Vanik Berberian, pour l'Association des maires ruraux de France, et M. Franck Reynier, pour la Fédération des maires de villes moyennes. Les députés pourront ensuite poser leurs questions.
Le numérique est essentiel en matière d'aménagement des territoires, car il constitue pour ces derniers un des plus importants facteurs d'attractivité. Depuis moins d'une dizaine d'années, la France a accompli, en ce domaine, des progrès considérables. Mais, compte tenu de l'évolution très rapide du secteur, il reste des chantiers très importants.
La couverture en téléphonie mobile a progressé de manière importante : désormais, en termes de population, la quasi-totalité du territoire est couverte, même s'il subsiste des zones blanches. S'agissant du haut débit, les progrès sont également manifestes, puisque selon l'ARCEP, près de 98 % des ménages et des entreprises sont potentiellement liés à un réseau. Toutefois, les 2 % restants correspondent à de vastes territoires, enclavés ou montagneux.
La technique évolue très vite et notre ambition est désormais de développer la couverture du territoire en très haut débit. C'est, en matière d'aménagement du territoire, un des chantiers les plus importants auxquels est confronté notre pays. Le très haut débit permettra en effet à nos territoires d'attirer des populations et des entreprises, et de créer des emplois. Mais il nécessitera un fort engagement des pouvoirs publics, qu'il s'agisse de l'État ou des collectivités territoriales. En effet, si dans une grande partie du pays les entreprises privées pourront procéder à l'installation des infrastructures nécessaires dans des conditions rentables, les pouvoirs publics devront, en d'autres endroits, prendre des initiatives pour faciliter la réalisation des travaux nécessaires. Ce sera difficile, à la fois sur le plan technique et sur le plan budgétaire, mais indispensable pour rendre les territoires attractifs.
Je vous prie de bien vouloir excuser Jean-Claude Mallet, président de l'ARCEP.
L'accès de tous aux réseaux les plus performants constitue une des priorités de l'Autorité ; la variété des actions que nous entreprenons devrait vous en convaincre. La couverture numérique appelle en particulier une vraie stratégie de mutualisation des infrastructures, la poursuite d'une collaboration étroite avec les collectivités territoriales, ainsi que la prise en compte des attentes du public comme des acteurs économiques, en matière de qualité ou de débit.
S'agissant du haut débit fixe, notre taux d'équipement est parmi les plus élevés d'Europe, en particulier grâce au dégroupage, qui a permis à la fois la concurrence et l'innovation. On compte aujourd'hui 17 millions d'accès à l'Internet haut débit, dont plus de la moitié ne dispose plus d'abonnement téléphonique traditionnel. Grâce à l'ADSL, l'Internet haut débit est accessible à 98,3 % de la population, environ 550 000 lignes demeurant non éligibles.
Les collectivités territoriales se sont largement engagées dans la résorption des zones blanches, ce qui a permis de fournir un accès à environ la moitié de la population concernée. Elles se sont essentiellement appuyées sur des solutions terrestres, hertziennes – Wi-Fi, WIMAX – ou filaires –NRA-ZO (noeuds de raccordement des abonnés en zone d'ombre). La technologie satellitaire pourra venir en complément, en dépit de ses limites de capacité actuelles. Le débit visé est d'environ 2 mégabitsseconde.
Les deux décrets prévus par la loi de modernisation (LME) et destinés à permettre aux collectivités locales de disposer d'une meilleure information sur les réseaux déployés et les services disponibles dans leur territoire ont été publiés le 14 février. L'ARCEP veillera à ce qu'ils trouvent une application effective sur le terrain.
L'Autorité est consciente des différences de perception entre les statistiques relatives à la couverture numérique et la réalité vécue par les élus et par les citoyens. Nous cherchons à affiner l'analyse et à encourager la résorption des zones mal couvertes.
Au-delà du déficit géographique de couverture, c'est aussi du niveau des débits disponibles qu'il s'agit. L'ARCEP a ainsi entendu la forte demande des collectivités locales de pouvoir accéder à la sous-boucle locale du réseau cuivre de France Télécom. Nous avons ainsi demandé à l'opérateur d'évaluer rapidement les différentes options possibles et les conditions de cet accès devraient être définies dès l'été prochain.
