ministre de l'Écologie, du développement et de l'aménagement durables, a précisé que le mot d'ordre du Grenelle de l'environnement et des groupes de travail qui l'ont préparé était d'aborder le sujet sans a priori et d'examiner sérieusement la situation telle qu'elle se présente sans idées préalables, bref de se mettre d'accord sur les questions avant de se mettre d'accord sur les réponses. Les participants se sont attachés pendant quatre mois à ne pas se préoccuper des contraintes, des préjugés et des méthodes habituelles pour aborder avec beaucoup d'humilité chaque thème au fond. Les réponses théoriques classiques consistant à imposer une TVA sur tel dispositif ou à augmenter une déduction fiscale sur tel équipement ont été laissées de côté. La fiscalité n'était pas un préalable, elle n'est qu'un outil.
Tout le monde aujourd'hui a conscience de la nécessité de faire des économies d'eau, d'énergie, de papier, et autres. Aucun indicateur depuis dix ans ne repose sur une amélioration du climat, un développement des terres arables, une réduction des villes ou la multiplication des champs de pétrole. La question à se poser est donc : quel est le programme raisonnable d'économies qui peut permettre de répondre aux besoins de la vie actuelle : continuer à construire, à se déplacer, etc ?
Il a souligné qu'à l'issue du Grenelle, non seulement il n'a aucun a priori sur aucun sujet, mais encore il sait ce qu'il ne fera pas et il n'a pas de mandat pour débattre des recettes globales du budget général.
Il est déterminé, si possible avec le concours de la Commission, dans le respect des rôles de chacun, et à l'aide d'expertises extérieures, à examiner sérieusement l'ensemble des dispositifs qui touchent de près ou de loin aux secteurs du transport, de l'habitat, à la fiscalité locale – quand celle-ci est impactée –, à l'énergie et aux pratiques agricoles. La vraie difficulté est de ne pas laisser la décision uniquement aux spécialistes de la fiscalité car ils ont une double casquette et doivent répondre également des comptes du pays. Des expertises complémentaires s'imposent, afin de regarder honnêtement les effets des taxes, des défiscalisations ainsi que les effets d'aubaine qui existent, le système d'incitation pouvant être performant à 10 % comme à 60 %.
Le Ministre a ensuite indiqué qu'il est hors de question de remplacer des recettes pérennes par des recettes écologiques qui, par nature, ont une dynamique négative. On ne va pas, par exemple, financer la sécurité sociale par un tel transfert et il faut veiller à la stabilité de cette fiscalité.
Il a rappelé qu'il n'a pas de mandat et n'est pas qualifié pour débattre des recettes globales du budget général.
Une expertise a été décrétée sur les biocarburants. Le moment est venu de faire le bilan écologique et énergétique des agrocarburants de première génération. Il faut regarder objectivement s'il ne serait pas préférable d'arrêter le développement de ces derniers et de transférer une partie de l'avantage fiscal sur la recherche concernant les agrocarburants de deuxième génération. On n'est pas tenu par les succès ou les effets d'aubaine d'hier. Il faut avoir l'esprit libre sur ce sujet.
Dans le domaine du bâtiment, il ne faut pas qu'une mesure vienne entraver la nécessaire construction de logements. Une disposition fiscale peut être pertinente à un moment et ne plus l'être quelque temps après. Cela vaut, par exemple, pour le dispositif de Robien et le PTZ, le prêt à taux zéro.
Sur les projets globaux du Grenelle – où le Parlement a été largement représenté –, il y a unanimité. Les divergences portent sur leur articulation et leur vitesse de mise en oeuvre. Il faut avoir l'humilité d'accepter, premièrement, de partir d'un point zéro, c'est-à-dire de se mettre à l'arrêt pour examiner l'ensemble des sujets, deuxièmement, de ne pas modifier l'ensemble des recettes et, troisièmement, de se méfier des effets d'aubaine.
Le groupe de travail 1 est parvenu à une position identique à celle de la commission des Finances, par exemple, à propos de l'habitat, à savoir que l'éclatement des dispositifs d'aide ne rend pas pertinent l'éco-habitat. La mesure de défiscalisation prévue pour la pose d'un chauffe-eau solaire, par exemple, ne suffit pas. Si celle-ci ne s'inscrit pas dans une conception d'ensemble de l'architecte, ses effets sont très courts par rapport à l'impact écologique global.
Pour une fois, on n'a pas la réponse avant la question, ni sur la TIPP, ni sur la TGAP, ni sur les biocarburants, ni sur les crédits d'impôt sectoriels.
Même si cela ne pourra pas se faire dans le cadre du débat budgétaire pour 2008, il faut néanmoins aller vite. Il y a d'énormes marges de manoeuvre. Dans le domaine de l'habitat, il faut passer d'un système de défiscalisation avec effets d'aubaine et accaparements sur les prix de certains produits à un système budgétaire identifié portant sur l'ensemble de la construction. Il faut reconsidérer tous les instruments financiers de la politique énergétique. C'est d'ailleurs pourquoi ces questions n'étaient pas à l'ordre du jour du Grenelle. Elles n'auraient pas permis de raisonner sainement.
