Le Président Didier Migaud a remercié M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'Écologie, du développement et de l'aménagement durables, d'avoir répondu à l'invitation de la commission des Finances pour ce premier débat de fond sur les aspects fiscaux du Grenelle de l'environnement.
Les groupes de travail mis en place pour le Grenelle de l'environnement ont rendu leurs conclusions. Le Président de la République en a tiré les siennes tout récemment. La commission des Finances s'intéresse tout particulièrement aux aspects fiscaux des décisions à venir. Elle souhaite avoir des précisions sur les pistes que le Gouvernement entend suivre.
, ministre de l'Écologie, du développement et de l'aménagement durables, a tout d'abord souligné que, si le Grenelle de l'environnement a eu le grand mérite d'aller au fond des choses et d'avoir mis en lumière les contradictions apparentes de la société française, il faut que la phase opérationnelle soit à la hauteur de la phase d'analyse, avec de véritables changements de stratégies qui porteront sur des sujets que l'on maîtrise, par ailleurs, assez bien.
De ce point de vue, il n'est pas souhaitable que l'on réponde à des questions environnementales par des décisions fiscales d'ordre général, notamment par des dépenses fiscales différées qui se substitueraient à des dépenses budgétaires annuelles plus douloureusement ressenties.
Les programmes du Grenelle de l'environnement sont clairs. L'occasion nous est donnée de faire le point sur l'éparpillement de la fiscalité en matière d'environnement, pour élaborer ensuite des actions opérationnelles cohérentes et efficaces. Le domaine du bâtiment, où les niches et les mesures particulières sont nombreuses, est emblématique à cet égard.
Un travail très en amont sur ces sujets pourrait s'engager entre la commission des Finances et le Gouvernement, selon des modalités innovantes, sans remettre en cause le contrôle que le Parlement exerce sur l'exécutif.
, a adressé au ministre d'État ses félicitations pour la qualité du débat organisé dans le cadre du Grenelle de l'environnement et pour la prise de conscience générale qui en a résulté. Il s'agit d'un authentique succès.
En ce qui concerne l'aspect fiscal, peu de questions précises ont été abordées – mais les spécialistes, qui savent combien ces matières sont arides et ingrates, en ont l'habitude – en dehors de l'énonciation de grands principes tels que la taxe carbone, la taxe sur les poids lourds ou la TVA différenciée sur les produits économes en énergie. Pourtant, à chaque projet de loi de finances, à chaque projet de loi de finances rectificative, le Parlement est le théâtre de débats interminables sur la fiscalité de l'environnement. Il existe tout un appareil de taxes que l'on a essayé tant bien que mal d'orienter vers les économies d'énergie et le développement durable. Les questions qui vont suivre sont donc celles que la commission des Finances se pose depuis dix ans.
La taxe carbone a été présentée par certains comme une majoration de la TIPP. C'est d'ailleurs par ce biais qu'une taxe analogue a été mise en place en Allemagne. Il y a un an, l'augmentation du prix du baril a conduit la commission des Finances à se demander s'il ne fallait pas remettre en place la TIPP flottante, qui, du reste, doit beaucoup à son président actuel. On voit donc qu'il y a lieu de faire des arbitrages clairs : certaines propositions, qui avaient leur intérêt hier, devront, demain, être rangées au magasin des accessoires. Que doit-on attendre de la TIPP ? Faut-il greffer d'autres éléments sur cette taxe typiquement environnementale, et ce à un moment où le prix du pétrole connaît de nouveau une forte augmentation ?
En outre, la TIPP fait l'objet d'exonérations. Jusqu'en 2005, chaque loi de finances rectificative modifiait le niveau de défiscalisation des biocarburants. Depuis deux ans, les parlementaires étant devenus dubitatifs, cela n'est plus le cas. Étant donné ce que l'on sait désormais du bilan énergétique et environnemental des biocarburants, ne conviendra-t-il pas de soulever à nouveau le problème dès la prochaine loi de finances rectificative ? Qu'en est-il aujourd'hui du fameux E85, grande affaire écologique de la loi de finances pour 2007 ?