J'insiste également sur le rôle essentiel des réseaux d'initiative publique (RIP) en matière de couverture des zones blanches. Ils s'inscrivent dans une double logique d'aménagement du territoire et de développement de la concurrence : ainsi, 2 000 zones d'activités ont été desservies et 40 % des NRA dégroupés grâce aux RIP.
Comme l'a dit le délégué interministériel, les collectivités pourront – et devront – contribuer au développement des réseaux de très haut débit – c'est-à-dire la fibre optique –, notamment par la mise à disposition d'infrastructures de génie civil – fourreaux – et par l'amélioration des conditions de mutualisation.
En ce qui concerne la téléphonie mobile, comme l'a souhaité le Parlement, un bilan global de la couverture 2G sera réalisé par l'ARCEP d'ici à l'été 2009, en complément des cartes publiées par les opérateurs. Ce bilan portera notamment sur les perspectives de résorption des zones non couvertes par tous les opérateurs mobiles 2G – ce que nous appelons les « zones grises ». C'est un problème complexe, qui touche à l'aménagement du territoire mais aussi à des aspects concurrentiels.
S'agissant de la 3G, les prochaines échéances de déploiement sont fixées en août 2009 pour Orange et SFR et en décembre 2010 pour Bouygues Télécom. L'ARCEP dispose de certains outils pour faire respecter les engagements pris, d'autant que ces opérateurs ont toutes les cartes en main : la France est en effet l'un des premiers pays européens à autoriser les opérateurs 3G à réutiliser, pour l'UMTS, les fréquences basses – 900 mégahertz – utilisées pour la 2G, ce qui est essentiel pour favoriser la couverture du territoire. Conformément à la LME, l'Autorité va par ailleurs prendre dans les semaines qui viennent une décision en matière de partage d'infrastructures 3G.
Je terminerai par le très haut débit mobile. Le Premier ministre a approuvé, à la fin de 2008, le schéma national de réutilisation des fréquences libérées par l'arrêt de la diffusion de la télévision analogique – ce que l'on appelle le « dividende numérique ». Cette décision affecte la sous-bande du dividende numérique au service de la communication électronique, ce qui est également essentiel pour assurer une couverture étendue du territoire en très haut débit lors de la prochaine décennie. L'ARCEP va d'ailleurs lancer, d'ici la fin du mois, une large consultation sur l'ensemble des fréquences réservées au très haut débit mobile.
, président de l'Association des maires ruraux de France. Les territoires ruraux ont beaucoup de chlorophylle, beaucoup d'espoir et beaucoup de difficultés… Pourtant, après ce que je viens d'entendre, je devrais ressortir tout content de cette réunion.
En ce qui concerne l'attractivité liée au numérique, je ne peux qu'être d'accord avec M. Dartoux. En revanche, je suis surpris par l'affirmation selon laquelle 98 % du territoire serait couvert. Il semble que je me promène beaucoup dans les 2 % restant, parce qu'il arrive souvent que mes appels téléphoniques ne passent pas. On peut raisonner en termes de pourcentages, mais il faut également prendre en compte le nombre d'habitants : 2 % de lignes non accessibles, cela correspond à 500 000 foyers, ce qui fait beaucoup de monde.
Je souhaite insister particulièrement sur l'importance d'une bonne synchronisation des processus. Je me souviens en effet qu'il y a quelques années, lorsque le développement du téléphone portable s'est accéléré, France Télécom a pris l'initiative de retirer les cabines téléphoniques, alors même que la couverture de la téléphonie mobile restait incomplète. Ainsi, en certains endroits, on ne pouvait ni accéder au réseau ni passer des appels d'une cabine publique. Or je crains que l'on se retrouve dans la même situation pour la TNT, à laquelle auront accès, je crois, un peu plus de 1 500 réémetteurs. Quid des 1 500 autres antennes ? Comment annoncerez-vous à certains de nos concitoyens qu'ils seront désormais privés de télévision ?
Les bonnes intentions ne suffisent pas. Il faut faire en sorte que l'attractivité liée au numérique concerne l'ensemble des territoires et pas seulement où la population est la plus dense.
Notre fédération regroupe des villes de 20 000 à 100 000 habitants, qui abritent souvent une préfecture ou une sous-préfecture et qui sont généralement le centre d'un bassin de vie. Comme l'Association des maires ruraux de France, la FMVM est un lieu où des élus de tous bords peuvent débattre des problématiques propres à ces villes, notamment de ce que nous appelons les « charges de centralité ».
