Commission d'enquête relative aux modalités, au financement et à l'impact sur l'environnement du projet de rénovation du réseau express régional d'Île-de-France
L'audition commence à seize heures trente-cinq.
Nous recevons aujourd'hui des représentants du Conseil économique, social et environnemental (CESE) et du Conseil économique, social et environnemental de la région d'Île-de-France (CESER) : pour l'instance nationale, M. Sébastien Genest, vice-président de France Nature Environnement, et M. Pierre-Jean Rozet, conseiller confédéral CGT, tous deux membres de la section de l'aménagement durable des territoires ; pour l'instance régionale, M. Daniel Rabardel, vice-président de la commission « Transports », et Mme Nadine Barbe-Ursulet, chargée de mission auprès du cabinet du président.
Madame, Messieurs, la commission d'enquête vous remercie de votre présence. Vos propos nous permettront de compléter utilement non seulement les informations recueillies lors des précédentes auditions mais aussi lors de nos déplacements puisque nous avons ainsi emprunté, hier, la ligne A du RER afin de mieux évaluer ses dysfonctionnements.
Nous souhaiterions que vous puissiez nous présenter l'action de vos deux institutions s'agissant des transports franciliens et, en particulier, du RER. À ce titre, je sais combien le CESER s'est engagé sur la question de l'accessibilité des personnes handicapées aux transports en commun. Un avis a d'ailleurs été adopté en novembre dernier à ce propos.
Monsieur Rabardel, en 2007, vous avez co-rapporté un avis sur l'évolution du rôle et des compétences du Syndicat des transports d'Île-de-France (STIF). Près de cinq ans après la publication de votre rapport, comment jugez-vous l'évolution, l'action et les prérogatives de ce dernier ? L'autorité organisatrice vous paraît-elle en mesure d'exercer pleinement les compétences qui lui sont dévolues ?
Plus généralement, je ne peux m'empêcher de solliciter votre avis sur les projets du Grand Paris Express et sur le volet « transports » du Schéma directeur de la Région d'Île-de-France (SDRIF). De même, que pensez-vous des réflexions sur la mise en place d'une tarification unique sur le réseau francilien ? Une telle option vous paraît-elle souhaitable et même réalisable ?
Enfin, l'un des objectifs de cette commission d'enquête étant d'analyser l'impact environnemental du projet de rénovation du RER d'Île-de-France, comment appréciez-vous les projets de modernisation du réseau ?
Voilà quelques premières questions qui vous permettront de guider votre exposé liminaire. Pierre Morange, rapporteur de la commission d'enquête, prendra ensuite la parole afin de vous poser des questions complémentaires, de même que les collègues qui le souhaiteront.
Conformément à l'article 6 du 17 novembre 1958, M. Sébastien Genest, M. Pierre-Jean Rozet, M. Daniel Rabardel et Mme Nadine Barbe-Ursulet prêtent serment.
C'est un honneur pour Nadine Barbe-Ursulet, chargée de mission auprès des commissions des Transports et du Débat public, et pour moi-même que d'être auditionnés par l'Assemblée nationale.
Seconde assemblée régionale, le CESER est une instance consultative composée de 128 membres de la société civile organisée. Placé par la loi auprès du conseil régional, il représente le monde économique, social, associatif et environnemental. Ces membres se répartissent dans onze commissions thématiques et une section en charge de la « prospective et planification »
Le CESER produit des rapports et émet des avis sur les thèmes relatifs aux domaines de compétence de la région. Ses travaux sont entrepris soit sur saisine du président de la région, soit en auto saisine sur des sujets concourant au développement de l'Île-de-France. Une vingtaine de rapports et avis environ sont ainsi rédigés chaque année.
Le CESER s'est depuis longtemps impliqué dans les questions relatives aux transports, tant en qui concernent les modes individuels – la route, les circulations douces – que collectifs – transport des personnes ou des biens, activités dont l'impact sur l'aménagement du territoire régional est déterminant. Le CESER considère qu'il s'agit là d'une activité essentielle à la qualité de vie des Franciliens, à la marche des entreprises, à l'essor économique, social et environnemental de la région, et qui constitue un levier en faveur d'une plus grande équité territoriale, pour l'attractivité de la région.
Les questions relatives aux transports sont traitées principalement au sein de trois commissions thématiques : la commission des Transports ; la commission de l'Aménagement du territoire ; la commission des Finances et du plan. Les rapports et avis de ces commissions comportent un certain nombre de considérations et de recommandations relatives aux transports régionaux, dont le RER.
Cela étant, les avis émis par le CESER, à son niveau et dans le cadre de ses missions, sont naturellement de portée générale. Leur objectif est d'apporter aux décideurs l'éclairage de la société civile sur des questions qui, s'agissant des transports, relèvent en premier lieu de l'autorité organisatrice unique des transports de la région, le Syndicat des transports d'Île de France (STIF), ainsi que des opérateurs.
Ainsi le CESER s'est principalement impliqué, au cours des cinq dernières années, dans les dossiers suivants : le financement et la gouvernance des transports en Île-de-France ; le schéma directeur de la région (SDRIF), à l'élaboration duquel il a été étroitement associé ; le plan de déplacements urbains (PDU) ; le réseau de transport du Grand Paris ; l'accessibilité aux transports collectifs.