Une autre série d'exonérations anime régulièrement le débat parlementaire : celles dont bénéficient les taxis, les marins pêcheurs, les agriculteurs, les entreprises de transport public de voyageurs, et que le Parlement est souvent amené à accentuer au gré des crises locales. Comment définir des principes opérationnels dans ce domaine ?
La grande affaire de la XIe législature en matière d'environnement a été la mise en place de la taxe générale sur les activités polluantes, ou TGAP. Pour la majorité d'alors, cela a été un vrai chemin de croix. Or le produit de ce dispositif est aujourd'hui d'à peine 450 millions d'euros. Il est singulier que le Grenelle de l'environnement n'ait pas – ou très peu – évoqué ce qui était pourtant considéré comme la taxe écologique par excellence.
Qu'en est-il également des crédits d'impôt en faveur des économies d'énergie dans le secteur du logement. ? Ceux-ci sont passés de 900 millions d'euros en 2006 à 2,4 milliards en 2008. La liste des équipements concernés, telle qu'elle figure dans le code général des impôts, ne serait pas désavouée par Prévert. La dépense fiscale, dès lors qu'elle n'est pas accompagnée par une organisation de l'offre, se traduit purement et simplement par une augmentation des prix. On a par exemple assisté à une hausse brutale du prix des portes et fenêtres présentant un coefficient d'isolation suffisant.
C'est donc la question de l'évaluation qui se pose au premier chef. De ce point de vue, le ministre d'État a raison de se montrer méfiant envers la dépense fiscale. Sur un tel sujet, il vaut mieux privilégier une approche visant à identifier quels sont les bons crédits budgétaires et comment ceux-ci pourraient être dédiés, s'il y a lieu, à l'organisation de l'offre – qu'il s'agisse des toitures isolantes, des pompes à chaleurs, des chauffe-eau solaires ou des chaudières à condensation – en rédigeant des cahiers des charges et en fixant des objectifs bien quantifiés. Bien souvent, la dépense fiscale organise au contraire l'opacité. On le voit, toutes ces questions ont une portée immédiate.
La TVA différenciée pour les éco-produits est une très belle idée mais tout est dans l'art de sa mise en oeuvre. Il aura fallu dix ans pour obtenir la réduction du taux de TVA sur les livraisons d'énergie calorifique par les réseaux de chaleur. À tour de rôle, opposition et majorité ont soutenu le même amendement. Pendant cette période, la France a exercé au moins une fois la présidence de l'Union européenne : cela n'a pas suffi. C'est dire combien il importe que ces sujets bénéficient d'une approche européenne coordonnée.
En matière de financement, le Grenelle de l'environnement a ceci de très positif qu'il prend à témoin le pays sur la nécessité de renouveler tout un ensemble d'investissements en matière d'infrastructures, de transports publics ou de logement. Dans les programmes de villes nouvelles des années soixante-dix, jamais l'État n'a lésiné sur les crédits destinés à soutenir des innovations dans le domaine de la géothermie, des pompes à chaleur, etc. À cette époque, 15 % des crédits du budget de l'État étaient consacrés à l'investissement, contre 5 % aujourd'hui. N'y a-t-il pas lieu d'être beaucoup plus ambitieux en matière de partenariats public-privé et de déverrouiller au plus vite les obstacles fiscaux et juridiques qui s'opposent à la mobilisation des capacités d'investissement nécessaires ? Certes, ces montages ne sont pas la panacée mais il faut être réaliste : on ne redressera pas d'un seul coup les finances publiques et l'État ne pourra dégager des crédits suffisants, du moins dans les prochaines années.
Le Président Didier Migaud a souligné que, si la fiscalité peut être un excellent outil pour orienter les comportements, pour inciter ou dissuader, ce n'est pas toujours la bonne solution. Comme l'a indiqué le Rapporteur général, il faut se garder de privilégier systématiquement la dépense fiscale par rapport à la dépense budgétaire car cette dernière peut se révéler mieux ciblée et plus pertinente.
Les transports aériens bénéficient eux aussi d'une exonération de TIPP. C'est la conséquence d'un traité pour ce qui concerne les vols internationaux, mais qu'en est-il de l'exonération sur les vols intérieurs, qui représente de 1,2 à 1,3 milliard d'euros lorsque l'on sait que ce secteur est gros consommateur d'énergies fossiles très polluantes ?