En ce qui concerne l'Internet haut débit et la téléphonie mobile, nous nous interrogeons sur la position de l'État car, même si 98 % de la population est couverte, il existe encore, dans certaines zones plus reculées, des déserts numériques. Quant au très haut débit, il constitue aussi un engagement fort pour les villes moyennes, qui aspirent à être les poumons économiques de leurs bassins de vie.
Trois scénarios sont possibles : dans le premier, celui de la résignation ; le très haut débit serait considéré comme un luxe pour lequel il serait nécessaire d'attendre. Selon une vision plus progressiste, le choix serait laissé à chacun des acteurs, en fonction de ses motivations et de ses moyens, de s'impliquer plus ou moins dans ce secteur – au risque d'entraîner des disparités plus fortes. Enfin, selon le scénario le plus ambitieux, l'État et ses partenaires s'engageraient fortement, accompagnés par les collectivités, de façon à favoriser un aménagement harmonieux du territoire.
La question la plus importante est donc celle de l'engagement des différents acteurs. Les technologies de l'information sont désormais un des piliers de l'économie. Comment accepter qu'en certains points du territoire, on ne puisse avoir accès à cette mine d'informations qu'est aujourd'hui Internet ? En outre, il est difficile d'imaginer les évolutions que nous connaîtrons demain : les médias diffusés sur les réseaux seront sans doute plus nombreux et consommeront plus de ressources. Il est donc temps de s'engager de manière ambitieuse.
J'aimerais savoir de quelle manière est établie la cartographie des réseaux, et selon quels critères ? En effet, en dépit des progrès annoncés, les élus constatent sur le terrain qu'il subsiste de nombreuses zones non couvertes. Quels sont les outils de contraintes dont dispose l'ARCEP ? Sont-ils suffisants ?
Je n'insisterai pas sur l'enjeu que représente la couverture numérique, si ce n'est pour rappeler qu'il est encore plus prégnant dans les territoires les plus enclavés, montagneux ou mal dotés en infrastructures de communication traditionnelles. Ce sont aussi, en général, des territoires pauvres, car ils disposent d'un faible potentiel fiscal. Le délégué interministériel parlait d'un enjeu technique et budgétaire ; je dirais pour ma part qu'il est budgétaire avant d'être technique. En tout état de cause, son importance a été prise en compte par les collectivités territoriales, qui se sont donc mobilisées. Nous avons ainsi, en région Limousin, lancé un plan extrêmement innovant pour le haut débit. Or, force est de constater que nous arrivons au bout de nos possibilités. Les collectivités traversent en effet des difficultés budgétaires majeures : les droits de mutation sont en baisse à cause de la crise, l'enveloppe normée inclut désormais les remboursements du FCTVA – donc des dotations d'État qui vont diminuer l'année prochaine –, la suppression de la taxe professionnelle a été annoncée et il est de plus en plus difficile d'utiliser le levier de la fiscalité sur les ménages. Nos marges de manoeuvre sont donc atteintes. Dans ces conditions, qu'entend faire l'État pour favoriser le développement de l'Internet à haut débit universel ?
Je m'étonne beaucoup que le plan de relance n'ait rien prévu pour le haut débit, domaine dans lequel des investissements pourraient être réalisés très vite, avec des effets importants pour les économies locales.
S'agissant de la téléphonie mobile, vous avez évoqué les « zones blanches ». Mais qu'en est-il des « zones grises », dans lesquelles les communications ne fonctionnent pas très bien ? Par ailleurs, que se passera-t-il pour tous les foyers qui ne seront pas couverts par la TNT, comme dans une partie de mon département ? Certains seront-ils privés en 2012 de l'accès à la télévision ?
Mme Pérol-Dumont en appelle à l'État, comme les socialistes savent si bien le faire. La couverture est en effet très mauvaise dans le Limousin, mais c'est bien la région et les départements qui, en confiant le dossier à la société Dorsal au lieu de faire appel à l'opérateur historique, qui disposait du savoir-faire nécessaire, nous ont mis dans cette situation intenable. Et voilà qu'ils se tournent vers l'État pour lui réclamer l'argent qui servira à réparer leurs bêtises ! Je trouve cela inadmissible. À cause de ces erreurs, 20 % du territoire de la Creuse ne sont pas couverts.
