COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES
Mardi 28 octobre 2008
La séance est ouverte à neuf heures trente.
(Présidence de M. Pierre Méhaignerie, président de la Commission)
La commission des affaires culturelles, familiales et sociales examine pour avis, sur le rapport de M. Olivier Jardé, les crédits pour 2009 de la mission « Recherche et enseignement supérieur (programmes de la recherche).
Maintenant la dynamique amorcée l'année dernière, les crédits de la recherche augmentent cette année de 863 millions d'euros : 243 millions d'euros de moyens supplémentaires et 620 millions d'euros de dépenses fiscales supplémentaires liées à la montée en charge du crédit d'impôt recherche. Au total, les crédits de la recherche s'établissent pour 2009 à 10, 063 milliards d'euros. Les organismes de recherche relevant du ministère bénéficient d'une enveloppe de 17,5 millions d'euros qui vient abonder leurs crédits de fonctionnement et d'investissement, à l'heure où ces organismes sont en pleine réorganisation.
Un an après avoir établi un bilan critique de l'émiettement et de la superposition des structures de recherche dans le domaine biomédical, je me réjouis des progrès considérables accomplis depuis pour fédérer les équipes dans ce domaine : il faut citer notamment la réorganisation de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) en huit instituts thématiques nationaux, destinés à coordonner l'effort de recherche de l'ensemble des opérateurs institutionnels intervenant dans leur champ de compétences. En outre, la coordination du « plan-Alzheimer », lancé l'an dernier, n'a pas été confiée à une agence thématique spécialement créée à cet effet, comme je l'avais craint, mais confiée à l'un de ces huit instituts nationaux.
Le financement sur projets, piloté par l'Agence nationale de la recherche (ANR), favorise l'excellence scientifique et fédère notre tissu de recherche autour de grandes thématiques nationales. Sa montée en puissance se poursuit en 2009.
Venons en à présent à la partie thématique de mon rapport : la valorisation de la recherche publique.
Qu'est-ce que la valorisation de la recherche ? Quel but poursuit-elle ?
On peut définir la valorisation de la recherche comme le transfert des résultats obtenus par la recherche publique à la société. Il est en effet naturel que nos concitoyens puissent profiter des résultats des recherches qu'ils financent par leurs contributions : la recherche dans le domaine médical, par exemple, n'a de sens que dans la mesure où elle participe à l'amélioration de la santé publique.
En outre, le transfert de produits ou de procédés innovants aux entreprises est un facteur de développement économique, donc d'accroissement de l'emploi et d'amélioration de la vie quotidienne de nos concitoyens.
Ce transfert de connaissances se fait principalement par la recherche partenariale, la cession de licences d'exploitation aux industriels – en une forme de partenariat public-privé –, la création d'entreprises innovantes ou l'emploi de chercheurs publics dans le secteur privé. Or si la valorisation fait clairement partie des objectifs prioritaires de la recherche publique, cette activité souffre aujourd'hui d'un manque flagrant de visibilité.
On constate tout d'abord que la mise en place de services de valorisation est très récente, à part pour quelques organismes comme l'INSERM, l'Institut national de la recherche agronomique (INRA) ou le Commissariat à l'énergie atomique (CEA) engagés depuis longtemps dans le transfert de connaissances : une quinzaine d'universités seulement avaient mis en place de tels services avant la loi de 1999 sur l'innovation.
Ces services connaissent un développement limité : on dénombre 450 équivalents temps plein dans les universités, à comparer aux 57 000 enseignants-chercheurs en fonction dans l'enseignement supérieur. Avec un effectif moyen de 5,5 personnes, il est très difficile pour ces services de tisser un lien étroit avec les laboratoires de leurs établissements afin de détecter les connaissances ou procédés « valorisables », de connaître le tissu économique environnant afin de cerner les besoins des entreprises et de disposer de l'ensemble des compétences nécessaires à leur activité. Ces postes sont en outre réputés difficiles, qu'ils soient techniques, relationnels ou en lien avec la politique de développement.
La petite taille de ces services les freine dans leur développement car ils rencontrent beaucoup de difficultés de recrutement en raison de salaires peu attractifs et de perspectives de carrière réduites : leur personnel est donc essentiellement composé de débutants et le turnover est très élevé. Surtout, ces petites structures doivent faire face aux coûts importants que représentent les dépôts de brevets, le retour sur investissement que pourrait procurer la cession de licence pouvant être très long et aléatoire. Généralement, on estime qu'un portefeuille de brevets doit atteindre la taille critique de 100 brevets pour envisager une stratégie de valorisation élaborée. Or la taille moyenne de ces portefeuilles est aujourd'hui de 20 brevets.
L'activité de valorisation se heurte en outre à plusieurs obstacles structurels. D'une part, l'absence de culture de valorisation dans le milieu des chercheurs : je dois souligner que, lorsque l'on fait passer l'agrégation, des coefficients pour classer les candidats en fonction de leurs publications sont établis mais rien n'est prévu pour les brevets, ce qui n'incite pas à en déposer. D'autre part, la segmentation de notre système de recherche entre organismes publics et universités et son émiettement aboutissent à un système généralisé de copropriété des brevets, qui rend longues et délicates les négociations avec les industriels. Il est donc important d'aller vers un propriétaire unique. Enfin, la valorisation passant également par les hommes, la faible proportion de docteurs en entreprises est préoccupante : elle explique en partie le peu d'appétence pour la technologie de beaucoup de nos entreprises. Or il est fondamental de posséder un réseau d'entreprises capables de s'approprier les avancées de la technologie afin de ne pas freiner l'innovation.
Pour conclure, je formule la proposition suivante : lancer, comme cela avait été fait en 2005, un appel à projets national de mutualisation des services de valorisation afin de créer une véritable dynamique en faveur de la valorisation. À terme, cela devrait aider à insuffler dans l'ensemble de notre système de recherche un peu de cette « culture de la valorisation » indissociable d'une stratégie globale en faveur de l'innovation.
Cette « culture de la valorisation » est effectivement indispensable. Comme le montre le présent avis, le Centre national pour la recherche scientifique (CNRS) et les universités n'engendrent que 24 % des contrats de recherche. À l'évidence, il convient de renforcer les formes de partenariat entre secteur public et secteur privé. On peut déplorer que les contraintes idéologiques soient parfois trop fortes.
Ce budget pour 2009 nous satisfait. Quelques observations doivent cependant être faites.
D'une part, s'agissant du crédit impôt recherche, la réforme de 2008 a indéniablement favorisé la politique de soutien à la recherche en général et à la recherche dans le domaine aéronautique en particulier. La recherche dans le secteur privé bénéficie ainsi d'un accompagnement sans précédent. Dans le même temps, dans cette période économiquement difficile, comment ne pas craindre ne serait-ce qu'une stagnation de cet effort, stagnation qui porterait atteinte aux politiques de recherche menées par les entreprises ?
D'autre part, de nombreux chercheurs français partent aujourd'hui à l'étranger. De quelle manière favoriser leur retour en France, que ce soit dans le secteur public ou le secteur privé ? La ministre en charge de la recherche a évoqué récemment les programmes mis en oeuvre par l'Agence nationale de la recherche (ANR), notamment en faveur du développement des post-doctorats : en pratique, quels moyens y seront-ils affectés ? De manière plus générale, comment resserrer les liens entre universités et organismes de recherche ?
Quels sont les moyens affectés aujourd'hui à la recherche médicale pour la lutte contre le cancer, le sida ou la maladie d'Alzheimer ?
S'agissant de la lutte contre la maladie d'Alzheimer, ces moyens s'élèvent à 8,9 millions d'euros. Il est en revanche plus difficile de chiffrer précisément les moyens alloués à la lutte contre le sida ou le cancer, les moyens étant répartis entre plusieurs dispositifs.
De même, il serait intéressant de connaître le montant des crédits alloués en faveur de la recherche pour la mise au point d'un coeur artificiel, par exemple pour ce qui concerne les travaux menés par le professeur Carpentier.
En l'espèce, il s'agit d'un partenariat liant universités, organismes de recherche et entreprises privées.
