En matière budgétaire, le plan « Réussite en Licence », poursuit trois objectifs : Faire de la licence un vrai diplôme national qualifiant d'insertion ou de poursuite d'études ; diviser par deux le taux d'échec en première année universitaire à l'horizon 2012 ; atteindre le taux de 50 % d'une classe d'âge au niveau de la licence.
Sur 103,3 millions d'euros accordés en 2009, 84,1 millions d'euros seront consacrés aux heures supplémentaires en licence et à la rénovation de la carte des formations, prévoyant notamment des unités d'enseignement à caractère pratique ou professionnel. En outre, 7 millions d'euros seront consacrés à la valorisation de l'engagement pédagogique des enseignants. Enfin, 4,6 millions d'euros seront dégagés pour la création des bureaux d'aide à l'insertion professionnelle, auxquels s'ajoutent 4,6 millions d'euros affectés en 2008. Ce montant serait doublé en 2010 en vue de la montée en puissance de ces bureaux.
Mais j'en viens maintenant au thème que j'ai choisi de développer plus particulièrement dans l'avis budgétaire. La première année universitaire génère un taux de déperdition proche du tiers, puisqu'un étudiant sur trois est amené à se réorienter à terme. En 2006, le rapport de la commission présidée par M. Patrick Hetzel, intitulé « De l'université à l'emploi », notait que 11 % des diplômés étaient au chômage trois ans après leur sortie de l'université. En réponse à cette situation, l'article 1er de la loi n° 2007-1199 du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités a ajouté « l'orientation et l'insertion professionnelle » aux missions de service public de l'enseignement supérieur.
Les universités sont-elles prêtes à assumer leur mission d'orientation et d'insertion professionnelle et les pouvoirs publics sont-ils prêts à leur en donner les moyens ?
J'ai choisi de suivre les premiers pas de trois dispositions prévues par la loi du 10 août 2007 : l'obligation de publier des statistiques relatives à l'insertion professionnelle des étudiants ; l'orientation active et enfin les bureaux d'aide à l'insertion professionnelle pour étudier ; la question de la professionnalisation des parcours.
Première disposition étudiée, l'obligation pour les universités de publier les « statistiques comportant des indicateurs d'insertion professionnelle des étudiants ». Cette question qui peut sembler purement technique est en réalité cruciale puisque le nouveau mode d'allocation des moyens, appliqué dès 2009, prend en compte la performance des universités, notamment en matière d'insertion professionnelle des étudiants. Or à ce jour il n'est pas possible de mettre au point des indicateurs fiables et équitables qui permettent de comparer les universités entre elles.
Sur cette question, je ferai quatre propositions :
– clarifier les objectifs de ces indicateurs : ceux-ci doivent être des sources d'information et une aide à l'orientation pour les étudiants, ainsi que des outils de pilotage pour les universités (notamment les présidents et les conseils d'administration) et des moyens d'évaluer leur performance pour l'État ;
– mettre au point une charte méthodologique commune et de généraliser les observatoires dans toutes les universités afin de disposer de données fiables et de procéder à des mutualisations de moyens sur l'ensemble du territoire ;
– à terme, pondérer les indicateurs quantitatifs par des variables qualitatives prenant en compte la nature du public, du bassin d'emploi, en privilégiant l'évolution plutôt que l'insertion en valeur absolue ; ainsi l'université de Nancy 2 et celle de Marne-la-Vallée ne se trouvent pas dans des bassins d'emploi identiques, les enjeux en termes d'emplois et d'insertion sont évidemment différents ;
– dans l'attente d'indicateurs quantitatifs au niveau national, évaluer chaque université en fonction de la stratégie globale d'établissement, par exemple la mise en place de bureaux d'aide à l'insertion professionnelle ou l'accompagnement des publics en difficulté.
Deuxième disposition étudiée, la mise en oeuvre du dispositif d'« orientation active » : chaque lycéen peut, par le biais d'une préinscription, solliciter l'information et l'aide à l'orientation dans l'établissement de son choix. L'orientation active, déjà pratiquée en 2007, a été mise en place à la rentrée 2008 selon de nouvelles modalités. Or, selon les informations que j'ai recueillies, le bilan de l'orientation active est en demi-teinte. Seuls 31 % des lycéens qui se sont préinscrits ont pu bénéficier d'un avis et d'un conseil d'orientation. Le nombre d'entretiens avec les lycéens, qui sont de réels outils de dialogue et de conseil – ils vont au-delà d'un simple courrier –, est faible. On observe que sur 4 304 entretiens proposés, 1 731 ont été réalisés, soit 40 %. Plus grave, les lycéens qui ont le plus participé sont à 88 % ceux préparant un baccalauréat de la série générale, avec une prédominance de la série scientifique (près de 52 %) : autrement dit ceux bénéficiant d'un soutien familial particulier. Les lycéens préparant un baccalauréat technologique ont quant à eux participé pour 11 % et les lycéens préparant un baccalauréat professionnel à hauteur de 1 %. C'est certes un dispositif prometteur mais qui ne tient pas encore ses promesses.