Mes chers collègues, je rappelle que le but de cette réunion est de faire le point sur la couverture numérique du territoire. D'autres cadres seraient sans doute plus propices à de tels échanges.
Je siège à la délégation à l'aménagement du territoire depuis sa création, en 1997. Je n'y ai jamais entendu une intervention comme celle de M. Auclair. Mais nous le connaissons tous et nous n'en tiendrons donc pas compte : nous sommes là pour travailler.
En quoi l'attribution d'une quatrième licence de téléphonie mobile pourrait-elle contribuer à améliorer la couverture du territoire ? À quelles obligations le nouvel opérateur sera-t-il soumis, et comment vérifierez-vous le respect de ses engagements ?
Si on comprend, en effet, l'avantage de cette nouvelle licence en termes de concurrence, on en mesure moins l'intérêt s'agissant de la couverture.
Certains départements ou régions ont en effet cherché à couvrir les zones blanches grâce à des procédés alternatifs tels que le WIMAX. Mais il en résulte une différence de traitement entre les citoyens concernés par ces procédés techniques et ceux qui ont pu bénéficier de l'ADSL, différence sur laquelle notre attention est très souvent appelée.
Un autre obstacle au développement de ces techniques est la difficulté d'implanter de nouvelles antennes, dont les citoyens craignent de plus en plus les effets en matière de santé. Avez-vous des précisions à apporter sur cette question ?
Certaines collectivités ont en effet opté pour le WIMAX, d'autres pour le câble. Devant la diversité des techniques disponibles, un éclairage serait utile.
Par ailleurs, un débat est ouvert sur les éventuelles nuisances provoquées par les antennes-relais. Or la couverture complète du territoire implique d'en multiplier le nombre. Ne serait-il pas possible de mutualiser les moyens disponibles ?
En ce qui concerne la téléphonie mobile de deuxième génération, l'ARCEP a adopté certaines dispositions visant à améliorer l'information des consommateurs sur la couverture. Depuis 2007, les opérateurs doivent publier des cartes réalisées selon une méthodologie harmonisée. Les enquêtes de terrain effectuées chaque année pour les vérifier montrent que ces cartes sont fiables à 95 %. Lorsque les mesures de terrain ne coïncident pas avec les cartes publiées, nous le signalons aux opérateurs afin qu'ils en tirent les conséquences. Cela étant, nous sommes conscients de la différence entre ces résultats et ce qui est vécu par les citoyens. Nous réfléchissons donc à la façon d'affiner les mesures. Mais plus nous approchons du but final, plus les problèmes sont difficiles à résoudre. C'est vrai pour le mobile comme pour le haut débit fixe.
Selon l'article 109 de la loi de modernisation de l'économie, chaque opérateur de radiocommunications mobiles de deuxième génération rend publique la liste des nouvelles zones qu'il a couvertes au cours de l'année écoulée et communique à l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes la liste des nouvelles zones qu'il prévoit de couvrir dans l'année en cours. Cette nouvelle disposition devrait être très utile.
Le même article prévoit qu'un bilan global de la couverture du territoire, portant notamment sur les « zones grises », sera effectué par l'ARCEP d'ici août 2009. De façon contradictoire, en effet, ces zones prennent de l'ampleur à mesure qu'augmente le déploiement des réseaux par les opérateurs.
M. Le Nay évoque à juste titre l'inégalité de traitement subie par certains citoyens. Dans ce domaine, les collectivités territoriales ont un rôle essentiel à jouer : elles sont les mieux placées pour recenser les difficultés et adapter les différentes technologies. Elles peuvent développer des réseaux de collecte destinés à desservir des zones d'activité, relier des NRA ou des stations de base WIMAX, etc. Il existe plusieurs alternatives à l'offre filaire de l'opérateur historique, dont chacune présente des inconvénients, mais qui sont intéressantes en termes de complémentarité.
Il reste que les technologies progressent rapidement, ce qui alimente les inégalités. Alors que l'on se satisfaisait au départ d'un débit de 128 kilobitsseconde, on estime aujourd'hui qu'un débit de 512 kbs est insuffisant. En effet, il faut au moins 2 mégabitsseconde pour téléphoner sur IP ou bénéficier d'une offre triple play.