S'agissant de l'évolution des dépenses de recherche des entreprises, celles-ci sont naturellement liées à la conjoncture : la diminution des investissements des entreprises se traduit souvent par une baisse des dépenses ouvrant droit au crédit d'impôt recherche.
Pour ce qui est des départs des chercheurs français pour l'étranger, on peut d'abord y voir un témoignage positif de la qualité de leur formation. En outre, une expérience internationale peut être une bonne chose : certains internes en médecine, formés aujourd'hui au seul plan régional, auraient ainsi tout à y gagner. Mais il est vrai que si ces départs ne sont pas temporaires, cela pose des difficultés. Il nous faut donc nous interroger sur la question des rémunérations des chercheurs en France ainsi que sur celle de la valeur des laboratoires et des conditions de travail. Il est peut-être possible d'accepter de gagner moins si les conditions de travail sont favorables, comme l'atteste l'exemple récent d'un de mes collaborateurs revenu d'Angleterre.
De fait, les départs à l'étranger ne sont pas forcément dramatiques, bien au contraire. Mais il faut mener une réflexion en termes de solde également : qu'en est-il de la capacité française à attirer des chercheurs étrangers ?
Les départs pour l'étranger correspondent à une tendance assez récente mais nous manquons d'éléments pour mesurer précisément ce solde.
Pour ce qui concerne les liens entre les universités et les centres de recherche, j'ai toujours été un défenseur du développement de la recherche à l'université et de la promotion d'une coopération intense entre les deux types d'établissements.
Dans le cadre de ce projet de loi de finances pour 2009 sont prévus plus de 600 millions d'euros au titre du crédit d'impôt recherche. Outre le fait que ce montant peut être considéré comme gonflant artificiellement les crédits budgétaires et qu'il est constitutif d'une niche fiscale, il serait important d'évaluer l'impact de ce dispositif. A-t-il été efficace pour l'année 2008 ? Les prévisions établies il y a un an se sont-elles révélées fondées ? La Cour des comptes a en effet récemment émis des réserves sur l'efficacité du crédit d'impôt recherche.
En tant qu'ancien directeur d'un organisme de recherche, j'ai connu une première vague de départs des chercheurs français pour l'étranger, notamment les États-Unis, mais ces séjours ne duraient jamais plus d'une ou deux années. Il en va différemment aujourd'hui, la France laissant partir des prix Nobel. En outre, il faut être réaliste : les retours sont parfois liés à une expiration de la durée de validité des visas.
Il est difficile d'évaluer précisément l'impact du crédit d'impôt recherche sur les dépenses de recherche des entreprises : le rapport annuel au Parlement effectué sur ce point par le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche vous apportera néanmoins un certain nombre d'éléments. Par ailleurs, je partage votre sentiment sur la nécessité d'effectuer une étude sur le solde des départs des chercheurs français à l'étranger et des arrivées des chercheurs étrangers en France. Il me semble, cependant, que contrairement à la situation qui prévalait il y a quinze ans, de plus en plus de chercheurs étrangers viennent en France.
Qu'est-il ressorti de l'entretien du rapporteur avec le président du collectif « Sauvons la recherche » ?
Par ailleurs, la multiplicité des structures de diffusion nuit à la valorisation de la recherche. Dans le Bade-Wurtemberg, il existe une seule structure de valorisation ; l'entreprise qui souhaite déposer des brevets n'a donc qu'à se tourner vers cet interlocuteur unique. À l'inverse, dans ma propre région, une entreprise est perdue dans l'océan des structures qu'elle doit approcher pour valoriser les résultats de sa politique de recherche.
Il faut plus de mutualisation et plus de structuration des organes de valorisation de la recherche même si cela ne doit pas nécessairement aller jusqu'à prévoir un numéro de téléphone unique. Quant au collectif « Sauvons la recherche », son point de vue sur les questions de valorisation n'est pas si éloigné du mien.
Article 35 : État B
La commission est saisie d'un amendement du rapporteur pour avis, tendant à transférer à l'action n° 1 du programme 172 dix millions d'euros de crédits afin d'étendre, à l'ensemble du territoire, le dispositif de l'appel à projets de mutualisation des offices de transfert de technologie lancé en 2005 par l'Agence nationale de la recherche.
Cet amendement vise à lutter contre l'émiettement des structures de valorisation en encourageant leur mutualisation à l'échelle du territoire.
Entre les chambres de commerce et d'industrie et les structures régionales, on reste dans un dispositif trop éclaté.
Je ne suis pas convaincu par l'opportunité de cet amendement. Il est certain que notre dispositif de valorisation de la recherche souffre d'un empilement, d'un éclatement, voire d'un océan des structures. Cependant, je ne suis pas sûr que le transfert proposé de dix millions d'euros soit efficace : le dispositif existant nécessite d'abord d'être réorganisé. De plus, ces crédits sont retirés du programme de recherche dans le domaine des transports, de l'équipement et de l'habitat. Or ils sont destinés à mettre en oeuvre des mesures issues du Grenelle de l'environnement. Enfin, je crois savoir que le Gouvernement n'est pas excessivement favorable à l'adoption de cet amendement.
La commission rejette cet amendement.
Article additionnel après l'article 46 : Extension du bénéfice du doublement crédit impôt recherche aux travaux confiés aux dispositifs de mutualisation de la recherche et de l'enseignement supérieur
La commission est saisie d'un amendement du rapporteur pour avis tendant à modifier le code général des impôts, afin que les entreprises qui confient leurs travaux de recherche aux pôles de recherche et d'enseignement supérieur (PRES) et aux réseaux thématiques de recherche avancée (RTRA) puissent bénéficier de la prise en compte pour le double de leur montant des dépenses ouvrant droit au crédit d'impôt recherche.
Cet amendement va permettre de regrouper les activités de recherche contractuelle au niveau des structures mutualisées mises en place par la loi de programme sur la recherche de 2006.
La commission adopte cet amendement.
Puis, conformément aux conclusions du rapporteur pour avis, la commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » (programmes de la recherche).
La Commission examine pour avis, sur le rapport de M. Frédéric Reiss, les crédits pour 2009 de la mission « Enseignement scolaire ».
Je tiens à rappeler que le budget de l'enseignement scolaire demeure le premier budget de l'État, avec une dotation de près de 60 milliards d'euros en comptant l'enseignement agricole. Comme il est d'usage, je ferai une rapide présentation des grandes lignes du budget pour 2009 avant de présenter le thème choisi cette année.
Le budget de l'enseignement scolaire pour 2009 est porté par deux grandes priorités : l'amélioration des résultats du système éducatif et la promotion de la justice sociale. Il a pour ambition de mieux préparer les élèves au passage à l'enseignement supérieur et s'inscrit ainsi dans la droite lignée de la loi n° 2005-380 du 23 avril 2005 d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école, dite « loi Fillon ».
En ce qui concerne l'enseignement primaire, les nouveaux programmes et la nouvelle organisation de la semaine scolaire, avec la suppression de l'enseignement le samedi matin, semblent bien acceptés par la population.
Quant aux stages de remise à niveau, ils rencontrent un véritable succès, particulièrement auprès des familles modestes, qui n'ont souvent pas les moyens d'offrir à leurs enfants des cours de soutien privés.
Par ailleurs, l'accompagnement éducatif a été généralisé à tous les collèges cette année. Il concerne donc aujourd'hui plus de 7 000 collèges et 5 000 écoles. Le dispositif semble si bien fonctionner que la Fédération indépendante et démocratique lycéenne (FIDL), que j'ai auditionnée, a demandé à ce que les lycéens bénéficient d'un accompagnement équivalent. À ce titre, un dispositif expérimental de réussite scolaire au lycée a été mis en place à la rentrée 2008 dans 200 établissements difficiles.
J'aimerais insister également sur la politique en faveur des handicapés, domaine où l'on ne fera jamais assez mais où l'on n'a jamais fait autant. Ainsi, 2 000 auxiliaires de vie scolaire individuels (AVS-I) supplémentaires sont recrutés pour l'année scolaire 20082009 afin d'accompagner les élèves handicapés dans les classes ordinaires. En outre, 200 unités pédagogiques d'intégration ont été ouvertes à cette rentrée et 200 autres seront ouvertes à la rentrée prochaine, ce rythme de création étant conforme à celui prévu par la loi Fillon.