S'agissant des biocarburants, les exonérations représentent des sommes importantes – environ 1,1 milliard d'euros – alors que l'efficacité et l'intérêt écologiques de ce type de produits n'apparaissent plus aussi évidents qu'au moment où l'on a décidé ces mesures. Le Gouvernement procède-t-il à une évaluation en ce domaine ? Travaille-t-il à des réorientations possibles ?
En matière de TVA, l'état d'esprit de la Commission européenne a changé. L'Europe est beaucoup plus réceptive à l'idée d'en faire un outil pour orienter les comportements. Quelle est l'action du Gouvernement à ce niveau ? Des contacts ont-ils été pris ? On sait que le dossier peut être rouvert avant la fin de l'année : il est important d'être présent à ce rendez-vous.
Enfin, quelle forme le Gouvernement envisage-t-il de donner à la contribution climat-énergie ? Il serait utile que la commission des Finances soit étroitement associée à sa réflexion sur les mesures fiscales consécutives au Grenelle de l'environnement.
a souligné que chacun connaît le principe et la dynamique d'une fiscalité assise sur des quantités croissantes : on taxe la valeur ajoutée en espérant que celle-ci augmente, le revenu ou le résultat des entreprises en espérant qu'ils augmentent, etc. Quid d'une fiscalité assise sur des quantités que l'on espère voir diminuer avec le temps ? Quel est le modèle du Gouvernement en la matière ? On peut comprendre des mesures pourtant sur une année, mais comment présenter et assurer la viabilité dans le temps d'un système ainsi construit ?
Par ailleurs, le Gouvernement exclut-il une majoration de la TIPP à l'horizon 2008-2009 ?
Comment concevoir une fiscalité écologique à niveau constant de prélèvements obligatoires ? De quels instruments le Gouvernement va-t-il s'équiper ? Comment le débat se nouera-t-il avec le Parlement pour démontrer que l'on est bien à niveau constant ? Une fois le principe affiché, comment en mesure-t-on la mise en oeuvre ? À titre d'exemple, on avait cru comprendre que de l'« éco-pastille » reposait sur un système de bonus-malus. Or il semble que l'on ait abandonné cette logique : le malus est maintenu pour les véhicules les plus polluants, mais l'idée est désormais d'utiliser le bonus pour une mesure de retrait du marché, à l'instar de ce qu'avaient fait MM. Balladur et Juppé. Il serait alors difficile de faire concorder ce qui est ajouté et ce qui est soustrait. On ne voudrait pas que nos concitoyens soient les dupes de cette opération. En d'autres termes, comment « l'iso-fiscalité » peut-elle se traduire dans la pratique ?
Enfin, quelle affectation, quelle spécialisation et quel calendrier peut-on envisager pour la taxe sur les poids lourds ? On a pu constater en Allemagne les délais qu'imposent les aspects juridiques et techniques de la mise en oeuvre d'un tel dispositif. En France, les délais parfois annoncés sont surréalistes tant ils sont ambitieux. Quel est le calendrier retenu aujourd'hui par le Gouvernement ? En ce qui concerne l'expérimentation alsacienne, le Parlement a délibéré. Il existe donc une base légale qui permet une action rapide sur cette portion du territoire moyennant le recours au dispositif technique allemand.
fait également valoir que le système fiscal atteint actuellement une limite. Au départ, l'objet de la fiscalité était de donner les ressources nécessaires à l'État pour financer son propre fonctionnement et, plus généralement, les services publics. Ce champ s'est élargi progressivement, ce qui, au demeurant, présente aussi des avantages. Toutefois le recours systématique à la dépense fiscale, comme c'est le cas dans le secteur du logement – où il est par exemple très difficile d'évaluer les effets du dispositif Robien par rapport à son coût et d'en déterminer les éventuels effets pervers ou les dérives –, ne peut se justifier que si l'on dispose d'un système d'évaluation permanente permettant un suivi sur le très court terme, au maximum sur une année budgétaire.
Si l'on partage les conclusions du Grenelle de l'environnement sur le plan des principes, l'application et les effets d'annonce peuvent en revanche inspirer quelques craintes.