Nous sommes très déterminés en ce qui concerne le très haut débit, mais son développement ne pourra qu'être progressif. Les zones denses seront d'abord desservies, suivies petit à petit par les zones moins denses et non denses, notamment grâce à l'intervention des collectivités territoriales. Ainsi, si nous avons obtenu des opérateurs qu'ils réalisent des expérimentations dans d'autres lieux qu'à Paris, celles-ci ne peuvent être menées, en tout état de cause, que là où ils ont commencé à déployer un réseau de fibre optique.
J'en viens à la quatrième licence. Celle-ci ne freinera pas la couverture du territoire, car les opérateurs existants ont pris des engagements qu'ils doivent honorer. La couverture 3G est donc sans lien avec le prochain appel à candidatures. Par ailleurs, les obligations minimales de couverture du nouvel entrant seront identiques à celles prévues par les précédents appels à candidatures : 20 % de la population au bout de deux ans pour les données, et 25 % pour la voix ; 60 % de la population au bout de huit ans pour les données, 80 % pour la voix.
Certains de nos collègues craignent cependant que l'arrivée d'un quatrième opérateur, en provoquant une baisse des prix, ne réduise la capacité d'investissement en faveur de la couverture.
Au contraire, elle devrait stimuler les investissements, car la couverture constitue un levier crucial de différenciation commerciale. C'est pourquoi le troisième opérateur fait tout pour rattraper le retard qu'il a pris en ce domaine.
Les craintes du public liées aux conséquences sanitaires de l'exposition aux champs électromagnétiques constituent un problème de société très important. C'est aussi un enjeu essentiel pour l'aménagement du territoire, dans la mesure où les opérateurs, notamment en téléphonie mobile, rencontrent sur le terrain des difficultés pour déployer de nouveaux sites. Aujourd'hui, le nombre de sites par opérateur varie entre 13 000 et 18 000.
À cet égard, une volonté de réduire le nombre d'antennes ou même le niveau la puissance de leurs émissions serait contradictoire avec l'objectif d'étendre la couverture. Il est vrai qu'il existe différentes possibilités de mutualisation, allant du pylône commun au partage de l'antenne, voire au partage des dispositifs électroniques. Malheureusement, si elles sont utiles pour préserver l'environnement, ces possibilités ne permettent pas de réduire l'exposition du public aux ondes électromagnétiques : avec trois opérateurs, il faut toujours une puissance trois fois plus importante qu'avec un seul.
Nous savons que la ministre de la santé et la secrétaire d'État chargée du développement de l'économie numérique vont réunir, le 19 mars, un « Grenelle » des antennes-relais, avec la participation des opérateurs de téléphonie et de radiodiffusion, des associations de consommateurs, des élus et de certains scientifiques. C'est l'AFSSET, l'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail, qui assure la veille scientifique sur ce sujet très complexe. Par ailleurs, les élus comme les préfets peuvent faire appel à l'ANFR, l'Agence nationale des fréquences, pour réaliser des tests sur le terrain.
M. Bridoux a répondu aux questions relatives aux mesures statistiques de couverture. J'insiste sur le fait que le taux de 98 % ne concerne pas la surface du territoire mais bien le nombre de lignes. Nous en tirons des conclusions en ce qui concerne les ménages.
De même, si des engagements ont été pris pour que le haut débit pour tous soit effectif dès 2012, il faut dire clairement que le développement du très haut débit sera beaucoup moins rapide. Il s'agit d'un défi collectif très important, essentiel pour l'attractivité des territoires, mais qui réclame un effort très lourd, notamment sur le plan budgétaire.
La prise en compte de l'enjeu a été très différente d'une collectivité à l'autre : certaines villes, comme Pau, sont très en avance. Cette différence se mesure d'ailleurs dans les contrats de projets État région.
En ce qui concerne l'aspect budgétaire, plusieurs pistes de travail peuvent être explorées. La crise économique et la prochaine révision des programmes européens pourraient ainsi nous conduire à corriger ces programmes de façon à insister davantage sur le numérique. Si l'Union européenne a fait preuve dans le passé d'une certaine rigidité quant à l'éligibilité de plusieurs actions dans ce domaine, elle a depuis assoupli sa position. Ainsi, certaines infrastructures concernant des zones d'activité ou des territoires enclavés pourraient être financées par l'Europe.