Dans le cadre des débats publics sur les infrastructures lancés par la Commission nationale du débat public (CNDP), le CESER a par ailleurs réalisé des « cahiers d'acteurs » dont certains portent sur des opérations ayant trait au RER comme, par exemple, le prolongement à l'ouest de la ligne E du RER en 2010.
Selon notre assemblée, le réseau de transports collectifs constitue un atout majeur de l'aménagement de la région et de sa compétitivité. Le RER en est l'ossature car il permet, comme l'indiquait le Schéma directeur d'aménagement et d'urbanisme (SDAU) de 1965, de répondre aux besoins de la population et des entreprises. Dans ce document, il était écrit que la région devait se doter d'un réseau autoroutier et d'un réseau ferroviaire rapide entre les villes nouvelles et avec Paris.
Si le réseau routier a été en grande partie réalisé, le réseau rapide ferroviaire l'a quant à lui été « à l'économie ». La transversale EstOuest a vu le jour – le RER A – mais les deux transversales NordSud ne répondent pas aux prévisions d'origine : l'une devait relier la Gare de Lyon à la Gare du Nord par la République, et l'autre Saint-Lazare à Montparnasse. En fait, nous avons la ligne D avec un tunnel commun avec la ligne B et la ligne 13 entre Saint-Lazare et Montparnasse par la jonction de deux lignes de métro à gabarit plus réduit que celui du RER avec les conséquences que l'on connaît sur cette ligne. Par ailleurs, les liaisons appelées tangentielles n'ont pas été réalisées.
Aujourd'hui, la réalisation du Grand Paris Express, que nous soutenons, est à même de répondre en partie à la demande de transport, notamment de banlieue à banlieue, mais elle ne pourra répondre aux besoins de la grande couronne – je pense à la Seine-et-Marne, au sud de l'Essonne ou au Val d'Oise.
Mais il est tout aussi important d'améliorer l'exploitation du réseau existant, RER et Transilien, en prenant des mesures de renforcement de l'exploitation et d'augmentation des capacités de certaines gares pour effectuer des retournements en cas d'incidents comme cela devrait se faire pour la ligne E.
La configuration du réseau actuel nécessite aussi la réalisation du tunnel sur la ligne D entre Châtelet et Gare du Nord.
La mise en oeuvre progressive des schémas directeurs des RER devrait également, dans un premier temps, améliorer leurs tronçons centraux respectifs mais ces améliorations seront certainement insuffisantes au regard de l'évolution de la mobilité et du respect des objectifs du plan de déplacements urbains de l'Île-de-France (PDUIF).
Cela implique des besoins de financement croissants.
Les nouveaux enjeux de transport, en regard des mutations urbaines – poursuite du polycentrisme et développement de l'urbanisation en moyenne et grande couronne – et l'évolution tant quantitative que qualitative des déplacements conduisent à prévoir un doublement de la demande en transports collectifs à l'horizon 2020. Cette perspective, qui s'inscrit dans la dynamique du développement durable portée par les autorités publiques, situe les efforts à consentir pour accompagner voire anticiper cette évolution, tant en investissement qu'en fonctionnement. S'agissant de la moyenne couronne et de la grande couronne, il est compréhensible que l'accent soit mis prioritairement sur le réseau ferroviaire, le Transilien et le RER.
En matière d'investissement, pour répondre à la fois aux besoins de rattrapage et aux objectifs de développement de l'offre, le CESER considère qu'il faudrait doubler les dotations actuelles d'ici à 2020 pour les infrastructures de transport, ce qui implique un changement d'échelle comparable à celui consenti dans les années 70 et les décennies suivantes pour constituer le réseau du RER actuel.
En ce qui concerne le fonctionnement, le CESER réaffirme son attachement au principe d'un dispositif de financement associant la participation directe du voyageur, le versement transport (VT) par les entreprises et des contributions publiques. Il considère par ailleurs qu'il est nécessaire de contenir l'érosion des recettes tarifaires.
La gouvernance du système de transport collectif doit être préservée, mais il faut aussi lui permettre d'évoluer
Pour le CESER, il demeure essentiel que le STIF, en tant qu'autorité organisatrice des transports collectifs en Île-de-France, adossée à l'entité politique régionale et prenant appui sur une large base collégiale, voit son rôle de garant de la cohérence et de l'unicité du système des transports collectifs francilien non seulement préservé mais renforcé, avec des moyens et des ressources appropriés.
Cela étant, le CESER considère qu'en regard des évolutions tant démographiques qu'institutionnelles de l'Île-de-France, notamment en matière de décentralisation, le STIF, doit, ainsi que le permet la loi, aller plus loin dans les délégations à accorder à des autorités organisatrices de proximité. Simultanément, son rôle stratégique d'autorité régionale en charge d'assurer en cohérence le développement des réseaux « structurants » de transport collectif, dont le RER, doit se voir conforté.
Depuis 2004, le CESER s'est particulièrement impliqué dans le processus de révision du SDRIF, adoptant six avis, entre décembre 2004 et septembre 2008, traduisant les aspirations et les attentes des Franciliens en mettant notamment en évidence les besoins de la population en matière de transports collectifs en lien avec le développement urbain. En ce sens, le CESER souligne la nécessité d'une articulation forte entre politiques d'aménagement et de transport.
S'agissant plus précisément du RER, le CESER juge que l'extension à l'Ouest de la ligne E, aujourd'hui décidée, non seulement permettra de renforcer et d'élargir l'accessibilité au pôle économique majeur de La Défense mais, de plus, contribuera à soulager la ligne A du RER et la ligne 1 du métro, aujourd'hui saturées.
