Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Valérie Pecresse

Réunion du 8 février 2012 à 12h00
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Valérie Pecresse, ministre du Budget, des comptes publics et de la réforme de l'état :

Notre détermination n'a jamais fléchi : depuis le début de ce quinquennat, nous mettons tout en oeuvre pour tenir nos engagements de réduction des déficits tout en restaurant la compétitivité de notre pays, et ce, quelles que soient les évolutions de la situation économique.

Ce projet de loi de finances rectificative le démontre une nouvelle fois : loin de faire le choix, comme tant d'autres, de refuser la réalité à quelques mois d'échéances électorales cruciales, nous progressons dans cette même direction avec constance et réalisme.

Car notre conviction est simple : la compétitivité est la clé du rebond économique, la condition sine qua non d'un retour de la croissance. C'est aussi la position de la Cour des comptes, qui estime dans son rapport annuel sur la trajectoire des finances publiques, que l'amélioration de la compétitivité constitue « une orientation indispensable » et relève « de décisions nationales ». Ce qu'il nous faut aujourd'hui, c'est donc la stimuler davantage, sans prendre le risque d'attendre plus longtemps.

C'est pourquoi nous vous soumettons aujourd'hui un texte qui non seulement tire les conséquences du ralentissement de la croissance sur notre projet de loi de finances initiale, mais surtout prolonge nos réformes en faveur de la compétitivité.

D'abord, nous prenons en compte tous les effets sur le budget de l'État de la révision de notre hypothèse de croissance, passée de 1 % à 0,5 % pour 2012. J'observe d'ailleurs qu'existe un consensus entre la gauche et la droite à cet égard !

Avec cette révision, nous tirons toutes les conséquences sur les recettes publiques de la détérioration de notre environnement économique au quatrième trimestre 2011.

Comme l'a indiqué François Baroin, les résultats de cetrimestre ont été marqués par un ralentissement économique plus prononcé que prévu.

Cependant, notre prévision de croissance avait déjà été révisée à la baisse. Le réalisme dont nous avions fait preuve nous permet aujourd'hui de réviser nos hypothèses d'un demi-point seulement, à 0,5 %. Nous révisons corrélativement notre hypothèse de croissance de la masse salariale d'un demi-point, à 2,5 %. En revanche, il n'y a pas lieu de revoir l'hypothèse d'inflation, qui est maintenue à 1,7 %.

Ces révisions devraient s'accompagner d'une baisse du produit de l'impôt sur les sociétés de 1,8 milliard d'euros et de celui de la TVA de 800 millions d'euros. Par ailleurs, les recettes des collectivités territoriales devraient enregistrer une baisse de 200 millions d'euros. De leur côté, les recettes de la sécurité sociale se dégraderaient d'environ 1,8 milliard d'euros, en raison du moindre dynamisme de la masse salariale, et les dépenses d'indemnisation des chômeurs progresseraient de 0,4 milliard d'euros.

Au total, l'impact de cette révision pèsera sur le solde des administrations publiques à hauteur de 5 milliards d'euros. Mais il sera intégralement compensé, sans avoir besoin, contrairement à ce que j'entends quelquefois, d'un troisième plan de rigueur.

Les résultats que nous avons engrangés ces derniers mois et la prudence de nos hypothèses constituent en effet un premier levier pour compenser l'impact de la révision de la croissance.

D'abord, parce que nous avons obtenu en 2011 de très bons résultats en matière de réduction des déficits publics. Nous serons à un taux inférieur à 5,5 % de déficit par rapport au PIB, c'est-à-dire au moins 4 milliards d'euros de mieux que ce que nous avions prévu.

Ce bon résultat de 2011 aura des prolongements en 2012, à hauteur de 3,6 milliards d'euros. Il explique en partie pourquoi nous pouvons absorber le ralentissement de la croissance pour cette année sans avoir besoin d'un plan d'effort supplémentaire.

Deuxièmement, nous enregistrons un surcroît de ressources, que nous consacrons intégralement à la réduction du déficit. Je pense en particulier à celles liées à la vente des fréquences 4G, qui s'établissent à 800 millions d'euros de plus que ce que nous avions prévu. La décision de procéder à une vente aux enchères traduit un effort de bonne gestion de notre patrimoine immatériel, qui avait été demandé par plusieurs rapports, et dont nous retirons aujourd'hui les fruits budgétaires.