Ainsi, chacun est bien convaincu de la nécessité de disposer de logements consommant moins d'énergie, mais cela peut avoir pour effet de freiner les réalisations. À un moment où l'on s'est fixé des objectifs très ambitieux en matière de création de logements, il ne faudrait surtout pas que la nécessité d'offrir des logements plus « propres » du point de vue de l'environnement vienne s'ajouter à d'autres freins qui existent déjà – ne serait-ce qu'en termes de coûts – car cela restreindrait nécessairement les quantités.
Par ailleurs, le département du Val-d'Oise est de ceux qui ont encore besoin d'infrastructures routières. Un moratoire sur les routes au profit des transports fluviaux et ferroviaires peut se concevoir, mais il faut aussi prendre en compte tous les effets – en débit comme en crédit – du « ne pas faire ». Quel est par exemple le bilan des embouteillages qui affectent certains secteurs ? On aura beau privilégier la construction à proximité des gares, on sait que les transports ferroviaires de l'Île-de-France sont surchargés et que les moyens suffisants ne sauraient être dégagés tout de suite. En soi, une route n'est pas forcément polluante : il faut aussi mesurer quelles pollutions supplémentaires – en allant jusqu'à l'impact sur la santé – il y aurait si on ne la construisait pas. La réalisation de voiries nouvelles peut être l'occasion de favoriser les liaisons douces, les transports en commun en site propre, etc. Il faut se préserver d'une vision catégorique sur la question : mieux vaut étudier quel type de route on peut faire et avec quel accompagnement.
Plus généralement, on ne prend pas assez en compte, en France, le coût de ce que l'on ne fait pas. Le jour où l'on commencera à faire figurer en face des coûts directs, dans les projets ou les bilans, le coût qui résulterait de la non-réalisation, on fera avancer bon nombre de dossiers.
usant de la faculté que l'article 38 du Règlement de l'Assemblée nationale confère aux députés d'assister aux réunions des Commissions dont ils ne sont pas membres, a remercié la commission des Finances de l'autoriser à s'exprimer en son sein et rappelle qu'il a participé, au titre de l'Association des maires de France, aux travaux du groupe 6 du Grenelle de l'environnement. Dans ce groupe, il n'a pas tant été question de fiscalité que de prix.
Jusqu'à présent, la religion dominante est que la responsabilisation des consommateurs passe par la hausse des prix : là est le commencement de la vertu. Le problème est que la hausse des prix s'apparente à une double peine, notamment pour les plus pauvres, car elle touche les biens de première nécessité : les déplacements pour aller au travail, le chauffage, qui sont payés pareillement par les pauvres et par les riches. Par ailleurs, la compétitivité des entreprises s'en trouve affectée. Enfin, quand les prix augmentent, les spéculateurs – dont la vertu en matière écologique reste à démontrer – s'enrichissent : à chaque crise de l'énergie, par exemple, les traders gagnent beaucoup d'argent.
Quel est donc le point de vue du Gouvernement sur la logique du prix débattue lors du Grenelle de l'environnement ? De brillants universitaires ont produit des rapports pour démontrer que c'était la solution pour infléchir les comportements. Il appartient aux politiques de se prononcer sur une question qui a un impact sur l'ensemble de la population.
Il serait par ailleurs judicieux que la commission des Finances et la commission des Affaires économiques réfléchissent conjointement à une réforme de la comptabilité publique et de la comptabilité privée. En effet, le rapport entre investissement et fonctionnement ne peut plus être considéré de la même façon qu'hier. Il ne faut plus s'intéresser au seul produit, mais aussi à l'usage dudit produit, dont la durée de vie et l'efficacité comptent plus que le montant d'investissement qu'il représente. Actuellement, si l'on s'équipe par exemple en photovoltaïque pour sa consommation personnelle, on est soumis à un autre type de TVA sur l'investissement que si l'on revend l'énergie produite. On raisonne encore en termes d'investissement, de fonctionnement, de revente et d'usage personnel, et c'est ce qui ralentit singulièrement la mise en oeuvre du photovoltaïque en France. Dans le domaine du logement, si les opérateurs raisonnaient en intégrant les charges dans le loyer, leur rapport à l'investissement en matière de chauffage, notamment, serait complètement différent.
