La Commission entend M. François Baroin, ministre de l'Économie, des finances et de l'industrie, et Mme Valérie Pécresse, ministre du Budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, sur le projet de loi de finances rectificative pour 2012 (n° 4332).
Nous recevons M. François Baroin, ministre de l'Économie, des finances et de l'industrie, ainsi que Mme Valérie Pécresse, ministre du Budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, qui vont nous présenter le premier projet de loi de finances rectificative – PLFR – pour 2012, adopté ce matin en Conseil des ministres. Je salue la présence, parmi nous, de M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des Affaires sociales, et de M. Yves Bur, rapporteur pour avis de certaines dispositions de ce projet et par ailleurs rapporteur du PLFSS.
Nous nous sommes efforcés, chers collègues, de vous en faire parvenir le texte de ce projet, par voie électronique, ce matin pour que notre Commission, qui se réunit cet après-midi à dix-sept heures, puisse avoir l'embryon d'une discussion sur des dispositifs aussi peu anodins que l'augmentation de la TVA et de la CSG sur les revenus du patrimoine ou la contribution de la France au Mécanisme européen de stabilité – MES –, qui fait par ailleurs l'objet d'un projet de traité dont l'autorisation de ratification sera demandée parallèlement.
Je connais les difficultés de travail que les membres de la Commission rencontrent pour examiner ce texte : les services de la commission des Finances en assurent actuellement eux-mêmes la diffusion sous format « papier », dans sa version « conseil des ministres », toute autre solution s'étant avérée impossible.
Je souhaiterais vous donner quelques éléments de cadrage macroéconomique sur ce projet de loi.
D'abord, le Gouvernement a révisé sa prévision de croissance à 0,5 % pour l'année 2012.
Cette prévision intègre les chocs conjoncturels du deuxième semestre 2011, lesquels devraient se dissiper progressivement dès la fin de l'année.
Mais les tensions sur les marchés financiers ont eu des conséquences plus profondes sur l'activité de nos principaux partenaires. Alors qu'en France, la croissance a rebondi au troisièmetrimestre, elle a poursuivi son ralentissement en zone euro, avec un taux de + 0,1 % au troisième trimestre pour l'ensemble de la zone et un produit intérieur brut – PIB – qui pourrait s'être contracté dans certains pays au quatrièmetrimestre.
Ce contexte a pesé sur la demande adressée à la France. Les indicateurs relatifs au quatrième trimestre confirment que nous devrions enregistrer un ralentissement plus fort que prévu en fin d'année, ce qui implique une reprise un peu plus tardive en 2012.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a ramené sa prévision de croissance à + 0,5 % pour cette année.
Les indicateurs parus en ce début d'année confirment que ce choix est pertinent. En effet, les dernières enquêtes de conjoncture montrent que le climat des affaires semble se stabiliser en janvier en France et dans la zone euro.
Par ailleurs, le financement de l'économie demeure globalement satisfaisant. Sous la pression des marchés et de la mise en oeuvre du nouveau cadre prudentiel Bâle 3, les banques françaises ont procédé au cours des derniers mois à un ajustement de leur activité, notamment à l'étranger. Le Gouvernement a veillé à ce que la consolidation des fonds propres des banques ne pèse pas sur le marché du crédit national.
De fait, la distribution de crédit aux ménages et aux entreprises françaises est restée relativement dynamique à la fin décembre 2011, avec un encours en hausse de + 5,3 % sur un an.
De plus, au même titre que l'ensemble des établissements européens, les banques ont pu tirer parti des mesures exceptionnelles de refinancement de la Banque centrale européenne – BCE –, lesquelles calment les tensions sur leurs capacités de refinancement à moyen et à long terme.
Les marchés s'apaisent donc, ce qui est bien sûr positif pour les conditions de financement de l'État. Celles-ci se sont encore améliorées depuis l'audition à laquelle vous m'avez convié le 24 janvier dernier : notre taux à 10 ans est passé sous le seuil des 3 %. Notre spread s'établit aujourd'hui autour des 100 points de base.
Si les marchés continuent d'accorder toute leur confiance à notre signature, c'est aussi parce que notre stratégie d'assainissement des finances publiques porte ses fruits.
Aujourd'hui, les résultats sont là : comme en 2010, nous sommes allés au-delà de nos engagements. La grande crédibilité budgétaire dont nous avons fait preuve a été un élément déterminant, non seulement pour notre économie, mais aussi pour éviter que la situation ne s'aggrave encore dans la zone euro.
Enfin, nos exportations ont progressé au quatrième trimestre tandis que nos importations se sont contractées : l'INSEE nous dira la semaine prochaine si cette évolution a permis au commerce extérieur de contribuer positivement à la croissance en fin d'année.
Mais cela ne saurait occulter le fait que notre déficit commercial en 2011 est le plus élevé que nous ayons jamais enregistré, soit près de 70 milliards d'euros.
Par ailleurs, ces chiffres du commerce extérieur viennent rappeler que la France souffre d'un problème de compétitivité, lequel motive le contenu du présent PLFR.
Tandis que notre déficit atteint un niveau record, l'Allemagne affiche un excédent commercial de près de 160 milliards d'euros sur la même période.
La France a donc bien un problème de compétitivité spécifique, qui s'explique en partie par un coût du travail trop élevé. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a décidé de diminuer les cotisations sociales pesant sur les salaires et de compenser cette baisse par une augmentation de TVA et de CSG.
Cette mesure est d'autant plus favorable à notre compétitivité que les entreprises qui ne produisent pas en France ne bénéficieront pas de cette baisse de cotisations sociales et seront soumises au nouveau taux de TVA.
Le pouvoir d'achat des Français n'en sera pas affecté, pour plusieurs raisons. D'abord, seul le taux normal de TVA est relevé : or 60 % de la consommation des ménages français sont assujettis aux autres taux de TVA ou sont exonérés de cette taxe.
D'autre part, le montant de l'augmentation de TVA est de 25 % inférieur à celui de la baisse de cotisations sociales, de sorte que les entreprises pourront diminuer leurs prix hors taxes et maintenir ainsi le niveau de leurs prix TTC.
Je rappelle en outre que l'amélioration de notre compétitivité n'est pas seulement un enjeu national. C'est aussi un engagement que la France a pris auprès de ses partenaires européens et du G20, dans le cadre de notre effort commun de rééquilibrage macroéconomique.
De plus, ce projet de loi de finances rectificative comprend à ce titre un ensemble de dispositions relatives au versement des premières tranches de la contribution française au Mécanisme européen de stabilité.
Certes, la situation de la zone euro se stabilise progressivement. Les dernières adjudications souveraines se sont globalement bien déroulées, en particulier pour la France. Les investisseurs semblent prendre conscience des réformes importantes actuellement accomplies par la grande majorité des États membres de la zone.
Toutefois, il faut se garder de tout triomphalisme. Nous devons consolider ce mouvement grâce des avancées institutionnelles puissantes.
C'est la raison pour laquelle mon homologue allemand Wolfgang Schäuble et moi-même avons travaillé sur les différentes réponses que nous apportons à la crise.
Avec l'ensemble de nos partenaires européens, nous sommes parvenus à un accord concernant le fonctionnement du MES. Le second traité intergouvernemental, qui porte notamment sur l'instauration d'une règle d'or en Europe, est lui aussi en bonne voie.
Dans ce contexte, ce PLFR prévoit l'ouverture des crédits nécessaires pour doter le MES.
La structure capitalistique du MES lui garantit par ailleurs une bonne protection contre les variations de notation des États membres de la zone euro.
Conformément à l'engagement commun du Président de la République et de la Chancelière allemande d'accélérer la force de frappe du MES, le PLFR prévoit l'ouverture immédiate de deux des cinq tranches de la dotation totale, soit 6,5 milliards d'euros, en anticipant la deuxième tranche d'un an. En adoptant rapidement ce projet de loi, la France souhaite, comme elle l'a fait au cours des derniers mois, montrer l'exemple à ses partenaires.
S'agissant de la Grèce, la France et l'Allemagne partagent une grande détermination à accompagner le pays durant ses réformes, jusqu'à ce que celles-ci produisent leurs effets. Mais le soutien européen suppose que les autorités grecques reconnaissent la nécessité et l'urgence de réformer leur économie en profondeur. Il faut que cette volonté nationale se traduise dans des avancées tangibles.
Enfin, ce projet de loi vise à instaurer une nouvelle taxe sur les transactions financières.
Depuis 2008, les États sont venus en aide au secteur financier. Une telle intervention est donc légitime en termes d'équité.
C'est aussi une exigence d'efficacité, car la taxation des transactions permettra de limiter certaines opérations à visée purement spéculative qui perturbent les marchés.
La France a obtenu au G20 l'expression d'un soutien de ses partenaires, y compris de la part du Président des États-Unis, ce qui est une avancée sans précédent. La Commission européenne, avec le projet de directive qu'elle a publié début octobre sur ce sujet, s'inscrit également dans cette perspective.