Troisièmement, la prudence des hypothèses que nous avions retenues en construisant la loi de finances initiale nous permet, en matière de taux d'intérêt, de bénéficier de marges de manoeuvre supplémentaires. Sur la base des taux à court terme constatés – soit 0,17 % à trois mois – et d'un scénario de remontée progressive, l'économie potentielle sur la charge de la dette dépasse théoriquement largement le milliard d'euros. Conformément à la prudence qui caractérise notre politique budgétaire, nous proposons à ce stade de ne retenir qu'une partie de cet effet attendu sur la dette à court terme, soit 700 millions d'euros, afin de nous prémunir des conséquences qu'aurait un risque inflationniste. Sur les taux de long terme, j'ai la conviction que ceux de 2012 seront inférieurs à la prévision, mais l'impact budgétaire sera principalement visible en 2013.

Quatrièmement, nous avions, toujours par prudence, augmenté la réserve de précaution pour la porter à 6 milliards d'euros en 2012. Aujourd'hui, nous devons annuler 1,2 milliard d'euros de crédits sur le budget de l'État : or c'est sur cette réserve que nous proposons de faire porter prioritairement les efforts. Je précise qu'à ce montant, s'ajoutent 400 millions d'euros destinés aux mesures en faveur de l'emploi annoncées lors du sommet sur la crise du 18 janvier dernier, lesquels seront financés par redéploiement. L'effort net des ministères, de 1,2 milliard d'euros, a été réalisé en respectant les règles habituelles d'exonération – concernant la recherche et l'enseignement supérieur ainsi que la justice – et en limitant la participation de l'éducation nationale.

Aux bénéfices que nous retirons de la prudence de nos hypothèses de départ et de notre effort de bonne gestion, s'ajoutent deux décisions importantes en matière de recettes.

Premièrement, nous disposerons dès 2012 des gains liés à la mise en place de la taxe sur les transactions financières, soit 500 millions d'euros pour une demi-année et 1,1 milliard d'euros en année pleine.

Deuxièmement, je vous propose de durcir encore notre arsenal de lutte contre la fraude et l'évasion fiscale.

Je vous avais déjà proposé un durcissement supplémentaire dans le dernier PLFR. Nous devons néanmoins continuer d'avancer en identifiant chacun des leviers qui peuvent être améliorés. En l'espèce, je considère que les amendes liées à la fraude et à l'évasion fiscale ne sont pas suffisantes, parce qu'elles n'ont pas été revalorisées depuis des décennies. Je souhaite également que l'évasion fiscale soit un facteur aggravant dans l'échelle des peines applicables. Le Gouvernement vous propose en conséquence trois mesures emblématiques : la création d'une amende proportionnelle de 5 % sur les avoirs financiers détenus à l'étranger et non déclarés – au lieu d'une amende uniforme de seulement 1 500 euros ; l'augmentation des amendes en cas de fraude fiscale – de 37 500 euros à 500 000 ou 750 000 euros dans les cas les plus graves ; la création de sanctions pénales spécifiques, avec une amende d'un million d'euros et une peine d'emprisonnement de sept ans en cas de fraude via des paradis fiscaux.

Ce durcissement a payé en 2010 et en 2011, comme l'ont montré l'accroissement du produit du contrôle fiscal et le surcroît de 300 millions d'euros du produit de l'impôt de solidarité sur la fortune – ISF – par rapport aux prévisions de la loi de finances initiale – LFI – pour 2011. Cette année, nous escomptons à cet égard 300 millions d'euros de recettes supplémentaires liées à l'amélioration de la lutte contre la fraude.

Voilà comment sera intégralement compensé l'impact de la révision de la croissance sur nos recettes. De la même manière que nous avons tenu notre objectif de 2011 en dépit de deux révisions de la croissance, nous tiendrons l'objectif de 2012 avec une croissance moindre que prévu. En neutralisant la prise de participation dans le Mécanisme européen de stabilité, qui est sans impact sur le solde public, le déficit budgétaire de l'État s'établit désormais à 78,4 milliards d'euros, soit une diminution de 0,3 milliard d'euros par rapport à la loi de finances initiale. Avec la mise en oeuvre du MES, il s'élèvera à 84,9 milliards d'euros.

Ce projet de loi est aussi celui de la croissance et de la compétitivité, qui est le deuxième grand pilier de notre action.

Aujourd'hui, face aux incertitudes économiques, nous devons non seulement retrouver le chemin de l'équilibre budgétaire, mais également réamorcer la pompe de la croissance. Et la réamorcer, sans bien sûr augmenter les dépenses. Les remèdes sont multiples, mais nous misons sur le plus efficace : restaurer la compétitivité française, qui depuis trop longtemps est en berne.