Il y a donc matière à réflexion, y compris au coeur de l'organisation des finances publiques et privées.
a indiqué combien il a été frappé, en tant que Rapporteur spécial du programme « Énergie et matières premières », par l'explosion des dépenses fiscales. M. Gilles Carrez a rappelé que l'on est passé, pour les seules économies d'énergie dans le logement, de 900 millions d'euros en 2006 à 2,4 milliards en projection pour 2008. Or on est largement incapable de déterminer l'efficacité énergétique de toute une série de dispositifs bénéficiant de crédits d'impôt. Il semble donc urgent que le ministère de l'Écologie, du développement et de l'aménagement durables approfondisse son analyse pour que l'on puisse tout à la fois identifier les dispositifs dont l'intérêt n'est pas avéré et établir une hiérarchie entre ceux qu'il faut conserver.
Dans le domaine du logement, au-delà de la construction de logements neufs, le vrai problème du point de vue des économies d'énergie réside dans le logement existant. Il y a lieu de s'inquiéter, à cet égard, de la quasi-disparition de programmes de réhabilitation de type PALULOS, car les organismes se trouvent privés de moyens pour monter des opérations qui se traduisent par des économies d'énergie très sensibles. S'il est un domaine où la dépense budgétaire est suivie d'effets environnementaux appréciables, c'est bien celui-ci.
ministre de l'Écologie, du développement et de l'aménagement durables, a précisé que le mot d'ordre du Grenelle de l'environnement et des groupes de travail qui l'ont préparé était d'aborder le sujet sans a priori et d'examiner sérieusement la situation telle qu'elle se présente sans idées préalables, bref de se mettre d'accord sur les questions avant de se mettre d'accord sur les réponses. Les participants se sont attachés pendant quatre mois à ne pas se préoccuper des contraintes, des préjugés et des méthodes habituelles pour aborder avec beaucoup d'humilité chaque thème au fond. Les réponses théoriques classiques consistant à imposer une TVA sur tel dispositif ou à augmenter une déduction fiscale sur tel équipement ont été laissées de côté. La fiscalité n'était pas un préalable, elle n'est qu'un outil.
Tout le monde aujourd'hui a conscience de la nécessité de faire des économies d'eau, d'énergie, de papier, et autres. Aucun indicateur depuis dix ans ne repose sur une amélioration du climat, un développement des terres arables, une réduction des villes ou la multiplication des champs de pétrole. La question à se poser est donc : quel est le programme raisonnable d'économies qui peut permettre de répondre aux besoins de la vie actuelle : continuer à construire, à se déplacer, etc ?
Il a souligné qu'à l'issue du Grenelle, non seulement il n'a aucun a priori sur aucun sujet, mais encore il sait ce qu'il ne fera pas et il n'a pas de mandat pour débattre des recettes globales du budget général.
Il est déterminé, si possible avec le concours de la Commission, dans le respect des rôles de chacun, et à l'aide d'expertises extérieures, à examiner sérieusement l'ensemble des dispositifs qui touchent de près ou de loin aux secteurs du transport, de l'habitat, à la fiscalité locale – quand celle-ci est impactée –, à l'énergie et aux pratiques agricoles. La vraie difficulté est de ne pas laisser la décision uniquement aux spécialistes de la fiscalité car ils ont une double casquette et doivent répondre également des comptes du pays. Des expertises complémentaires s'imposent, afin de regarder honnêtement les effets des taxes, des défiscalisations ainsi que les effets d'aubaine qui existent, le système d'incitation pouvant être performant à 10 % comme à 60 %.
Le Ministre a ensuite indiqué qu'il est hors de question de remplacer des recettes pérennes par des recettes écologiques qui, par nature, ont une dynamique négative. On ne va pas, par exemple, financer la sécurité sociale par un tel transfert et il faut veiller à la stabilité de cette fiscalité.
Il a rappelé qu'il n'a pas de mandat et n'est pas qualifié pour débattre des recettes globales du budget général.
