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Intervention de Gilles Carrez

Réunion du 31 octobre 2007 à 16h00
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGilles Carrez, Rapporteur général :

, a adressé au ministre d'État ses félicitations pour la qualité du débat organisé dans le cadre du Grenelle de l'environnement et pour la prise de conscience générale qui en a résulté. Il s'agit d'un authentique succès.

En ce qui concerne l'aspect fiscal, peu de questions précises ont été abordées – mais les spécialistes, qui savent combien ces matières sont arides et ingrates, en ont l'habitude – en dehors de l'énonciation de grands principes tels que la taxe carbone, la taxe sur les poids lourds ou la TVA différenciée sur les produits économes en énergie. Pourtant, à chaque projet de loi de finances, à chaque projet de loi de finances rectificative, le Parlement est le théâtre de débats interminables sur la fiscalité de l'environnement. Il existe tout un appareil de taxes que l'on a essayé tant bien que mal d'orienter vers les économies d'énergie et le développement durable. Les questions qui vont suivre sont donc celles que la commission des Finances se pose depuis dix ans.

La taxe carbone a été présentée par certains comme une majoration de la TIPP. C'est d'ailleurs par ce biais qu'une taxe analogue a été mise en place en Allemagne. Il y a un an, l'augmentation du prix du baril a conduit la commission des Finances à se demander s'il ne fallait pas remettre en place la TIPP flottante, qui, du reste, doit beaucoup à son président actuel. On voit donc qu'il y a lieu de faire des arbitrages clairs : certaines propositions, qui avaient leur intérêt hier, devront, demain, être rangées au magasin des accessoires. Que doit-on attendre de la TIPP ? Faut-il greffer d'autres éléments sur cette taxe typiquement environnementale, et ce à un moment où le prix du pétrole connaît de nouveau une forte augmentation ?

En outre, la TIPP fait l'objet d'exonérations. Jusqu'en 2005, chaque loi de finances rectificative modifiait le niveau de défiscalisation des biocarburants. Depuis deux ans, les parlementaires étant devenus dubitatifs, cela n'est plus le cas. Étant donné ce que l'on sait désormais du bilan énergétique et environnemental des biocarburants, ne conviendra-t-il pas de soulever à nouveau le problème dès la prochaine loi de finances rectificative ? Qu'en est-il aujourd'hui du fameux E85, grande affaire écologique de la loi de finances pour 2007 ?

Une autre série d'exonérations anime régulièrement le débat parlementaire : celles dont bénéficient les taxis, les marins pêcheurs, les agriculteurs, les entreprises de transport public de voyageurs, et que le Parlement est souvent amené à accentuer au gré des crises locales. Comment définir des principes opérationnels dans ce domaine ?

La grande affaire de la XIe législature en matière d'environnement a été la mise en place de la taxe générale sur les activités polluantes, ou TGAP. Pour la majorité d'alors, cela a été un vrai chemin de croix. Or le produit de ce dispositif est aujourd'hui d'à peine 450 millions d'euros. Il est singulier que le Grenelle de l'environnement n'ait pas – ou très peu – évoqué ce qui était pourtant considéré comme la taxe écologique par excellence.

Qu'en est-il également des crédits d'impôt en faveur des économies d'énergie dans le secteur du logement. ? Ceux-ci sont passés de 900 millions d'euros en 2006 à 2,4 milliards en 2008. La liste des équipements concernés, telle qu'elle figure dans le code général des impôts, ne serait pas désavouée par Prévert. La dépense fiscale, dès lors qu'elle n'est pas accompagnée par une organisation de l'offre, se traduit purement et simplement par une augmentation des prix. On a par exemple assisté à une hausse brutale du prix des portes et fenêtres présentant un coefficient d'isolation suffisant.