Mais le Gouvernement souhaite aujourd'hui aller plus vite et plus loin et montrer l'exemple vis-à-vis de ses partenaires européens comme internationaux.
C'est la raison pour laquelle la taxation que nous souhaitons mettre en place reprend les contours du projet européen, en l'adaptant aux contraintes d'une taxe exclusivement nationale. Elle n'est pas une alternative à ce projet : nous continuerons de nous impliquer très fortement pour permettre l'adoption rapide de celui-ci, qui, lorsqu'il sera mis en oeuvre, remplacera le dispositif qui vous est proposé aujourd'hui.
Ce dernier comporte deux volets. Le premier repose sur une taxation sur les acquisitions d'actions.
Son objectif prioritaire est de faire participer le secteur financier au redressement des finances publiques.
Cette taxe porte sur l'ensemble des transactions réalisées sur des actions de grandes entreprises françaises cotées, quel que soit le lieu de réalisation de la transaction, ce qui évitera les délocalisations.
Nous avons également veillé à ne pas pénaliser le financement des entreprises qui investissent ni celui de l'État : c'est une question de responsabilité, tout particulièrement dans le contexte actuel. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a maintenu les obligations hors du champ de la taxe.
Le second volet consiste à mettre en place deux taxes destinées à modifier les comportements des acteurs de marché.
La première porte sur les activités dites de « trading à haute fréquence » et la seconde sur la détention de certains contrats d'échange, ou CDS, sur défaut souverain.
La taxe sur les CDS souverains s'appliquera à tout acquéreur de ce type de contrat lorsque celui-ci ne détient pas les obligations d'État couvertes par le contrat, ni aucun actif dont la valeur est corrélée au risque de défaut souverain.
Cette taxe permet ainsi de cibler spécifiquement les opérations de pure spéculation sur le défaut d'un État.
Nous avançons rapidement : j'ai publié hier la liste des huit ministres des Finances de la zone euro qui ont adressé avec moi une lettre commune à la présidence danoise de l'Union européenne sur le projet de directive relatif à cette taxe.
Il s'agit d'une avancée politique déterminante, qui permet de s'inscrire dans une logique de coopération renforcée. Nous souhaitons d'ailleurs accélérer le calendrier de la mise en oeuvre de cette taxe au niveau communautaire.
Notre détermination n'a jamais fléchi : depuis le début de ce quinquennat, nous mettons tout en oeuvre pour tenir nos engagements de réduction des déficits tout en restaurant la compétitivité de notre pays, et ce, quelles que soient les évolutions de la situation économique.
Ce projet de loi de finances rectificative le démontre une nouvelle fois : loin de faire le choix, comme tant d'autres, de refuser la réalité à quelques mois d'échéances électorales cruciales, nous progressons dans cette même direction avec constance et réalisme.
Car notre conviction est simple : la compétitivité est la clé du rebond économique, la condition sine qua non d'un retour de la croissance. C'est aussi la position de la Cour des comptes, qui estime dans son rapport annuel sur la trajectoire des finances publiques, que l'amélioration de la compétitivité constitue « une orientation indispensable » et relève « de décisions nationales ». Ce qu'il nous faut aujourd'hui, c'est donc la stimuler davantage, sans prendre le risque d'attendre plus longtemps.
C'est pourquoi nous vous soumettons aujourd'hui un texte qui non seulement tire les conséquences du ralentissement de la croissance sur notre projet de loi de finances initiale, mais surtout prolonge nos réformes en faveur de la compétitivité.
D'abord, nous prenons en compte tous les effets sur le budget de l'État de la révision de notre hypothèse de croissance, passée de 1 % à 0,5 % pour 2012. J'observe d'ailleurs qu'existe un consensus entre la gauche et la droite à cet égard !
Avec cette révision, nous tirons toutes les conséquences sur les recettes publiques de la détérioration de notre environnement économique au quatrième trimestre 2011.
Comme l'a indiqué François Baroin, les résultats de cetrimestre ont été marqués par un ralentissement économique plus prononcé que prévu.
Cependant, notre prévision de croissance avait déjà été révisée à la baisse. Le réalisme dont nous avions fait preuve nous permet aujourd'hui de réviser nos hypothèses d'un demi-point seulement, à 0,5 %. Nous révisons corrélativement notre hypothèse de croissance de la masse salariale d'un demi-point, à 2,5 %. En revanche, il n'y a pas lieu de revoir l'hypothèse d'inflation, qui est maintenue à 1,7 %.
Ces révisions devraient s'accompagner d'une baisse du produit de l'impôt sur les sociétés de 1,8 milliard d'euros et de celui de la TVA de 800 millions d'euros. Par ailleurs, les recettes des collectivités territoriales devraient enregistrer une baisse de 200 millions d'euros. De leur côté, les recettes de la sécurité sociale se dégraderaient d'environ 1,8 milliard d'euros, en raison du moindre dynamisme de la masse salariale, et les dépenses d'indemnisation des chômeurs progresseraient de 0,4 milliard d'euros.
Au total, l'impact de cette révision pèsera sur le solde des administrations publiques à hauteur de 5 milliards d'euros. Mais il sera intégralement compensé, sans avoir besoin, contrairement à ce que j'entends quelquefois, d'un troisième plan de rigueur.
Les résultats que nous avons engrangés ces derniers mois et la prudence de nos hypothèses constituent en effet un premier levier pour compenser l'impact de la révision de la croissance.
D'abord, parce que nous avons obtenu en 2011 de très bons résultats en matière de réduction des déficits publics. Nous serons à un taux inférieur à 5,5 % de déficit par rapport au PIB, c'est-à-dire au moins 4 milliards d'euros de mieux que ce que nous avions prévu.
Ce bon résultat de 2011 aura des prolongements en 2012, à hauteur de 3,6 milliards d'euros. Il explique en partie pourquoi nous pouvons absorber le ralentissement de la croissance pour cette année sans avoir besoin d'un plan d'effort supplémentaire.
Deuxièmement, nous enregistrons un surcroît de ressources, que nous consacrons intégralement à la réduction du déficit. Je pense en particulier à celles liées à la vente des fréquences 4G, qui s'établissent à 800 millions d'euros de plus que ce que nous avions prévu. La décision de procéder à une vente aux enchères traduit un effort de bonne gestion de notre patrimoine immatériel, qui avait été demandé par plusieurs rapports, et dont nous retirons aujourd'hui les fruits budgétaires.
Troisièmement, la prudence des hypothèses que nous avions retenues en construisant la loi de finances initiale nous permet, en matière de taux d'intérêt, de bénéficier de marges de manoeuvre supplémentaires. Sur la base des taux à court terme constatés – soit 0,17 % à trois mois – et d'un scénario de remontée progressive, l'économie potentielle sur la charge de la dette dépasse théoriquement largement le milliard d'euros. Conformément à la prudence qui caractérise notre politique budgétaire, nous proposons à ce stade de ne retenir qu'une partie de cet effet attendu sur la dette à court terme, soit 700 millions d'euros, afin de nous prémunir des conséquences qu'aurait un risque inflationniste. Sur les taux de long terme, j'ai la conviction que ceux de 2012 seront inférieurs à la prévision, mais l'impact budgétaire sera principalement visible en 2013.
Quatrièmement, nous avions, toujours par prudence, augmenté la réserve de précaution pour la porter à 6 milliards d'euros en 2012. Aujourd'hui, nous devons annuler 1,2 milliard d'euros de crédits sur le budget de l'État : or c'est sur cette réserve que nous proposons de faire porter prioritairement les efforts. Je précise qu'à ce montant, s'ajoutent 400 millions d'euros destinés aux mesures en faveur de l'emploi annoncées lors du sommet sur la crise du 18 janvier dernier, lesquels seront financés par redéploiement. L'effort net des ministères, de 1,2 milliard d'euros, a été réalisé en respectant les règles habituelles d'exonération – concernant la recherche et l'enseignement supérieur ainsi que la justice – et en limitant la participation de l'éducation nationale.
Aux bénéfices que nous retirons de la prudence de nos hypothèses de départ et de notre effort de bonne gestion, s'ajoutent deux décisions importantes en matière de recettes.
Premièrement, nous disposerons dès 2012 des gains liés à la mise en place de la taxe sur les transactions financières, soit 500 millions d'euros pour une demi-année et 1,1 milliard d'euros en année pleine.
Deuxièmement, je vous propose de durcir encore notre arsenal de lutte contre la fraude et l'évasion fiscale.
Je vous avais déjà proposé un durcissement supplémentaire dans le dernier PLFR. Nous devons néanmoins continuer d'avancer en identifiant chacun des leviers qui peuvent être améliorés. En l'espèce, je considère que les amendes liées à la fraude et à l'évasion fiscale ne sont pas suffisantes, parce qu'elles n'ont pas été revalorisées depuis des décennies. Je souhaite également que l'évasion fiscale soit un facteur aggravant dans l'échelle des peines applicables. Le Gouvernement vous propose en conséquence trois mesures emblématiques : la création d'une amende proportionnelle de 5 % sur les avoirs financiers détenus à l'étranger et non déclarés – au lieu d'une amende uniforme de seulement 1 500 euros ; l'augmentation des amendes en cas de fraude fiscale – de 37 500 euros à 500 000 ou 750 000 euros dans les cas les plus graves ; la création de sanctions pénales spécifiques, avec une amende d'un million d'euros et une peine d'emprisonnement de sept ans en cas de fraude via des paradis fiscaux.