Une expertise a été décrétée sur les biocarburants. Le moment est venu de faire le bilan écologique et énergétique des agrocarburants de première génération. Il faut regarder objectivement s'il ne serait pas préférable d'arrêter le développement de ces derniers et de transférer une partie de l'avantage fiscal sur la recherche concernant les agrocarburants de deuxième génération. On n'est pas tenu par les succès ou les effets d'aubaine d'hier. Il faut avoir l'esprit libre sur ce sujet.
Dans le domaine du bâtiment, il ne faut pas qu'une mesure vienne entraver la nécessaire construction de logements. Une disposition fiscale peut être pertinente à un moment et ne plus l'être quelque temps après. Cela vaut, par exemple, pour le dispositif de Robien et le PTZ, le prêt à taux zéro.
Sur les projets globaux du Grenelle – où le Parlement a été largement représenté –, il y a unanimité. Les divergences portent sur leur articulation et leur vitesse de mise en oeuvre. Il faut avoir l'humilité d'accepter, premièrement, de partir d'un point zéro, c'est-à-dire de se mettre à l'arrêt pour examiner l'ensemble des sujets, deuxièmement, de ne pas modifier l'ensemble des recettes et, troisièmement, de se méfier des effets d'aubaine.
Le groupe de travail 1 est parvenu à une position identique à celle de la commission des Finances, par exemple, à propos de l'habitat, à savoir que l'éclatement des dispositifs d'aide ne rend pas pertinent l'éco-habitat. La mesure de défiscalisation prévue pour la pose d'un chauffe-eau solaire, par exemple, ne suffit pas. Si celle-ci ne s'inscrit pas dans une conception d'ensemble de l'architecte, ses effets sont très courts par rapport à l'impact écologique global.
Pour une fois, on n'a pas la réponse avant la question, ni sur la TIPP, ni sur la TGAP, ni sur les biocarburants, ni sur les crédits d'impôt sectoriels.
Même si cela ne pourra pas se faire dans le cadre du débat budgétaire pour 2008, il faut néanmoins aller vite. Il y a d'énormes marges de manoeuvre. Dans le domaine de l'habitat, il faut passer d'un système de défiscalisation avec effets d'aubaine et accaparements sur les prix de certains produits à un système budgétaire identifié portant sur l'ensemble de la construction. Il faut reconsidérer tous les instruments financiers de la politique énergétique. C'est d'ailleurs pourquoi ces questions n'étaient pas à l'ordre du jour du Grenelle. Elles n'auraient pas permis de raisonner sainement.
Le Ministre a indiqué fonder son action sur deux convictions principales, qui ne sont pas forcément partagées par tout le monde.
La première est que, de la même manière qu'il a pu être dit que le communisme est mort de ne pas avoir laissé les prix dire la vérité économique, on peut dire que le capitalisme et l'économie de marché mourront s'ils ne laissent pas les prix dire la vérité écologique. Le prix d'achat n'intègre pas l'amortissement écologique du produit. C'est cette dissociation qui conduit au drame. Pour y remédier, on peut envisager un étiquetage écologique, c'est-à-dire une information aux consommateurs, accompagné d'un système de bonus-malus des produits plus ou moins polluants, consistant à conférer un avantage compétitif aux produits moins polluants financé par un prélèvement sur les produits plus polluants. Il est envisagé d'étendre ce principe à une vingtaine de familles de produits. Ce système est neutre pour l'équilibre général du pays mais suppose une prise de position politique massive et n'est pas sans poser des difficultés, notamment de recours.
La seconde conviction partagée par un certain nombre d'économistes, est qu'il faut donner un signal prix aux énergies, notamment fossiles. En une vingtaine d'années, l'homme a épuisé le stock d'énergie emmagasiné en 70 ou 80 millions d'années. Or on n'en paie pas le prix. La situation sera explosive quand le climat se sera détérioré de manière irréversible et que le prix du Brent atteindra 400, 500, 600 voire 700 dollars : seule une dictature sera capable de gérer les restrictions massives des besoins énergétiques. C'est pourquoi il importe de s'organiser doucement et progressivement en adressant un signal prix à vocation pédagogique rappelant que les énergies sont rares et qu'elles vont poser un problème de développement. C'est le principe de la contribution climat-énergie.
Le débat est compliqué car le prix du pétrole peut aussi être considéré comme un signal prix perçu de façon progressive. En tout cas, le fardeau ne doit pas être individuel mais partagé de manière équitable dans un système d'équivalence à la fois sur la compétitivité et les ménages, ce qui nécessite un peu de transfert. Comme les masses en jeu sont assez faibles, le mot « signal » est aussi important que le mot « prix » dans cette acception économique.
L'arbitrage du Président de la République consiste à y aller progressivement et très modérément, sans toucher à la compétitivité et en instaurant des équivalences. Cela demande un peu de travail.
Comme l'a indiqué M. Alain Cacheux, on ne pourra pas dissocier encore longtemps le loyer des charges. Ainsi le contrat de performance énergétique pour l'Hôtel de Roquelaure fait apparaître que le bilan énergétique n'est pas très bon sur les fenêtres, mais pas mauvais pour le reste car les murs sont épais. La réduction de moitié de la consommation énergétique qui est de 250 kilowattheures représente un coût de 400 000 euros, rentabilisé en sept ans et demi. Pour des grosses structures, de tels travaux ne posent pas de difficultés, mais ce n'est pas le cas des habitations individuelles. Les charges de chauffage et d'électricité risquent probablement d'exploser dans les cinq prochaines années.
Les programmes d'économies d'énergie doivent être encouragés. La déclaration conjointe des académies des sciences des pays du G8 estime que la situation décrite par le GIEC est teintée de la grande prudence qui sied à tout scientifique. En d'autres termes, cette situation serait plus grave. Les académies considèrent ensuite que les trois secteurs sur lesquels il faut faire porter de toute urgence les efforts sont les économies d'énergie des bâtiments en général, les expériences de captation séquestration du carbone – les performances possibles s'échelonnent entre 15 et 45 % - et la recherche sur la fission nucléaire.
M. Jean-Louis Borloo a indiqué qu'il est venu devant la Commission pour trouver une méthodologie de travail. On ne peut plus se laisser aller à la facilité qui consiste à augmenter les avantages fiscaux écologiques. Des changements de normes et d'amplitude s'imposent.
Concernant l'écotaxe poids lourds, une expérimentation en Alsace n'a plus lieu d'être puisqu'il est prévu de l'instituer tout de suite au plan national. Par ailleurs, elle doit être replacée dans le cadre du développement des autoroutes ferroviaires. Sauf événement qu'une expérimentation en grandeur réelle n'aurait pas décelé, on sait, pour moins cher ou pas plus cher, mettre les camions sur les trains et l'on connaît les sillons qu'il faut utiliser, la vitesse commerciale, les plateformes complémentaires et les aménagements d'infrastructure à réaliser. Mme Anne-Marie Idrac et les opérateurs privés considèrent comme une hypothèse raisonnable la circulation sur ces trains avant cinq ans de 50 % des camions de transit sur les lignes Nord-Sud Est et Nord-Sud Ouest et, d'ici à dix ans, de 100 % de ceux-ci. L'écotaxe poids lourds ne sera pas longtemps rentable. C'est toute la difficulté des recettes instables. L'écovignette est fondée sur l'utilisation d'une infrastructure. Si les camions voyagent sur des trains, on ne la leur fera pas payer deux fois.
Le Président Didier Migaud a fait remarquer que la France est loin d'être prête en matière de ferroutage.
a confirmé, en précisant qu'elle ne le sera pas avant deux ans. Pour que cela fonctionne bien, il faut un cadencement toutes les quinze minutes, négocier avec les professions et dresser la liste des avantages comparatifs : selon l'expérimentation réalisée, le ferroutage serait trois fois moins cher, tous coûts confondus. Cela étant, il faut encore se donner entre trois semaines et un mois pour y voir clair, en commençant par faire le bilan de ce qui existe.
a demandé si les problèmes fiscaux seront débattus lors de l'examen du projet de loi d'orientation et de programmation prévu au début de l'année 2008.
a répondu que cela dépendra de l'état de préparation du dispositif fiscal. Si le Gouvernement ne propose pas un plan cohérent, il donnera le sentiment de supprimer des avantages.
Il est convaincu – et c'est également la conclusion du groupe de travail – qu'en matière d'habitat, c'est la construction de la maison selon certaines conditions globales qui doit ouvrir droit à un accompagnement fiscal et non pas la pose d'un équipement d'une durée de vie incertaine. Le nouveau dispositif doit être largement débattu avant que l'on puisse dire à ceux qui tablent sur les mesures de défiscalisation actuelles qu'ils n'y ont plus droit. Peut-être faudra-t-il décaler d'un mois ou d'un mois et demi l'examen du projet de loi d'orientation et de programmation.
Le Rapporteur général a insisté sur le fait qu'il y a des problèmes urgents à régler. Il est indéniable que c'est tout l'habitat qui doit être pris en compte et pas seulement quelques éléments. Néanmoins des mesures budgétaires sont nécessaires car il faut réfléchir aussi par rapport à l'offre disponible pour arriver à ce résultat et pas uniquement à la dépense liée à l'acquisition de tel ou tel équipement. Actuellement, de l'argent est gaspillé en ce domaine.
Par ailleurs, il serait dommage de devoir attendre le projet de loi de finances pour 2009 pour apporter des infléchissements au dispositif budgétaire, car le Grenelle de l'environnement a eu l'avantage d'accélérer la prise de conscience générale sur certains sujets.
a répondu que, s'il n'a rien prévu au moment du Grenelle, c'est parce qu'il savait qu'on aurait raisonné de travers. Tel participant aurait défendu tel thème, tel autre tel projet, comme cela a été le cas pour les transports.
Il n'y a pas de moratoire routier ou autoroutier. Un pays ne peut pas s'interdire de construire en ce domaine. Cependant, il y a un changement radical de stratégie, ce qui est différent, en misant sur l'intégration modale : développement du ferroviaire, du transport collectif en site propre, des tram-cargos, du transport fluvial, des autoroutes maritimes. Les nouvelles infrastructures routières et autoroutières seront limitées à la résolution des points de congestion et de dangerosité qui sont socialement et économiquement dramatiques. Les positions du Grenelle sont, là comme sur la politique énergétique, très claires et très responsables.
Le Président Didier Migaud s'est enquis du sort du projet autoroutier entre Grenoble et Sisteron.
a indiqué qu'aucune décision définitive n'a été prise à son sujet, mais il n'est pas certain que ce soit une desserte locale absolument indispensable.
De même, le doublement de l'autoroute A1 n'a pas beaucoup de sens si on réalise l'autoroute ferroviaire. Le Grenelle propose, par ailleurs, de ne pas construire de nouveaux aéroports régionaux, ce qui s'applique à Notre-Dame des Landes.
On peut ensuite discuter de l'ordre de réalisation des lignes TGV. La réflexion est la même que pour les biocarburants.
Le Président Didier Migaud a fait remarquer que, compte tenu des sommes en jeu, il y a urgence à prendre des décisions en matière de biocarburants.
a répliqué qu'il y a surtout urgence à y voir clair et de façon objective, afin de ne pas retomber dans les prises de position émotionnelles et les guerres de religion comme cela a été le cas pour les OGM, qui a été le dossier des amalgames par excellence parce que personne n'a vraiment approfondi la question. L'opérateur a été choisi et l'expertise sur les biocarburants servira de référence au plan européen.
Il y a certes urgence, mais, comme disait un passager au chauffeur du taxi dans lequel il était monté : « Roulez lentement, je suis pressé ! »
a demandé si le Grenelle de l'environnement allait entraîner des réorientations de crédits vers la recherche et, en particulier, vers l'ANR.
a répondu par l'affirmative et s'est engagé à communiquer des documents à la Commission sur ce sujet. Des orientations assez précises concernent l'ANR, la recherche sur l'évolution des pratiques agricoles et les énergies renouvelables. Le montant de la recherche sur ces dernières devrait notamment être élevé au niveau de celui de la recherche sur le nucléaire civil.
Le Président Didier Migaud a posé la question des mesures concernant le transport aérien.
a précisé que l'opération ACARE a été bouclée : l'État français investit 200 millions d'euros sur un programme de réduction massive – 50 % – des émissions du transport aérien sur les douze ans.
Le Président Didier Migaud a remercié M. le ministre.
a invité les membres de la Commission à apporter leurs contributions dans la recherche de solutions fiscales et budgétaires pour la réalisation des objectifs du Grenelle.