Plus largement, dans la compétition accrue que se livrent les métropoles de rang mondial, le CESER considère comme un atout pour la « région capitale »l'existence d'une offre diversifiée de transports collectifs. Il préconise le renforcement des connexions avec les grands réseaux d'échanges européens et mondiaux – TGV, aéroports – de nature à faciliter l'accessibilité aux grands pôles régionaux. Il soutient en particulier le projet d'interconnexion Sud des TGV avec une gare à Orly et une gare à Sénart, des gares connectées au RER D.
Le PDUIF (plan de déplacement urbain d'Île-de-France), qui définit les principes de l'organisation des transports de personnes et de marchandises, de la circulation et du stationnement en Île-de-France, est un document qui, contrairement aux autres, concerne l'ensemble de la région, ce qui nous semble très positif. Ainsi, le CESER soutient le projet de PDUIF qui entend apporter des éléments de réponse pour améliorer la situation à travers trois thématiques principales.
Tout d'abord, une réduction de 20% des émissions des gaz à effet de serre d'ici à 2020 obtenue par un recul significatif de l'usage de la voiture particulière, des deux-roues motorisés et des poids lourds polluants, et ce dans un contexte d'augmentation des déplacements de l'ordre de 7%.
Ensuite, une augmentation de la mobilité des personnes : le PDUIF vise une croissance de 20% des déplacements en transports collectifs par rapport à la situation actuelle, de 10% pour les modes actifs – piétons et vélos –, et une diminution de 2% des déplacements en voiture et deux-roues motorisés.
Enfin, pour le transport de fret, les objectifs poursuivis s'attachent, pour la période 2010 à 2020, au maintien des surfaces logistiques multimodales constitutives de l'armature logistique régionale, notamment en zone centrale. Cela implique de réserver des sillons pour le fret si l'on veut répondre aux besoins des entreprises et contribuer à la diminution de la part du « routier » ayant une origine etou une destination en Île-de-France, ainsi que de la part des camions et des véhicules utilitaires légers les plus polluants.
Le CESER propose également de favoriser les transports collectifs grâce à certaines mesures qui s'appliquent évidemment au RER. Au-delà d'une indispensable amélioration de la qualité de service au sens large – régularité, cadencement, amplitude, fréquence –, des mesures doivent être prises pour que soient dimensionnés les aménagements, les équipements et les accès – entrée et sorties – en fonction des évolutions prévisibles de la demande. Il faut aussi adapter l'offre pour favoriser l'accessibilité aux pôles d'emplois, notamment depuis les territoires les plus enclavés. Il convient également de mieux prendre en compte l'augmentation continue des déplacements liés aux achats et aux loisirs.
Nous pensons également qu'il faut aller plus loin dans l'intégration tarifaire afin de favoriser l'inter modalité sans pour autant souhaiter une tarification unique. Nous restons en effet réservés sur la tarification unique pour deux raisons : d'une part, le risque est grand d'urbaniser la partie la plus éloignée de la région, ce qui soulèverait de nouveaux problèmes de transport; d'autre part, une augmentation de la tarification en zone centrale pénaliserait les populations en difficulté vivant dans la première couronne.
Ces propositions du CESER n'ont qu'un but : enrichir la réflexion après l'approbation du STIF mais avant la décision du conseil régional qui devrait avoir lieu la semaine prochaine sur deux enjeux majeurs. Le premier de ces enjeux concerne l'alternative à l'usage des modes individuels motorisés. Le second est relatif à la diminution du transport routier de transit en Île-de-France, en particulier dans la zone dense, grâce à la mise en oeuvre du contournement ferroviaire et routier au sein du Bassin parisien ainsi qu'à la réalisation de Seine Nord Europe dès 2017. Au-delà des bénéfices qu'un tel objectif apporte à chaque Francilien en termes de réduction des nuisances, il doit permettre également de fluidifier le trafic au bénéfice de l'activité économique et touristique de la région.
S'agissant du Grand Paris Express, projet qui « s'enracine dans la durée », le CESER adhère aux quatre objectifs fixés dans celui-ci: améliorer le fonctionnement quotidien des transports collectifs en facilitant les déplacements de banlieue à banlieue ; soutenir le développement économique ; promouvoir une nouvelle politique urbaine ; désenclaver des territoires marginalisés notamment à l'est de la Seine-Saint-Denis.
Il considère que ce projet répond au souhait de cibler l'effort d'investissement en matière de transport collectif principalement sur la structuration des territoires stratégiques de l'Île-de-France, sur l'amélioration de leurs relations ainsi que de leurs liaisons avec le coeur de l'agglomération. Il considère également que cette nouvelle infrastructure, en captant les déplacements de banlieue à banlieue, soulagera partiellement le réseau existant, aussi bien le RER que les extensions du métro.
Pour autant, le CESER considère que le réseau de transport public tel que conçu par le Grand Paris ne doit pas se faire au détriment des investissements déjà programmés pour améliorer les réseaux existants ou réaliser d'autres projets. Il juge, à cet égard, que le projet du Grand Paris Express qui une synthèse car il prend appui à la fois sur le projet lancé par le secrétariat d'État chargé du développement de la région capitale et sur le plan de mobilisation pour les transports soutenu par la région d'Île-de-France – en lien avec les collectivités locales –, représente un bon compromis.