Ce durcissement a payé en 2010 et en 2011, comme l'ont montré l'accroissement du produit du contrôle fiscal et le surcroît de 300 millions d'euros du produit de l'impôt de solidarité sur la fortune – ISF – par rapport aux prévisions de la loi de finances initiale – LFI – pour 2011. Cette année, nous escomptons à cet égard 300 millions d'euros de recettes supplémentaires liées à l'amélioration de la lutte contre la fraude.
Voilà comment sera intégralement compensé l'impact de la révision de la croissance sur nos recettes. De la même manière que nous avons tenu notre objectif de 2011 en dépit de deux révisions de la croissance, nous tiendrons l'objectif de 2012 avec une croissance moindre que prévu. En neutralisant la prise de participation dans le Mécanisme européen de stabilité, qui est sans impact sur le solde public, le déficit budgétaire de l'État s'établit désormais à 78,4 milliards d'euros, soit une diminution de 0,3 milliard d'euros par rapport à la loi de finances initiale. Avec la mise en oeuvre du MES, il s'élèvera à 84,9 milliards d'euros.
Ce projet de loi est aussi celui de la croissance et de la compétitivité, qui est le deuxième grand pilier de notre action.
Aujourd'hui, face aux incertitudes économiques, nous devons non seulement retrouver le chemin de l'équilibre budgétaire, mais également réamorcer la pompe de la croissance. Et la réamorcer, sans bien sûr augmenter les dépenses. Les remèdes sont multiples, mais nous misons sur le plus efficace : restaurer la compétitivité française, qui depuis trop longtemps est en berne.
Notre déficit de compétitivité n'est plus seulement préoccupant : aujourd'hui, il fragilise notre économie, menace notre industrie et détruit nos emplois.
L'économie française est confrontée à un grand défi : celui de la désindustrialisation et des délocalisations.
Nous avons perdu 500 000 emplois dans l'industrie depuis dix ans. Dans le même temps, nous perdons des parts de marché au profit de nos partenaires européens : notre part dans les exportations de la zone euro est ainsi passée de 15,8 % en 2000 à 12,9 % aujourd'hui et nos exportations progressent trois fois moins vite que celles de l'Allemagne. À côté de l'impact massif qu'a eu la dégradation de notre balance énergétique, notre perte de compétitivité a contribué à celle de notre déficit extérieur, qui atteint désormais 70 milliards d'euros.
Ne nous voilons pas la face : nous avons un problème de compétitivité. Croire que l'on peut nier cette vérité en continuant par exemple d'augmenter les charges qui pèsent sur les salaires, comme le proposent certains, c'est commettre une erreur économique !
Or le combat du Gouvernement est la compétitivité, ce qui nous conduit à baisser le coût du travail.
Depuis cinq ans, nous avons amélioré tous les éléments de la compétitivité hors prix : c'était notre premier grand chantier. Nous avons triplé le crédit impôt recherche, renforcé notre système d'enseignement supérieur, consacré 35 milliards d'euros aux investissements d'avenir, développé l'apprentissage et réformé la taxe professionnelle.
Mais nous souhaitons aller plus loin. Avec le plan de développement de l'apprentissage, nous avons déjà obtenu de très bons résultats : nous allons poursuivre l'effort.
C'est pourquoi, dans ce PLFR, nous proposons d'une part de doubler les pénalités pour les grandes entreprises qui ne respectent pas la règle du jeu – soit 4 % de jeunes en apprentissage – et d'autre part de relever à 5 % le quota de jeunes en alternance dans les entreprises de plus de 250 salariés. À terme, le respect de ce nouveau quota devrait conduire à l'embauche de 270 000 jeunes supplémentaires en apprentissage.
L'acte II est notre action en faveur de l'investissement.
Pour cela, nous avons réformé la taxe professionnelle, supprimé l'impôt forfaitaire annuel pour les PME et renforcé les moyens d'Oséo.
Mais là encore, nous voulons aller plus loin. Nous vous proposons de créer une nouvelle branche d'Oséo spécifiquement dédiée au financement des PME et des établissements industriels de taille intermédiaire. Cette banque de l'industrie sera dotée d'un milliard d'euros de fonds propres. Ce dispositif, qui apportera dès la première année une dizaine de milliards d'euros de prêts au secteur industriel, viendra compléter le socle déjà très puissant des moyens que nous consacrons au financement de l'industrie. Je tiens à préciser que les crédits sont dégagés au sein du programme des investissements d'avenir par redéploiement : l'opération est donc neutre sur le solde de l'État.
L'acte III de notre action consiste à agir au service de notre compétitivité prix. Les mesures proposées à cet égard s'inscrivent avec cohérence dans la continuité du programme de réformes que nous conduisons depuis le début de ce quinquennat.
Nous souhaitons, sans attendre, alléger le coût du travail en France.
L'ensemble des prélèvements obligatoires assis sur le travail représente en effet près de 23 % du PIB en France contre 20 % en moyenne chez nos voisins européens. Ces trois points de PIB d'écart représentent plus de 60 milliards d'euros !
Cette situation est d'autant plus préjudiciable à notre compétitivité que ce sont les employeurs qui acquittent très majoritairement ces prélèvements. Sur un salaire brut de 4 000 euros, l'entreprise allemande paie 700 euros de charges patronales alors que l'entreprise française en paie 1 200 euros, soit pratiquement le double !
Pour regagner des parts de marché face à nos partenaires, il nous faut donner aux entreprises les moyens de baisser leurs prix. C'est la raison pour laquelle nous avons décidé d'alléger le coût du travail.
Nous proposons de réduire de manière significative les cotisations patronales qui financent la politique familiale pour le secteur privé.
Au-delà de l'enjeu de compétitivité, cela remet aussi en question les modalités de financement de notre protection sociale. Est-il logique que ce soient nos entreprises qui assument une large partie du financement de la branche famille ? Certes, elles en bénéficient et ce lien ne doit pas être rompu. Mais pour financer les solidarités envers les familles, nous devons privilégier une prise en charge par un spectre plus large. J'y reviendrai.
Concrètement, nous proposons l'allègement suivant : pour les salaires inférieurs à 2,1 SMIC bruts mensuels, soit 2 300 euros nets, la cotisation familiale sera totalement supprimée ; pour les salaires compris entre 2,1 et 2,4 SMIC, soit 2 650 euros nets, le taux de cette cotisation sera progressif et inférieur à son niveau actuel ; pour les salaires supérieurs à 2,4 SMIC, le taux de cotisation restera inchangé, c'est-à-dire 5,4 %.
Nous avons voulu cibler cette mesure sur les salaires moyens. Elle vient ainsi compléter les allégements qui existaient déjà sur les bas salaires, c'est-à-dire ceux compris entre 1 et 1,6 SMIC.
En outre, par souci de cohérence et d'efficacité économique, nous choisissons de cibler les entreprises du champ des allégements généraux – dits « Fillon ».
Cette mesure poursuit deux objectifs essentiels : la compétitivité et l'emploi.
Elle va rendre nos entreprises beaucoup plus compétitives. Économiquement, elle va avantager les produits fabriqués en France par rapport aux produits importés, qui subiront la hausse de la TVA mais ne bénéficieront pas d'une baisse de charges. Elle va également favoriser les exportations, puisque les produits exportés ne sont pas soumis à la TVA, mais bénéficieront de cette baisse.
Cette mesure permettra ainsi de lutter contre les délocalisations, ce fléau de l'emploi industriel français. Avec cette exonération totale ou partielle des cotisations, nous concentrons les effets sur les emplois et les secteurs les plus exposés à la concurrence internationale : nous touchons en effet 97 % des effectifs de l'agriculture, 75 % de ceux de l'automobile et 80 % des salariés de l'industrie. La mesure concerne 14 millions de salariés, et proportionnellement davantage les PME que les grands groupes.
D'un côté, nous nous assurons que les industries restent sur le sol français et, de l'autre, nous protégeons nos emplois les plus menacés par les délocalisations.
Plus largement, en réduisant ainsi le coût du travail, nous créerons de l'emploi, comme avec les précédents allègements de charge. Nous attendons en effet de cette nouvelle mesure la création de 100 000 emplois.
Cette baisse de cotisations sera exactement compensée par la mobilisation de deux ressources : la TVA et la CSG sur les revenus du capital.
Il n'y a donc dans ce projet aucune hausse globale des prélèvements obligatoires. Si de nombreux pays européens augmentent aujourd'hui la TVA pour combler une partie de leurs déficits publics, ce n'est pas notre objectif, qui est, encore une fois, de restaurer la compétitivité.
D'abord, nous augmentons modérément le taux normal de TVA, qui passe de 19,6 à 21,2 % – soit le niveau de la moyenne européenne. Nous transférons ainsi une partie des cotisations qui financent la politique familiale sur des ressources à l'assiette plus large et à taux plus bas. De même, nous transférons des charges dont la vocation à être financées par les entreprises n'est pas directement évidente sur un prélèvement qui touche la consommation – ce qui est plus favorable à l'emploi et à la compétitivité.
Cette hausse de la TVA n'aura pas d'impact significatif sur les prix.
En outre, pour préserver le pouvoir d'achat des ménages les plus fragiles, nous avons écarté l'hypothèse d'une hausse des taux réduits de TVA. Je rappelle que 60 % de la consommation des ménages concernent des biens sans TVA, ou qui bénéficient de taux réduits, à l'image des loyers, des produits alimentaires, des produits de première nécessité ou des services publics. Mieux, les prix de ces produits devraient baisser, puisque ces biens et services bénéficieront largement de la baisse de charges.
L'augmentation de la TVA, tout comme la baisse des cotisations, sera effective au 1er octobre 2012. Nous avons choisi cette date pour des raisons techniques de mise en oeuvre.
Enfin, parce qu'il est normal que les patrimoines les plus élevés participent davantage au financement de la solidarité, nous augmentons également de deux points les prélèvements sociaux sur les revenus du capital, qui passeront ainsi de 8,2 % à 10,2 %. La CSG prélevée sur le capital a deux volets : la contribution sur les revenus du patrimoine et celle sur les revenus de placement. Comme cette hausse n'aura de rendement qu'en 2013 pour le premier volet, la mise en oeuvre de l'augmentation sur le second volet aura lieu dès le 1er juillet 2012. Il n'y aura ainsi pas de perte de rendement.
D'abord, j'observe que la protection sociale en France est la plus développée d'Europe : elle représente 31,5 % de la richesse nationale ! Quand on parle du niveau élevé de la dépense publique en France, il faut donc rappeler qu'il est lié à celui, très important, de notre État providence.
Deuxièmement, cet État providence a été un facteur de correction des inégalités : les 20 % des personnes les moins aisées voient leurs revenus améliorés de 50 % après prestations. À cet égard, je rappelle que, lors de la visite que nous avons effectuée avec nos collègues Yves Bur et Gilles Carrez au Bundestag, la présidente SPD de celui-ci nous avait demandé si notre système de protection sociale n'allait pas étouffer nos emplois…
Troisièmement, repenser l'assiette du financement de la protection sociale afin d'alléger le coût du travail a non seulement été demandé par des hommes politiques, mais constitue aussi le point de départ de l'approche de la compétitivité de la majorité des organisations syndicales. En tant que président de la commission des Affaires sociales, même si j'ai toujours dit que les « marqueurs » d'avant la campagne présidentielle ne pouvaient plus être les mêmes après la crise et si l'on agit avec retard en la matière, cette démarche est perçue comme un élément clé de la compétitivité. Cela étant, il ne faut pas oublier deux autres facteurs déterminants : le processus d'innovation – favorisé par les crédits consacrés à la recherche et l'autonomie des universités – et le droit du travail, qui a été au coeur de la mission d'information de notre assemblée sur la compétitivité de l'économie française. Ce dernier est en effet marqué chez nous par une excessive judiciarisation, la multiplicité des instances représentatives et la complexité du code qui lui est consacré, lesquels contribuent à la faible attractivité de notre pays aujourd'hui. Il ne faut donc pas oublier de s'attaquer aussi à ce dernier facteur.
Ce projet de loi sera examiné en séance publique lundi prochain, sachant que les derniers amendements devront être déposés avant vendredi dix-sept heures et que je dois avoir achevé mon rapport au plus tard dans la nuit de jeudi à vendredi.
Or la réforme proposée porte sur 13,2 milliards d'euros, soit plus du double du montant concernant la réforme professionnelle. Je souhaiterais donc vous poser plusieurs questions précises en vue de la rédaction de ce rapport.
Ma première question porte sur le ciblage des 13,2 milliards d'allègements supplémentaires. On constate que plus de 40 % d'entre eux accentuent les allègements « Filllon » concernant les salaires compris entre 1 et 1,6 SMIC et que 25 % seulement concernent l'industrie. Or, les analyses montrent que si ces allègements « Fillon » sont très efficaces pour favoriser l'emploi et ont protégé des entreprises notamment dans les secteurs de la propreté, de la sécurité ou la grande distribution – qui sont généralement plutôt abrités de la concurrence internationale –, ils ne bénéficient que partiellement à l'industrie et, plus largement, aux grandes entreprises, aux grosses PME et aux entreprises de taille intermédiaire – ETI –, dans la mesure où les salaires qu'elles versent sont plutôt plus élevés. Dans ces conditions, le ciblage de la réforme de la baisse des cotisations patronales, qui est très bonne dans son principe, ne favorise-t-il pas davantage l'emploi que la compétitivité ?
À cet égard, quand nous avons travaillé sur la réforme de la taxe professionnelle, le fil conducteur des amendements de la commission des Finances avait été de la cibler davantage sur l'industrie et les entreprises soumises à la compétition internationale. Nous avons à cette occasion procédé à certaines améliorations, même si nous n'avons pas pu aller jusqu'au bout de notre démarche.
Ma deuxième question concerne l'annualisation des allègements « Filllon ». Dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, on a pu, grâce à l'annualisation, dégager une économie de 2 milliards d'euros. Le mode de calcul prévu, compte tenu d'une entrée en vigueur le 1er octobre prochain, nous ferait perdre, selon mes évaluations, 500 millions d'euros. Pourquoi ne proposez-vous pas un système de calcul d'annualisation en une fois en fin d'année, en dépit de la coexistence de deux régimes cette année ?
Troisièmement, pourquoi ne proposez-vous pas, comme cela a toujours été fait dans le passé, une révision du taux de remboursement du FCTVA pour les collectivités locales ? En 1995, le taux normal de TVA est passé de 19,6 à 21,6 %, en vue de financer le plan « Fillon » tendant à mettre en place des allègements de charges appelés aussi « ristourne Fillon » : le taux de remboursement du FCTVA a été alors revalorisé pour tenir compte de cette augmentation. De même, en 2000, quand ce taux est repassé à 20,6 %, ce dernier a été ajusté à la baisse. J'attire votre attention sur le fait que les collectivités locales ne récupèrent pas la TVA sur les dépenses de fonctionnement et que la fonction publique territoriale ne bénéficiera pas de la réduction de cotisations patronales. Je proposerai donc un amendement d'actualisation du taux de remboursement du FCTVA.
Quatrièmement, les prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine, qui étaient de 10 % en 2004, seront de 15,5 % le 1er juillet prochain, soit un accroissement de 55 %. Celui-ci a résulté, dans la plupart des cas, de prélèvements sociaux exceptionnels : l'instauration de la journée de solidarité envers les personnes âgées qui a suivi la canicule de 2003, le relèvement de 1,1 point pour financer le revenu de solidarité active – RSA – et, plus récemment, de 1,2 point pour les retraites. Or, en 2004, date de la dernière augmentation de CSG, a été mis en place le principe de la déductibilité. Pourquoi avoir fait le choix de la CSG et ne pas avoir prévu de déductibilité ?
À cet égard, si l'on tient compte des prélèvements fiscaux et sociaux, on ne peut plus dire aujourd'hui que les revenus du patrimoine sont globalement moins imposés que ceux du travail : il faut tordre le coup à cette fausse idée !
Monsieur le ministre, puisque vous participiez lundi dernier à une réunion sur la convergence franco-allemande en matière d'impôt sur les sociétés, je souhaite rappeler qu'en Allemagne, la fiscalité globale sur les revenus du patrimoine est à 26,5 % contre 36 % prévus en France. Il faut être bien conscient de ce différentiel, qui pose lui aussi un problème de compétitivité.
Cinquièmement, un certain nombre de produits relèvent de prix réglementés dans la mesure où ils incorporent dans leur prix de revient une part importante de fiscalité. Cela pose la question du prix du tabac – qui est traitée –, celle du prix des carburants – sur laquelle je souhaite que vous nous apportiez une réponse –, mais aussi du prix du gaz et de l'électricité. À cet égard, lors du dernier collectif de fin d'année, nous avons maintenu le taux réduit de TVA de 5,5 % sur les abonnements, ce qui était bien. Pouvez-vous prendre l'engagement qu'il n'y aura pas, à compter du 1er octobre, de répercussion de l'augmentation du taux de TVA sur le prix du gaz et de l'électricité ? Si je souscris au raisonnement consistant à dire que cette mesure n'entraînera pas de hausse des prix – dans la plupart des cas, la suppression de cotisations patronales permettra de la compenser, surtout dans le contexte de concurrence que vous évoquez –, le personnel d'EDF n'est pas concerné par la baisse des cotisations – ce qui pose par ailleurs une question de compétitivité qu'il faudra examiner.
Sixièmement, si la taxe sur les transactions financières que vous proposez protège bien la place de Paris, elle cible des entreprises ayant leur siège social en France. À la fin des années 1990, à cause notamment de l'imposition des plus-values sur titres de participation, un certain nombre d'entreprises publiques sont allées créer des holdings aux Pays-Bas. Certes, le montant de la taxe prévue est faible – 0,1 % –, et l'Allemagne va très vite nous rejoindre de même que les autres pays européens, mais il faut prendre garde à deux problèmes : d'une part, vendre des actions permet aussi d'assurer la liquidité des fonds propres d'une entreprise et, d'autre part, les entreprises peuvent déplacer leur siège social. Comment entendez-vous y remédier ?
Enfin, sur le budget, il faut souligner à nouveau les résultats remarquables de l'exécution de 2011. Je suis persuadé que la détente sur les taux d'intérêt est liée au respect de nos engagements. Quand vous dites, madame la ministre, dans votre interview de ce matin, que l'essentiel des dispositions est mis en place pour sécuriser la trajectoire de retour à l'équilibre en 2016, vous avez totalement raison. Cela étant, l'annulation d'1,2 milliard d'euros de crédits prévue dans le projet de loi est importante : a-t-elle fait l'objet d'une consultation des ministères ? Les collectivités locales seront-elles totalement préservées à cet égard – contrairement à ce qui s'est passé en 2011 –, ce qui démontrerait que l'État a aussi le souci de sauvegarder leurs intérêts ?
Monsieur le ministre, la « troïka » négocie actuellement avec la Grèce et les créanciers privés de ce pays. Or il semblerait que ces derniers, pour prix de leur acceptation d'un abandon de leurs créances, demandent à ce que la BCE abandonne elle aussi une partie des siennes. Cette demande ne me paraît pas légitime et j'espère qu'elle ne sera pas satisfaite, la BCE ne pouvant être mise au même niveau que ces créanciers privés : quelle sera la position de la France à cet égard ?
Par ailleurs, avant le récent sommet de Cannes, il avait été demandé que des pays, notamment la Chine, puissent aider l'Europe. On sait que ce pays a refusé – en dépit de la demande du Chef de l'État qu'elle apporte une aide directe –, ne consentant à le faire le cas échéant que par le biais du Fonds monétaire international, le FMI. La Chine maintient-elle sa position ?
Madame Pécresse, le 21 décembre dernier, la loi de finances initiale a été votée à votre demande avec une prévision de croissance de 1 %. D'aucuns vous avaient alors interrogée sur les fondements d'un tel chiffre. Or le 30 janvier, le Premier ministre le révisait à 0,5 % : que s'est-il passé entre ces deux dates ?
Vous avez par ailleurs affirmé qu'il convenait de prolonger l'effort réalisé en direction des entreprises : quels ont été les défauts des politiques publiques en matière de compétitivité pour que le déficit commercial atteigne 70 milliards d'euros alors qu'il avait été estimé à 48 milliards en loi de finances initiale pour 2011 ?
Je me permets de souscrire aux remarques du rapporteur général s'agissant de la disposition que le Gouvernement propose au Parlement d'adopter : je pense en effet que si 13 milliards d'euros représentent une somme très importante, la disséminer sur l'ensemble de l'activité économique du pays risque de la rendre inefficace, notamment pour le secteur industriel et l'exportation : 25 % ne font en effet que 3 milliards d'euros. Ne pensez-vous pas que notre État est trop impécunieux pour se permettre de dépenser une dizaine de milliards en faveur de segments d'activité économique protégés, non concurrentiels et non susceptibles d'être délocalisés – restauration, construction, services – ?
Pouvez-vous également nous indiquer si, comme pour le tabac, vous comptez prendre des dispositions visant à neutraliser l'augmentation de la TVA pour les carburants ? Le Gouvernement, après avoir négocié avec les buralistes, a en effet décidé de neutraliser l'augmentation de la TVA pour le tabac. Ce n'est pas ce principe que je remets en cause, mais, si elle est avérée, la différence de traitement entre le tabac et le carburant, alors même que celui-ci est un produit indispensable à nos concitoyens pour se déplacer, notamment se rendre à leur travail.
Pouvez-vous par ailleurs nous indiquer le nombre de sociétés concernées par la taxe sur les transactions financières, qui viserait les achats de titres émis par une entreprise dont le siège social est situé en France et dont la capitalisation boursière dépasse 1 milliard d'euros ?
S'agissant des achats de CDS à nu sur les titres de dette souveraine, comment articulez-vous la taxe sur les transactions financières avec le règlement européen qui prévoit l'interdiction des CDS à nu sous condition et dont l'entrée en vigueur est prévue en novembre 2012 ? Est-ce le même mécanisme que vous souhaitez instaurer en France avec plus d'un an d'avance sur l'Union européenne ? Si oui, pourquoi ne pas le prévoir dès maintenant pour l'ensemble de la zone euro ?
Enfin, s'agissant de la trajectoire des finances publiques, la réserve de précaution a été l'objet ces dernières années d'une annulation sèche de quelque 200 à 250 millions d'euros. Vous avez indiqué que le niveau de cette réserve est comparable en 2012 à celui de 2011 ou de 2010, à quelques centaines de millions près. Pensez-vous vraiment que celle-ci sera suffisante à pourvoir à la diminution de moitié de la prévision de croissance, qui entraînera une baisse de l'ensemble des recettes publiques de l'ordre de 5 milliards d'euros, à la nécessité de doter le Mécanisme européen de stabilité – 6 milliards – et aux dépenses imprévues ?
Monsieur Méhaignerie, vous avez raison, comme le soulignait le dernier rapport sur les prélèvements obligatoires, le système français de redistribution diminuait de 8 % la richesse des 10 % les plus aisés pour augmenter de 44 % les revenus des 10 % les plus pauvres. Ce système a montré son efficacité au moment de la crise : les inégalités se sont moins creusées en France que dans d'autres pays, du fait de l'existence de ces amortisseurs sociaux.
Monsieur le rapporteur général, c'est vrai, l'addition des mesures prises dans le cadre du budget 2011, du plan de rigueur du mois d'août et de la réforme fiscale, sans oublier celles relatives aux plus-values immobilières dans le cadre du deuxième plan de rigueur, nous permettent d'affirmer que, désormais, la taxation assise sur le patrimoine est supérieure à la taxation sur les salaires. C'est un élément constitutif des efforts du Gouvernement visant à faire porter les efforts de solidarité en temps de disette budgétaire sur ceux qui ont les moyens les plus importants.
S'agissant de la convergence franco-allemande, nous avons travaillé avec M. Wolfgang Schäuble non pas dans la perspective d'un rapprochement des fiscalités patrimoniales mais des impôts sur les sociétés. Le livre vert est en ligne et je suis à votre disposition pour en débattre. La convergence pourra se faire dans les deux sens. Par exemple, le crédit impôt recherche, qui est sanctuarisé chez nous, est regardé avec intérêt et bienveillance par les Allemands, qu'il s'agisse de son périmètre, de son caractère dérogatoire sur le plan fiscal ou de son efficacité en termes de production.
Nous avons essayé de montrer le chemin à la Commission européenne en matière de taxe sur les transactions financières, afin de la rendre efficace sans donner prise à ceux qui la refusent – notamment les Britanniques et les Suédois pour des raisons différentes. L'actuel projet de directive européenne n'est pas satisfaisant – je l'ai évoqué avec le ministre des finances allemand – car il s'oriente vers une taxation des titres, ce qui risque de favoriser la délocalisation. Il est beaucoup plus difficile de délocaliser une entreprise cotée dont le siège est à Paris. Nous voulons prouver l'efficacité de notre dispositif à éviter les délocalisations car ce qui est valable pour la France le sera pour les pays signataires au sein de la zone euro. Les vingt-cinq pays signataires de l'actuel traité intergouvernemental correspondent au périmètre pertinent d'une telle taxe.
Nous nous sommes toutefois inspirés du modèle britannique en place depuis 1986. Le taux est plus élevé – 0,5 % –, le nôtre plus faible – 0,1 % – : son rendement sera donc plus bas. En revanche, aucun plafond n'est prévu – ce qui limite la comparaison avec l'impôt de bourse. Nous avons délibérément exclu du champ de la taxation les obligations pour éviter de pénaliser les institutions financières institutionnelles qui contribueraient à la stabilisation de nos taux et de nos spreads en achetant des obligations d'État. De la même façon, nous avons exclu les obligations d'entreprises car nous souhaitons favoriser le financement des entreprises à travers les corporate bonds. Des CDS, nous n'avons retenu que les CDS à nu sur les titres de dettes souveraines. En effet, c'et le sujet le plus difficile sur lequel il conviendrait d'intervenir puissamment à l'échelle mondiale : il existe plusieurs milliers de systèmes de dérivés et la plupart de ces marchés sont de gré à gré, sans plateforme d'échanges de titres. Ce sur quoi nous pouvons assez aisément agir, c'est l'échange spéculatif des contrats d'assurance sur les titres souverains à nu, dont l'interdiction sera vraisemblablement intégrée à la directive européenne.
S'agissant de la finance à haute fréquence, nous l'avons intégrée dans l'assiette de la taxe sur les transactions financières, bien que cette activité ait presque entièrement quitté la place de Paris pour Londres. Nous espérons également que la directive européenne l'intégrera. Nous aurons un grand débat avec Londres sur le sujet.
Je tiens à noter que, parmi les neuf pays signataires de la lettre réclamant une accélération du projet européen de taxe sur les transactions financières, se trouvent les quatre plus grandes économies européennes – l'Allemagne, l'Italie, l'Espagne et la France. Nous avançons donc à grands pas. Nous sommes aujourd'hui dans une logique de coopération renforcée. Nous pouvons obtenir un mouvement rapide des États signataires : nous ne sommes donc pas contraints d'attendre 2014.
Monsieur le président Jérôme Cahuzac, s'agissant de la Grèce, les négociations sur le private sector involvement – PSI –, soit l'implication du secteur privé, se déroulent toujours avec l'objectif de ramener la dette grecque en 2020 à 120 % du PIB. Il faut encore obtenir la signature de toutes les formations politiques du gouvernement grec, qui n'a pas respecté le calendrier des réformes sur lesquelles elles s'étaient engagées. La pression est donc maximale sur le Premier ministre grec et sur les formations politiques qui composent son gouvernement. Tant qu'elles n'ont pas signé, le FMI ne souhaite pas s'engager dans un deuxième programme. Je veux croire que la raison l'emportera, et notamment que la Grèce a entendu, lundi 6 février, le message franco-allemand de la conférence de presse conjointe de Mme Merkel et de M. Sarkozy. Nous oeuvrons à cette fin. Les Grecs ne peuvent pas surseoir à l'obligation de proposer un calendrier de réformes.
Quant à l'implication du secteur public, ce qui est envisagé, c'est un effacement de la marge bénéficiaire que la BCE a pu réaliser sur le marché secondaire dans le cadre du programme de rachat des titres grecs. La décision appartient non pas aux gouvernements mais au conseil des gouverneurs, qui la prendra, aujourd'hui ou demain, en toute indépendance. La même question pourrait se poser pour les banques centrales qui ont racheté des titres grecs. Nous ne ferons que constater les décisions en la matière.
La Chine a été très déçue par l'accueil glacial qui lui a été réservé lorsqu'elle a proposé son soutien au Fonds européen de stabilité financière : elle préfère, désormais, participer à l'augmentation des capacités d'accompagnement du FMI, sans contribuer directement au futur Mécanisme européen de stabilité, du moins dans un premier temps – ce mécanisme s'inscrit dans la durée et la Chine pourra réviser sa position. Il faut noter qu'elle est désormais le troisième contributeur et actionnaire net du Fonds monétaire international.
Chacun connaît les faiblesses du commerce extérieur français, les 35 heures ayant réduit la compétitivité de notre économie.
La question du tabac et celle des carburants n'ont aucun rapport entre elles. La première s'inscrit dans un agenda défini dans le cadre du renouvellement du contrat d'objectifs, en vue d'éviter que la hausse du prix du tabac, qui est inéluctable pour des raisons de santé publique, ne déstabilise les distributeurs. Le prix des carburants dépend, quant à lui, de l'augmentation du cours du baril de pétrole, qui a été très forte en raison de la question libyenne, de l'instabilité de certains pays producteurs et des mesures prises à l'encontre de l'Iran. Comme la France est un pays importateur net, elle subit directement l'impact de l'instabilité des marchés. Le régime de TIPP flottante étant à la fois très onéreux et peu efficace, le Gouvernement préfère engager une réflexion sur le barème kilométrique, tout en ayant la volonté de garantir une transparence absolue de l'évolution des prix via l'Observatoire des prix des carburants. Enfin, la baisse des charges aura un impact sur le coût de revient hors taxes du raffinage, ce qui devrait jouer à la marge sur le prix à la pompe.
Monsieur le rapporteur général, le dispositif doit être aussi clair que lisible. Notre objectif est de supprimer l'ensemble des cotisations famille sur les bas salaires pour leur trouver un autre mode de financement. Le pire serait que le chef d'entreprise se retrouve devant une véritable usine à gaz avec des taux différents de cotisations famille. Notre réforme vise à favoriser à la fois l'emploi et la compétitivité en supprimant intégralement les 5 % de cotisations famille jusqu'à 2,1 Smic et en les modulant en biseau jusqu'à 2,4 Smic pour éviter l'effet de trappe à bas salaires. Les allégements Fillon couvrent l'intégralité des charges sociales à hauteur du Smic, lesquelles passent à 20 euros pour 1,1 Smic et à 40 euros pour 1,2 Smic. À partir de 1,4 Smic, notre réforme a un effet sur les charges patronales mais l'effort croît en fonction du salaire. Sur les 13,2 milliards d euros dépensés, 7,5 milliards seront consacrés aux salaires supérieurs à 1,6 Smic et 5,7 milliards aux salaires inférieurs à 1,6 Smic, qui ne sont pas uniquement ceux de salariés protégés de toute délocalisation. Ce sont ceux de 80 % des salariés agricoles, de 46 % des salariés de l'industrie et de 73 % des salariés des TPE. On ne saurait charger de manière excessive les TPE si on souhaite leur développement ! La réforme aura donc un double effet, en matière de compétitivité comme en matière d'emploi. Les allégements favorisent le secteur industriel, monsieur le rapporteur général, au-delà de ce que celui-ci représente au plan économique.
S'agissant du fonds de compensation de la TVA – FC-TVA –, le Gouvernement mise sur le fait que les prix n'augmenteront pas : le montant de TVA payé par les collectivités locales n'évoluera donc pas en fonction de la hausse de la TVA. Il conviendra d'examiner très attentivement les effets de cette mesure, d'autant que nous avons toujours été bienveillants envers les collectivités locales en matière de FC-TVA, puisqu'une partie de leurs achats, y compris d'investissement, bénéficie de taux de TVA inférieurs à 19,6 %. Un audit est donc nécessaire pour connaître le taux réel payé dans le cadre du FC-TVA par les collectivités locales. De plus, comme la hausse de la TVA n'ira pas remplir d'un seul euro les caisses de l'État, appartient-il à ce dernier de la compenser dès lors qu'il n'en est pas le bénéficiaire ?
Le jour où la moitié de la TVA ira à la sécurité sociale, le taux de remboursement des collectivités locales sera-t-il diminué de moitié ?
Évidemment non, monsieur le rapporteur général, mais c'est, à mes yeux, le moment de s'arrêter sur le fonctionnement du FC-TVA, car, avec le transfert d'une partie du financement de la sécurité sociale vers la TVA, le FC-TVA se retrouve dans une situation inédite. Comme la réforme n'aura aucun impact sur le FC-TVA en 2012, la modification de ses modalités de calcul n'est pas urgente. Une clause de revoyure avec un vrai engagement du Gouvernement à travailler sur la question me semble en revanche nécessaire.
Comme vous, monsieur le rapporteur général, je n'apprécie guère la CSG non déductible, laquelle n'est pas comprise par nos concitoyens, qui ont l'impression de payer deux fois. Il convient donc de travailler à un amendement instaurant un simple prélèvement social.
Les collectivités locales sont évidemment préservées de l'annulation de 1,2 milliard d'euros de crédits, ce qui prouve, de nouveau, notre état d'esprit bienveillant à leur égard. Nous avons également consulté les ministères, ce qui nous a conduits à sanctuariser l'éducation nationale.
S'agissant du prix du carburant, je veux préciser ma question : il ne s'agit pas, par le biais de la TVA, de compenser une augmentation du prix du baril. Simplement, dès lors que le Gouvernement a trouvé les moyens de gommer l'augmentation de la TVA sur le prix du tabac, pouvez-vous nous dire s'il appliquera ou non le même principe pour gommer l'effet TVA sur le prix des carburants à la pompe ?
Dois-je rappeler que l'objectif du versement de fractions de la TIPP aux régions est de compenser des transferts de compétence ?
Par ailleurs, s'agissant de l'énergie, la hausse de la TVA ne portera que sur la moitié de la facture de gaz ou d'électricité, puisque l'autre moitié restera soumise à un taux réduit de TVA, qui n'a pas été relevé par le Gouvernement. La hausse, toutes taxes comprises, d'une facture d'électricité sera de 8 euros par an sur un total de quelque 700 euros. Le prix au mégawatt heure restera donc en France deux fois moins élevé qu'en Allemagne. De plus, s'agissant toujours du prix de l'électricité, aucune hausse n'est prévue pour les ménages jusqu'à l'été 2012 après celle de 2,9 % décidée en juillet 2011. Par ailleurs, le Gouvernement a créé le tarif social du gaz et considérablement valorisé le tarif social de l'électricité pour 1,5 million de bénéficiaires. Enfin, l'accès à ces tarifs sera désormais automatique.
Toute mesure conduisant à la maîtrise globale de la hausse des prix va dans la bonne direction. Nous refusons en revanche d'envisager certaines pistes.
Le Gouvernement n'a pas arrêté sa position en la matière mais il envisage plutôt une modification des barèmes. Je tiens toutefois à répéter qu'on ne saurait comparer la question du tabac à celle des carburants.
S'agissant des prévisions de croissance, le Gouvernement avait expliqué à l'automne dernier qu'il ferait preuve de réalisme au vu des précisions qu'il aurait obtenues sur la croissance au premier trimestre 2012. Nous assistons à l'heure actuelle à un ralentissement de la conjoncture et l'Allemagne n'a pas hésité, il y a quelques semaines, à baisser, elle aussi, ses prévisions de croissance de 1 % à 0, 75 %. Le Gouvernement n'a fait qu'ajuster ses prévisions au mouvement global de ses partenaires. C'est une mesure de prudence qui fait consensus, à droite comme à gauche.
Le nouveau barème de cotisations permettra des allègements, en faveur de l'industrie, de 30 % supérieurs aux allégements Fillon : le dispositif privilégiera donc l'emploi industriel.
Alors que la prévision de déficit du commerce extérieur s'élevait à 75 milliards d'euros dans le précédent collectif budgétaire, elle est de quelque 70 milliards dans le présent collectif. Quant à la détérioration que l'on connaît depuis le début de l'année, elle est due à l'envolée du prix du pétrole et au ralentissement de l'économie mondiale qui a affecté l'ensemble du commerce international.
Monsieur le président, je ne partage pas vos analyses relatives à la réserve de précaution. Si nous avons supprimé 200 millions d'euros en 2010, nous en avons supprimé quelque 2 milliards en 2011. Notre réserve de précaution s'élève aujourd'hui à 4,8 milliards d'euros, lesquels nous paraissent suffisants pour faire face aux aléas d'exécution du budget.
Madame la ministre, monsieur le ministre, vous aviez dit qu'il n'y aurait pas de troisième plan de rigueur : or c'est bien ce que vous êtes venus nous présenter, puisqu'une hausse de la TVA, compensée par un allégement des cotisations sociales, a un effet dépressif global sur l'activité économique. C'est du moins ce que pensait M. Sarkozy, lorsqu'il était ministre des finances : s'appuyant sur les simulations de Bercy, il déclarait en 2004 au président de la commission des Finances du Sénat, M. Jean Arthuis, qui était favorable depuis très longtemps à la TVA sociale, qu'un point supplémentaire de TVA se traduirait par une diminution de la croissance de 0,9 point. Si, dans le cadre de la TVA sociale que vous souhaitez adopter, l'allégement en contrepartie des cotisations sociales se traduit par une augmentation de la croissance de 0,4 point, le bilan reste négatif : 1 point de TVA sociale se traduira par une perte de 0,5 point de croissance et 1,6 point par une perte de quelque 0,75 point. Les services de Bercy partagent-ils toujours sur la TVA sociale l'opinion, qui était exacte, du ministre des finances de 2004 ? L'effet de cette TVA sera d'autant plus dépressif aujourd'hui que l'excédent de nos capacités de production est considérable en raison de la faiblesse de la demande. C'est la baisse du pouvoir d'achat qui provoque la récession, et la TVA sociale, loin de se révéler pertinente dans la conjoncture actuelle, ne fera que l'aggraver.
Peut-être, du reste, avez-vous révisé à la baisse vos prévisions de croissance en intégrant les simulations que j'ai évoquées à l'instant. Si tel n'est pas le cas, comment la TVA Sarkozy n'absorberait-elle pas ce demi point de croissance ?
J'ai cru également comprendre que l'essentiel de votre réflexion sur la réforme fiscale tournait autour de la convergence franco-allemande. Or, alors que la France, avec 19,6 points, et l'Allemagne, avec 19 points, se situent aujourd'hui quasiment au même niveau de TVA, l'augmentation de la TVA nous éloignera de notre principal partenaire. C'est du reste l'argument que le Premier ministre, M. François Fillon, avançait il y a un peu plus d'un an pour refuser la TVA sociale. Vous avez manifestement changé d'avis.
J'approuve les remarques du rapporteur général relatives au ciblage de vos mesures. D'ailleurs – remarque sémantique –, vous appelez « allégements Fillon » les 22 milliards d'allégement de cotisations sociales que certains députés de la majorité appellent le « coût des 35 heures ». C'est d'autant plus plaisant que ces allégements, créés par Édouard Balladur, ont été poursuivis par Alain Juppé et Martine Aubry avant d'être généralisés par François Fillon. Chacun sait que ces allégements ne favorisent guère la compétitivité du fait qu'ils privilégient le secteur tertiaire par rapport au secteur industriel. Pour améliorer notre compétitivité, nul besoin de dépenser 13 milliards d'euros : il suffisait de consacrer 5 milliards dédiés à l'industrie à des mesures plus intelligentes.
Enfin, en précipitant, pour des raisons électorales, l'instauration en France de la taxe sur les transactions financières, le risque est grand de faire capoter son adoption en Europe. Il est bien d'avancer sur ce sujet consensuel avec l'Allemagne mais si la France crée, toute seule, un droit de timbre à l'anglaise – le stamp duty est le plus vieil impôt du monde –, mais qui, loin de rapporter 4 milliards d'euros comme son modèle, rapportera seulement 1 milliard, les adversaires de la taxe chercheront à enterrer la mesure en prétextant que la France s'est alignée sur le Royaume-Uni, lequel est farouchement opposé à la taxe sur les transactions, et qu'il suffit de réintroduire partout en Europe l'impôt de bourse, qui a été supprimé en France en 2008 sur l'initiative de M. Yves Censi, ici présent. Or l'impôt de bourse n'a rien à voir avec la taxe sur les transactions financières ! Il est vrai que vous avez calibré votre taxe de manière à ce qu'elle ne porte que sur des produits non délocalisables, si bien qu'elle pèsera sur les produits les plus utiles à l'économie en épargnant les plus nuisibles, qui sont délocalisables.
Votre mesure risque finalement de réduire l'assiette de la taxe à celle d'un impôt de bourse : si elle est suffisante pour mener une campagne électorale, en revanche, elle est totalement inadaptée à la situation économique actuelle.
Pourquoi faire adopter des mesures qui, pour la plus grande part, ne seront applicables qu'aux mois d'août, de septembre, voire d'octobre, ce qui signifie, compte tenu des échéances électorales à venir, qu'elles ne seront certainement jamais appliquées ?
Par ailleurs, la croissance allemande ayant été, ces dernières années, dans la moyenne de la zone euro, pourquoi prendre subitement l'Allemagne pour modèle, d'autant que ses prévisions de croissance tournent en 2012, selon une institution allemande, autour de - 0,1 point.
L'Allemagne risque effectivement d'être en récession mais pour un trimestre seulement. La prévision annuelle s'élève toujours à 0,7 point.
J'ai des chiffres différents. Cela dépend des instituts.
Enfin, les coûts salariaux font trop souvent oublier les coûts financiers et la compétitivité hors coûts.
Si nous nous reportons aux comptes de la nation, nous apprenons que les sociétés non financières ont versé, en 2010, 145 milliards d'euros en charges sociales et 309 milliards en dividendes et intérêts : en quinze ans, dans la valeur ajoutée des entreprises, la part des dividendes et des intérêts est donc passée de 24 % à 36 %. C'est bien le signe qu'existe en France un problème de coût financier.
Par ailleurs, les plus grands économistes s'entendent pour reconnaître que c'est dans la compétitivité hors coûts que résident essentiellement les différences entre la France et l'Allemagne : comportement des banques allemandes bien différent du comportement des banques françaises et c'est la raison pour laquelle vous êtes maintenant obligé de créer une banque d'investissement – nous sommes, nous, favorables à un vrai pôle financier public – ; recherche et développement, innovation, qualité ; taille des entreprises allemandes. En outre, l'Allemagne a joué plusieurs années durant sur le niveau de consommation de ses partenaires pour écouler ses produits, mais la source risque de se tarir. De plus, elle n'a jamais laissé tomber son industrie, contrairement à nous, qui l'avons fait pour des raisons idéologiques, au profit des services, et ce depuis trente ans. Enfin, il convient de mentionner la qualité des relations que l'Allemagne entretient avec certains pays de l'Est.
Cette TVA, qui renchérira le coût de la vie, repose donc sur l'erreur consistant à penser que la différence de compétitivité entre la France et l'Allemagne a pour origine les coûts salariaux. Pourquoi persistez-vous dans cette voie alors que, selon un rapport de la Cour des comptes, les trois-quarts des exonérations de cotisations sociales ne bénéficient pas à l'emploi ? La TVA sociale ne servira pas davantage à améliorer la situation de celui-ci : elle ne fera que nourrir la spéculation et les marchés financiers et prolonger la crise.
C'est la brutalité de la crise qui a mis en lumière les faiblesses de notre économie : aussi était-il important d'y apporter une réponse rapide et adaptée – il suffit de se rappeler les derniers chiffres du commerce extérieur.