De même, dans des régions où les actions en matière de numérique ne sont pas suffisamment fortes, nous essayons de répondre, via le FNADT, à certaines demandes de financement. Comme pour les programmes européens, on pourrait envisager un certain redéploiement des CPER au profit du numérique, même si ce sera probablement plus difficile.
Tout cela devrait faciliter l'arrivée du très haut débit, dans des délais relativement courts, sur environ la moitié du territoire national. Pour le reste, les réponses en matière de financement des infrastructures seront plus difficiles à trouver. J'observe toutefois que le Conseil économique et social, rejoignant sur ce point certaines associations d'élus, a avancé l'idée d'un fonds de péréquation sur le modèle du FACé, le Fonds d'amortissement des charges d'électrification, qui existe depuis les années trente. L'idée, intéressante, relève de la compétence du Parlement. Nous allons pour notre part commanditer une étude sur le sujet.
Il est vrai qu'il existe des différences de traitement liées aux contraintes techniques, géographiques ou budgétaires. Notre rôle est justement de veiller à ce qu'elles soient résorbées à moyen terme, afin que les territoires aient tous des chances équivalentes de valoriser au mieux leurs atouts. À cet égard, pour les territoires ruraux, le très haut débit est de nature à changer beaucoup de choses dans les années ou les décennies à venir, notamment pour ce qui concerne la prestation de services, en particulier publics. C'est pourquoi ce chantier réclame, je le répète, la mobilisation de tous.
Mais s'il existe une fracture territoriale, nous devons aussi veiller à ce qu'il ne se crée pas d'autres types de fractures numériques, qu'elles soient sociales – ainsi, si certains pays scandinaves utilisent beaucoup mieux Internet que nous, c'est moins parce que les infrastructures y sont plus développées que parce que les ménages possèdent plus d'ordinateurs – ou générationnelles. Dans la mesure où certains services seront de plus en plus rendus sur Internet, il est nécessaire que les personnes âgées, notamment, bénéficient d'actions de formations. Certaines communes les proposent déjà.
De même que l'électricité apporte beaucoup plus que l'éclairage des foyers, je suis sûr que le très haut débit permettra des usages que nous n'imaginons pas. Il est donc nécessaire de former et de sensibiliser l'ensemble de la population à la maîtrise du numérique.
Pour ce qui concerne l'usage individuel, les gens peuvent aujourd'hui s'estimer correctement couverts avec un débit de 512 kbs. Mais il n'en est pas de même pour un usage professionnel. Ainsi, alors que de nombreuses entreprises innovantes pourraient profiter du faible prix du foncier pour s'implanter dans des zones rurales et y créer de l'emploi, le défaut d'équipement les pousse à s'agglomérer dans des zones d'activité urbaines. Ne pourrait-on pas dresser une cartographie des zones à équiper en priorité d'un réseau de très haut débit afin de développer l'activité économique ? Peut-on imaginer de se concentrer sur les zones d'activité plutôt que sur les communes, afin d'établir un premier chiffrage des investissements nécessaires ?
Par ailleurs, vous avez évoqué les contrats de projets, mais on pourrait peut-être avoir également recours aux aides à finalité régionale.
En la matière, la cartographie n'est pas simple à réaliser. Cette mise en relation entre les zones d'activité existantes et les potentialités de développement des réseaux serait sans doute un travail intéressant, mais il serait probablement réalisé de manière plus efficace à l'échelle de la région.
Dans chaque région, les schémas directeurs permettent d'identifier les zones d'activité. Ne pourrait-on pas évaluer le coût que représenterait leur maillage ?
Ce que vous proposez, c'est l'établissement d'un schéma prévisionnel d'installation des infrastructures, afin de déterminer quelles sont les zones à équiper en priorité compte tenu des besoins, des contraintes techniques et des disponibilités – c'est-à-dire des réseaux qui existent déjà, et qui pourraient être réutilisés. Un tel exercice, à la fois cartographique et prospectif, ne peut s'envisager qu'au niveau régional. Ce qu'il faut faire au plan national, c'est veiller à l'absence de déséquilibres marqués entre les territoires et faire en sorte que la règle du jeu soit respectée.
Les précisions que vous apportez, monsieur le délégué interministériel, sont très intéressantes, notamment s'agissant des pistes de financement. Vous avez suggéré que l'on pourrait mobiliser le FNADT. De quelle façon ?