Notre déficit de compétitivité n'est plus seulement préoccupant : aujourd'hui, il fragilise notre économie, menace notre industrie et détruit nos emplois.

L'économie française est confrontée à un grand défi : celui de la désindustrialisation et des délocalisations.

Nous avons perdu 500 000 emplois dans l'industrie depuis dix ans. Dans le même temps, nous perdons des parts de marché au profit de nos partenaires européens : notre part dans les exportations de la zone euro est ainsi passée de 15,8 % en 2000 à 12,9 % aujourd'hui et nos exportations progressent trois fois moins vite que celles de l'Allemagne. À côté de l'impact massif qu'a eu la dégradation de notre balance énergétique, notre perte de compétitivité a contribué à celle de notre déficit extérieur, qui atteint désormais 70 milliards d'euros.

Ne nous voilons pas la face : nous avons un problème de compétitivité. Croire que l'on peut nier cette vérité en continuant par exemple d'augmenter les charges qui pèsent sur les salaires, comme le proposent certains, c'est commettre une erreur économique !

Or le combat du Gouvernement est la compétitivité, ce qui nous conduit à baisser le coût du travail.

Depuis cinq ans, nous avons amélioré tous les éléments de la compétitivité hors prix : c'était notre premier grand chantier. Nous avons triplé le crédit impôt recherche, renforcé notre système d'enseignement supérieur, consacré 35 milliards d'euros aux investissements d'avenir, développé l'apprentissage et réformé la taxe professionnelle.

Mais nous souhaitons aller plus loin. Avec le plan de développement de l'apprentissage, nous avons déjà obtenu de très bons résultats : nous allons poursuivre l'effort.

C'est pourquoi, dans ce PLFR, nous proposons d'une part de doubler les pénalités pour les grandes entreprises qui ne respectent pas la règle du jeu – soit 4 % de jeunes en apprentissage – et d'autre part de relever à 5 % le quota de jeunes en alternance dans les entreprises de plus de 250 salariés. À terme, le respect de ce nouveau quota devrait conduire à l'embauche de 270 000 jeunes supplémentaires en apprentissage.

L'acte II est notre action en faveur de l'investissement.

Pour cela, nous avons réformé la taxe professionnelle, supprimé l'impôt forfaitaire annuel pour les PME et renforcé les moyens d'Oséo.

Mais là encore, nous voulons aller plus loin. Nous vous proposons de créer une nouvelle branche d'Oséo spécifiquement dédiée au financement des PME et des établissements industriels de taille intermédiaire. Cette banque de l'industrie sera dotée d'un milliard d'euros de fonds propres. Ce dispositif, qui apportera dès la première année une dizaine de milliards d'euros de prêts au secteur industriel, viendra compléter le socle déjà très puissant des moyens que nous consacrons au financement de l'industrie. Je tiens à préciser que les crédits sont dégagés au sein du programme des investissements d'avenir par redéploiement : l'opération est donc neutre sur le solde de l'État.

L'acte III de notre action consiste à agir au service de notre compétitivité prix. Les mesures proposées à cet égard s'inscrivent avec cohérence dans la continuité du programme de réformes que nous conduisons depuis le début de ce quinquennat.

Nous souhaitons, sans attendre, alléger le coût du travail en France.

L'ensemble des prélèvements obligatoires assis sur le travail représente en effet près de 23 % du PIB en France contre 20 % en moyenne chez nos voisins européens. Ces trois points de PIB d'écart représentent plus de 60 milliards d'euros !

Cette situation est d'autant plus préjudiciable à notre compétitivité que ce sont les employeurs qui acquittent très majoritairement ces prélèvements. Sur un salaire brut de 4 000 euros, l'entreprise allemande paie 700 euros de charges patronales alors que l'entreprise française en paie 1 200 euros, soit pratiquement le double !

Pour regagner des parts de marché face à nos partenaires, il nous faut donner aux entreprises les moyens de baisser leurs prix. C'est la raison pour laquelle nous avons décidé d'alléger le coût du travail.

Nous proposons de réduire de manière significative les cotisations patronales qui financent la politique familiale pour le secteur privé.

Au-delà de l'enjeu de compétitivité, cela remet aussi en question les modalités de financement de notre protection sociale. Est-il logique que ce soient nos entreprises qui assument une large partie du financement de la branche famille ? Certes, elles en bénéficient et ce lien ne doit pas être rompu. Mais pour financer les solidarités envers les familles, nous devons privilégier une prise en charge par un spectre plus large. J'y reviendrai.