Le CESER rappelle aussi l'importance que revêtent à ses yeux : la connexion, comme c'est le cas pour de nombreuses capitales, du système aéroportuaire avec le coeur de l'agglomération grâce à des liaisons rapides spécifiques entre chaque aéroport et le centre de l'agglomération ; le raccordement avec les gares de TGV existantes ou à venir ; la desserte du pôle scientifique de Saclay et du parc international des expositions de Villepinte ; le maillage avec les transports collectifs existants et projetés, en particulier le prolongement à l'ouest de la ligne E du RER.
S'agissant de l'accessibilité des RER et du Transilien aux personnes à mobilité réduite (PMR), la situation rencontrée est assez différente selon que l'on se situe sur le réseau RATP ou sur le réseau RFFSNCF.
En ce qui concerne le réseau à gabarit ferroviaire – RER, Transilien –, la problématique de l'accès au train demeure très complexe car le réseau ferroviaire a été construit depuis le milieu du 19ème siècle selon des modalités très différentes. Le relèvement des quais a soulevé, dès l'origine, une difficulté liée au gabarit ferroviaire pour les transports de marchandises et plus précisément pour les transports militaires. À partir des années 1970, en Île-de-France, les quais des gares les plus importantes ont été portés à 92 centimètres afin de faciliter les montées et les descentes. Parallèlement, le matériel roulant a évolué avec la généralisation des rames à deux niveaux avec une hauteur de plancher, au niveau des portes, de 97 centimètres. Cependant, il subsiste dans tous les cas une lacune horizontale inhérente au gabarit ferroviaire à respecter.
Enfin, les gares en courbe soulèvent un problème particulier puisque, si la ligne est parcourue par des trains à vitesse élevée, la voie doit être inclinée – c'est ce que l'on appelle le devers – afin de limiter les efforts centrifuges exercés sur les rails extérieurs, ce qui induit une difficulté supplémentaire pour les passagers.
La Commission européenne a validé la spécification technique d'interopérabilité (STI) relative aux PMR élaborée sous l'égide de l'Agence européenne d'interopérabilité ferroviaire (AEIF) : « Dans le système ferroviaire transeuropéen conventionnel et à grande vitesse, cette STI PMR détermine la lacune maximale admissible, un dispositif d'aide à l'embarquement et au débarquement devant être prévu pour permettre l'embarquement ou le débarquement d'un voyageur en fauteuil roulant, sauf s'il est démontré que le vide entre le seuil de la porte et le bord du quai ne dépasse pas 75 millimètres horizontalement et 50 millimètres verticalement. »
Sur les réseaux d'Île-de-France, c'est donc le principe d'une « palette comble lacune rétractable » qui a été retenu pour l'équipement des trains et RER – ce qui suppose que les quais soient suffisamment rehaussés pour permettre un accès en totale autonomie –, de préférence à l'utilisation d'un élévateur depuis les quais. Sachant que la durée de vie des RER et des trains est très longue – 30 voire 40 ans –, l'échéance de la mutation vers un parc de matériels totalement accessibles est donc très éloignée.
S'agissant des contraintes organisationnelles sur les réseaux ferrés, il convient de préciser que la loi de 1997 a fait de la SNCF le « gestionnaire d'infrastructure délégué » pour le compte de RFF. Mais nous sommes confrontés à un autre type de difficultés : la multiplicité des intervenants et des décideurs. En effet, si dans le cas du réseau RERRATP la structure qui commande les matériels roulants et les fait rouler est la même entreprise que celle qui gère les infrastructures et engage les travaux d'aménagement des quais, la situation est un peu différente sur le réseau du Transilien où c'est RFF qui gère l'infrastructure, la SNCF étant déléguée. Par « infrastructure », il faut entendre tout ce qui est nécessaire pour assurer la libre circulation des convois et, à ce titre, les quais de desserte ainsi que leurs équipements pour les voyageurs. En revanche, les gares sont restées dans le domaine de gestion de la SNCF.
Le STIF s'est engagé sur une programmation raisonnée de mise en accessibilité, en privilégiant les gares les plus fréquentées tout en garantissant une continuité territoriale de l'accessibilité sur l'ensemble de l'Île-de-France.
L'étude du Schéma directeur d'accessibilité (SDA) a défini un réseau de référence de 266 gares – sur un total de 455 – qui captera 97% du trafic ferroviaire francilien à l'horizon 2015 car il est impossible d'offrir sur la totalité du réseau ferré une accessibilité en toute autonomie à cet horizon : d'une part, la rénovation ou le renouvellement du matériel sera postérieur à 2015 ; d'autre part, les délais de mise en oeuvre des travaux sont longs – quatre ans en moyenne – et les capacités financières limitées.
Les efforts financiers et les moyens humains à déployer pour mettre aux normes les réseaux de transports en Île-de-France sont toutefois sans équivalents dans l'histoire des transports franciliens.
Sur près de 250 gares du RER, la RATP en exploite 65, qui sontrelativement modernes et, surtout, avec des infrastructures totalement dédiées. La SNCF exploite quant à elle 184 gares RER, mais, dans leur grande majorité, elles sont pratiquement restées dans l'état où elles étaient au début du 20èmesiècle et, surtout, aucune ligne du RERSNCF – propriété de RFF – ne dispose encore d'infrastructures dédiées. Les voies de circulation sont donc empruntées par d'autres types de trains, lesquels imposent des contraintes supplémentaires.
Le CESER a fait plusieurs constatations.
L'effort réalisé par le STIF et par la région d'Île-de-France sur le plan financier est considérable et sans précédent. L'implication de la RATP, de la SNCF et de RFF est réelle et à hauteur de la complexité des travaux à réaliser sans interrompre l'exploitation.
Toutefois, ces efforts sont contrariés par une prise en compte insuffisante de la part des communes de l'importance de la notion de « continuité du cheminement » : il ne suffit pas de rendre les trains accessibles, encore faut-il pouvoir accéder aux gares.
Est également en cause la multiplicité des acteurs qui peinent à se coordonner faute de « chef d'orchestre », le STIF n'ayant pas les compétences légales pour assurer une telle coordination.
De même, lorsque des communes réalisent des efforts pour aménager des cheminements sur les trottoirs et les espaces publics, ceux-ci sont souvent contrariés par le mauvais comportement des riverains – avec, par exemple, l'occupation des trottoirs par des deux-roues.
Nous avons également relevé quelques points importants bien que de portée plus ponctuelle : la méconnaissance des PMR susceptibles de se déplacer en Île-de-France, que ce soit leur nombre mais aussi de leurs situations particulières, l'uniformité de la prise en compte des besoins d'accessibilité alors qu'ils sont différenciés selon les PMR – personnes en fauteuil roulant, malvoyants, etc. ; la consultation peu aisée du système d'information – cartographie sur INFOMOBI et sur les sites des exploitants –, sachant cependant que le STIF a un programme ambitieux et coûteux de rénovation de l'information ; les lacunes du « service de substitution », lequel est incomplètement assuré par le réseau des bus pour des raisons de tarification.
Ce sont ces différents constats qui ont orienté le vote de l'avis par l'assemblée plénière du CESER d'Île-de-France.
La question des déplacements constitue l'une des constantes des politiques d'aménagement de I'Île-de-France. C'est un sujet majeur sur lequel le CESER s'exprime régulièrement et qui fait l'objet de nombreux rapports traitant directement ou indirectement de ce problème.
Cela étant, même si l'accent doit être mis davantage sur les transports collectifs que sur les modes individuels, il n'en demeure pas moins qu'il convient de mettre en avant le concept de l'unité de la région urbaine avec l'objectif de faire jouer aux transports un rôle moteur dans la réduction des inégalités sociales et territoriales. À cet égard, le RER occupe certes, à son échelle, une place centrale mais ce qui doit, selon nous, prévaloir, c'est la bonne articulation avec les autres transports dans le cadre d'une politique des déplacements qui donne du sens à l'unicité de la région capitale.
Nous vous remercions pour votre invitation et nous espérons que nos travaux et nos réflexions pourront vous aider même si, comme le Président Delevoye vous l'a dit, ils ne sauraient être en l'occurrence aussi précis que ceux du CESER d'Île-de-France.
M. Rozet et moi-même sommes co-rapporteurs d'un avis sur le SNIT, le Schéma national des infrastructures de transport, qui sera discuté en réunion plénière à la fin du mois. Vous comprendrez donc que nous ne puissions en dévoiler l'essentiel même si nous pouvons toutefois vous faire part d'une première analyse concernant directement les problèmes rencontrés en Île-de-France s'agissant des infrastructures existantes ou de leur développement. L'éclairage que nous proposons peut s'avérer intéressant, dès lors qu'il nous oblige à prendre un peu de recul.
S'agissant du SNIT et de la dimension « fret » et « voyageurs », le Parlement a validé de nouvelles orientations, tant en ce qui concerne l'aménagement du territoire que la réduction des émissions de gaz à effet de serre ou, plus généralement, les impacts environnementaux que s'agissant des aspects socio-économiques inhérents à cette problématique. Or, comme nous l'avons constaté auprès de nombre d'acteurs, ce SNIT constitue peut-être un exercice impossible à court terme.
M. Hervé Mariton, votre collègue, l'a rappelé : au-delà des objectifs, la question financière se pose. Or, dans le contexte que nous connaissons, il sera d'autant plus essentiel d'être attentifs à la définition des choix à opérer que nous ne pourrons nous offrir le luxe de nous tromper. Il importe, notamment en Île-de-France, de déterminer des critères permettant de hiérarchiser les projets retenus et de programmer ces derniers dans la plus grande clarté sur les cinq années d'une législature afin que l'on puisse connaître les modalités de réalisation des projets engagés pour pouvoir les adapter. C'est ainsi qu'il sera possible d'améliorer un schéma de planification, qui est certes important mais dont on constate aujourd'hui les limites.
En outre, contrairement au CIADT de 2003, consacré essentiellement aux projets de développement des infrastructures, le SNIT concernera également l'entretien et la modernisation de ces dernières, tant en ce qui concerne le fret que les voyageurs, mais aussi les transports collectifs en site propre (TCSP) ainsi que le projet de Grand Paris, qui y a été intégré au dernier moment – mais sur un volet très limité, puisque deux pages seulement sur les 214 que compte le SNIT lui sont consacrées alors que le montant estimé de l'opération s'élève à 30 milliards d'euros. Il était d'ailleurs étonnant qu'il n'y figurât pas compte tenu de son impact national et alors que le SNIT s'y référait pour faire le lien avec les autres infrastructures quand ce projet renvoyait quant à lui au SNIT pour ce faire !