Ma réponse sera très classique et ne surprendra pas la présidente de collectivité que vous êtes : nous pouvons examiner tous les dossiers qui nous seront transmis, dans la limite de nos capacités budgétaires. Nous avons déjà financé, via le FNADT, des opérations concernant le numérique. Mais autant le dire clairement, le Fonds n'est pas doté du budget qui lui permettrait d'être l'outil prioritaire de financement de ce type d'opérations. Il n'est possible d'y avoir recours que pour des interventions ponctuelles, présentant un intérêt fort en matière d'aménagement du territoire.
Le mieux est de prévoir de tels investissements dans le cadre des contrats de projets État région. Lorsque nous avons financé certaines opérations par la voie du FNADT « section générale », c'était justement parce qu'elles n'avaient pas été prévues dans le cadre du CPER.
Lorsque l'on parle de financement, le mot « péréquation » est doux à l'oreille des élus ruraux… On l'a bien appliquée à l'électricité, pourquoi ne pas faire de même sur des sujets d'une telle importance ? On ne peut quand même pas laisser indéfiniment les opérateurs ne s'intéresser qu'aux secteurs les plus juteux et demander aux collectivités de s'occuper des moins rentables.
Nous nous étonnons qu'il incombe à ces dernières d'assurer, sur leurs deniers, le développement de solutions comme les NRA-ZO, alors que cela a été financé ailleurs par les opérateurs.
Le capital de France Télécom est détenu à 26 % par l'État et l'entreprise s'est bâtie à partir des redevances de nos concitoyens. Pourquoi n'est-elle pas mobilisée pour participer au développement des nouvelles technologies ? Faire supporter ce coût à des régions et à des départements qui connaissent déjà des difficultés est profondément injuste.
On entend souvent que la bonne couverture numérique contribue à l'attractivité des territoires. Mais on n'en est plus là : elle est tout simplement indispensable à la vie courante et si l'on ne dispose pas aujourd'hui des équipements nécessaires on est « à la ramasse » !
Les ruraux constatent que la carte sanitaire ne leur est guère favorable, que la carte militaire et la carte judiciaire se sont récemment dégradées, bref, qu'ils perdent peu à peu toute une offre de services sans que l'on envisage concomitamment les moyens d'assurer autrement les fonctions des services publics.
Je regrette d'ailleurs moi aussi que le plan de relance ne donne pas un signal fort en la matière.
Vos préoccupations sont depuis toujours celles de notre délégation.
Nous sommes conscients qu'il n'est pas possible d'avoir partout des équipements identiques mais nous insistons pour que chacun dispose d'un accès identique aux services. Tel n'est malheureusement pas le cas pour l'instant.
L'ARCEP anime depuis 2004 le CRIP, comité des réseaux d'initiatives publiques, qui a mené un important travail sur la desserte des zones activité et qui est à l'origine de la proposition, reprise par le gouvernement, de créer un label « zone d'activité à très haut débit. Peut-être serait-il possible d'approfondir ce travail en 2009.
S'agissant toujours du raccordement des zones activité, les deux décrets qui ont été publiés le 14 février marquent un progrès important : l'un traite de la publication des informations sur la couverture du territoire par les services de communication électronique ; l'autre porte sur la communication à l'État et aux collectivités territoriales de l'information sur les infrastructures et les réseaux établis sur le territoire. Cette année, le CRIP s'intéressera particulièrement à ces deux thèmes. L'ARCEP s'efforcera d'accompagner la mise en oeuvre de ces décrets afin que les collectivités disposent d'une meilleure information sur les réseaux déployés comme sur les services disponibles.
S'agissant du rôle de France Télécom dans le déploiement de la fibre optique, je rappelle que l'Autorité s'attache à ce que l'ensemble des opérateurs aient un accès égal au génie civil de l'opérateur historique car il s'agit d'une infrastructure essentielle en la matière. France Télécom publiera le 15 septembre 2010 une première offre de fourreaux, appelée à évoluer sur le plan technique comme sur le plan tarifaire afin de permettre des déploiements plus importants. Les services de l'ARCEP vérifieront sur le terrain que la mise à disposition de capacités de France Télécom se fait dans des conditions transparentes, équitables et efficaces.
La Fédération des maires de villes moyennes juge très intéressante la proposition du Conseil économique et social de s'inspirer de ce qui est fait dans le domaine de l'énergie grâce au FACE.
