Madame la ministre, monsieur le ministre, vous aviez dit qu'il n'y aurait pas de troisième plan de rigueur : or c'est bien ce que vous êtes venus nous présenter, puisqu'une hausse de la TVA, compensée par un allégement des cotisations sociales, a un effet dépressif global sur l'activité économique. C'est du moins ce que pensait M. Sarkozy, lorsqu'il était ministre des finances : s'appuyant sur les simulations de Bercy, il déclarait en 2004 au président de la commission des Finances du Sénat, M. Jean Arthuis, qui était favorable depuis très longtemps à la TVA sociale, qu'un point supplémentaire de TVA se traduirait par une diminution de la croissance de 0,9 point. Si, dans le cadre de la TVA sociale que vous souhaitez adopter, l'allégement en contrepartie des cotisations sociales se traduit par une augmentation de la croissance de 0,4 point, le bilan reste négatif : 1 point de TVA sociale se traduira par une perte de 0,5 point de croissance et 1,6 point par une perte de quelque 0,75 point. Les services de Bercy partagent-ils toujours sur la TVA sociale l'opinion, qui était exacte, du ministre des finances de 2004 ? L'effet de cette TVA sera d'autant plus dépressif aujourd'hui que l'excédent de nos capacités de production est considérable en raison de la faiblesse de la demande. C'est la baisse du pouvoir d'achat qui provoque la récession, et la TVA sociale, loin de se révéler pertinente dans la conjoncture actuelle, ne fera que l'aggraver.
Peut-être, du reste, avez-vous révisé à la baisse vos prévisions de croissance en intégrant les simulations que j'ai évoquées à l'instant. Si tel n'est pas le cas, comment la TVA Sarkozy n'absorberait-elle pas ce demi point de croissance ?
J'ai cru également comprendre que l'essentiel de votre réflexion sur la réforme fiscale tournait autour de la convergence franco-allemande. Or, alors que la France, avec 19,6 points, et l'Allemagne, avec 19 points, se situent aujourd'hui quasiment au même niveau de TVA, l'augmentation de la TVA nous éloignera de notre principal partenaire. C'est du reste l'argument que le Premier ministre, M. François Fillon, avançait il y a un peu plus d'un an pour refuser la TVA sociale. Vous avez manifestement changé d'avis.
J'approuve les remarques du rapporteur général relatives au ciblage de vos mesures. D'ailleurs – remarque sémantique –, vous appelez « allégements Fillon » les 22 milliards d'allégement de cotisations sociales que certains députés de la majorité appellent le « coût des 35 heures ». C'est d'autant plus plaisant que ces allégements, créés par Édouard Balladur, ont été poursuivis par Alain Juppé et Martine Aubry avant d'être généralisés par François Fillon. Chacun sait que ces allégements ne favorisent guère la compétitivité du fait qu'ils privilégient le secteur tertiaire par rapport au secteur industriel. Pour améliorer notre compétitivité, nul besoin de dépenser 13 milliards d'euros : il suffisait de consacrer 5 milliards dédiés à l'industrie à des mesures plus intelligentes.
Enfin, en précipitant, pour des raisons électorales, l'instauration en France de la taxe sur les transactions financières, le risque est grand de faire capoter son adoption en Europe. Il est bien d'avancer sur ce sujet consensuel avec l'Allemagne mais si la France crée, toute seule, un droit de timbre à l'anglaise – le stamp duty est le plus vieil impôt du monde –, mais qui, loin de rapporter 4 milliards d'euros comme son modèle, rapportera seulement 1 milliard, les adversaires de la taxe chercheront à enterrer la mesure en prétextant que la France s'est alignée sur le Royaume-Uni, lequel est farouchement opposé à la taxe sur les transactions, et qu'il suffit de réintroduire partout en Europe l'impôt de bourse, qui a été supprimé en France en 2008 sur l'initiative de M. Yves Censi, ici présent. Or l'impôt de bourse n'a rien à voir avec la taxe sur les transactions financières ! Il est vrai que vous avez calibré votre taxe de manière à ce qu'elle ne porte que sur des produits non délocalisables, si bien qu'elle pèsera sur les produits les plus utiles à l'économie en épargnant les plus nuisibles, qui sont délocalisables.
Votre mesure risque finalement de réduire l'assiette de la taxe à celle d'un impôt de bourse : si elle est suffisante pour mener une campagne électorale, en revanche, elle est totalement inadaptée à la situation économique actuelle.