Le coût des projets de développement élaborés jusqu'en 2040 voire 2050 est évalué à 140 milliards et celui des projets d'entretien à 105 milliards, ce qui représente donc, hors le projet du Grand Paris et les TCSP, 245milliards. De surcroît, le SNIT comprend d'autres projets d'infrastructures pour lesquels aucune projection financière n'a été réalisée alors que leurs impacts seraient importants.
Je le répète, compte tenu des sommes engagées, il faudra faire preuve de vigilance dans la définition des choix concernant ces projets, mais aussi dans ceux relatifs à l'entretien, à la modernisation et au développement des infrastructures. L'État – RFF ou l'AFITF (Agence de financement des infrastructures de transport de France) – et les collectivités territoriales sont bien entendu concernés.
Le CESE insiste donc sur la nécessité d'établir de bons critères permettant de régénérer les infrastructures existantes, tout développement nous semblant potentiellement inconsidéré. Ainsi, s'agissant du secteur ferroviaire, l' « audit Rivier », de l'École polytechnique de Lausanne, avait en effet montré combien il est important d'entretenir les différents réseaux – et encore ne savons-nous pas aujourd'hui ce qu'il en est vraiment des réseaux routiers et fluviaux. Comme le préconise le rapport du sénateur Louis Nègre sur le SNIT, nous avons donc besoin d'un diagnostic indépendant afin qu'il soit le plus objectif possible et qu'il permette ainsi de prendre les meilleures décisions. Cela devrait permettre de mettre en avant la nécessité de régénérer le réseau existant pour en maintenir la qualité et de favoriser une bonne articulation avec les projets de développement d'infrastructures prioritaires – qui doivent donc être hiérarchisés – et d'oeuvrer ainsi à un bon aménagement du territoire.
Il est en effet très important que le projet de SNIT intègre la nécessité de consacrer les financements au maintien et à l'amélioration des infrastructures existantes. Les chiffres qui ont été mentionnés ont varié en fonction des évolutions du SNIT lui-même, dont je rappelle que nous en sommes à la troisième version ! S'agissant de la maintenance et de la régénération du secteur ferroviaire, la première version avait établi une estimation de 25 milliards sur les 30 ou 40 ans à venir, laquelle s'élève aujourd'hui à 50 milliards. J'ajoute que, pour RFF, les dépenses de maintenance augmentent plus vite que les recettes, le gap étant à ce jour d'un milliard par an, hors toute dépense liée à de nouvelles infrastructures. L'équilibre financier du modèle tel qu'il est aujourd'hui est donc problématique.
Au nom de mes collègues, je crois pouvoir dire que nous partageons bon nombre de vos réflexions, en particulier s'agissant du modèle financier de gestion des infrastructures.
Je précise, Madame, Messieurs, que vous pourrez le cas échéant répondre par écrit de façon plus exhaustive aux questions que nous allons vous poser.
Le premier problème auquel nous sommes confrontés est donc celui de l'aménagement du territoire, en l'occurrence en Île-de-France. Par ailleurs, la nécessité financière d'une hiérarchisation des priorités tant en ce qui concerne les projets que la régénération du secteur ferroviaire est patente.
Une telle hiérarchisation implique d'être assuré de la fiabilité des coûts. Or le rapport de la Cour des comptes du mois de novembre 2010 a critiqué la comptabilité fournie par la RATP, la SNCF et RFF. Faute d'une certification des comptes et en raison d'un cloisonnement thématique vertical qui rend difficile leur lecture, il est délicat de tirer des conclusions sur leur structuration et, donc, d'établir des priorités en matière d'investissement.
Le président de RFF, lors d'une audition, a même considéré que le doublement de la dotation serait inutile dès lors que les séquences horaires d'intervention sur le réseau, qui sont extrêmement restreintes – entre une heure et quatre heure du matin – limitent de fait les possibilités de renouvellement d'équipements vieillissants, qui depuis vingt-cinq ans n'ont pas bénéficié des investissements qui s'imposaient.
Sur un plan organisationnel, vous avez rappelé la complexité de la gouvernance, laquelle doit donc être rationalisée et optimisée. Or la réservation de certains sillons au fret ne contredit-elle pas la nécessité de donner une priorité aux voyageurs ?
Vous avez également évoqué les autorités organisatrices de transport de proximité. Ce point me semble d'autant plus important que, faute de moyens, l'autorité organisatrice centrale rencontre des difficultés pour assurer ses missions. MM. Huchon, Karoutchi et Kalfon ayant d'ailleurs déploré devant nous, au titre de la région, qu'ils soient si peu entendus par la SNCF, la RATP ou encore RFF ! Cela dit, attribuer des délégations à des autorités de proximité, ce qui revient à constituer un échelon supplémentaire, ne contribuerait-il pas à complexifier plus encore l'ensemble de la structure ?
Enfin, quelle est, d'après le CESE, qui représente le monde économique, social, syndical et associatif, la place de l'usager dans cette « jungle » alors que son avis n'est que fort peu pris en compte ? Lorsque nous avons emprunté la ligne A du RER, nous avons eu droit à une accumulation d'avanies dont je gage qu'elles n'étaient pas exhaustives. Le CESE et le CESER ont-ils donc entrepris une réflexion quant aux critères permettant de mesurer la qualité des services rendus dans le domaine des transports et sur la participation des usagers à cette évaluation ? Cela me paraît plus important que l'établissement de délégations à des organismes finalement assez peu parties prenantes du réseau.
Je m'associe aux questions judicieuses posées par M. le rapporteur.
Le CESER a fourni une liste quasi-exhaustive de tout ce qu'il faudrait faire et le CESE a, quant à lui, fait un rappel à l'ordre financier tout à fait bienvenu en pointant des incohérences regrettables au sein de la feuille de route concernant l'aménagement du territoire – ce dont les parlementaires, il faut bien le reconnaître, sont en partie responsables. L'argent sera donc rare et cher, nous aurons donc tout intérêt à faire preuve d'imagination. Or nous manquons un peu d'audace.
S'agissant du grand bassin parisien, nous devons poser le problème de la densification de l'habitat, laquelle crée des problèmes de gestion quasi-inextricables et induit des coûts élevés. Cela me conduit à poser deux questions hétérodoxes.
L'usager passant trop de temps dans les transports pour se rendre à son travail, les partenaires économiques et sociaux ne pourraient-ils pas réfléchir à rapprocher l'habitat et l'emploi, ce qui suppose de rééquilibrer la région Île-de-France ? Élu du Val-de-Marne, je constate que les emplois sont à l'Ouest, quoi que l'on en dise, et que les logements – qui plus est de personnes souvent défavorisées – sont quant à eux à l'Est ou dans le grand Est, le tronçon central de transports ne pouvant donc qu'être de plus en plus congestionné.
En outre, n'est-il pas temps de repenser les horaires de travail ? Un jeune célibataire n'a pas forcément envie de se lever très tôt tous les matins pour partir au travail et revenir chez lui aux horaires de pointe. Certains souhaiteraient profiter d'horaires décalés pour pouvoir par exemple passer la soirée au coeur de Paris. À l'inverse, une mère de famille peut fort bien souhaiter travailler à temps partiel – piste qui a été explorée depuis longtemps par les partenaires sociaux – mais aussi bénéficier d'horaires qui lui permettent de ne pas rentrer trop tard. Or le système est congestionné aux heures de pointe sans que les investissements réalisés, qui sont très lourds, soient rentabilisés aux autres moments.
L'audace ne coûte pas cher et peut peut-être rapporter.
Je ne dispose pas d'éléments s'agissant des séquences d'intervention mais leur organisation soulève de réels problèmes. Certaines dessertes sont parfois supprimées à partir de 23 heures mais les bus qui sont alors mis en place ne facilitent guère le retour des usagers à leur domicile.
S'agissant de la gouvernance et de la réserve des sillons, s'il faut évidemment que les usagers puissent se rendre à leur travail, que se passera-t-il lorsque les sillons permettant de desservir les entreprises seront insuffisants ? Par expérience personnelle, je rappelle que la situation n'était ainsi pas facile, jadis, à la gare de triage du Bourget, lorsque les wagons n'étaient disponibles qu'à onze heures du matin alors que le personnel était présent dès huit heures. Parce que nous n'avons pas intérêt à ce que les entreprises partent en grande couronne ou quittent l'Île-de-France, il convient de trouver un juste milieu et d'établir de justes priorités entre le fret et transport de voyageurs, avant même que nous ne soyons dans une situation de saturation.
Je précise que les délégations à des autorités de proximité dont nous parlons dans notre rapport ne concernent que les transports locaux et non le réseau principal de tramway, de bus ou encore du RER. Le cas échéant, elles concerneraient les intercommunalités souhaitant améliorer leur réseau principal – sans lui faire concurrence – en bénéficiant d'une tarification spéciale si elles intègrent les conditions du STIF ou à leurs propres frais si tel n'était pas le cas.
Pour ce qui est des usagers, des membres d'organisations comme UFC Que choisir ? du Centre technique régional de la consommation, d'associations de parents d'élèves, de syndicats et d'entreprises interviennent au sein du CESER.
Dans les années 90, j'ai eu l'occasion de rédiger un rapport sur la qualité des transports. Malgré toutes les critiques dont ils sont l'objet, je peux attester que, même si la situation doit, bien entendu, être améliorée, des progrès importants ont été réalisés – en particulier en ce qui concerne l'information – et que les voyageurs sont également devenus beaucoup plus exigeants.
La situation dans le grand bassin parisien est également délicate parce que certaines entreprises s'installent parfois dans ses marges pour diverses raisons tout en continuant de bénéficier des services de la région – il n'est donc plus possible de raisonner strictement à partir des limites administratives de l' Île-de-France.
La densification de l'habitat, quant à elle, ne passe pas nécessairement par l'édification de tours de trente étages. Certains secteurs de banlieue pourraient être encore valorisés – parce qu'ils sont bien desservis – grâce à des reconstructions.
M. Plagnol a raison s'agissant de la répartition des entreprises et de l'habitat, tout particulièrement en ce qui concerne l'axe Est-Ouest.
À propos des horaires de pointe, je me souviens des files d'attente, jadis, devant les ascenseurs de la Tour Montparnasse. C'est à cette occasion que les partenaires sociaux ont commencé des négociations sur l'aménagement d'horaires variables !
Vous avez raison mais je crains que nous ne parvenions qu'à lisser les horaires de pointe dans un contexte d'augmentation à venir de 20% de la mobilité.
S'agissant de la structuration des coûts, la transparence s'impose en effet car elle conditionne l'évolution de l'ensemble des projets.