Enfin j'ai, avec un certain sens de la provocation, choisi d'intituler l'analyse du budget pour 2009 : « un budget qui ne doit pas remettre en cause le taux d'encadrement des élèves ». Pourquoi ce titre ? Le projet de loi de finances pour 2009 prévoit le non-remplacement de 13 500 départs à la retraite. Or j'estime que la rationalisation de l'emploi public dans l'enseignement scolaire ne doit pas mettre à mal la performance de notre système éducatif. Le plus important est aujourd'hui de maintenir le principe d'un enseignant par classe. À cet égard, l'affectation de 3 000 enseignants relevant des réseaux d'aides spécialisées aux enfants en difficulté (RASED) dans les écoles n'est pas choquante, car elle permet de lutter contre la difficulté scolaire là où elle se trouve, c'est-à-dire dans les classes.
Au total, la rationalisation de l'emploi public dans l'éducation nationale ne doit pas être conduite selon une logique purement comptable. Le taux d'encadrement doit rester optimal du point de vue pédagogique ; il faut donc éviter de passer sous un seuil critique.
J'aborde maintenant la deuxième partie de mon rapport, qui porte cette année sur le statut des directeurs d'école et chefs d'établissement. Je suis convaincu que l'implication d'un directeur d'école a un effet direct sur la réussite des enfants. Il est donc essentiel que l'éducation nationale recrute des personnalités compétentes et motivées pour occuper ce poste dont les responsabilités sont croissantes. Sur ce plan, je tiens à rappeler que notre pays regorge d'établissements « qui marchent ». Au cours de mes déplacements à Lille et à Rennes, j'ai pu constater que de nombreux chefs d'établissements ne craignent pas de relever le défi de la gestion par la performance et n'hésitent pas à prendre des risques au nom de la réussite scolaire des enfants.
Un examen différencié de la situation des chefs d'établissement et des directeurs d'école s'impose tant ils semblent appartenir à des univers radicalement différents pour ne pas dire étrangers. À titre d'illustration, quand les chefs d'établissement doivent engager un emploi de vie scolaire pour le compte d'une école, qui ne dispose pas de la personnalité juridique, certains peuvent le refuser.
De même, on constate une regrettable coupure entre le primaire et le secondaire, qui se reflète dans les statuts respectifs des directeurs d'école et des chefs d'établissement. Les premiers ont un statut de simple enseignant auquel s'ajoute une indemnité de fonction alors que les seconds bénéficient d'un véritable statut de corps.
Les directeurs d'écoles seraient-ils donc les maillons faibles de l'enseignement scolaire ? Ils n'ont pas la qualité de représentant de l'État et leur hiérarchie peut brider leurs initiatives pédagogiques. Pairs parmi leurs pairs enseignants, ils animent l'équipe pédagogique et assurent la coordination entre les maîtres, mais sans disposer d'aucun pouvoir hiérarchique sur leurs collègues. Ainsi, ils n'interviennent dans aucun acte d'évaluation ou de gestion des enseignants, tâche assumée par l'inspecteur de l'éducation nationale. Ces inconvénients rendent la fonction peu attractive, si bien que la plupart du temps, ce sont de jeunes professeurs des écoles qui se voient confier la direction des écoles, souvent sous la pression des inspecteurs d'académie. Mais ces jeunes « engagés volontaires » choisissent souvent de redevenir simples professeurs des écoles après quelques années passées sur des postes de directeurs.
Au total, les directeurs d'école occupent une position éminemment précaire, car en équilibre instable entre la liberté pédagogique brandie par les enseignants et leur hiérarchie parfois très interventionniste. Or, au même moment, les attentes sociales à l'égard de l'école sont très fortes, ce qui place les directeurs dans une situation inconfortable.
Face à ce malaise des directeurs d'école, la meilleure réponse consisterait à donner aux écoles primaires un statut d'autonomie comparable à celui des EPLE ; au-delà d'une taille critique, les écoles pourraient être constituées en établissements publics d'enseignement primaire (EPEP), comme d'ailleurs la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales l'avait autorisé, mais sans que cette disposition ait été appliquée. Cette réforme permettrait enfin de donner aux directeurs un statut digne d'eux et de mettre fin à la disparité entre le primaire et le secondaire qui n'a jamais fait preuve de son efficacité pédagogique.
La situation est très différente pour ce qui est des collèges et des lycées. Juridiquement au moins, les chefs d'établissement y sont de véritables « chefs » dirigeant un organisme doté de la personnalité morale et d'une autonomie pédagogique et éducative. Depuis la rentrée 2002, les recteurs adressent une lettre de mission aux chefs d'établissement leur fixant des objectifs précis. Le chef d'établissement dirige effectivement l'établissement et en préside le conseil d'administration. Il a autorité sur l'ensemble des personnels affectés ou mis à disposition. Sur le plan pédagogique, il impulse et conduit la politique de l'établissement.
Le développement de ses responsabilités est allé de pair avec une revalorisation du métier de chef d'établissement. En 2001, un statut des personnels de direction a été adopté, facilitant les promotions. Ensuite, un relevé de conclusions sur la situation des personnels de direction signé le 24 janvier 2007 avec les syndicats a prévu plusieurs mesures de reconnaissance professionnelle, notamment l'extension de l'indemnité de responsabilité aux adjoints des chefs d'établissement. Contrairement à ce que l'on pense souvent, la situation salariale des proviseurs et des principaux serait finalement, selon M. Jean Pierre Obin, ancien inspecteur général de l'éducation nationale, plus confortable que celle de leurs homologues européens.
Pourtant, les chefs d'établissement semblent peiner à conquérir l'autonomie qui leur est accordée dans les textes. Les enseignants apparaissent réticents à leur reconnaître une fonction pédagogique, car il existe une coupure entre personnels de direction et enseignants, qui s'est aggravée, selon le Syndicat national des enseignants du second degré (SNES), avec l'élargissement en 2001 du vivier de recrutement des chefs d'établissement à divers corps de fonctionnaires ne provenant pas nécessairement de l'enseignement. Dans ce contexte, il est difficile de faire émerger de véritables projets pédagogiques.
Les chefs d'établissement sont également victimes d'un « surencadrement », lié à la profusion de circulaires ministérielles trop détaillées.
En outre, les marges de manoeuvres concédées aux établissements butent sur la rigidité de la dotation globale financière qui leur est accordée. Un sondage effectué en 2006 indique que 70 % des chefs d'établissement considèrent que leur grille horaire ne permet pas de mettre en place au collège des dispositifs efficaces pour la prise en charge des élèves en difficulté.
Enfin, le dispositif d'évaluation des chefs d'établissement mis en place par les textes souffre d'un véritable vice de construction car leur non-respect n'a pas de conséquence ; quant à l'évaluation à des personnels de direction, il s'agit plus d'une évaluation individuelle que d'une évaluation des performances globales de l'établissement. A contrario, dans les établissements privés sous contrat, le projet d'établissement est approprié par l'ensemble de la communauté éducative.
Que faire pour donner un véritable contenu à l'autonomie et accroître la performance des écoles et des établissements publics locaux d'enseignement ? Il faut donner aux directeurs d'école et aux chefs d'établissement les moyens de construire des projets permettant d'améliorer, école par école et établissement par établissement, les acquis des élèves sur la base d'objectifs précis et pluriannuels. L'autonomie doit être conçue comme une autonomie d'utilisation des moyens pédagogiques mis au service des résultats scolaires. L'autonomie ne doit pas être synonyme de concurrence entre les établissements, l'éducation devant rester nationale, mais il s'agit de passer d'un système d'enseignement « quantitatif » à un système d'enseignement entièrement tourné vers la gestion qualitative des acquis des élèves.