C'est donc la question de l'évaluation qui se pose au premier chef. De ce point de vue, le ministre d'État a raison de se montrer méfiant envers la dépense fiscale. Sur un tel sujet, il vaut mieux privilégier une approche visant à identifier quels sont les bons crédits budgétaires et comment ceux-ci pourraient être dédiés, s'il y a lieu, à l'organisation de l'offre – qu'il s'agisse des toitures isolantes, des pompes à chaleurs, des chauffe-eau solaires ou des chaudières à condensation – en rédigeant des cahiers des charges et en fixant des objectifs bien quantifiés. Bien souvent, la dépense fiscale organise au contraire l'opacité. On le voit, toutes ces questions ont une portée immédiate.

La TVA différenciée pour les éco-produits est une très belle idée mais tout est dans l'art de sa mise en oeuvre. Il aura fallu dix ans pour obtenir la réduction du taux de TVA sur les livraisons d'énergie calorifique par les réseaux de chaleur. À tour de rôle, opposition et majorité ont soutenu le même amendement. Pendant cette période, la France a exercé au moins une fois la présidence de l'Union européenne : cela n'a pas suffi. C'est dire combien il importe que ces sujets bénéficient d'une approche européenne coordonnée.

En matière de financement, le Grenelle de l'environnement a ceci de très positif qu'il prend à témoin le pays sur la nécessité de renouveler tout un ensemble d'investissements en matière d'infrastructures, de transports publics ou de logement. Dans les programmes de villes nouvelles des années soixante-dix, jamais l'État n'a lésiné sur les crédits destinés à soutenir des innovations dans le domaine de la géothermie, des pompes à chaleur, etc. À cette époque, 15 % des crédits du budget de l'État étaient consacrés à l'investissement, contre 5 % aujourd'hui. N'y a-t-il pas lieu d'être beaucoup plus ambitieux en matière de partenariats public-privé et de déverrouiller au plus vite les obstacles fiscaux et juridiques qui s'opposent à la mobilisation des capacités d'investissement nécessaires ? Certes, ces montages ne sont pas la panacée mais il faut être réaliste : on ne redressera pas d'un seul coup les finances publiques et l'État ne pourra dégager des crédits suffisants, du moins dans les prochaines années.

Le Président Didier Migaud a souligné que, si la fiscalité peut être un excellent outil pour orienter les comportements, pour inciter ou dissuader, ce n'est pas toujours la bonne solution. Comme l'a indiqué le Rapporteur général, il faut se garder de privilégier systématiquement la dépense fiscale par rapport à la dépense budgétaire car cette dernière peut se révéler mieux ciblée et plus pertinente.

Les transports aériens bénéficient eux aussi d'une exonération de TIPP. C'est la conséquence d'un traité pour ce qui concerne les vols internationaux, mais qu'en est-il de l'exonération sur les vols intérieurs, qui représente de 1,2 à 1,3 milliard d'euros lorsque l'on sait que ce secteur est gros consommateur d'énergies fossiles très polluantes ?

S'agissant des biocarburants, les exonérations représentent des sommes importantes – environ 1,1 milliard d'euros – alors que l'efficacité et l'intérêt écologiques de ce type de produits n'apparaissent plus aussi évidents qu'au moment où l'on a décidé ces mesures. Le Gouvernement procède-t-il à une évaluation en ce domaine ? Travaille-t-il à des réorientations possibles ?

En matière de TVA, l'état d'esprit de la Commission européenne a changé. L'Europe est beaucoup plus réceptive à l'idée d'en faire un outil pour orienter les comportements. Quelle est l'action du Gouvernement à ce niveau ? Des contacts ont-ils été pris ? On sait que le dossier peut être rouvert avant la fin de l'année : il est important d'être présent à ce rendez-vous.

Enfin, quelle forme le Gouvernement envisage-t-il de donner à la contribution climat-énergie ? Il serait utile que la commission des Finances soit étroitement associée à sa réflexion sur les mesures fiscales consécutives au Grenelle de l'environnement.

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