Le Ministre a indiqué fonder son action sur deux convictions principales, qui ne sont pas forcément partagées par tout le monde.
La première est que, de la même manière qu'il a pu être dit que le communisme est mort de ne pas avoir laissé les prix dire la vérité économique, on peut dire que le capitalisme et l'économie de marché mourront s'ils ne laissent pas les prix dire la vérité écologique. Le prix d'achat n'intègre pas l'amortissement écologique du produit. C'est cette dissociation qui conduit au drame. Pour y remédier, on peut envisager un étiquetage écologique, c'est-à-dire une information aux consommateurs, accompagné d'un système de bonus-malus des produits plus ou moins polluants, consistant à conférer un avantage compétitif aux produits moins polluants financé par un prélèvement sur les produits plus polluants. Il est envisagé d'étendre ce principe à une vingtaine de familles de produits. Ce système est neutre pour l'équilibre général du pays mais suppose une prise de position politique massive et n'est pas sans poser des difficultés, notamment de recours.
La seconde conviction partagée par un certain nombre d'économistes, est qu'il faut donner un signal prix aux énergies, notamment fossiles. En une vingtaine d'années, l'homme a épuisé le stock d'énergie emmagasiné en 70 ou 80 millions d'années. Or on n'en paie pas le prix. La situation sera explosive quand le climat se sera détérioré de manière irréversible et que le prix du Brent atteindra 400, 500, 600 voire 700 dollars : seule une dictature sera capable de gérer les restrictions massives des besoins énergétiques. C'est pourquoi il importe de s'organiser doucement et progressivement en adressant un signal prix à vocation pédagogique rappelant que les énergies sont rares et qu'elles vont poser un problème de développement. C'est le principe de la contribution climat-énergie.
Le débat est compliqué car le prix du pétrole peut aussi être considéré comme un signal prix perçu de façon progressive. En tout cas, le fardeau ne doit pas être individuel mais partagé de manière équitable dans un système d'équivalence à la fois sur la compétitivité et les ménages, ce qui nécessite un peu de transfert. Comme les masses en jeu sont assez faibles, le mot « signal » est aussi important que le mot « prix » dans cette acception économique.
L'arbitrage du Président de la République consiste à y aller progressivement et très modérément, sans toucher à la compétitivité et en instaurant des équivalences. Cela demande un peu de travail.
Comme l'a indiqué M. Alain Cacheux, on ne pourra pas dissocier encore longtemps le loyer des charges. Ainsi le contrat de performance énergétique pour l'Hôtel de Roquelaure fait apparaître que le bilan énergétique n'est pas très bon sur les fenêtres, mais pas mauvais pour le reste car les murs sont épais. La réduction de moitié de la consommation énergétique qui est de 250 kilowattheures représente un coût de 400 000 euros, rentabilisé en sept ans et demi. Pour des grosses structures, de tels travaux ne posent pas de difficultés, mais ce n'est pas le cas des habitations individuelles. Les charges de chauffage et d'électricité risquent probablement d'exploser dans les cinq prochaines années.
Les programmes d'économies d'énergie doivent être encouragés. La déclaration conjointe des académies des sciences des pays du G8 estime que la situation décrite par le GIEC est teintée de la grande prudence qui sied à tout scientifique. En d'autres termes, cette situation serait plus grave. Les académies considèrent ensuite que les trois secteurs sur lesquels il faut faire porter de toute urgence les efforts sont les économies d'énergie des bâtiments en général, les expériences de captation séquestration du carbone – les performances possibles s'échelonnent entre 15 et 45 % - et la recherche sur la fission nucléaire.
M. Jean-Louis Borloo a indiqué qu'il est venu devant la Commission pour trouver une méthodologie de travail. On ne peut plus se laisser aller à la facilité qui consiste à augmenter les avantages fiscaux écologiques. Des changements de normes et d'amplitude s'imposent.
Concernant l'écotaxe poids lourds, une expérimentation en Alsace n'a plus lieu d'être puisqu'il est prévu de l'instituer tout de suite au plan national. Par ailleurs, elle doit être replacée dans le cadre du développement des autoroutes ferroviaires. Sauf événement qu'une expérimentation en grandeur réelle n'aurait pas décelé, on sait, pour moins cher ou pas plus cher, mettre les camions sur les trains et l'on connaît les sillons qu'il faut utiliser, la vitesse commerciale, les plateformes complémentaires et les aménagements d'infrastructure à réaliser. Mme Anne-Marie Idrac et les opérateurs privés considèrent comme une hypothèse raisonnable la circulation sur ces trains avant cinq ans de 50 % des camions de transit sur les lignes Nord-Sud Est et Nord-Sud Ouest et, d'ici à dix ans, de 100 % de ceux-ci. L'écotaxe poids lourds ne sera pas longtemps rentable. C'est toute la difficulté des recettes instables. L'écovignette est fondée sur l'utilisation d'une infrastructure. Si les camions voyagent sur des trains, on ne la leur fera pas payer deux fois.
Le Président Didier Migaud a fait remarquer que la France est loin d'être prête en matière de ferroutage.