Il est sans doute difficile à France Télécom, propriétaire des réseaux à haut débit, de créer en quelque sorte sa propre concurrence en développant les réseaux à très haut débit. C'est peut-être ce qui explique que l'opérateur historique soit moins actif qu'on pourrait l'attendre.
Je rappelle que le plan de relance ne concerne que des opérations pouvant débuter dès 2009. Or, les opérateurs ne sont pas prêts pour le très haut débit. Si l'on peut à peu près répondre aux besoins les plus urgents liés au développement économique, pour le reste, il conviendrait peut-être d'inciter les acteurs locaux qui jouissent d'une compétence économique à devenir eux-mêmes opérateurs. Il me paraît en effet indispensable que les collectivités s'impliquent directement afin que le très haut débit se déploie à un rythme soutenu.
Alors que France Télécom a installé son système dans tous les périmètres agglomérés rentables, dans les zones blanches, les collectivités locales doivent se substituer à l'opérateur privé, qui n'a pas cette obligation de service public.
En Gironde, c'est le département qui, en créant avec les communautés de communes un syndicat appelé Gironde numérique, a entrepris de diffuser le haut débit. J'insiste donc sur la nécessité d'assurer au moins l'équité devant le service sur l'ensemble du territoire.
Si nos concitoyens souhaitent que les réseaux de téléphonie mobile couvrent l'ensemble du territoire et offrent de plus en plus de services, dans le même temps l'opinion s'inquiète des risques sanitaires. Le jugement rendu récemment par la cour d'appel de Versailles pose d'ailleurs la question du démontage d'une antenne.
Certes, les opérateurs affirment qu'aucune des 1 400 études qui ont été menées– dont 700 portaient sur la seule téléphonie mobile – ne fait état de risques sanitaires avérés, mais je ne pense pas que l'on puisse continuer à ignorer cette inquiétude.
Un certain nombre d'émissions de télévision et d'articles de presse ont en effet évoqué les conséquences sanitaires des antennes. Vous nous avez expliqué que la concentration et la mutualisation ne diminuent pas les risques, avez-vous d'autres éléments à nous apporter à ce propos ?
En effet, mutualiser ne réduit pas les risques, si tant est qu'il y en ait. Par ailleurs, les débits étant de plus en plus importants, il me semble que c'est la complémentarité entre réseaux fixes et réseaux mobiles qui permettra à terme de couvrir l'ensemble du territoire à la fois en haut et en très haut débit.
Des sanctions ont-elles déjà été prononcées à l'encontre des opérateurs pour non-respect du cahier des charges en matière de couverture ? Vous paraît-il aujourd'hui nécessaire de revoir ce cahier des charges ?
Il n'y a eu jusqu'ici que des mises en demeure. Les sanctions, prévues en particulier par la loi sur la modernisation de l'économie, me paraissent pour l'instant suffisantes. Pour sa part, l'ARCEP est déterminée à exercer ses responsabilités.
Nous avons abordé aujourd'hui des questions extrêmement importantes, en particulier pour les territoires ruraux, car l'aménagement numérique est une bonne réponse au défaut d'attractivité, notamment dans la mesure où la demande de services est en pleine évolution et où le numérique offre une chance historique de mieux y répondre.
Enfin, que les choses soient claires : nous ne prenons pas position aujourd'hui sur l'idée d'un fonds de péréquation, nous nous engageons simplement à mener une étude à ce propos, qui pourra d'ailleurs nous donner l'occasion d'auditionner les représentants des fédérations des maires ruraux et des maires de villes moyennes.
Je ne suis pas élu de la montagne mais maire de Gargilesse, dans l'Indre. Pourtant, dans ma commune, si la mairie dispose du haut débit, ce n'est pas le cas de la zone d'activité, alors que nous apparaissons comme couverts sur les cartes.
Je rappelle en outre que le haut débit d'aujourd'hui est le bas débit de demain. Au lieu de parler de haut ou de très haut débit, mieux vaudrait par conséquent utiliser l'expression « bon débit », c'est-à-dire celui qui correspond à la technique et à l'usage du moment, et dont les ruraux doivent également disposer.
Merci à tous d'avoir participé à cette table ronde.
Je rappelle à mes collègues que nous recevrons prochainement la secrétaire d'État à l'économie numérique, Nathalie Kosciusko-Morizet, qui n'a malheureusement pas pu se joindre à nous aujourd'hui.