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Intervention de Olivier Jardé

Réunion du 28 octobre 2008 à 9h30
Commission des affaires culturelles, familiales et sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaOlivier Jardé, rapporteur pour avis :

Maintenant la dynamique amorcée l'année dernière, les crédits de la recherche augmentent cette année de 863 millions d'euros : 243 millions d'euros de moyens supplémentaires et 620 millions d'euros de dépenses fiscales supplémentaires liées à la montée en charge du crédit d'impôt recherche. Au total, les crédits de la recherche s'établissent pour 2009 à 10, 063 milliards d'euros. Les organismes de recherche relevant du ministère bénéficient d'une enveloppe de 17,5 millions d'euros qui vient abonder leurs crédits de fonctionnement et d'investissement, à l'heure où ces organismes sont en pleine réorganisation.

Un an après avoir établi un bilan critique de l'émiettement et de la superposition des structures de recherche dans le domaine biomédical, je me réjouis des progrès considérables accomplis depuis pour fédérer les équipes dans ce domaine : il faut citer notamment la réorganisation de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) en huit instituts thématiques nationaux, destinés à coordonner l'effort de recherche de l'ensemble des opérateurs institutionnels intervenant dans leur champ de compétences. En outre, la coordination du « plan-Alzheimer », lancé l'an dernier, n'a pas été confiée à une agence thématique spécialement créée à cet effet, comme je l'avais craint, mais confiée à l'un de ces huit instituts nationaux.

Le financement sur projets, piloté par l'Agence nationale de la recherche (ANR), favorise l'excellence scientifique et fédère notre tissu de recherche autour de grandes thématiques nationales. Sa montée en puissance se poursuit en 2009.

Venons en à présent à la partie thématique de mon rapport : la valorisation de la recherche publique.

Qu'est-ce que la valorisation de la recherche ? Quel but poursuit-elle ?

On peut définir la valorisation de la recherche comme le transfert des résultats obtenus par la recherche publique à la société. Il est en effet naturel que nos concitoyens puissent profiter des résultats des recherches qu'ils financent par leurs contributions : la recherche dans le domaine médical, par exemple, n'a de sens que dans la mesure où elle participe à l'amélioration de la santé publique.

En outre, le transfert de produits ou de procédés innovants aux entreprises est un facteur de développement économique, donc d'accroissement de l'emploi et d'amélioration de la vie quotidienne de nos concitoyens.

Ce transfert de connaissances se fait principalement par la recherche partenariale, la cession de licences d'exploitation aux industriels – en une forme de partenariat public-privé –, la création d'entreprises innovantes ou l'emploi de chercheurs publics dans le secteur privé. Or si la valorisation fait clairement partie des objectifs prioritaires de la recherche publique, cette activité souffre aujourd'hui d'un manque flagrant de visibilité.

On constate tout d'abord que la mise en place de services de valorisation est très récente, à part pour quelques organismes comme l'INSERM, l'Institut national de la recherche agronomique (INRA) ou le Commissariat à l'énergie atomique (CEA) engagés depuis longtemps dans le transfert de connaissances : une quinzaine d'universités seulement avaient mis en place de tels services avant la loi de 1999 sur l'innovation.

Ces services connaissent un développement limité : on dénombre 450 équivalents temps plein dans les universités, à comparer aux 57 000 enseignants-chercheurs en fonction dans l'enseignement supérieur. Avec un effectif moyen de 5,5 personnes, il est très difficile pour ces services de tisser un lien étroit avec les laboratoires de leurs établissements afin de détecter les connaissances ou procédés « valorisables », de connaître le tissu économique environnant afin de cerner les besoins des entreprises et de disposer de l'ensemble des compétences nécessaires à leur activité. Ces postes sont en outre réputés difficiles, qu'ils soient techniques, relationnels ou en lien avec la politique de développement.

La petite taille de ces services les freine dans leur développement car ils rencontrent beaucoup de difficultés de recrutement en raison de salaires peu attractifs et de perspectives de carrière réduites : leur personnel est donc essentiellement composé de débutants et le turnover est très élevé. Surtout, ces petites structures doivent faire face aux coûts importants que représentent les dépôts de brevets, le retour sur investissement que pourrait procurer la cession de licence pouvant être très long et aléatoire. Généralement, on estime qu'un portefeuille de brevets doit atteindre la taille critique de 100 brevets pour envisager une stratégie de valorisation élaborée. Or la taille moyenne de ces portefeuilles est aujourd'hui de 20 brevets.

L'activité de valorisation se heurte en outre à plusieurs obstacles structurels. D'une part, l'absence de culture de valorisation dans le milieu des chercheurs : je dois souligner que, lorsque l'on fait passer l'agrégation, des coefficients pour classer les candidats en fonction de leurs publications sont établis mais rien n'est prévu pour les brevets, ce qui n'incite pas à en déposer. D'autre part, la segmentation de notre système de recherche entre organismes publics et universités et son émiettement aboutissent à un système généralisé de copropriété des brevets, qui rend longues et délicates les négociations avec les industriels. Il est donc important d'aller vers un propriétaire unique. Enfin, la valorisation passant également par les hommes, la faible proportion de docteurs en entreprises est préoccupante : elle explique en partie le peu d'appétence pour la technologie de beaucoup de nos entreprises. Or il est fondamental de posséder un réseau d'entreprises capables de s'approprier les avancées de la technologie afin de ne pas freiner l'innovation.

Pour conclure, je formule la proposition suivante : lancer, comme cela avait été fait en 2005, un appel à projets national de mutualisation des services de valorisation afin de créer une véritable dynamique en faveur de la valorisation. À terme, cela devrait aider à insuffler dans l'ensemble de notre système de recherche un peu de cette « culture de la valorisation » indissociable d'une stratégie globale en faveur de l'innovation.

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