En ce qui concerne les réalisations possibles, il faut prendre acte des contraintes techniques – il convient de mettre en oeuvre tout ce qui est possible pour permettre la restauration la plus rapide possible du réseau – et de notre retard historique. De ce point de vue, le modèle économique de RFF n'est pas assuré si l'on continue de la sorte, sans promouvoir aucun projet de développement, sa dette augmentera d'ici à 2016, et si l'on y ajoute les projets de lignes grande vitesse (LGV) qui y ont été intégrés, elle s'élèvera à 40 milliards. Comme l'a dit M. Mariton, sa requalification au sein de la dette nationale est tout à fait possible. Il faudra donc trancher politiquement quant à la pérennité du modèle économique de RFF
Pour ce qui est du transport de voyageurs, les problèmes proviennent d'un manque de sillons. Parmi les solutions techniques qui peuvent être envisagées figure la modification des cadencements même si la situation varie au cas par cas, notamment en Île-de-France. Cette question s'articule évidemment avec celle des projets de développement, comme nous l'avons vu dans le cadre du Grand Paris avec le problème du calibrage des voies nouvelles et de leur utilisation dans la logistique urbaine pendant tel ou tel créneau.
S'agissant de l'évaluation de la qualité de service, de la satisfaction des usagers et de la gouvernance, je puis vous assurer, en tant que vice-président du CESE, que nombre de dispositifs existent déjà. Il faut certes savoir mieux les utiliser mais nos avis, comme ceux des CESER, méritent aussi d'être mieux pris en compte et mieux articulés avec les travaux du Parlement et les projets gouvernementaux, en complément d'ailleurs de ceux d'autres instances de dialogue social ou environnemental. Il convient également d'améliorer la prise en compte de la parole des usagers dès lors que nous souhaitons avancer avec l'ensemble des acteurs. C'est ainsi que nous améliorerons les bonnes pratiques.
Les problèmes liés à l'habitat et aux transports, quant à eux, sont au coeur de l'aménagement du territoire. À ce propos, je suis frappé de constater que le débat public qui est organisé concerne Paris et non la province. Que voulons-nous donc faire en la matière ? Comment, ensuite, envisager les différentes déclinaisons territoriales possibles ? Je note, de la même manière, que nous débattons d'un projet d'infrastructures – le Grand Paris – alors que ce dernier ne constitue qu'une réponse à un projet d'aménagement du territoire. Or, mal poser la question, c'est s'interdire d'y répondre. Nos concitoyens ne s'y sont d'ailleurs pas trompés puisqu'ils se ont d'abord demandé quel était le but du Grand Paris et comment leurs problèmes actuels allaient être résolus. C'est tout l'intérêt du débat public !
S'agissant du financement, le manque de ressources publiques étant évident, il importe de hiérarchiser fortement les projets – ce que ne fait pas le SNIT actuel – sans s'interdire de réfléchir à de nouvelles ressources. Par exemple, comment, dans le cadre du Grand Paris, capter la plus-value foncière liée aux nouvelles infrastructures de transport ? Ou encore : Quid du relèvement du prix du transport routier qu'autorisent les nouvelles directives d' « Euro vignettes » ?
Par ailleurs, un avis du CESE de 2006 ou 2007 suggérait de réserver un certain nombre de sillons au fret afin de garantir le passage des trains de marchandises, l'arbitrage étant en l'occurrence parfois difficile à réaliser puisque les autorités organisatrices de transport (AOT) sont davantage soumises à la pression des « voyageurs-électeurs » qu'à celle des marchandises !
Pour ce qui est de l'habitat et de l'emploi, certaines évolutions dépendent certes des forces économiques et sociales mais aussi des forces politiques – je songe, en particulier, aux schémas de cohérence territoriale (SCOT). Il importe donc de se saisir de ces problèmes suffisamment en amont de manière à établir des projections en matière d'urbanisme et de transport sur les trente ou quarante années qui viennent. Peut-être pourrait-on pas déjà réfléchir à une densification de l'habitat autour des infrastructures de transport existantes ?
En ce qui concerne les horaires de travail, tout est possible, même si la flexibilité des horaires s'est d'ores et déjà accrue. En tant que responsable syndical, je constate que les entreprises avaient parfois tendance à « éclater » les horaires de travail alors que des plages communes sont nécessaires afin d'assurer le dialogue et la cohésion entre les salariés. Le problème de la congestion des transports ne sera pas résolu d'un coup de baguette magique par un tel éclatement.
Autant il importe de favoriser l'urbanisation là où les réseaux de transport sont importants, autant il conviendrait de savoir si ces réseaux sont capables d'absorber le surcroît de voyageurs lorsqu'une grande entreprise vient s'installer.
Je vous remercie, Madame, Messieurs, pour votre expertise, à la fois francilienne et nationale, qui a permis d'éclairer nos travaux ainsi que pour vos analyses, avec lesquelles nous sommes souvent en accord.
L'audition s'achève à dix-sept heures cinquante.
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Membres présents ou excusés
Commission d'enquête relative aux modalités, au financement et à l'impact sur l'environnement du projet de rénovation du réseau express régional d'Île-de-France
Réunion du mardi 7 février 2012 à 16 h 45
Présents. - M. Daniel Goldberg, M. Pierre Morange, M. Henri Plagnol
Excusés. - M. Yanick Paternotte, M. Axel Poniatowski, M. François Pupponi