Dans le secondaire, une autonomie d'utilisation des moyens devrait avoir pour contrepartie un véritable pilotage par les objectifs. Cela implique plusieurs axes de réforme, d'abord pour ce qui concerne la gestion des carrières : la formation initiale des personnels de direction doit être repensée ; il faut cesser de nommer systématiquement les jeunes chefs d'établissement dans des établissements délaissés par les plus expérimentés ; il faut également renforcer la mobilité interministérielle car, actuellement, les chefs d'établissement restent souvent bloqués au dernier échelon de leur corps dès l'âge de 50 ans, ce qui est démotivant. Pour ce qui est des prérogatives, il convient que les chefs d'établissement restent également présidents de leur conseil d'administration et deviennent les maîtres d'oeuvre de la politique pédagogique des collèges et des lycées ; pour ce faire, le conseil pédagogique doit être généralisé ; il faudrait également confier aux établissements une autonomie d'utilisation sur une partie de leurs moyens horaires, de l'ordre de 10 à 15 %. On ne peut non plus se dispenser d'une réflexion sur les procédures de recrutement et d'affectation des enseignants. Enfin, le pilotage par la performance est la contrepartie du renforcement de l'autonomie pédagogique : il s'agit de se donner les moyens d'évaluation, sur une durée significative, de l'évolution qualitative des acquis des élèves.
Dans le primaire, la mise en place d'un véritable statut de direction doit être liée à celle d'établissements publics d'enseignement primaire. L'autorité pédagogique et l'évaluation des directeurs d'école doivent être renforcées. Il faut enfin mettre en place les EPEP, afin de faciliter la gestion des emplois contractuels, de donner une légitimité à la création d'un statut de leurs directeurs et de réaffirmer la pérennité des écoles maternelles, alors qu'on soupçonne régulièrement qu'elles vont être démantelées. J'ai déposé, avec mes collègues Guy Geoffroy et Benoist Apparu, une proposition de loi transformant en EPEP les écoles comportant quinze classes au moins, et ouvrant une faculté d'option pour ce statut à partir de treize classes. Les EPEP seraient dotés d'un conseil d'administration, tandis que leurs directeurs représenteraient l'État et exécuteraient les délibérations du conseil. Par ailleurs, le projet de loi de finances pour 2009 finance à titre prévisionnel 500 emplois administratifs destinés à accompagner la création des EPEP.
En conclusion, j'évoquerai la perspective d'« une école du socle commun » qui regrouperait enseignement primaire et collège. Mais c'est là une autre histoire, une réforme à beaucoup plus long terme.
J'approuve l'idée de donner un statut aux directeurs d'école, mais en tant qu'ancien principal de collège, je voudrais signaler un point à prendre en compte, celui de la responsabilité juridique. En effet, un chef d'établissement du secondaire est statutairement en service et responsable 24 heures sur 24 ; c'est lui qu'on appelle quoi qu'il arrive. Ce principe de responsabilité doit-il être étendu aux directeurs d'école ou faut-il ajuster les règles applicables actuellement aux principaux et proviseurs ?
Sans m'étendre sur le contenu du rapport, sur lequel j'ai de sérieuses réserves, j'appelle surtout à la retenue sur les réformes : la communauté éducative est lassée des changements permanents. Le Président de la République a beau dire que plus personne ne s'aperçoit des grèves qui ont lieu en France, le fait est qu'un grand nombre de personnels de l'éducation nationale ont manifesté dimanche 19 octobre ; parmi ces manifestants, il y avait notamment des personnels des réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté (RASED), dont l'existence est remise en cause. De même, le service minimum apparaît inapplicable et inefficace dans les grandes villes comme dans les petites. Plutôt que de nouvelles réformes, le système a besoin de stabilité et de visibilité d'autant qu'il doit affronter à la fois la réduction du nombre de postes, la diminution du nombre d'heures de cours et la mise en place de l'accompagnement éducatif.
Quand on rencontre des directeurs d'écoles, on se rend compte qu'une réforme de leur statut est nécessaire : il faut qu'ils aient une certaine autorité sur les enseignants et une autonomie leur permettant de mettre en place des projets pédagogiques adaptés, car les besoins ne sont pas les mêmes, par exemple dans une école de centre ville et dans un quartier périphérique. Une certaine autonomie dans la gestion des moyens est également nécessaire sans rompre le lien avec la collectivité locale de rattachement ; d'ailleurs, les communes auraient intérêt à réunir régulièrement leurs directeurs d'écoles afin d'élaborer des plans stratégiques pour la réussite des élèves, qui est le but de l'école. René Monory avait tenté de créer un statut pour les directeurs d'école il y a vingt ans ; de multiples propositions ont été faites ; il est temps de passer à l'acte. L'essentiel c'est que les réformes soient faites au nom de l'intérêt des élèves.
Il est vrai que les personnels des RASED ont sollicité les élus et qu'on a pu s'interroger sur leur avenir et sur la mise en place des deux heures de soutien hebdomadaires. Cela dit, deux mois après la rentrée, on voit que cela se passe bien ; les parents adhèrent à ce dispositif et les enfants l'acceptent. Le seul regret que l'on peut avoir est que, dans certaines académies, au prétexte de la formation des enseignants, le soutien scolaire ne peut avoir lieu le mercredi matin et doit donc souvent se dérouler à l'heure du déjeuner, ce qui n'est pas optimal et coïncide souvent avec l'heure de la cantine. Tout cela devra de toute façon être évalué.
Il y a aussi une forte demande des parents à être mieux associés au système. Ne pourrait-on pas envisager d'instaurer une journée nationale des parents à l'école ?
Pour ce qui est du lycée, il y a aussi des pistes de réformes à étudier, afin d'assurer une meilleure préparation à l'enseignement supérieur.
Pour finir, l'enseignement privé ne doit pas être oublié. Il contribue à l'enseignement national et est parfois en avance, puisqu'il a déjà un statut efficace des directeurs d'établissements. Il représente 2 millions d'élèves et 145 000 enseignants. Ces derniers font part régulièrement de leurs réflexions et de leurs revendications. On avait annoncé une égalisation du statut de ces enseignants avec celui de leurs collègues de l'enseignement public, qui n'a pas été réalisée. Par ailleurs, la règle de proportionnalité qui veut que les créations et suppressions de postes dans l'enseignement privé sous contrat soient moins importantes que dans l'enseignement public peut aussi poser, à certains endroits, des difficultés.
Ma première question concerne la suppression de 3 000 postes d'enseignants des réseaux d'aide spécialisée aux élèves en difficulté (RASED), parallèle à la réintégration de 500 à 1 000 postes d'enseignants mis à disposition, notamment des réseaux d'éducation populaire. Quelle est la position du rapporteur sur ce sujet ?
Par ailleurs, le rapporteur pour avis passe sous silence la question du bilan de la réforme de la carte scolaire. Pourtant, de nombreux rapports auraient du l'interpeller. Le but était de favoriser la mixité. Or l'automaticité des dérogations provoque au contraire une concentration liée à l'origine sociale des élèves. Demain, avec des établissements scolaires plus autonomes, comment cela fonctionnera-t-il ? Ne conviendrait-il pas de disposer d'un rapport sur le sujet ou, au moins, d'un bilan ou d'une synthèse des conséquences de cette mesure ?
Mme Cécile Gallez. Je m'interroge sur le retard pris dans la publication des décrets d'application de la loi n° 2005-5 du 5 janvier 2005 relative à la situation des maîtres des établissements d'enseignement privés sous contrat, dite « loi Censi ». Je transmettrai cette question au ministre, ainsi que d'autres revendications, à ce jour non satisfaites, des enseignants dans les établissements privés.
S'agissant de l'accès des handicapés à l'école, autre sujet qui me tient à coeur, si l'école s'est plutôt bien adapté à l'accueil du handicap physique, notamment par l'adaptation de ses locaux, qu'en est-il de l'accueil des handicapés psychiques, notamment autistes ? On ne peut que se féliciter de l'augmentation du nombre d'auxiliaires de vie scolaire et d'enseignants mis à la disposition de ces élèves, mais qu'en est-il de leur formation ? Quels liens sont développés avec les associations spécialisées ?
M. Benoist Apparu. Je me félicite de l'accroissement de l'autonomie des établissements préconisée par l'avis de notre collègue. S'agissant des établissements publics d'enseignement primaire (EPEP), ce serait une évolution très positive pour les établissements scolaires et les enseignants d'une même ville. Ils permettraient de regrouper plusieurs classes, de répondre aux critiques de l'opposition en améliorant encore la mixité sociale à l'heure de la réforme de la carte scolaire – notamment par le regroupement dans un même établissement des élèves des écoles du centre et de la périphérie des villes – et, enfin, ils augmenteraient l'efficacité des heures de soutien scolaire, en permettant une utilisation mutualisée de ces deux heures.
S'agissant de la libération du samedi matin, je tiens à rappeler que la réforme mise en oeuvre n'était pas celle des quatre jours ! Il s'agissait de supprimer l'école le samedi matin et non d'instaurer une semaine de quatre jours à l'Education nationale. Le mercredi matin peut être ouvert, même si de nombreux inspecteurs d'académie ont privilégié les quatre jours.
S'agissant des postes en RASED, ils n'ont pas été supprimés mais réaffectés dans les classes, afin de confronter le dispositif d'accompagnement éducatif proposé à tous les élèves. On supprime simplement des doublons dans le dispositif de prise en charge des élèves en difficulté, d'autant plus que les enseignants des RASED devaient gérer entre cinq et dix écoles primaires chacun !
M. le président Pierre Méhaignerie. Les comparaisons européennes nous sont très défavorables. De même, le rapport demandé par la Commission des finances de notre assemblée à la Cour des comptes souligne très clairement un différentiel de coût de 15 à 20 % en France pour des résultats moyens. Ce n'est pas normal.
(Présidence de M. Georges Colombier, secrétaire)
M. André Vézhinet. S'agissant de l'accueil des handicapés, le développement des postes d'auxiliaires de vie scolaire est certes une avancée, mais il faut trouver rapidement un statut stable pour ces personnels, aujourd'hui principalement sous contrats aidés. On constate une montée très forte du mécontentement de ces personnels, l'inspection leur indiquant seulement qu'ils pourront bénéficier de la validation des acquis de l'expérience.
M. Guy Malherbe. S'agissant des deux heures de soutien scolaire, j'ai pu constater lors de premiers conseils d'école qui se sont tenus dans ma commune que le bilan est très positif pour l'ensemble des acteurs concernés, même s'il est un peu tôt pour le dresser. Il faut persévérer !
Mme Sandrine Mazetier. S'agissant de l'accompagnement éducatif et du soutien scolaire, le groupe SRC avait dit l'an passé que cette mesure générale ne bénéficierait pas aux élèves qui en ont le plus besoin. En outre, la semaine scolaire est devenue une semaine de quatre jours et, de fait, les personnels de l'Education nationale, qui sont dans l'obligation de renoncer à une journée, sont contraints de « charger » les journées restantes. Parallèlement, on procède cette année à la suppression de 3 000 postes d'enseignants affectés aux RASED. On supprime ces postes, mais pas les niches fiscales des officines privées de soutien scolaire, niches qui bénéficient principalement aux plus aisés… Les leaders du marché affichent un volume d'affaires conséquent et ce sont plus de 80 millions d'euros de déductions fiscales qui sont consentis aux plus riches. Cette somme aurait permis de financer sans difficulté le maintien des 3 000 postes des RASED que le projet de loi de finances remet en question, voire de créer de nouveaux postes, les enseignants de ces réseaux étant en général très chargés. Oui, il faut mettre de l'argent dans le soutien scolaire, mais dans le soutien scolaire public, pas dans des crédits d'impôts ! Il n'y a d'ailleurs rien dans le projet annuel de performances sur le montant total de ces heures supplémentaires défiscalisées, ni sur les dépenses fiscales engendrées par ces officines privées. Quel est le volume de l'ensemble de ces dépenses fiscales ?
Mme Marie-Christine Dalloz. Je suis interpellée par ce que je viens d'entendre. Certes, les enseignants des RASED avaient vocation à faire du soutien scolaire, mais ils ne pouvaient faire face à leur vocation ! Je suis étonnée d'entendre que généraliser le soutien scolaire revient à créer des niches fiscales. En tant qu'élue, je suis très sensible à cette généralisation qui permet d'accroître les chances de réussite de tous les élèves.
M. le rapporteur pour avis. S'agissant de la responsabilité des chefs d'établissement, il ne faut pas aller plus vite que la musique. La question est en cours de réflexion car l'obligation de résidence existait pour les instituteurs, qui disposaient d'un logement de fonction, mais elle n'existe plus pour les professeurs des écoles, qui bénéficient d'une indemnité de logement. Il conviendra de clarifier la situation pour ne pas créer d'ambiguïté.
Concernant les deux heures de soutien scolaire généralisées et des postes non remplacés, il s'agit en réalité de 13 500 postes non remplacés et de la réaffectation de 3 000 suppressions de postes de RASED, sur les 15 028 que comptent au total les réseaux. Sur ce dernier point, il y a simplement réaffectation des enseignants.
J'ai entendu de plus le témoignage d'une famille sur la charge de travail de leurs deux filles enseignantes : l'une était en RASED et avait la « belle vie », l'autre, simplement enseignante, était débordée.
Je ne comprends pas le raisonnement de Mme Mazetier sur les niches fiscales. Le ministre a reconnu les problèmes et a développé une solution interne à l'école, en mettant en place ces deux heures de soutien scolaire généralisé, pour les enfants qui en avaient besoin. Les professeurs volontaires adhèrent au système.
Aujourd'hui, ces deux heures sont fixées d'autorité par l'Inspecteur de l'éducation nationale (IEN), parfois le jeudi soir. Demain, dans le cadre de l'autonomie des futurs EPEP, s'ils étaient mis en place, on pourrait imaginer une plus grande flexibilité dans l'organisation de la prise en charge de la difficulté scolaire. La confiance dans l'école en serait décuplée.
Une organisation adaptée aux spécificités locales est en effet la mieux à même de répondre à la question suivante : quelle est la meilleure façon de faire bénéficier ces enfants du soutien ? Il faut redonner confiance en l'école aux directeurs, aux enseignants et aux familles. Effectivement, derrière cela, il convient de mettre en place des indicateurs pour évaluer les performances de l'école et d'avoir un projet d'école clair et pluriannuel. Cela donnera une réelle plus-value à la politique pédagogique des écoles.
Certaines initiatives pédagogiques, par exemple à Lille, ont presque été mises en oeuvre « hors la loi » de manière à ce que l'on puisse aller de l'avant et permettre la réussite des élèves. Il est essentiel d'apporter des réponses par l'élaboration du projet d'établissement ou du projet d'école.
Pour ce qui concerne la question de l'accueil dans les écoles en cas de grève, ce débat a bien sûr été très politisé. Mais la vraie question, c'est d'apporter une solution aux familles lorsque celles-ci sont totalement dépourvues de modes de garde. J'ajoute que ce dispositif peut être dans une certaine mesure considéré comme autofinancé.
Pour en venir au débat sur les établissements publics d'enseignement primaire (EPEP), il est vrai que certains syndicats sont contre ces établissements. L'enjeu est simple : il s'agit de donner les moyens humains nécessaires à l'école du XXIe siècle en évitant tout retour en arrière. De ce point de vue, les syndicats pourraient être prêts à évoluer si le statut des EPEP est clarifié. Nous aurons cette discussion, sous sa forme législative, le moment venu. Mais je crois que notre pays est mûr : il n'est pas acceptable que des écoles primaires de plus de 300 élèves soient gérées par un unique directeur quand le collège voisin accueille quelque 150 jeunes et se trouve doté d'une équipe administrative beaucoup plus importante.
La question de la présence des enfants handicapés dans les écoles est évidemment centrale, en dépit des interrogations inévitables qu'elle soulève. Il existe aujourd'hui dans certaines écoles des situations révélant une générosité exceptionnelle à l'égard de ces enfants. Certes, il n'est pas possible d'accueillir de nombreuses enfants handicapés en même temps : mais l'arrivée d'un enfant handicapé dans une classe bonifie à l'évidence l'ensemble du système. Quant au sujet particulier de l'autisme, il est d'autant plus complexe que la personne concernée est majeure.
Il est indispensable de mener une réflexion sur la formation des auxiliaires de vie scolaire (AVS). Bien sûr, le retour aux emplois jeunes n'est pas la solution. Mais il faut améliorer la formation de ces auxiliaires dont l'aide est capitale dans certaines situations, comme le montre l'exemple récent d'un AVS prenant en charge un enfant de quatre ans souffrant d'un problème visuel important. Sur ce sujet aussi, des progrès réels ont été accomplis, mais il faut aller plus loin, pourquoi pas en recourant à la validation des acquis de l'expérience (VAE). En 2007, 35 % des intéressés ont effectué une demande de formation ; en 2008, ce taux n'est que de 5 %. Cela pourrait signifier que de nombreuses formations ont été effectuées entre temps. Pour autant, il ne faut pas relâcher l'effort.
Puis, conformément aux conclusions du rapporteur pour avis, la Commission donne un avis favorable à l'adoption des crédits pour 2009 de la mission « Enseignement scolaire ».
La Commission examine pour avis, sur le rapport de Mme Valérie Rosso-Debord, les crédits pour 2009 de la mission « Recherche et enseignement supérieur » (programmes « Formations supérieures et recherche universitaire » et « Vie étudiante »).
En matière budgétaire, le plan « Réussite en Licence », poursuit trois objectifs : Faire de la licence un vrai diplôme national qualifiant d'insertion ou de poursuite d'études ; diviser par deux le taux d'échec en première année universitaire à l'horizon 2012 ; atteindre le taux de 50 % d'une classe d'âge au niveau de la licence.
Sur 103,3 millions d'euros accordés en 2009, 84,1 millions d'euros seront consacrés aux heures supplémentaires en licence et à la rénovation de la carte des formations, prévoyant notamment des unités d'enseignement à caractère pratique ou professionnel. En outre, 7 millions d'euros seront consacrés à la valorisation de l'engagement pédagogique des enseignants. Enfin, 4,6 millions d'euros seront dégagés pour la création des bureaux d'aide à l'insertion professionnelle, auxquels s'ajoutent 4,6 millions d'euros affectés en 2008. Ce montant serait doublé en 2010 en vue de la montée en puissance de ces bureaux.
Mais j'en viens maintenant au thème que j'ai choisi de développer plus particulièrement dans l'avis budgétaire. La première année universitaire génère un taux de déperdition proche du tiers, puisqu'un étudiant sur trois est amené à se réorienter à terme. En 2006, le rapport de la commission présidée par M. Patrick Hetzel, intitulé « De l'université à l'emploi », notait que 11 % des diplômés étaient au chômage trois ans après leur sortie de l'université. En réponse à cette situation, l'article 1er de la loi n° 2007-1199 du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités a ajouté « l'orientation et l'insertion professionnelle » aux missions de service public de l'enseignement supérieur.
Les universités sont-elles prêtes à assumer leur mission d'orientation et d'insertion professionnelle et les pouvoirs publics sont-ils prêts à leur en donner les moyens ?
J'ai choisi de suivre les premiers pas de trois dispositions prévues par la loi du 10 août 2007 : l'obligation de publier des statistiques relatives à l'insertion professionnelle des étudiants ; l'orientation active et enfin les bureaux d'aide à l'insertion professionnelle pour étudier ; la question de la professionnalisation des parcours.
Première disposition étudiée, l'obligation pour les universités de publier les « statistiques comportant des indicateurs d'insertion professionnelle des étudiants ». Cette question qui peut sembler purement technique est en réalité cruciale puisque le nouveau mode d'allocation des moyens, appliqué dès 2009, prend en compte la performance des universités, notamment en matière d'insertion professionnelle des étudiants. Or à ce jour il n'est pas possible de mettre au point des indicateurs fiables et équitables qui permettent de comparer les universités entre elles.
Sur cette question, je ferai quatre propositions :
– clarifier les objectifs de ces indicateurs : ceux-ci doivent être des sources d'information et une aide à l'orientation pour les étudiants, ainsi que des outils de pilotage pour les universités (notamment les présidents et les conseils d'administration) et des moyens d'évaluer leur performance pour l'État ;
– mettre au point une charte méthodologique commune et de généraliser les observatoires dans toutes les universités afin de disposer de données fiables et de procéder à des mutualisations de moyens sur l'ensemble du territoire ;
– à terme, pondérer les indicateurs quantitatifs par des variables qualitatives prenant en compte la nature du public, du bassin d'emploi, en privilégiant l'évolution plutôt que l'insertion en valeur absolue ; ainsi l'université de Nancy 2 et celle de Marne-la-Vallée ne se trouvent pas dans des bassins d'emploi identiques, les enjeux en termes d'emplois et d'insertion sont évidemment différents ;
– dans l'attente d'indicateurs quantitatifs au niveau national, évaluer chaque université en fonction de la stratégie globale d'établissement, par exemple la mise en place de bureaux d'aide à l'insertion professionnelle ou l'accompagnement des publics en difficulté.
Deuxième disposition étudiée, la mise en oeuvre du dispositif d'« orientation active » : chaque lycéen peut, par le biais d'une préinscription, solliciter l'information et l'aide à l'orientation dans l'établissement de son choix. L'orientation active, déjà pratiquée en 2007, a été mise en place à la rentrée 2008 selon de nouvelles modalités. Or, selon les informations que j'ai recueillies, le bilan de l'orientation active est en demi-teinte. Seuls 31 % des lycéens qui se sont préinscrits ont pu bénéficier d'un avis et d'un conseil d'orientation. Le nombre d'entretiens avec les lycéens, qui sont de réels outils de dialogue et de conseil – ils vont au-delà d'un simple courrier –, est faible. On observe que sur 4 304 entretiens proposés, 1 731 ont été réalisés, soit 40 %. Plus grave, les lycéens qui ont le plus participé sont à 88 % ceux préparant un baccalauréat de la série générale, avec une prédominance de la série scientifique (près de 52 %) : autrement dit ceux bénéficiant d'un soutien familial particulier. Les lycéens préparant un baccalauréat technologique ont quant à eux participé pour 11 % et les lycéens préparant un baccalauréat professionnel à hauteur de 1 %. C'est certes un dispositif prometteur mais qui ne tient pas encore ses promesses.
Concernant cette disposition, je ferai cinq propositions :
– coupler la préinscription et l'orientation active ; en effet, les universités comme Marne-la-Vallée qui ont clairement fait le lien entre préinscription et orientation active ont eu de meilleurs retours, puisque les étudiants sont de ce fait « obligés » de se soumettre à la phase d'orientation ;
– rendre obligatoire l'entretien individuel, dès lors qu'il est proposé par la commission d'enseignants en charge de l'orientation active ;
– mobiliser les acteurs, en accordant un bonus aux universités qui s'investissent financièrement et humainement dans la procédure d'orientation active, en augmentant la prime de responsabilité pédagogique des enseignants qui s'impliquent, en engageant des étudiants vacataires, etc. ;
– améliorer l'information auprès des publics « cibles », bacheliers technologiques et professionnels ;
– enfin, afin de faciliter le travail des enseignants et l'équité de leur jugement, il serait souhaitable de prévoir la rédaction d'une lettre de motivation précisant le projet de l'étudiant.
Troisième disposition analysée, l'article 21 de la loi du 10 août 2007 prévoit qu'un « bureau d'aide à l'insertion professionnelle des étudiants (BAI) est créé dans chaque université ». Les BAI sont appelés à jouer un rôle crucial dans la nouvelle mission des universités. Chargés d'assister les étudiants dans leur recherche de stage et de premier emploi, ils devront également publier les statistiques que je viens d'évoquer. Certaines universités s'étaient déjà dotées de telles structures, avec succès, avant même la publication de la loi.
Les BAI répondent ainsi à une triple difficulté : une insuffisante rationalisation et coordination des dispositifs d'accompagnement existants, qui constituent une véritable jungle à bien des égards ; une absence de portage politique des questions d'insertion au niveau des équipes dirigeantes ; une méconnaissance des étudiants sur les services dont ils disposent à l'université.
Les BAI correspondent à une attente forte des étudiants, quelles que soient leurs opinions. Il faut veiller à ce qu'ils ne deviennent pas des services communs universitaires d'information et d'orientation bis, et donc privilégier leur mission sur leur structure, en faire des instruments de coordination des différents acteurs : chambres des métiers, chambres de commerce, Pôle emploi, Association pour l'emploi des cadres, etc.
Concernant cette disposition, je ferai six propositions :
– favoriser le pilotage des BAI par un chargé de mission qui en réfère au conseil d'administration et au conseil des études et de la vie universitaires (CEVU). Pour cela, il est essentiel que soit prévue la remise d'un rapport une fois par an lors d'un conseil d'administration consacré uniquement au sujet de l'orientation et de l'insertion professionnelle ;
– élaborer un schéma directeur, qui précise quels seront les objectifs des BAI pour chaque université, tout en laissant une marge d'autonomie aux universités ;
– veiller à ce que les BAI puissent servir d'interface entre le monde du travail et l'université qui doit s'ouvrir au monde extérieur ; trop souvent, au bout de six mois et de l'envoi d'une multitude de curriculum vitae, les étudiants réalisent qu'une méthodologie leur fait défaut ;
– s'agissant du problème de l'évaluation des performances des universités, accorder sur le modèle du plan licence, des moyens supplémentaires et valoriser les universités qui ont mis en place des bonnes pratiques en termes d'insertion professionnelle ; ce type de valorisation existe en Allemagne par exemple ;
– associer impérativement les enseignants qui donnent de leur temps et valoriser leur engagement pédagogique, y compris sur leur bulletin de paie ; ceux qui oeuvrent à l'insertion des étudiants ne doivent pas être sacrifiés.
Au total, la professionnalisation des parcours est une nécessité : il faut valoriser les compétences autant que les diplômes.
Les formations professionnelles en France sont de plus en plus performantes mais sont aujourd'hui victimes de leur propre succès. On assiste à des stratégies de contournement des familles et des étudiants, qui remettent en cause la vocation première de ces filières, comme l'illustre l'exemple des instituts universitaires technologiques (IUT), « trustés » par les bacheliers généraux qui visent ainsi à rejoindre ensuite une licence professionnelle.
Il faut donc avant tout privilégier l'accès de ces filières aux bacheliers technologiques et professionnels. Sur ce point, je propose de prévoir des contrats d'objectifs et de moyens (COM) liant les IUT et les universités, fixant les objectifs des IUT en termes d'intégration de ces bacheliers et les moyens correspondants.
En outre, il faut professionnaliser les filières dites générales, ce que fait un nombre croissant d'universités. Cela passe notamment par la création d'une unité de valeur (UV) obligatoire et adaptée à chaque niveau de cursus, dédiée à la construction d'un projet professionnel et aux moyens de le mettre en valeur (établissement d'un curriculum vitae, d'une lettre de présentation, acquisition de connaissances sur le bassin d'emploi considéré, etc.) ou encore par le développement de stages en entreprise et de l'alternance dans les matières a priori éloignées du monde de l'entreprise comme les sciences humaines, des exemples ayant montré que cela peut porter ses fruits.
S'agissant des étudiants salariés, il conviendrait de prévoir un dispositif réglementaire spécifique pour leur permettre d'aménager leurs horaires ou d'être exonérés du stage obligatoire s'ils ont travaillé l'équivalent de six mois à temps plein.
En conclusion, je rappellerai que le projet de budget pour 2009, qui s'inscrit dans une stratégie pluriannuelle ambitieuse, prévoit de porter les moyens de la mission « Recherche et enseignement supérieur » à 26,6 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 25,87 milliards d'euros en crédits de paiement en 2011. Le maintien d'un effort financier en faveur de la recherche et des universités mérite d'être salué en période de rationalisation des dépenses et de difficultés budgétaires. Il traduit la volonté du Président de la République et du Gouvernement d'améliorer de façon significative les performances de la recherche et de l'enseignement supérieur.
Cet avis budgétaire est à la hauteur de la volonté du Gouvernement de faire de l'enseignement supérieur une priorité. De fait, en une année, l'ensemble des universités se sont mises en conformité avec la loi n° 2007-1199 du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités : il existe désormais un nouveau paysage universitaire ; une véritable modernisation a eu lieu. Quelque vingt établissements vont passer à l'autonomie au 1er janvier prochain, ce qui représente 25 % de l'ensemble des universités. Ces changements rapides ne doivent rien au hasard : ils résultent d'une volonté politique forte.
Au total, quatre axes ont été privilégiés : le développement des aides financières, la réussite des étudiants, les conditions de vie et l'insertion professionnelle des jeunes.
Le plan « Réussite en Licence » doit constituer une priorité. Aujourd'hui, deux tiers des étudiants sont à l'université : ils en ressortent souvent au bout d'une année, dans des conditions difficiles. C'est pourquoi il est très opportun de multiplier le recours aux étudiants tuteurs ou aux enseignants référents. C'est un véritable défi qui a commencé à être relevé.
Il est vrai qu'on peut regretter l'absence de vision claire de l'orientation professionnelle des étudiants. Comme l'évoque le présent avis budgétaire, les outils statistiques sont encore insuffisants, alors même que la loi de 2007 faisait de cette question un élément important de l'amélioration de l'insertion professionnelle des jeunes.
Pour ce qui concerne les dispositifs d'orientation active et de préinscription, il est certes un peu tôt pour un bilan complet. Cependant, il est probable qu'il faudra suivre sa montée en charge et rendre plus lisible encore le serveur destiné aux formalités de préinscription pour l'accès aux formations postérieures au baccalauréat (PostBac).
L'amélioration de la vie étudiante constitue une priorité de la ministre en charge de l'enseignement supérieur. Compte tenu de la conjoncture actuelle, il conviendra d'être attentif à l'avenir du fonds de garantie « prêt étudiant ». Ce dispositif correspond à une idée importante qui tend à favoriser l'égalité des chances et l'autonomie des jeunes. Le fonds de garantie comportait 5 millions d'euros en 2008. Il est essentiel de veiller à ce qu'il ne soit pas remis en cause par le contexte budgétaire actuel.
Dans le même ordre d'idée, la réforme des aides sociales et des bourses à l'occasion de la rentrée 2008 et de la rentrée 2009 constitue une nécessité au regard de la diversité des étudiants.
Le fonctionnement des instituts universitaires technologiques (IUT) soulève il est vrai certaines questions. Comment allouer de manière optimale les différents moyens qui y sont consacrés ? Il est capital de conforter ces filières et d'y développer les formations en alternance.
Autre sujet majeur : la revalorisation de la prime de responsabilité pédagogique, annoncée par la ministre en charge de l'enseignement supérieur de manière à valoriser les étudiants les plus méritants. Quelles sont les perspectives en cette matière ?
Enfin, le plan destiné à favoriser l'attractivité des métiers et des carrières a été doté de plus de 250 millions d'euros. Il s'agit d'un engagement fort sur lequel il serait également opportun d'avoir certains éléments d'information.
Il faut saluer la qualité de cet avis budgétaire. En outre, d'ores et déjà, les dispositions de la loi du 10 août 2007 produisent leurs effets. Trois observations peuvent cependant être faites.
Avant tout, pour ce qui concerne les liens entre les entreprises et les universités, donc la question de l'orientation des étudiants, les débats législatifs du mois de juillet 2007 ont montré l'importance des soutiens financiers. En outre, si la question de la sélection a été abordée puis écartée à l'occasion du dépôt d'un amendement de M. Claude Gloasguen, elle ne manquera pas de revenir prochainement dans le débat. Une chose est sûre : il faut identifier un acteur qui dise à l'étudiant où il peut aller. Cela, l'université ne peut le faire seul. C'est notamment pour cette raison qu'il est essentiel de faciliter l'accès des professionnels issus de l'entreprise aux enseignements de troisième cycle. Les procédures existantes sont en effet trop complexes.
Une autre difficulté est liée à l'utilisation par les familles des filières techniques pour accéder dans un deuxième temps aux filières générales. Par-delà le détournement que de telles pratiques constituent, ces comportements semblent ne pas tenir compte de la différence de nature qui existe entre les deux types de filières.
Un dernier débat peut être évoqué : la question de l'intervention respective des universités et du service public de l'emploi dans la prise en charge de l'orientation. Il faut d'abord retenir que l'orientation, ça se travaille. Mais en pratique, qui peut le faire ? Sans doute pas l'université de manière directe, mais davantage le service public de l'emploi au moyen de conventions qu'il pourrait conclure à cet effet avec les universités : l'outil juridique que constituent les délégations de service public – délégations assorties de l'obligation d'établissement d'un rapport annuel – pourrait être utilisé à cet effet. Bref, il faut continuer à mobiliser la plus grande ressource possible au profit de la recherche.
Rapporteur des crédits pour 2008 de l'enseignement scolaire, j'avais traité l'année dernière la question de l'orientation dans le second degré. Il est vrai que le taux de 40 % seulement des étudiants concernés par la nouvelle procédure d'entretien, tel qu'il a été rappelé par la rapporteure pour avis, ne peut que décevoir. Afin d'éviter les engagements des jeunes dans des voies sans issue, il faut poursuivre la réflexion sur la prise en charge de l'accompagnement, en vue d'une orientation optimale, et ce dès le lycée.
En outre, la question des instituts universitaires technologiques (IUT) est effectivement cruciale : ces filières sont en quelque sorte vampirisées par les bons élèves, issus des filières dites nobles. L'établissement de quotas pourrait permettre de préserver la vocation de ces instituts.
Enfin, le rapport établi par la commission présidée par M. Patrice Hetzel en 2006, consacré aux liens entre l'université et l'emploi, a mis en lumière une forme de complexe de la France dans ce domaine. Certes, le recours aux stages s'est accru depuis et une véritable réflexion a été engagée sur la professionnalisation des parcours. Comment aller encore au-delà et associer davantage les chefs d'entreprise à la prise en charge des formations universitaires, notamment des troisièmes cycles, à l'image de ce qu'ont déjà fait de nombreux pays européens ?
On ne peut qu'être d'accord avec la nécessité, en amont, d'améliorer l'orientation professionnelle des jeunes et, en aval, de parfaire les processus d'insertion professionnelle.
En revanche, je suis dubitatif face à l'optimisme forcené qui semble présider à la présentation de ce budget. Car c'est quand même la première fois depuis quinze ans qu'ont été supprimés 900 emplois dans l'enseignement supérieur et la recherche. Certains objecteront qu'il s'agit d'emplois de catégories B et C, autrement dit que les enseignants et les chercheurs ne sont pas concernés. Mais parler de vie étudiante, c'est évoquer l'ensemble des missions d'accueil, de secrétariat, de prise en charge pédagogique, etc., qui relève précisément de la compétence de ces personnels. D'une certaine manière, le plan « Réussite en Licence » se trouve ainsi lourdement hypothéqué, faute de personnel d'encadrement suffisant.
De manière plus générale, la ministre en charge de l'enseignement supérieur s'était engagée, en juillet 2007, à mettre en oeuvre un plan pluriannuel en faveur de la vie étudiante pour un montant global de 100 millions d'euros. Or cette année on n'en retrouve que 58 dans le budget. De même, les objectifs en matière de logements étudiants – 5 000 chaque année – ou d'attribution des bourses ne sont pas tenus. Le développement des prêts bancaires au profit des étudiants, avec des crédits à hauteur de 16 millions d'euros cette année, est-il une bonne solution ? L'État devient ainsi garant de la situation financière des intéressés, mais ces jeunes commenceront leur vie professionnelle avec l'obligation de se désendetter. Il serait préférable d'accroître le nombre et le montant des bourses attribuées, au profit d'une véritable amélioration du pouvoir d'achat.
On pourrait ajouter que le dispositif d'allocation pour l'installation étudiante (Aline) est loin d'avoir tenu toutes ses promesses et que les modalités de calcul des bourses restent défavorables aux étudiants.
Comme l'a souligné la rapporteure pour avis, il manque au plan pour « Réussite en Licence » un dispositif pour inverser les flux d'entrée entre les filières courtes et les filières générales. Si les meilleurs bacheliers des filières générales intègrent les classes préparatoires, les 20 à 25 % suivants trustent les places des filières technologiques et professionnelles en institut universitaire de technologie (IUT) ou en brevet de technicien supérieur (BTS). Aussi, les bacheliers de ces filières intègrent-ils les filières générales à l'université sans y avoir être préparés. La bonne solution consisterait à intégrer au cahier des charges des IUT et BTS un taux obligatoire de bacheliers technologiques et professionnels. Cela permettrait, en outre, de répondre en partie au problème du taux d'échec en premier cycle à l'université. Quant au débat sur la sélection dans les universités, je tiens à souligner que le système français est l'un des plus sélectifs du monde. Enfin, je partage les propos de Jean-Frédéric Poisson sur le service public de l'emploi : il n'est pas nécessaire de disposer de deux structures parallèles et je crois que le nouveau service public de l'emploi aurait pu intégrer en son sein les bureaux d'aide à l'insertion professionnelle des universités.
Pour répondre à M. Bernard Perrut, la revalorisation de la prime de responsabilité pédagogique (entre 3 500 et 15 000 euros par an), prévue par le plan « carrières », permettra la reconnaissance de l'engagement des enseignants auprès de leurs élèves en matière d'insertion professionnelle.
Concernant les aides directes aux étudiants, les crédits des bourses ont augmenté de plus de dix millions d'euros cette année, ce qui permettra la prise en charge de 50 000 boursiers supplémentaires.
Enfin, les cinq millions d'euros issus du Fonds de garantie des prêts bancaires aux étudiants n'encourent aucun risque.
Les crédits immobiliers augmentent pour 2009 de huit millions d'euros au titre des contrats de projet État-régions (CPER), et de neuf millions hors CPER, ce qui permettra d'engager la réhabilitation de 6 522 logements, soit un chiffre très proche de celui proposé par le plan Anciaux.
Concernant le renforcement des liens entre les universités et le monde de l'entreprise, je rappelle que la loi LRU prévoit déjà la présence aux conseils d'administration des universités de représentants du monde de l'entreprise. Par ailleurs, les entreprises peuvent financer des fondations universitaires ainsi que des chaires. Ces trois éléments sont de nature à rapprocher les universités et le monde professionnel. Enfin, la multiplication des professeurs associés est certainement une piste à privilégier.
Je partage les propos de Benoist Apparu sur les filières technologiques et professionnelles qui sont trustées par les bons élèves des filières générales. La solution pourrait effectivement consister à passer des contrats d'objectifs et de moyens (COM) avec les IUT prévoyant un taux minimum de bacheliers technologiques et professionnels (40 ou 50 %) et les moyens correspondants. Je rappelle que le mode de financement de ces filières est actuellement calculé en fonction de leurs taux de réussite, ce qui a pour effet pervers de les inciter à recruter majoritairement des bacheliers généraux. Pour répondre à Jean-Frédéric Poisson sur la question de la sélection et de la différence entre filières, j'estime qu'il est fondamental de maintenir des passerelles entre les filières technologiques et professionnelles et les filières générales. Il est important de donner à chacun une seconde chance.
Sur l'implication du service public de l'emploi dans les BAI, l'université ne peut pas tout prendre en charge et doit faire appel à des professionnels. Cependant, la communauté universitaire a ses spécificités. Il ne me semble pas pertinent de confier la gestion des BAI à « Pôle emploi ». En revanche, il est possible de trouver un équilibre avec des chargés de mission nommés par l'université qui passeront des conventions avec les chambres de commerce et d'industrie et autres intervenants extérieurs. Ce qu'il manque à beaucoup de jeunes, ce sont surtout les codes sociaux et les réseaux que tous les acteurs associés aux BAI peuvent leur apporter : équipe pédagogique, service public de l'emploi mais aussi conseils régionaux et chambres de commerce.
Je partage les propos de Frédéric Reiss sur l'orientation active des étudiants : il est important de coupler les préinscriptions à l'orientation active. Cela à un coût mais il vaut mieux mettre les moyens ici que de supporter le coût social de l'échec par la suite.
Enfin, je tiens à souligner que le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche a été exonéré cette année de la règle du non-remplacement d'un emploi sur deux et que, contrairement à ce qu'a affirmé Régis Juanico, ce sont 450 emplois de non-titulaires qui seront supprimés.
En conclusion, ce budget bien qu'établi en période de difficultés budgétaires demeure dynamique et cet effort du Gouvernement doit être salué.
Conformément aux conclusions de la rapporteure pour avis, la commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits pour 2009 de la mission « Recherche et Enseignement supérieur» (programmes « Formations supérieures et recherche universitaire » et « Vie étudiante ».
La séance est levée à 12 heures.