Comme le rapporteur général l'a souligné, la compétitivité et l'emploi vont de pair. Il faut souligner l'impact direct que ces mesures auront sur l'emploi, notamment industriel, grâce à l'effet cumulé de l'augmentation de la TVA et de la diminution du coût du travail. C'est la baisse du coût du travail qui est à l'origine de la distorsion de compétitivité avec nos partenaires européens : ces mesures permettront, je le répète, d'apporter une réponse adaptée.
Le Gouvernement me paraît d'ailleurs prudent en termes de créations d'emplois – 100 000 – : car l'effet d'élasticité est très fort. Le Danemark, en appliquant le premier de telles mesures, est devenu leader dans le bois et l'ameublement grâce à l'amélioration de sa compétitivité, alors que l'emploi en France est dans une situation gravissime.
Quelles informations complémentaires pourriez-vous nous apporter sur l'effet, en termes d'emploi, dans d'autres pays, du transfert des charges du travail vers la TVA ?
Ces mesures ouvrent un débat, qui est fondamental, sur le financement de la protection sociale et l'élargissement de son assiette, donc sur le dynamisme des recettes – c'est la première fois que nous opérons un vrai transfert. Voilà dix ans que nous menons en la matière une réflexion sur le financement de la protection sociale agricole. Nous avons un début de réponse.
Le rapporteur général a, par ailleurs, souligné l'équivalence, désormais atteinte, entre les prélèvements sur le capital et sur le travail : c'est un grand objectif que notre majorité a atteint.
Je tiens enfin à rappeler que l'impôt de bourse n'a rien à voir avec la taxe sur les transactions financières – M. Pierre-Alain Muet le sait du reste fort bien –, puisque l'impôt n'avait ni les mêmes objectifs ni la même assiette. De plus, la directive européenne sur les marchés d'instruments financiers – MIF –, relative à la « meilleure exécution », ramenait le produit de cet impôt à zéro ! Nous ne pouvons que nous féliciter de son remplacement par une taxe sur les transactions financières.
C'est, en comptant la loi de finances, le cinquième train de mesures relatif au budget 2012 : or nous ne prenons toujours pas le chemin de la maîtrise du déficit budgétaire – nous ne sommes qu'en février et le déficit prévisionnel s'élève déjà à 85 milliards d'euros. Certes, l'absence de croissance est réelle. Toutefois, on continue d'emprunter des pistes qui compromettent l'avenir en nous mettant à la merci des mouvements de spéculation. Cette situation est en grande partie la conséquence des abandons de recettes successifs auxquels on a procédé depuis cinq ans.
L'idée de réduire la charge des cotisations familiales des entreprises est intéressante mais on aurait pu jouer sur un mixte fiscal. Or 80 % du transfert pèseront sur la TVA, qui est l'impôt le plus injuste car il touche le pouvoir d'achat, et 20 % seulement sur la CSG sur les revenus du patrimoine. Quant à l'impôt sur le revenu, il est le grand absent, alors qu'une des pistes souvent évoquées en matière de transfert des cotisations familiales est leur fiscalisation par la voie de l'impôt sur le revenu.
Enfin, la taxe sur les transactions financières est l'habillage médiatique d'une taxe sur les actions : je tiens à souligner la faiblesse du produit attendu, équivalent à celui de la taxe sur les sodas après le doublement de son taux.
Aucune mesure n'est prévue en faveur des travailleurs indépendants, qui sont dans une situation intermédiaire entre l'employeur et l'employé. Comment le Gouvernement entend-il répondre aux interrogations des artisans et des agriculteurs ?
M. le ministre a évoqué « l'accueil glacial » que les Chinois ont reçu, s'agissant du FESF : à l'époque j'avais compris le contraire.
Enfin, où en est la construction de la gouvernance économique de la zone euro ? C'est un point sur lequel nous devons être régulièrement informés.
Je ne supporte plus les mots « TVA sociale » ! Pourquoi ne pas les remplacer par « TVA emploi », puisque celle-ci vise à lutter contre le fléau du chômage ?
Toutes les analyses des instituts de prévision économique ou des économistes des banques s'accordent à reconnaître un effet positif à la baisse du coût du travail via le transfert du financement de la branche famille. Le constat est évident et le débat ne peut porter que sur l'ampleur de l'effet en termes de dynamique économique et de créations d'emplois.
Je tiens par ailleurs à souligner l'énergie que met M. Pierre-Alain Muet à trouver des arguments pour contrer la taxe sur les transactions financières, idée à laquelle il croit et qui est inscrite dans le projet socialiste, avec une assiette et des recettes équivalentes. Du reste, pourquoi devrions-nous négocier avec l'ensemble de nos partenaires cette disposition alors que, dans le même temps, vous affirmez que vous renégocierez seuls le traité intergouvernemental avec l'Allemagne ? D'autant que nous ne sommes pas tout seuls puisque neuf pays de la zone euro ont demandé mardi dans une lettre une accélération du projet européen de taxe sur les transactions financières. Enfin, l'impôt de bourse était plafonné et son taux était différent. La taxe sur les transactions financières que nous prévoyons n'est pas plafonnée, son assiette est plus large et portera sur les CDS à nu et la finance à haute fréquence.
Monsieur Mariton, nous avions sollicité les Chinois, ainsi que les Brésiliens, les Russes et d'autres pays émergents, pour participer à la stabilité de la zone euro via le FESF. Dans un premier temps, les Chinois ont donné leur accord, avant de se raviser devant les réactions politiques hostiles en France et en Europe. Ils ont alors décidé de placer une partie de leurs réserves, qui s'élèvent à plus de 3 000 milliards de dollars, dans le FMI ou les dettes souveraines mais sans participer au FESF. Je le maintiens : c'est bien l'accueil froid qu'ils ont reçu qui les a conduits à revisiter leur position. Je le regrette d'autant plus que ceux qui se sont exprimés de manière instinctive sur le sujet ont oublié que la Chine, je le répète, est désormais le troisième actionnaire de référence du FMI. Il n'est donc pas absurde de la voir prendre toute sa place dans la contribution à la stabilité de l'économie mondiale.
Nous ne ferions pas cette réforme si nous ne croyions pas à ses effets bénéfiques sur la croissance et l'emploi. Pour les mêmes raisons, le Danemark et l'Allemagne ne l'auraient pas faite et l'Europe ne la recommanderait pas non plus. J'ignore ce que prévoyaient en 2004 les économistes très savants de certaines directions de Bercy : les contre-exemples existent.
Nous visons une convergence franco-allemande en matière de coût du travail et d'impôt sur les sociétés parce que nous voulons que nos produits soient compétitifs par rapport aux produits allemands ! D'ailleurs, la Cour des comptes nous a recommandé de travailler sur la compétitivité.
Monsieur Garrigue, si nous avons fait des plans successifs, c'est pour respecter les engagements de la France : vous êtes aussi sensible que nous à ce que la France n'ait qu'une parole et tienne les objectifs de déficit qu'elle s'est fixés.
Monsieur Mariton, les travailleurs indépendants ont des salariés : tous les salariés seront concernés par nos mesures.
Ils seront incités à en embaucher un.
Membres présents ou excusés
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire
Réunion du mercredi 8 février 2012 à 12 h 45
Présents. - M. Jean-Pierre Balligand, M. Gérard Bapt, M. Claude Bartolone, M. Jean-Marie Binetruy, M. Pierre Bourguignon, M. Michel Bouvard, M. Jean-Pierre Brard, Mme Chantal Brunel, M. Jérôme Cahuzac, M. Thierry Carcenac, M. Olivier Carré, M. Gilles Carrez, M. Yves Censi, M. Jérôme Chartier, M. Charles de Courson, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Richard Dell'Agnola, M. Yves Deniaud, M. Michel Diefenbacher, M. Jean-Louis Dumont, M. Christian Eckert, M. Henri Emmanuelli, Mme Aurélie Filippetti, M. Jean-Claude Flory, M. Nicolas Forissier, M. Daniel Garrigue, M. Louis Giscard d'Estaing, M. Marc Goua, M. François Goulard, Mme Arlette Grosskost, Mme Pascale Gruny, M. Laurent Hénart, M. Alain Joyandet, M. Jean-François Lamour, M. Jean Launay, M. Marc Le Fur, M. Patrick Lemasle, M. Victorin Lurel, M Jean-François Mancel, M. Hervé Mariton, M. Jean-Claude Mathis, M. Gérard Menuel, M. Pierre Moscovici, M. Pierre-Alain Muet, M. Henri Nayrou, M. Hervé Novelli, M. Nicolas Perruchot, M. Alain Rodet, M. François de Rugy, M. Jean-Claude Sandrier, M. Michel Sapin, M. François Scellier, Mme Isabelle Vasseur, M. Philippe Vigier, M. Gaël Yanno
Excusés. - M. Dominique Baert, M. Alain Claeys, Mme Annick Girardin, M. Richard Mallié, M. Patrice Martin-Lalande
Assistaient également à la réunion. - M. Yves Bur, M. Jean-Patrick Gille, M. Jean Mallot, M. Pierre Méhaignerie, M. Bernard Perrut, M. Pascal Terrasse