Concernant cette disposition, je ferai cinq propositions :
– coupler la préinscription et l'orientation active ; en effet, les universités comme Marne-la-Vallée qui ont clairement fait le lien entre préinscription et orientation active ont eu de meilleurs retours, puisque les étudiants sont de ce fait « obligés » de se soumettre à la phase d'orientation ;
– rendre obligatoire l'entretien individuel, dès lors qu'il est proposé par la commission d'enseignants en charge de l'orientation active ;
– mobiliser les acteurs, en accordant un bonus aux universités qui s'investissent financièrement et humainement dans la procédure d'orientation active, en augmentant la prime de responsabilité pédagogique des enseignants qui s'impliquent, en engageant des étudiants vacataires, etc. ;
– améliorer l'information auprès des publics « cibles », bacheliers technologiques et professionnels ;
– enfin, afin de faciliter le travail des enseignants et l'équité de leur jugement, il serait souhaitable de prévoir la rédaction d'une lettre de motivation précisant le projet de l'étudiant.
Troisième disposition analysée, l'article 21 de la loi du 10 août 2007 prévoit qu'un « bureau d'aide à l'insertion professionnelle des étudiants (BAI) est créé dans chaque université ». Les BAI sont appelés à jouer un rôle crucial dans la nouvelle mission des universités. Chargés d'assister les étudiants dans leur recherche de stage et de premier emploi, ils devront également publier les statistiques que je viens d'évoquer. Certaines universités s'étaient déjà dotées de telles structures, avec succès, avant même la publication de la loi.
Les BAI répondent ainsi à une triple difficulté : une insuffisante rationalisation et coordination des dispositifs d'accompagnement existants, qui constituent une véritable jungle à bien des égards ; une absence de portage politique des questions d'insertion au niveau des équipes dirigeantes ; une méconnaissance des étudiants sur les services dont ils disposent à l'université.
Les BAI correspondent à une attente forte des étudiants, quelles que soient leurs opinions. Il faut veiller à ce qu'ils ne deviennent pas des services communs universitaires d'information et d'orientation bis, et donc privilégier leur mission sur leur structure, en faire des instruments de coordination des différents acteurs : chambres des métiers, chambres de commerce, Pôle emploi, Association pour l'emploi des cadres, etc.
Concernant cette disposition, je ferai six propositions :
– favoriser le pilotage des BAI par un chargé de mission qui en réfère au conseil d'administration et au conseil des études et de la vie universitaires (CEVU). Pour cela, il est essentiel que soit prévue la remise d'un rapport une fois par an lors d'un conseil d'administration consacré uniquement au sujet de l'orientation et de l'insertion professionnelle ;
– élaborer un schéma directeur, qui précise quels seront les objectifs des BAI pour chaque université, tout en laissant une marge d'autonomie aux universités ;
– veiller à ce que les BAI puissent servir d'interface entre le monde du travail et l'université qui doit s'ouvrir au monde extérieur ; trop souvent, au bout de six mois et de l'envoi d'une multitude de curriculum vitae, les étudiants réalisent qu'une méthodologie leur fait défaut ;
– s'agissant du problème de l'évaluation des performances des universités, accorder sur le modèle du plan licence, des moyens supplémentaires et valoriser les universités qui ont mis en place des bonnes pratiques en termes d'insertion professionnelle ; ce type de valorisation existe en Allemagne par exemple ;
– associer impérativement les enseignants qui donnent de leur temps et valoriser leur engagement pédagogique, y compris sur leur bulletin de paie ; ceux qui oeuvrent à l'insertion des étudiants ne doivent pas être sacrifiés.
Au total, la professionnalisation des parcours est une nécessité : il faut valoriser les compétences autant que les diplômes.
Les formations professionnelles en France sont de plus en plus performantes mais sont aujourd'hui victimes de leur propre succès. On assiste à des stratégies de contournement des familles et des étudiants, qui remettent en cause la vocation première de ces filières, comme l'illustre l'exemple des instituts universitaires technologiques (IUT), « trustés » par les bacheliers généraux qui visent ainsi à rejoindre ensuite une licence professionnelle.
Il faut donc avant tout privilégier l'accès de ces filières aux bacheliers technologiques et professionnels. Sur ce point, je propose de prévoir des contrats d'objectifs et de moyens (COM) liant les IUT et les universités, fixant les objectifs des IUT en termes d'intégration de ces bacheliers et les moyens correspondants.
En outre, il faut professionnaliser les filières dites générales, ce que fait un nombre croissant d'universités. Cela passe notamment par la création d'une unité de valeur (UV) obligatoire et adaptée à chaque niveau de cursus, dédiée à la construction d'un projet professionnel et aux moyens de le mettre en valeur (établissement d'un curriculum vitae, d'une lettre de présentation, acquisition de connaissances sur le bassin d'emploi considéré, etc.) ou encore par le développement de stages en entreprise et de l'alternance dans les matières a priori éloignées du monde de l'entreprise comme les sciences humaines, des exemples ayant montré que cela peut porter ses fruits.
S'agissant des étudiants salariés, il conviendrait de prévoir un dispositif réglementaire spécifique pour leur permettre d'aménager leurs horaires ou d'être exonérés du stage obligatoire s'ils ont travaillé l'équivalent de six mois à temps plein.
En conclusion, je rappellerai que le projet de budget pour 2009, qui s'inscrit dans une stratégie pluriannuelle ambitieuse, prévoit de porter les moyens de la mission « Recherche et enseignement supérieur » à 26,6 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 25,87 milliards d'euros en crédits de paiement en 2011. Le maintien d'un effort financier en faveur de la recherche et des universités mérite d'être salué en période de rationalisation des dépenses et de difficultés budgétaires. Il traduit la volonté du Président de la République et du Gouvernement d'améliorer de façon significative les performances de la recherche et de l'enseignement supérieur.