Concrètement, nous proposons l'allègement suivant : pour les salaires inférieurs à 2,1 SMIC bruts mensuels, soit 2 300 euros nets, la cotisation familiale sera totalement supprimée ; pour les salaires compris entre 2,1 et 2,4 SMIC, soit 2 650 euros nets, le taux de cette cotisation sera progressif et inférieur à son niveau actuel ; pour les salaires supérieurs à 2,4 SMIC, le taux de cotisation restera inchangé, c'est-à-dire 5,4 %.

Nous avons voulu cibler cette mesure sur les salaires moyens. Elle vient ainsi compléter les allégements qui existaient déjà sur les bas salaires, c'est-à-dire ceux compris entre 1 et 1,6 SMIC.

En outre, par souci de cohérence et d'efficacité économique, nous choisissons de cibler les entreprises du champ des allégements généraux – dits « Fillon ».

Cette mesure poursuit deux objectifs essentiels : la compétitivité et l'emploi.

Elle va rendre nos entreprises beaucoup plus compétitives. Économiquement, elle va avantager les produits fabriqués en France par rapport aux produits importés, qui subiront la hausse de la TVA mais ne bénéficieront pas d'une baisse de charges. Elle va également favoriser les exportations, puisque les produits exportés ne sont pas soumis à la TVA, mais bénéficieront de cette baisse.

Cette mesure permettra ainsi de lutter contre les délocalisations, ce fléau de l'emploi industriel français. Avec cette exonération totale ou partielle des cotisations, nous concentrons les effets sur les emplois et les secteurs les plus exposés à la concurrence internationale : nous touchons en effet 97 % des effectifs de l'agriculture, 75 % de ceux de l'automobile et 80 % des salariés de l'industrie. La mesure concerne 14 millions de salariés, et proportionnellement davantage les PME que les grands groupes.

D'un côté, nous nous assurons que les industries restent sur le sol français et, de l'autre, nous protégeons nos emplois les plus menacés par les délocalisations.

Plus largement, en réduisant ainsi le coût du travail, nous créerons de l'emploi, comme avec les précédents allègements de charge. Nous attendons en effet de cette nouvelle mesure la création de 100 000 emplois.

Cette baisse de cotisations sera exactement compensée par la mobilisation de deux ressources : la TVA et la CSG sur les revenus du capital.

Il n'y a donc dans ce projet aucune hausse globale des prélèvements obligatoires. Si de nombreux pays européens augmentent aujourd'hui la TVA pour combler une partie de leurs déficits publics, ce n'est pas notre objectif, qui est, encore une fois, de restaurer la compétitivité.

D'abord, nous augmentons modérément le taux normal de TVA, qui passe de 19,6 à 21,2 % – soit le niveau de la moyenne européenne. Nous transférons ainsi une partie des cotisations qui financent la politique familiale sur des ressources à l'assiette plus large et à taux plus bas. De même, nous transférons des charges dont la vocation à être financées par les entreprises n'est pas directement évidente sur un prélèvement qui touche la consommation – ce qui est plus favorable à l'emploi et à la compétitivité.

Cette hausse de la TVA n'aura pas d'impact significatif sur les prix.

En outre, pour préserver le pouvoir d'achat des ménages les plus fragiles, nous avons écarté l'hypothèse d'une hausse des taux réduits de TVA. Je rappelle que 60 % de la consommation des ménages concernent des biens sans TVA, ou qui bénéficient de taux réduits, à l'image des loyers, des produits alimentaires, des produits de première nécessité ou des services publics. Mieux, les prix de ces produits devraient baisser, puisque ces biens et services bénéficieront largement de la baisse de charges.

L'augmentation de la TVA, tout comme la baisse des cotisations, sera effective au 1er octobre 2012. Nous avons choisi cette date pour des raisons techniques de mise en oeuvre.

Enfin, parce qu'il est normal que les patrimoines les plus élevés participent davantage au financement de la solidarité, nous augmentons également de deux points les prélèvements sociaux sur les revenus du capital, qui passeront ainsi de 8,2 % à 10,2 %. La CSG prélevée sur le capital a deux volets : la contribution sur les revenus du patrimoine et celle sur les revenus de placement. Comme cette hausse n'aura de rendement qu'en 2013 pour le premier volet, la mise en oeuvre de l'augmentation sur le second volet aura lieu dès le 1er juillet 2012. Il n'y aura ainsi pas de perte de rendement.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion