(Application de l'article 120 du Règlement)
Mardi 10 novembre 2009
La réunion de la commission élargie commence à neuf heures.
Projet de loi de finances pour 2010
Aide publique au développement
Madame la secrétaire d'État chargée du commerce extérieur, monsieur le secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie, Mme Martine Aurillac, vice-présidente de la Commission des affaires étrangères, et moi-même sommes heureux de vous accueillir en commission élargie, afin de vous entendre sur les crédits consacrés à la mission « Aide publique au développement ».
Comme vous le savez, la procédure de commission élargie est destinée à permettre un dialogue vivant et direct entre le Gouvernement et les rapporteurs et députés : je demande donc à chacun d'être concis. Je saisis l'occasion qui m'est donnée pour remercier nos rapporteurs, dont la tâche ne se limite pas à présenter les crédits : tout au long de l'année, ils s'attachent à en contrôler l'emploi et à évaluer les politiques publiques dont ces crédits permettent la mise enoeuvre.
Le budget de la mission « Aide publique au développement » est globalement un bon budget.
Le budget de la mission « Aide publique au développement » qui est proposé pour 2010 est un bon budget, qui confirme les engagements qui avaient été pris l'an dernier par le Gouvernement et le Président de la République.
Les crédits des trois programmes sont en hausse par rapport à 2009 et dépassent même les prévisions de plafonds en autorisations d'engagement et en crédits de paiement. Ainsi, les crédits de paiement du programme 110 augmentent de 15 %, ceux du programme 209 de près de 10 % et ceux du programme 301 de 43 %.
Ce budget globalement positif n'est pas pour autant exempt de critiques.
Si le resserrement des contributions aux organisations internationales évite un saupoudrage inefficace, cela justifie-t-il que l'on réduise encore les contributions volontaires aux organismes des Nations unies ?
Les crédits de la francophonie sont également orientés à la baisse, ce qui pose un problème de cohérence entre notre discours et les moyens que l'on se donne pour défendre notre langue et notre culture.
Je mentionnerai également la légère diminution des crédits consacrés aux boursiers.
Nous sommes aussi un peu préoccupés par le fait que, en dépit de l'augmentation de l'effort budgétaire en faveur de l'aide publique au développement, la fourchette de 0,44 à 0,48 % du RNB dans laquelle il est prévu que l'APD se situe en 2010, risque de n'être qu'une embellie. Nous souhaiterions par conséquent que les crédits de cette mission ne soient pas les seuls à augmenter.
Je signale au passage qu'il est dommage qu'Éric Besson n'ait pu se joindre à nous ce matin.
J'appelle enfin l'attention des membres du Gouvernement sur le manque de lisibilité des documents budgétaires : il n'est pas normal que les objectifs des programmes et leurs indicateurs évoluent sans cesse d'une année sur l'autre. La représentation nationale a besoin d'un instrument stable et fiable pour juger l'efficacité de votre politique.
Je ne partage pas tout à fait le même point de vue que Mme Aurillac. En effet, l'augmentation de ce budget n'est qu'apparente : elle tient pour l'essentiel, à l'intégration, consécutive à l'amendement dit « Charasse », des bénéfices de l'Agence française de développement, l'AFD, dans le périmètre de l'APD. A défaut, ce budget serait en stagnation, voire en diminution. La faible hausse des crédits s'explique en outre par l'augmentation du volume des prêts, dont on sait qu'ils sont davantage destinés aux pays émergents qu'aux pays les plus pauvres.
Mes premières questions porteront, monsieur le secrétaire d'État, sur le respect par la France de ses engagements.
Je vous rappelle tout d'abord que l'ancien Président de la République avait fixé pour objectif de porter en 2012 l'effort d'aide publique au développement à 0,7 % de notre revenu national brut. Or ce pourcentage n'a été que de 0,38 % du RNB en 2007, de 0,39 % en 2008 et de 0,44 % en 2009, mais avec la particularité que je viens de mentionner. En 2010, il devrait être à nouveau de 0,44 %, car la prudence invite à s'en tenir à l'hypothèse basse, les prévisions d'annulations de dette n'étant habituellement guère tenues et l'initiative pays pauvres très endettés (PPTE) devant prendre fin.
Même si l'objectif initial a été repoussé à 2015 par l'actuel Président de la République, on voit bien que la France s'en éloigne, tandis que le Royaume-Uni et l'Espagne accentuent leurs efforts dans la perspective de 2015.
Je souhaite donc tout simplement savoir quel est aujourd'hui l'objectif de la France à l'horizon 2015.
En 2005, la France, toujours par la voix du président Chirac, s'était engagée à accroître de 60 millions d'euros en trois ans ses contributions volontaires aux organismes des Nations unies. Pourtant, ces contributions n'ont significativement augmenté qu'en 2006. Depuis, non seulement les objectifs annuels n'ont été atteints, mais en 2010 leur montant – 53 millions d'euros – sera inférieur, à ce qu'il était en 2005 – 68 millions d'euros. On peut donc se demander si le Gouvernement juge utile l'action de ces organisations ?
Je souhaiterais également vous interroger sur l'aide consacrée à l'Afrique. Le Président de la République s'est engagé à consacrer à ce continent la moitié de l'aide publique bilatérale, mais qu'est-ce que cela signifie exactement ? Le concept géographique est large, puisqu'il inclut des pays émergents ou en passe de l'être comme l'Afrique du Sud et les pays du Maghreb. Le concept d'aide est très large aussi car, à l'exception de l'Irak, les annulations de dette portent essentiellement sur des pays africains.
En réalité, la faiblesse des crédits d'aide-projet, c'est-à- dire des subventions, qui sont le seul moyen d'encourager le développement des pays les plus pauvres dans des secteurs non rentables comme l'éducation, les transports et la santé, marque en soi un désengagement du développement de l'Afrique. C'est d'autant plus regrettable que d'autres grands pays s'engagent fortement en faveur de ce continent, en particulier la Chine, qui vient d'annoncer qu'elle lui consacrerait, sans contrepartie, 10 milliards de dollars.
En 2008, près de la moitié des autorisations d'engagement de l'aide-projet de l'AFD ont été gelées, si bien qu'un certain nombre de projets ont dû être abandonnés, comme l'a révélé l'ONG Oxfam. Finalement, vous avez décidé de sauver certains projets, en reportant sur 2009 les AE gelées en 2008. Tant mieux, mais on a tout de même perdu un an.
Pouvez-vous nous dire comment vous entendez soutenir réellement la réduction de la pauvreté en Afrique ?
Au sein de l'aide-projet, une enveloppe de 20 millions d'euros est consacrée à l'Afghanistan et au Pakistan. Elle est mise en oeuvre par la mission AFPAK gérée par le représentant spécial de la France en Afghanistan et au Pakistan, qui est désormais Thierry Mariani. N'y a-t-il pas là une confusion entre les intérêts militaires et stratégiques de la France et l'aide au développement ?
J'aimerais par ailleurs avoir des précisions quant à la stratégie de l'AFD, dont on a le sentiment qu'elle consiste actuellement en un rôle de banquier, en privilégiant son activité de prêts, au détriment de sa fonction de principal opérateur de l'aide au développement. Quels sont les objectifs que vous assignez à l'Agence ? Doit-elle se consacrer d'abord au développement des pays les plus pauvres ou à celui de sa propre activité ?
Enfin ne craignez-vous pas, madame la secrétaire d'État au commerce extérieur, une confusion entre le développement de l'activité de l'AFD dans les pays émergents et celui de la réserve pays émergents, la RPE, qui finance des projets opérés par des entreprises privées, qui sont néanmoins comptabilisés au titre de l'APD ?
Après les émeutes de la faim qui ont éclaté dans le monde il y a un an et malgré la mobilisation de la communauté internationale, la situation ne s'est pas améliorée puisque, aujourd'hui, dans le monde, 1,2 milliard de personnes, soit une sur six, souffre de la faim. Cette réalité nous rappelle que nous devons avoir pour seul objectif l'efficacité de notre aide publique au développement envers ceux qui en ont le plus besoin, en matière d'alimentation mais aussi de santé et d'éducation.
La France, qui a réformé l'architecture de son système conformément aux recommandations de la RGPP, même si elle n'atteint pas objectif de 0,51 % qu'elle s'est fixé, reste parmi les principaux contributeurs à l'aide au développement. Cette aide se situera en 2010 dans une fourchette allant de 0,44 à 0,48 % de son revenu national brut, ce qui doit être considéré comme une étape vers l'objectif que le Président de la République a maintenu, en dépit de la crise. Nous demeurons ainsi devant l'Italie, la Grèce, le Japon et les États-Unis qui consacrent à l'aide au développement environ 0,20 % de leur RNB mais aussi devant l'Allemagne, qui y consacre 0,38 %. Seuls le Royaume-Uni et l'Espagne devraient dépasser les 0,51 %.
J'observe que la mission APD ne représente que pour partie l'effort de la France. Ainsi, sur les 22 programmes relevant de 12 missions interministérielles et gérés par 14 administrations qui concourent à l'APD, nous n'en examinons ce matin que trois, qui relèvent du ministère des affaires étrangères, de Bercy et du ministère de l'immigration : le programme 110 « Aide économique et financière au développement », en augmentation de 15 %, le programme 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement », en progression de 10 %, et le programme 301 « Développement solidaire et migrations », en hausse de 43 %. Cette dispersion nuit à la cohérence opérationnelle et au pilotage stratégique de l'APD et elle ne donne au législateur qu'une vision très partielle de l'effort de la France envers les pays pauvres. Ainsi, les crédits de paiement de la mission que nous examinons atteignent 3,3 milliards d'euros alors que l'ensemble des crédits destinés à l'APD s'élève plutôt à un total compris – en fonction des annulations de dette – entre 8,6 et 9,3 milliards. À ce propos, je salue la sincérité de la présentation d'une telle fourchette.
L'augmentation des crédits du programme 209 se fait au bénéfice de la coopération bilatérale – + 19 % –, ce qui est préoccupant. Toutefois, la part du multilatéral demeure aux alentours de 55 % pour l'ensemble de la mission.
Ce budget est globalement positif même si des critiques peuvent toujours être formulées. Je saisis cette occasion pour demander à nouveau que les parlementaires puissent débattre de l'aide publique au développement en dehors du cadre budgétaire, comme le permet la réforme constitutionnelle.
Je suis par ailleurs préoccupée qu'en dépit de la hausse des crédits de la mission, l'effort budgétaire global ne suive pas la même tendance. J'espère que la fourchette de 0,44 à 0,48 % du RNB dans laquelle il est prévu que se situe l'APD en 2010 ne sera pas qu'une embellie et que l'on pourra poursuivre l'effort au cours des années à venir.
J'appelle enfin l'attention des secrétaires d'État sur le manque de lisibilité des documents budgétaires : il n'est pas normal que les objectifs des programmes et leurs indicateurs évoluent sans cesse d'une année sur l'autre. La représentation nationale a besoin d'un instrument stable et fiable pour juger l'efficacité de la politique mise enoeuvre.
J'en viens à mes questions.
Je vous remercie, madame la secrétaire d'État, d'avoir sollicité l'avis des parlementaires, comme des ONG, sur la stratégie de la France vis-à-vis de la Banque mondiale. De ce point de vue, alors que le ministre britannique de la coopération, Douglas Alexander, a réclamé une Banque mondiale qui soit mondiale dans les faits et pas seulement dans le nom et lui a publiquement reproché de délaisser l'Afrique subsaharienne, pour sa part la France s'est félicitée que la stratégie de la Banque mondiale prenne mieux en compte les priorités géographiques, notamment l'Afrique subsaharienne. Qu'en est-il exactement ? Comment peut-il y avoir de telles divergences d'appréciation ?
Par ailleurs, le ministre du budget avait annoncé l'an dernier en séance publique qu'il examinerait comment transférer à un autre programme que le programme 110 les crédits relatifs aux trois Fonds de sécurité nucléaire pour lesquels la France est engagée en Ukraine et en Russie. Cela n'a pas été fait. Que comptez-vous faire pour que ne soient plus imputées sur les crédits de l'APD des dépenses qui n'ont rien à y faire, la Russie n'étant pas éligible à l'APD, et lesdites dépenses ne répondant en rien à des objectifs de développement ?
Monsieur le secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie, j'ai quatre séries de questions à vous poser.
Le CICID du 5 juin dernier a dressé une liste de quatorze pays prioritaires parmi l'ensemble des bénéficiaires de l'APD de la France. Sur quels critères le CICID s'est-il appuyé ? Certains pays en sont absents, alors qu'ils mériteraient, a priori, d'y figurer ; je pense à Haïti. D'autres y figurent, alors que l'on préférerait ne pas les y voir ; je pense à la Guinée. Comment cette liste est-elle appelée à évoluer ? À quelle échéance ? Quels crédits est-il prévu de consacrer aux pays de cette liste par rapport à ceux qui n'y figurent pas ?
Le doublement de la part de notre aide publique au développement qui pourrait transiter par les ONG est annoncé depuis plusieurs années. En fait, la progression est extrêmement lente. Quand atteindra-t-on enfin les 2 % promis en 2004 ?
Les ONG permettent notamment de rendre plus visible notre effort d'APD sur le terrain, en particulier dans le secteur de la santé – je pense à la mise en oeuvre des actions du Fonds mondial sida. N'estimez-vous pas qu'il est important de donner aux ONG les moyens de développer leur action dans de meilleures conditions ? J'ai fait une proposition d'amendement visant à réserver aux ONG françaises et francophones 5 % de notre contribution au Fonds mondial sida : qu'en pensez-vous ?
En tant que présidente de la section française de l'APF, l'association française de la francophonie, je me félicite de l'importance des crédits budgétaires alloués à la Maison de la francophonie ; cela honore notre pays. Mais je m'interroge sur la diminution des crédits de la francophonie et de ceux destinés aux bourses. Pourriez-vous me donner des explications ?
(M. Axel Poniatowski remplace Mme Martine Aurillac à la coprésidence de la commission élargie)
J'ai déjà indiqué que la progression des crédits consacrés à l'aide publique au développement était loin d'être négligeable, même si nous n'avons pas encore atteint l'objectif de 0,7 % de notre PIB. Néanmoins, comme cela a déjà été souligné, la présentation de ce budget manque de visibilité et de cohérence. J'en veux pour preuve la mention à la page 44 du bleu budgétaire du coût des prêts bonifiés dans les DOM-TOM : en quoi cela a-t-il un rapport avec l'APD ?
Monsieur Joyandet, les pays en développement ont fort peu contribué au réchauffement de la planète ; pourtant, le changement climatique aggrave leur vulnérabilité. Comment l'aide au développement intègre-t-elle les questions environnementales ?
Enfin, nous sommes nombreux à souhaiter, depuis longtemps déjà, la réorientation du crédit du multilatéral – international et européen – vers le bilatéral. L'aide multilatérale représente plus de 55 % du programme 209. Mais c'est le canal bilatéral qui permet d'apporter aux projets une aide digne de ce nom. C'est l'aide bilatérale qui nous permet de respecter nos documents-cadres de partenariat et qui constitue le vrai levier de notre influence.
Sous réserve de ces observations, le groupe UMP votera les crédits de cette mission.
Les rapporteurs ont posé des questions pertinentes. Je me contenterai donc de formuler quelques observations.
La contribution de la France aux organisations de l'ONU, en particulier au PNUD, n'est toujours pas conforme aux engagements de notre pays. Elle dégringole même, année après année, au point que nous n'occupons plus maintenant que le treizième rang des pays qui contribuent au financement de cette organisation. C'est très préjudiciable pour l'image de la France auprès de l'ONU, et partout dans le monde.
Où en est la discussion sur le concept d'approche globale de l'aide, lancé lors du dernier G8 et soutenu par l'Italie et la France contre l'avis des deux pays européens qui respectent le mieux leurs engagements en matière d'aide au développement : l'Espagne et le Royaume-Uni ?
Les dix-sept ONG françaises présentes en Afghanistan s'interrogent sur la dérive visant à subordonner l'humanitaire au militaire. La coopération française dans ce pays est canalisée vers les zones placées sous la responsabilité des soldats français, ce qui ne permet pas de répondre aux besoins des populations dans d'autres régions. S'y ajoute le problème de la corruption des responsables nationaux, auquel nous devons être attentifs. Comme l'a dit M. Kouchner, le Président réélu à l'issue d'une mascarade électorale est lui-même corrompu !
Enfin, nul n'est besoin de se plonger dans les rapports ou dans les livres pour constater que la francophonie recule : il suffit de se déplacer dans le monde pour le constater. Si les moyens qui lui sont consacrés reculent eux aussi, qu'adviendra-t-il ?
En dépit de certaines améliorations et de certains mérites qu'il reconnaît à ce budget, le groupe SRC ne votera pas les crédits de la mission APD.
Le Président de la République a déclaré que, malgré la crise internationale, l'aide publique au développement ne devait pas servir de variable d'ajustement. L'intention est généreuse, l'affichage est louable, et nous ne pouvons que souscrire à cette déclaration. Reste que les crédits de l'APD sont en retrait et qu'à ce rythme, la proposition du Président de la République de lui consacrer, en 2015, 0,7 % du PIB, risque de ne jamais se concrétiser. Nous avons donc de quoi ne pas être aussi optimistes qu'on aurait pu l'imaginer.
En fait, seul 0,22 % de notre PIB est affecté à l'aide publique au développement telle que l'on peut la concevoir. En effet, monsieur le secrétaire d'État, en quoi l'aide aux étudiants étrangers réfugiés ou les subventions à Mayotte et à Wallis-et-Futuna aide-t-elle au développement ? La même question vaut pour les crédits de la mission finançant notre réseau diplomatique et culturel.
Un dernier conseil interministériel a lié l'APD à l'acceptation par les pays africains d'un contrôle renforcé de l'immigration. Une telle exigence de la France risque d'avoir des conséquences sur l'image de notre pays. Ces recommandations seront-elles prises en compte au moment de la mise en oeuvre du budget pour 2010 ?
En revanche, je me félicite de la relance des discussions autour de la création d'une taxation sur les transactions financières, et du rôle moteur de la France dans ce domaine. Mais le taux dérisoire évoqué – 0,005 % – est deux fois inférieur au taux Landau et le caractère volontaire de cette taxation coupe court à sa réalisation effective.
Le week-end dernier, au cours de la réunion du G20 des ministres des finances, M. Brown a abordé l'idée d'une taxation des transactions financières. Sauf que l'objectif généreux d'aide au développement a été remplacé par la proposition de réserver ces fonds pour les banques. Nous n'avons pas entendu la France défendre cette taxe ni adopter une position différente de celle de M. Brown. Pourquoi ?
Enfin, madame la secrétaire d'État, alors que les associations s'inquiètent du détournement de notre contribution à l'UNITAID vers l'aide bilatérale, pouvez-vous nous assurer que les financements innovants conserveront leur caractère additionnel, comme l'a réclamé le secrétaire adjoint de l'ONU, M. Douste-Blazy ? Ce dernier a d'ailleurs fait ici une excellente intervention sur le rôle indispensable des financements complémentaires aux aides publiques de l'État. Je suis d'accord : l'État français ne peut pas tout faire dans le contexte international.
Je tiens d'abord à féliciter Mme Martinez pour la pertinence et le sérieux de son travail.
« Nous avons de plus en plus de fonctionnaires au ministère de la marine, et de moins en moins de passerelles. Nous finirons par avoir la plus grande marine de terre. » : tels étaient les propos que tenaient Sir Cecil Parkinson, Premier lord de la mer, il y a quelques temps déjà. Pour autant, ils valent encore aujourd'hui. C'est pourquoi, je vous demande s'il vous est possible de nous fournir l'inventaire complet de tous les effectifs qui se consacrent à l'aide au développement. Je pense que l'on découvrirait que nous avons créé beaucoup d'emplois à l'extérieur, et je ne suis pas sûr que les cibles soient les bonnes. Certes, une coordination existe, et nous nous en félicitons. Pour autant, j'aimerais connaître le nombre d'organismes concernés, avec leurs moyens en personnels et en locaux.
Étant donné l'excellence des rapports présentés, je me contenterai de répondre aux questions posées par les députés et d'aborder quelques sujets.
S'agissant du rythme de progression de l'aide publique au développement d'ici à 2015, il faut être lucide : étant donné le contexte de baisse des annulations de dette, le respect de l'objectif de 0,7 % du PIB en 2015 impliquera des efforts très soutenus.
Je voudrais faire remarquer que notre engagement en faveur des OMD, ou objectifs du millénaire pour le développement, ne se mesure pas au seul ratio « APD » – au sens du Comité d'aide au développement. Le paysage évolue, en France comme ailleurs, et de nouveaux acteurs, de nouveaux objectifs, de nouveaux besoins, de nouveaux instruments apparaissent, qui échappent à cette comptabilité traditionnelle. Il en est ainsi des garanties ou des prises de participation mises en oeuvre par le groupe AFD en faveur du développement du secteur privé, ou encore des actions en cours pour réduire les coûts des transferts de migrants afin de répondre à un objectif fixé par le G8 – réduction de moitié en cinq ans au niveau mondial.
Le rôle des organisations multilatérales dans la crise s'est avéré très important.
L'Afrique souffre beaucoup d'un certain nombre de phénomènes convergents : baisse du prix des matières premières ; réduction du flot des investissements directs étrangers ; réduction des transferts des migrants ; réduction des liquidités à l'échelle mondiale. D'emblée, les États membres du G 20 ont souhaité que la question du soutien aux pays pauvres, en particulier aux plus pauvres d'entre eux, fasse clairement partie de la stratégie de lutte contre la crise, au même titre que les mesures prises, par exemple, pour accompagner les banques. C'est donc bien dans un cadre multilatéral que s'est organisée la réponse à la crise. À plusieurs reprises, nous avons associé, notamment au ministère des finances, les pays africains à la préparation du G 20 – dont ils ne sont pas membres. Christine Lagarde et moi-même avons par ailleurs rencontré les plus hautes autorités de la zone franc à chaque étape du G 20.
Des moyens financiers supplémentaires ont été fournis aux pays en développement. Le directeur général du FMI a joué un rôle essentiel en la matière. C'est ainsi que le FMI a prévu d'augmenter, sur les deux ou trois prochaines années, d'environ 8 milliards ses prêts sans intérêt aux pays à faibles revenus. Grâce à l'initiative de Dominique Strauss-Kahn, Christine Lagarde et son homologue britannique ont pu apporter une solution au problème de liquidités rencontré par un certain nombre de pays pauvres en mettant à disposition 4 milliards de dollars, fournis à parité par la France et le Royaume-Uni, dans le cadre des facilités accordées par le FMI. Mais on pourrait donner bien d'autres exemples pour illustrer le rôle du multilatéral dans la résolution des questions de crise.
Monsieur Emmanuelli, selon vous, l'AFD serait de plus en plus bancaire et de plus en plus orientée vers les pays émergents. Faut-il s'en inquiéter ?
C'est une force pour la France, par rapport à ses pays voisins, de disposer de toute une palette d'outils, allant du don au prêt très concessionnel en passant par les simples garanties de prêt : ainsi, nous pouvons nous adapter à la diversité des situations. C'est ainsi que nous avons pu, avec l'AFD, prendre le relais de la réduction des financements privés en Afrique.
Dans les pays émergents, l'AFD intervient, dans le cadre d'une stratégie clairement définie par le Gouvernement, sous forme de prêts et sur la seule question des biens publics mondiaux. Il serait tout à fait regrettable, s'agissant notamment du climat ou de l'accès à l'eau, que la France ne dispose pas d'outils pour intervenir et doive laisser aux seules organisations multilatérales le soin de s'en occuper. Le fait d'être présents de manière lisible et sur des sujets d'actualité, en complément de ce que nous faisons de manière plus traditionnelle, conforte l'intérêt d'avoir un outil général.
Je précise que l'Afrique subsaharienne représente environ 45 % du plan d'affaires de l'AFD et bénéficie des deux tiers de l'aide publique. La diversification des outils dont nous disposons nous permet de tenir notre rang. Enfin, en cette période de crise, l'intervention dans les pays émergents permet de jouer un rôle contracyclique particulièrement adapté.
Monsieur Emmanuelli, la réserve des pays émergents est constituée de dotations. Leur montant avait été fixé l'année dernière à 700 millions, somme qui a permis une action volontariste, équivalente à celle de la Coface, et qui visait à lutter contre la crise et à profiter des plans de relance. Pour le PLF 2010, le montant des dotations demandé est de 400 millions. L'objectif est double : un objectif d'aide au développement et un objectif très clair de soutien aux entreprises françaises. Contrairement aux divers financements de l'AFD, la RPE est bien une catégorie de financements liés. Il s'agit d'aider les pays émergents à réaliser des projets qui ne sont pas viables commercialement : métro de Hanoï, métro du Caire ; équipements hospitaliers au Sri Lanka ; traitement des eaux à Lahore.
Il existe évidemment une articulation avec l'AFD, puisque certains plans de financement font intervenir, pour des projets complémentaires ou en complément de la RPE stricto sensu, des crédits de l'AFD. C'est le cas pour le métro de Hanoï ou les projets de transport ferroviaire au Maroc. L'aide accordée prend la forme de prêts concessionnels à des conditions plus favorables que celles du marché, en termes de taux, de durée et de franchise, et s'accompagne d'un élément de don.
La Banque mondiale, madame Martinez, est évidemment, en raison de sa réactivité, un partenaire majeur, plus important encore que par le passé, du fait de la crise et du rôle joué par les organisations multilatérales. Et du point de vue stratégique, il s'agit toujours d'améliorer l'efficacité de notre dialogue et de favoriser la transparence.
La réforme de la gouvernance de la Banque mondiale est pour nous très importante. Nous souhaitons plus particulièrement corriger la situation de sous-représentation de certains pays. Il nous paraît également nécessaire de faire contribuer l'ensemble des pays sur-représentés. Comme vous le savez, la France a beaucoup oeuvré pour que les pays les plus pauvres bénéficient d'un doublement des droits de vote de base, et pour que l'on accorde à l'Afrique un siège supplémentaire au conseil d'administration. Nous continuons à oeuvrer pour que l'Afrique bénéficie également d'une deuxième phase de réformes, aussi bien sur le plan financier que sur le plan politique.
Vous avez plus spécifiquement appelé l'attention sur les déclarations récentes du ministre britannique du développement sur l'intervention auprès des pays les plus pauvres. Il faut savoir que Britanniques et Français sont tombés d'accord sur le constat suivant : le ciblage de l'aide au profit de l'Afrique subsaharienne par le Fonds concessionnel de la Banque mondiale est une réalité, puisque 60 % des ressources de l'AID, mesurées en éléments dons, lui sont consacrés. En outre, la moitié des opérations de la SFI, la Société financière internationale – organe de la Banque mondiale consacré au secteur privé – sont désormais menées dans les pays éligibles à l'AID, ce qui bénéficie encore à l'Afrique. Dans cette région du monde, les investissements ont augmenté de 32 % en 2009.
Nous souhaitons que la Banque mondiale aille plus loin : il faut l'aide profite à ceux qui en ont le plus besoin, dans les environnements les plus difficiles. Nous partageons avec nos amis britanniques l'ambition que la Banque mondiale renforce encore son action au profit des pays les plus vulnérables. Nous estimons que la vulnérabilité doit devenir un critère déterminant dans l'allocation de l'aide, à côté des critères de performance, qui sont souvent utilisés.
Nous souhaitons également que la Banque mondiale soit innovante et développe des produits adaptés – dons, instruments contracycliques, garanties… – à la situation des pays les plus fragiles, quitte à prendre davantage de risques.
Madame Martinez, avec un souci de clarté et une persévérance qui vous honorent, vous demandez de nouveau cette année pourquoi le financement du Fonds nucléaire figure dans la mission « Aide publique au développement ». Au premier abord, cela peut en effet paraître surprenant, mais deux de ces fonds font bien partie d'une stratégie de développement. L'Ukraine est éligible à l'APD, et nos contributions au Compte pour la sûreté nucléaire (NSA) et au Fonds pour le sarcophage de Tchernobyl (CSF) relèvent de l'APD. Ces fonds sont gérés par la BERD, ce qui d'ailleurs facilite la cohérence de notre action. Travaillant globalement avec la BERD, nous avons pu plaider pour qu'elle verse au CSF 135 millions d'euros de son résultat, ce qui a permis de réduire d'autant les dépenses budgétaires. Les crédits du troisième Fonds, dit NDEP, ne sont pas comptabilisables, eux, dans l'APD car ce Fonds n'intervient qu'en Russie, laquelle n'est pas éligible à l'APD. Au total, après y avoir réfléchi, comme nous l'avions promis avec Eric Woerth l'an passé, il est logique que les crédits des deux premiers fonds figurent dans cette mission. Il serait de toute façon regrettable pour la flexibilité budgétaire qu'il en soit autrement.
Madame Aurillac, vous vous êtes, pour votre part, interrogée sur ce qui pourrait aussi apparaître étrange au premier abord, à savoir que les crédits destinés à la bonification des prêts pour certains DTOM, qui représentent environ 35 millions d'euros par an, figurent dans cette mission. L'AFD intervient à hauteur non négligeable dans les DTOM, au point que notre collègue chargée de l'outre-mer participe désormais au conseil d'orientation stratégique de l'Agence. Seules les bonifications des prêts destinés à Mayotte et à Wallis-et-Futuna sont comptabilisées en APD, vu la situation particulière de ces territoires. Cela ne représente que 3 % des prêts à l'ensemble des DTOM.
Monsieur Asensi, s'agissant de la taxe Tobin, je rappelle que Christine Lagarde a, lors du G 20 Finances de Saint-Andrews, confirmé le souhait de la France que soient étudiés des moyens d'asseoir un financement innovant du développement sur les transactions financières. La France participe au groupe de travail qui étudie la faisabilité technique de cette taxation, ainsi que des contributions volontaires sur ces mêmes transactions. Les ministres de la dizaine de pays qui participent à ce groupe de travail se sont réunis en octobre et des experts internationaux planchent également. Des conclusions devraient être rendues en avril 2010. S'il convient sur un tel sujet de faire preuve de volontarisme politique et d'être ferme sur l'objectif, il convient aussi d'étudier avec soin la faisabilité technique d'une taxe qui ne doit pas, en période de crise, réduire les capacités de liquidités ni de financement sur les marchés mondiaux.
Monsieur Asensi, vous vous êtes également demandé si les financements innovants du développement devaient être considérés comme des ressources additionnelles de l'APD. On est là dans le cadre de l'OCDE. Lors de la revue de la politique d'APD de la France en 2008, il a été rappelé que le Gouvernement français devait veiller à ce que ses déclarations d'APD respectent les règles afin de garantir l'intégrité et la cohérence des données. Conformément à cette préconisation de l'OCDE, qui rejoint les vôtres, monsieur Asensi, la déclaration d'APD 2008, établie cette année, réintègre pour la première fois le produit de la taxe sur les billets d'avion. Les autres financements à l'étude, s'ils voient le jour, seront comptabilisés dans le strict respect des règles en vigueur.
Je souhaite seulement rappeler qu'il est deux pays au monde, la France et le Canada, où la taxe Tobin a d'ores et déjà été votée, fixée à taux zéro – depuis 2001 dans notre pays. Il nous suffirait aujourd'hui d'en augmenter le taux !
Quelques chiffres pour mesurer précisément l'évolution de notre aide publique au développement. En 2009, nous y aurons consacré 8,46 milliards d'euros et en 2010, nous y consacrerons entre 8,66 et 9,36 milliards d'euros en fonction de l'annulation de la dette du Congo-Brazzaville et de la République démocratique du Congo. Monsieur le rapporteur spécial, lors de la présentation des crédits l'an passé, nous avions souhaité la plus totale transparence et avions annoncé le taux qui sera finalement réalisé en 2009, car nous savions pertinemment que les annulations de dettes ne seraient pas effectuées au cours de cette année, les pays concernés n'y étant pas prêts. Nous vous donnons donc des chiffres qui ne tiennent pas compte d'annulations de dette théoriques, dont il est très peu probable qu'elles aient lieu. En 2010, nous consacrerons entre 0,44 % et 0,48 % de notre revenu national brut à l'APD.
Les crédits de paiement de la mission « Aide publique au développement » passent de 3,166 milliards d'euros en 2009 à 3,523 milliards d'euros en 2010. Hors amendement Charasse, c'est-à-dire hors intégration des dividendes de l'AFD, les crédits de cette mission continuent de progresser d'environ 10 %, effort substantiel qui mérite d'être souligné. Contrairement à ce qui a été dit tout à l'heure, on est loin d'une stagnation !
L'augmentation des moyens du programme 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement », géré par le ministère des affaires étrangères, est confirmée. Les autorisations d'engagement de ce programme s'élèvent en 2010 à 2,351 milliards d'euros contre 2,15 milliards d'euros en 2009. Cette progression de 335 millions d'euros est largement supérieure au montant des dividendes potentiels de l'AFD. De même, les crédits de paiement progressent de 2,08 milliards d'euros à 2,29 milliards, soit, là encore, une augmentation moyenne de 10 %. Même si cela n'est jamais suffisant, il faut souligner qu'une telle progression n'avait pas été observée depuis longtemps. Cela ne fait d'ailleurs que reprendre les engagements du Président de la République et ceux du dernier CICID qui s'est tenu le 5 juin dernier. La tranche annuelle de nos versements au Fonds européen de développement (FED) représentera 872 millions d'euros en 2010, marque d'un engagement net en direction des pays ACP, en particulier d'Afrique subsaharienne, principaux bénéficiaires de l'aide de ce fonds. Cela accompagne, en les amplifiant, nos efforts bilatéraux en faveur de cette région du monde.
Nous maintenons notre contribution volontaire au Fonds de lutte contre le sida à hauteur de 300 millions d'euros. Nous préservons parallèlement des moyens pour des opérations que nous menons directement, en particulier dans les PMA. Nous prévoyons d'y consacrer en 2010 le tiers des crédits du programme 209, soit environ 615 millions d'euros.
La concentration géographique de notre aide au profit de l'Afrique subsaharienne a été l'une de nos priorités. Ainsi, 60 % de l'effort budgétaire de l'État transitant par l'AFD lui sont destinés. Qu'il s'agisse de nos interventions directes ou de nos interventions multilatérales, la volonté est la même.
S'agissant des nouvelles initiatives financées dans ce budget, je n'insisterai que sur une seule qui me tient particulièrement à coeur, le volontariat international en entreprise, qui sera triplé dans les cinq ans. Cette priorité est d'ores et déjà financée.
Madame Aurillac, nous avons essayé de regrouper l'ensemble des crédits destinés à la francophonie, afin de tenter d'y voir plus clair, et nous vous communiquerons le document afférent. Si l'on s'en tient aux seuls documents budgétaires, j'aurais en effet du mal à prétendre que les crédits de la francophonie ne diminuent pas, mais il faut prendre en compte toutes les autres contributions. Je suis d'ailleurs prêt à travailler sur le sujet avec les parlementaires intéressés. Au total, ce sont près de 925 millions d'euros que nous consacrons à la francophonie, auxquels il convient d'ajouter les 250 millions d'euros de crédits de RFI et France 24. Notre effort budgétaire en faveur de la francophonie, qui peut parfois ne pas apparaître évident sur le terrain, est bien réel.
Il faut enfin souligner l'engagement très important de notre pays en faveur de la Maison de la francophonie avec 52 millions d'euros d'autorisations d'engagement et déjà plus de 4 millions d'euros de crédits de paiement en 2009. Dès 2010, 5,2 millions d'euros de crédits de paiement seront inscrits de manière récurrente. Nous avons en effet conclu un contrat de cinquante ans avec l'Organisation internationale de la francophonie.
En ce qui concerne les bourses, le Gouvernement français en accorde près de 17 000 par an pour un montant total de 88 millions d'euros, au bénéfice essentiellement d'étudiants du continent africain. Là encore, nous concentrons nos crédits au profit de l'Afrique subsaharienne.
Monsieur le rapporteur spécial, le Président de la République a réaffirmé l'engagement de porter notre effort d'APD à 0,7 % du PIB à l'horizon 2015. Cet effort a déjà progressé, pouvant être porté de 0,39 % à 0,48 % dans le courant de l'année 2010. Il n'en demeure pas moins que pour atteindre l'objectif, il faudra persévérer dans cette voie. À compter de 2011, une nouvelle programmation triennale sera mise en place.
Se pose aussi la question de nouveaux financements complémentaires. Sachant que l'APD mondiale totale représente quelque 120 milliards d'euros, une taxe de 0,05 %, rapportant de 30 à 40 milliards d'euros supplémentaires, augmenterait, à elle seule, d'un quart le volume de cette APD. Restera à savoir comment, en accord avec l'OCDE, comptabiliser le produit de cette taxe. Devra-t-il être ou non considéré comme une ressource additionnelle au 0,7 % du PIB ? Il faudra en discuter avec nos partenaires de l'OCDE. Cela étant, comme l'a souligné Anne-Marie Idrac tout à l'heure, n'oublions pas que toute somme prélevée sur l'économie constituera autant de recettes en moins pour l'État. Il est donc légitime de s'interroger sur la meilleure manière de comptabiliser cette taxe. J'aborde le débat sans tabou, il aura lieu à son heure. Rien ne sert de se focaliser sur l'un des moyens de financement de l'APD. Tous s'additionnent. Ce qui importe, ce ne sont pas les moyens, mais les objectifs, en l'occurrence ceux du Millénaire pour le développement, la question restant bien sûr de savoir comment les financer.
Les contributions volontaires de la France aux Nations unies sont passées de 49,6 millions d'euros en 2003 à 73 millions d'euros en 2009. Elles ont donc augmenté sur la durée, même s'il a pu y avoir une baisse certaines années – nos contributions étaient par exemple de 85 millions d'euros en 2008.
Monsieur Loncle, je sais combien le PNUD vous tient à coeur. Sachez que le PNUD, le HCR et l'UNICEF bénéficient de 83 % de nos contributions volontaires. S'agissant du PNUD plus particulièrement, notre contribution est passée de 16 à 26 millions d'euros de 2004 et 2009.
Monsieur le rapporteur spécial, je vous confirme que l'objectif de réserver 60 % de notre aide à l'Afrique est respecté. Pour le reste, nous n'avons pas perdu un an avec l'ONG Oxfam. Nous avons discuté avec Bercy afin de pouvoir reprendre les 98 millions d'euros d'autorisations d'engagement non consommés en 2008, afin qu'il n'y ait aucune interruption des projets. Nous avons respecté nos engagements, même si, vous le savez bien, plusieurs années peuvent s'écouler entre le moment où un projet est lancé et celui où il est terminé ! Notre aide à l'Afrique subsaharienne est passée de 132,6 millions d'euros en 2008 à 150,1 millions d'euros en 2009. Cela représente 65,9 % de nos aides-projets. Je ne parle là que des subventions. Je peux vous communiquer les montants pays par pays si vous le souhaitez, notamment pour les quatorze pays figurant dans la liste de nos interventions prioritaires.
Je confirme un abondement exceptionnel de 20 millions d'euros pour l'Afganistan et le Pakistan, dont 15 millions pour le premier et 5 millions pour le second. En Afghanistan, nous intervenons essentiellement autour de Kaboul, dans les zones de Kapisa et de Surobi où sont stationnées les troupes françaises. Nous aidons l'agriculture et le développement rural, notamment en distribuant aux agriculteurs des engrais et des graines adaptées, par exemple de coton, leur permettant de multiplier les rendements par six tout en utilisant moins d'eau. Et pour m'être rendu sur le terrain, je puis certifier que cela marche. Nous leur apportons ainsi la preuve concrète qu'ils peuvent vivre d'autre chose que de la culture du pavot ! Nous participons également à divers projets en matière d'éducation et d'administration dans ce pays. Cette aide au développement ne doit pas être opposée à nos interventions militaires : la première n'est pas subordonnée aux secondes mais elle ne pourrait être apportée sans elles. Il est en effet impossible de mener des actions de développement dans des territoires non sécurisés.
Pour ce qui est de l'AFD, monsieur le rapporteur spécial, n'opposons pas les différentes formes de ses interventions. On dit souvent qu'elle consent de plus en plus de prêts et de moins en moins de dons. Cela n'est pas vrai, les dons et les aides-projets ne diminuent pas, j'espère vous l'avoir démontré. Les prêts ne remplacent pas les dons, la palette d'outils ne fait que s'élargir. J'ai demandé à l'AFD d'octroyer davantage de prêts et leur volume annuel moyen est en effet passé de quelque 3,7 à un peu plus de 6 milliards d'euros. Ces prêts sont parfois concessionnels, parfois quasi-concessionnels, parfois à des taux quasi-normaux. N'opposons pas non plus les actions de l'Agence dans les pays émergents et dans les pays les moins avancés. L'Agence intervient dans les pays émergents, notamment au Vietnam où doit être inaugurée demain à Hanoï une première ligne de métro et où est en cours le projet de pont Long-Bien. Je préfère, pour ma part, que ce soit la France qui finance ces projets, fût-ce à taux un peu moins concessionnel, et qu'elle renforce ainsi ses positions dans le pays. Dans certains pays émergents, l'AFD peut octroyer des financements à taux quasi-normal, parfois, pourquoi le taire, en se refinançant sur les marchés financiers, ce qui lui permet d'ailleurs d'accroître ses interventions et d'obtenir plus de rentabilité. Si elle réalise de bonnes opérations dans ces pays, cela lui permettra d'abonder ses interventions dans les PMA. Loin de s'opposer, les deux constituent un tout, dans le cadre d'une stratégie mondiale. On ne peut pas dans le même temps s'interroger sur ce que fait la France, notamment au regard de la présence si active de la Chine en Afrique, et demander qu'un outil comme l'AFD n'intervienne que dans les PMA. L'AFD doit agir dans le monde entier et les verrous qui existent encore à ses interventions doivent sauter car elle réalise un travail remarquable. Cela ne nuira en rien à ses interventions financières au profit des PMA. Au contraire, cela les consolidera.
Madame la rapporteure pour avis, la liste des quatorze pays prioritaires n'est pas figée. Elle peut être révisée à l'occasion d'un autre CICID, les critères étant susceptibles d'évoluer. Haïti, dont vous vous préoccupez, n'y figure pas car ce pays fait partie de la liste des pays en crise ou en sortie de crise, qui bénéficient d'une attention particulière.
Concernant l'aide publique transitant par les ONG, il s'agit d'une question sensible. Dans les pays de l'OCDE, 5 % de l'APD en moyenne, est distribuée par ce canal. Avec 1,3 %, nous sommes très en retard. Nous avons pris l'engagement de passer à 2 % d'ici à la fin du quinquennat. À mon arrivée au secrétariat d'État, nous nous sommes mis d'accord avec les ONG pour augmenter de 50 % les fonds qui leur sont destinés. Le mouvement est amorcé dès cette année et l'objectif sera tenu. Le triplement des volontaires internationaux y contribuera puisqu'ils sont, pour une bonne part d'entre eux, gérés par les ONG.
L'amendement que vous proposez, qui consisterait à flécher, en faveur d'opérateurs francophones, 5 % des 300 millions que nous nous engageons à verser au Fonds mondial de lutte contre le sida, est très intéressant, et il rejoint la préoccupation de certaines ONG. Mais il pourrait provoquer des dommages collatéraux en donnant le sentiment que nous voulons diminuer notre part dans ce Fonds. Or telle n'est pas notre intention. Pour maintenir cette aide tout en faisant tout notre possible pour que les ONG françaises reçoivent davantage de financements multilatéraux, il faudrait reprendre une concertation approfondie avec elles. Et le plus approprié serait d'attendre la reconstitution du Fonds, l'année prochaine.
Je vous propose donc un dialogue avec les ONG, notamment celles qui sont le plus en retrait sur la question, pour reprendre l'initiative et de retirer votre amendement pour éviter de brouiller le message de la France. La répartition entre le multilatéral et le bilatéral mérite d'être débattue, mais, dans la lutte contre le sida, le multilatéral doit être privilégié car, grâce à des économies d'échelle, il permet de soigner plus de malades. Votre initiative est excellente, il faut en reparler, mais en dehors de toute polémique parce que le sujet ne s'y prête pas.
Comme Mme Idrac a répondu à Mme Aurillac sur les crédits à l'outre-mer, et moi sur la francophonie, j'en viens à la question sur l'environnement. Nous consacrons, dans un cadre multilatéral, au Fonds pour l'environnement mondial 154 millions d'euros sur la période 2007-2010. Et, au total, ce seront 1,1 milliard d'euros qui auront servi à la mise en oeuvre des politiques de développement destinées à lutter contre le réchauffement climatique.
Monsieur Loncle, il me semble avoir répondu aux questions que vous avez posées.
Les critères de l'OCDE, monsieur Asensi, sont les mêmes pour tous, et ils sont discutés en son sein. S'agissant de la France, la manière dont sont comptabilisées les interventions en faveur du développement tend plutôt à minorer la réalité qu'à la majorer. Vous avez parlé des crédits militaires. Mais, dans certains pays, ils sont la condition sine qua non des programmes de développement de la France. Or, pour la plupart, ces crédits ne sont pas comptabilisés dans l'aide publique au développement. Ils représentent pourtant des efforts importants. Malgré tout, nous restons le quatrième pourvoyeur d'APD au monde alors que les critères de l'OCDE ne nous favorisent pas.
Le débat relatif à l'approche globale devra être abordé sans tabou. Je n'ai pas dit qu'il fallait tout comptabiliser dans l'APD pour atteindre à tout prix le ratio de 0,7 %. L'Italie a lancé la discussion au G8, et elle a pris position. La France pas encore. Il est donc abusif de dire « la France et l'Italie ». La France ne s'est pas alignée sur l'Italie. Nous avons participé au débat.
À propos des financements innovants, je crois vous avoir répondu, monsieur Asensi.
J'en viens donc aux questions de M. Santini qui a bien voulu souligner que le ministère des affaires étrangères était chargé de faire la synthèse de l'aide publique au développement puisque nous déployons à peu près les deux tiers des crédits qui s'y rapportent. Demander une synthèse des effectifs que la France consacre dans le monde à sa mission de développement est une bonne initiative. Je suis prêt à mener ce travail, qui devra sans doute faire l'objet d'une étude spécifique très précise dans la mesure où nos personnels sur place sont « multi-emplois » et exercent une mission transversale.
(M. François Scellier et Mme Martine Aurillac remplacent M. Didier Migaud et M. Axel Poniatowski à la coprésidence de la commission élargie.)
J'entends bien les réponses qui me sont faites, monsieur le secrétaire d'État. J'ignore si ce sont les effets de la lassitude, mais j'ai l'impression que le dialogue n'est pas transparent. Vous dites que l'APD augmente de 10 %. Oui, mais le périmètre a changé : on a intégré une ligne de crédits consacrée à l'audiovisuel qui relevait auparavant du ministère des affaires étrangères. Quant à l'accroissement des concours au Fonds européen, il est bien réel mais il s'agit d'une dépense contrainte. On peut se renvoyer la balle longtemps… Je considère que le ratio sera de 0,44 % et non de 0,48 % parce que je ne crois pas trop à l'annulation de dettes de la RDC.
Moi non plus.
rap porteur spécial. Vous voyez bien.
Je sais que c'est un voeu pieux que de demander de ne pas reconsidérer les périmètres de l'aide en fonction des nécessités du moment, que je peux comprendre par ailleurs. Néanmoins, je voulais apporter ces précisions.
Enfin, ne suivez pas l'exemple italien ! Je ne suis pas sûr que ce soit une référence. De toute façon, élargir l'aide au développement aux dépenses militaires promet, monsieur le secrétaire d'État, un sérieux débat. Pour le reste, nous nous retrouverons en séance publique.
Une remarque sémantique, d'abord. Mme Idrac parle de « groupe AFD », vous, monsieur le secrétaire d'État, de « l'AFD ». Cela reflète une différence significative de conception. Il faut éviter de parler de « groupe AFD » s'il s'agit de l'opérateur de la coopération française. Bercy y voit seulement une banque, au risque de décrédibiliser l'action de l'Agence dans les pays où elle intervient.
L'explication que m'a donnée Mme Idrac concernant les fonds nucléaires ne m'a pas très convaincue. Ce n'est pas parce qu'un pays est éligible à l'APD que tout ce qu'on y fait relève de cette dernière, en particulier les interventions militaires. Je constate néanmoins l'impossibilité qu'il y a à sortir ces fonds du budget. Mon amendement devient sans objet. Je ne le déposerai pas l'année prochaine et je me résigne.
Vous me dites, monsieur le secrétaire d'État, qu'Haïti ne figure pas dans la liste des quatorze pays prioritaires parce qu'elle est recensée dans les pays en crise et en sortie de crise. Pourquoi alors Madagascar et la Guinée n'en font-ils pas partie ? Il faut bien arrêter les listes à un moment donné, mais il faudrait que le CICID la révise rapidement parce que je préférerais voir Haïti sur la liste des pays prioritaires, plutôt que la Guinée.
En ce qui concerne l'amendement, important à mes yeux, visant à consacrer 5 % de notre dotation au fonds mondial de lutte contre le sida à une action spécifique, ma bonne foi est totale. J'ai été convaincue par les auditions de différents acteurs du développement. Ce n'est pas parce qu'on finance des politiques multilatérales qu'on doit se désengager de leur mise en oeuvre sur le terrain. Certains acteurs de la coopération française, qui disposent d'un réel savoir-faire, demandent à être impliqués davantage dans les circuits multilatéraux. Leur intervention nous rassurerait quant à l'efficacité de nos contributions, qui est une de nos priorités.
Cela étant, j'ai constaté, comme vous, monsieur le secrétaire, que certaines ONG spécialisées dans la lutte contre le sida avaient interprété cette réserve comme une amputation de notre contribution au Fonds. Or telle n'était pas du tout notre intention. Comme 60 % de l'argent du Fonds mondial est destiné à l'achat de médicaments, et 40 % à l'assistance technique, il n'était question que de veiller à ce que 5 % de 40 % aillent à des ONG françaises.
Je prends acte de votre engagement à reconsidérer les choses lors de la reconstitution du Fonds l'année prochaine. Je souhaite sincèrement que la concertation s'engage, et que j'y sois associée. Nous avons un effort à faire pour à la fois mieux impliquer nos ONG, améliorer l'efficacité de notre aide et – pourquoi pas ? – la faire gagner en visibilité. Après tout, l'une n'empêche pas l'autre. Sur la base de cet engagement, je retire mon amendement pour ne pas porter tort à la politique que vous menez avec beaucoup de dynamisme et d'efficacité, dans le respect des engagements de la France.
Je remercie Mme la rapporteure pour sa compréhension, et je lui confirme que nous travaillerons ensemble sur le fléchage de notre contribution au Fonds mondial de lutte contre le sida dans les semaines qui viennent avant sa reconstitution.
L'expression utilisée par ma collègue Anne-Marie Idrac s'explique par l'existence d'une filiale de l'AFD, qui s'appelle Proparco. Il ne faut pas chercher d'autre signification. Nous parlons avant tout de l'Agence française de développement.
Le CICID a décidé de créer le comité d'orientation stratégique de l'AFD, que j'appelais de mes voeux depuis longtemps. Il réunira l'ensemble des ministères, y compris Bercy, mais sa présidence reviendra au ministre de la coopération, ce qui a aussi une signification politique. La mission « Aide publique au développement » relève aux deux tiers du ministère des affaires étrangères mais nous travaillons au quotidien avec les ministres de l'économie et des finances, en particulier au sujet des bonifications d'intérêt et de l'aide multilatérale.
M. Emmanuelli a sa vision des choses, mais ce n'est pas à la Commission des finances que je vais apprendre que la lecture des documents suffit à prouver que les crédits de la mission sont en augmentation notable. Si on les compare dans le temps, l'année 2010 connaîtra un accroissement plus élevé que les années précédentes, malgré un budget difficile. Il faut le souligner. On peut ne pas être d'accord sur les orientations et les priorités, mais pas sur la hausse des concours. Elle est incontestable.
Ma première question concerne la conférence internationale sur le développement et la population à laquelle j'ai participé fin octobre à Addis-Abeba. J'ai constaté les immenses besoins des populations, mais également la présence très active de la Chine dans le développement des infrastructures. Ainsi, un hôpital est en construction à trente kilomètres d'Addis-Abeba. Et le sommet de Charm el-Cheikh doit adopter la feuille de route de la coopération Chine-Afrique jusqu'en 2012. En moins de dix ans, les relations entre la Chine et l'Afrique ont connu un essor spectaculaire, et les échanges commerciaux ont décuplé. Cependant, au regard des droits de l'homme et du développement durable, cette coopération suscite des interrogations dans la communauté internationale. Pékin vient ainsi d'annoncer 7 milliards d'investissement en Guinée, quelques jours après le massacre de 150 manifestants de l'opposition. Quelle sera l'attitude de la France ? Et quelle sera la place de la Guinée dans notre aide au développement ? Par ailleurs, quel est le poids réel de la Chine sur le continent africain ? Avons-nous des éléments pour mesurer son influence ?
S'agissant par ailleurs des outils d'évaluation de notre aide publique au développement, l'égalité entre les hommes et les femmes sera-t-elle un critère d'évaluation de nos politiques ? C'est une question que se pose également l'OCDE.
Enfin, je m'associe à la demande d'Henriette Martinez de flécher une partie de nos concours au Fonds mondial de lutte contre le sida. Le groupe de travail dont vous avez parlé, monsieur le secrétaire d'État, sera important.
Le déséquilibre chronique de l'aide bilatérale par rapport à l'aide multilatérale est une mauvaise chose pour la France. Ainsi, Madagascar est une de nos priorités. Mais il ne l'est pas par la plupart des organisations multilatérales. Conclusion : l'argent que nous leur versons part ailleurs, dans d'autres pays, ce qui complique la mise en oeuvre de notre propre politique.
Pour le reste, la place des collectivités locales n'apparaît pas clairement alors qu'elles concourent, au même titre que l'État et les ONG, à notre aide publique au développement. C'est dommage. On pourrait établir une sorte de bilan consolidé de tous les acteurs pour mieux valoriser l'aide bilatérale, cadre dans lequel s'inscrivent presque exclusivement les interventions des collectivités locales, et qui souffre d'un déficit croissant par rapport à l'aide multilatérale.
Il a été beaucoup question, ce matin, d'aide multilatérale, mais la FAO n'a pas été évoquée. Or, dans son discours de juin 2008, Jacques Diouf, son directeur général, chiffrait à 842 millions le nombre de personnes qui n'avaient pas un accès adéquat à la nourriture. Selon lui, « La solution structurelle au problème de la sécurité alimentaire, c'est l'accroissement de la productivité et de la production dans les pays à revenus bas et à déficit vivrier. » Il ajoute : « Seule la coopération multilatérale permettrait de mettre en place un développement agricole durable et répondant aux besoins des populations qui en sont aujourd'hui privées. » La FAO a souvent fait l'objet de critiques et il est de bon ton de fustiger les organisations internationales. Mais il s'est dit des choses très intéressantes l'année dernière à la conférence de Rome, qui répondent aux préoccupations de Jacques Diouf. La sécurité alimentaire, qui fait partie des objectifs du Millénaire pour le développement que la France a ratifiés, appelle d'autres questions transversales, par exemple la déforestation et l'avancée du désert qui menace les périmètres agricoles, notamment en Afrique subsaharienne, en particulier au Mali, cher au coeur des Montreuillois. Elle provoque une migration subie des populations vers l'Europe. Les Maliens, les Sénégalais, les Mauritaniens qui sont chez nous, ne viennent pas faire du tourisme ; c'est la misère qui pousse les jeunes hommes à partir de chez eux.
Je ne veux pas revenir sur les chiffres, mais je voudrais savoir, monsieur le secrétaire d'État, dans quelle mesure le Gouvernement participe ou pourrait participer à des projets de développement multilatéraux concertés entre les États et la FAO. Il a été question de la Chine. Personne autour de cette table n'est naïf. Le désintéressement chinois, bien connu, se traduit en prêts à taux zéro qui ne sont jamais remboursés et derrière lesquels se trouvent des positionnements, en particulier sur les matières premières. Mais il y a d'autres formes de coopération, de co-développement multilatéral. Quel intérêt le représentant du Gouvernement leur prête-t-il ? Pour être concret, j'ai favorisé une coopération malino-franco-vietnamienne qui consistait à envoyer les experts – peu nombreux, d'ailleurs – travailler aux champs, avec les paysans, lesquels, en recouvrant l'espérance, contribuaient à la sécurité alimentaire, mais se transformaient aussi en agents de protection de la planète contre le progrès du désert. Or cette dimension n'apparaît pas pour l'instant dans les prises de position. Ce n'est pas seulement une question d'argent – même s'il faut bien trois francs six sous, même en francs CFA –, c'est d'abord une question de vision, de volonté politique.
Je voudrais revenir sur les émeutes de la faim de 2007. La sécurité alimentaire est devenue l'une des préoccupations de la communauté internationale, malheureusement sans grand succès. Le développement agricole est essentiel pour parvenir à l'autosuffisance alimentaire. Quelle place l'agriculture est-elle amenée à prendre dans le dispositif d'aide français au plan tant bilatéral que multilatéral ?
La coopération décentralisée est un excellent outil pour établir des partenariats entre les collectivités du Nord et du Sud. Elle permet de renforcer les liens d'ordre économique mais aussi culturel et personnel. Or l'efficacité de ces échanges est diluée par le manque de coordination. Quelles mesures entendez-vous prendre, monsieur le secrétaire d'État, pour rendre l'action des collectivités plus cohérente ?
Après des années d'érosion, nous sommes nombreux à souhaiter que l'aide bilatérale se maintienne, et même progresser dans l'enveloppe globale de l'aide au développement. Les inquiétudes sont grandes pour 2011 et 2012, quand le mouvement d'annulation de dettes sera totalement asséché. Comment anticiper cette situation, dans le cadre de la nouvelle programmation ?
Par ailleurs, il semblerait que l'amendement de Mme Martinez soit retiré en contrepartie de la création d'un groupe de travail. Je souhaiterais en faire partie car la question traitée, sur laquelle il faut certes réserver du temps à la discussion, mais aussi agir vite, est majeure.
Mes questions porteront sur le programme 301 et je dois donc regretter une nouvelle fois l'absence de M. Besson. C'était déjà le cas lors de l'examen de quatre accords de gestion concertée des flux migratoires et vous n'aviez pu, monsieur le secrétaire d'État, malgré toute votre bonne volonté, m'apporter les réponses adéquates. L'absence systématique du ministre est très méprisante envers la représentation nationale.
Quelles sont les priorités de l'aide publique au développement, sachant que le programme 301 consacre 40 millions à la Tunisie et six fois moins au Burkina Faso, dont le développement est pourtant nettement moins avancé ? Êtes-vous d'accord avec cette évolution qui subordonne l'aide au développement à la conclusion d'accords de gestion concertée des flux migratoires ? Cela soulève des questions sur votre conception même de l'aide, d'autant que tous ces accords de gestion concertée ont un volet policier, dont l'importance n'est pas fixée. En quoi la coopération policière, le soutien au contrôle aux frontières des pays concernés aide-t-il à leur développement ? On ne peut s'empêcher de faire le rapprochement avec le coût des reconduites à la frontière, qui atteint douze fois le montant alloué au développement solidaire… Enfin, et malgré l'augmentation d'ensemble du programme, l'aide à la réinstallation des migrants diminue. Elle ne représente plus que 2,5 millions, soit beaucoup moins que le budget des sondages à l'Elysée…
Enfin, Mme Martinez, que je remercie de son rapport, a relevé que ce programme créé l'an dernier seulement avait déjà perdu l'un de ses objectifs : celui de « contribuer au développement des projets individuels ou collectifs portés par les migrants dans leur pays d'origine », et cela sans que les gestionnaires du programme aient cru devoir s'en expliquer.
Je voudrais pour ma part, en me félicitant de la croissance des crédits de la mission, rappeler que l'aide publique au développement n'est pas un acte de générosité. C'est un acte politique facteur d'équilibre, visant à éviter des flux migratoires – une ardente obligation qui va dans notre propre intérêt.
Le problème majeur de l'Afrique est celui de la croissance démographique. Pour des raisons idéologiques, on ne veut pas s'y attaquer. Les pays qui s'en sortent sont pourtant ceux qui ont commencé leur transition démographique. Une croissance de la population supérieure à deux points par an annihile toute capacité de développement. Il est faux de penser que lorsque le niveau de vie augmentera, la croissance démographique baissera d'elle-même. C'est par la stabilisation de la croissance démographique qu'il faut commencer.
Par ailleurs, nous sommes dans des stratégies d'influence et notre objectif doit être de défendre la politique française. Les Chinois ont compris que les États étaient en concurrence. Nous devons les imiter. C'est pourquoi il faut utiliser principalement l'action bilatérale, au lieu de croire que le multilatéralisme nous permettra de défendre nos intérêts. On peut regretter la baisse du PNUD, mais je rappelle que les opérations de maintien de la paix représentent aujourd'hui la moitié de l'aide multilatérale.
Ce qui m'amène à la coopération militaire. Outre les opérations de maintien de la paix, elle peut avoir un rôle primordial pour renforcer la stabilité des États concernés. Qu'on le veuille ou non, les forces armées sont souvent le premier apprentissage de l'ordre étatique. Il ne s'agit pas de prêter main forte à des dictatures, mais de stabiliser ces États dans leur ordre interne. Je regrette donc que la coopération militaire, dans tout ce qu'elle avait de noble et d'efficace pour ces démocraties naissantes, passe systématiquement à la trappe dans nos budgets.
On peut enfin regretter le recul de la francophonie, mais elle résulte aussi de notre propre attitude : entendre certains hauts fonctionnaires français ânonner l'anglais dans les cénacles internationaux, et même au sein de l'Union, est proprement inadmissible. Des sanctions doivent être prises contre ces adeptes du globish, qui font reculer l'usage du français. J'ai à ce propos déposé une proposition de loi sur l'installation, à Villers-Cotterêts, d'un centre d'apprentissage du français économique, pour lequel il serait d'ailleurs souhaitable de faire payer les gens du CAC 40 qui baragouinent eux aussi l'anglais à longueur de temps.
(M. Didier Migaud et M. Axel Poniatowski remplacent M. François Scellier et Mme Martine Aurillac à la coprésidence de la commission élargie.)
La réponse que vous avez donnée sur la présence, au sein de la mission, de crédits destinés à des collectivités d'outre-mer n'était pas satisfaisante. En tout cas, cette présence même pose la question de la citoyenneté des ressortissants d'outre-mer, une question qui devient cruciale lorsqu'on voit que les seuls territoires pour lesquels l'État mesure le coût de ses missions régaliennes sont outre-mer… Il est urgent de considérer que, sous quelque forme que ce soit, l'outre-mer n'a pas à figurer dans l'aide publique au développement.
Pour ce qui est de l'Agence française de développement, la question n'est pas tant celle de la pertinence de ses interventions dans les pays émergents que de la présence de ces interventions dans l'aide publique au développement. Cette question nous renvoie à la performance de notre politique, et donc aux indicateurs de développement. D'un point de vue de gestion des fonds publics, nous devons connaître l'efficacité des interventions de l'État ; d'un point de vue moral, nous devons vérifier que l'aide publique au développement porte nos valeurs. Je plaide donc depuis longtemps pour que les indicateurs de développement indiquent le niveau d'éducation des filles et des garçons dans les pays concernés. C'est non seulement un investissement pour l'avenir, mais un moyen pour que l'aide ne serve pas uniquement à la croissance des résultats, dans l'agriculture par exemple, mais aussi à l'élévation de la capacité des populations.
Ecore quelques questions, dont toutes ne pourront peut-être pas recevoir une réponse immédiate : quelle est l'articulation entre l'aide publique au développement et les objectifs du Millénaire pour le développement ? Où en est le processus de démocratisation du Fonds européen de développement, notamment sa présentation au Parlement européen ? Sous quelle forme seront attribués les prêts non souverains aux entreprises dans les pays en voie de développement, annoncés par le Président de la République ? Enfin, selon quel protocole la Banque européenne d'investissement pourrait-elle participer au capital de banques africaines ?
Je salue l'engagement de la France pour l'aide publique au développement, dans un moment particulièrement difficile mais qui justifie d'autant plus son effort.
À quelques semaines du sommet de Copenhague, où en est le redéploiement des stratégies de la France dans le domaine majeur du développement durable ? Entre les actions bilatérales et multilatérales, y a-t-il une place pour une stratégie européenne qui concilie à la fois une nouvelle éthique de la mondialisation, la lutte contre la pauvreté dans le monde et l'affirmation d'une croissance protectrice de l'environnement ? Où en est la restructuration de l'offre française dans ce domaine ? L'articulation avec l'Europe est-elle une de vos priorités ?
Le volontariat international s'inscrit-il dans le projet de service civique développé par votre collègue Martin Hirsch ? Par ailleurs, l'éducation est un des fils conducteurs de l'aide publique au développement. Or, la scolarité des filles est en régression dans de nombreux pays. Avez-vous des projets particuliers dans ce domaine ?
Vous avez rappelé votre volonté d'aider au développement économique des pays émergents, mais il est aussi souvent question de « développement durable ». Comment rendre l'aide économique respectueuse de l'environnement sans être trop pénalisé dans la concurrence internationale ?
L'an dernier, vous vous étiez engagé à travailler en lien étroit avec les nombreuses petites ONG qui apportent une grande richesse à l'action française. Vous aviez parlé d'une augmentation de 50 % en quatre ans des moyens qui transitent par elles, et de les réunir de manière régulière. Où en sommes-nous ?
Enfin, 2010 sera l'année de l'Afrique, avec le cinquantième anniversaire de l'indépendance de quatorze ex-colonies et le soixantième de leur engagement dans la libération de la France. Comment votre ministère y participera-t-il ?
Pour prolonger l'intervention de Christiane Taubira, l'outre-mer fait-il partie de la République ou pas ? L'Agence française de développement continue à intervenir en matière économique outre-mer. Or, depuis plusieurs années, on s'efforce à une meilleure intégration des collectivités d'outre-mer. Des conventions sont passées avec différents ministères et surtout la Caisse des dépôts et consignations mais, qu'il s'agisse de l'accompagnement des PME ou du développement touristique par exemple, la Caisse ne peut pas intervenir directement. Nous devons passer par l'AFD, et par les procédures lourdes et compliquées qui vont avec. Pourquoi ne pas poursuivre le mouvement d'intégration et laisser la Caisse des dépôts intervenir directement, comme en métropole ? Les structures de l'AFD font bien leur travail au niveau local, mais leurs procédures mériteraient d'être réexaminées.
Je m'interroge aussi sur la candidature de l'Agence pour reprendre des sociétés immobilières outre-mer : que viendrait-elle donc faire dans la gestion d'un parc de logement social alors qu'elle n'a aucune expérience dans ce domaine ? En outre, j'ai pu constater à La Réunion que l'AFD accordait – aux frais du contribuable – des bonifications de prêts allant bien au-delà de ce que consentait la Caisse des dépôts et consignations, qui était pourtant parfaitement satisfaisant. En clair, la présence de l'AFD dans des dossiers locaux de gestion outre-mer, au-delà de la coordination régionale avec les États voisins, se justifie-t-elle encore ?
Quel est l'état de la dette des pays pauvres, et comment va-t-elle évoluer dans les années à venir ?
Quels sont les fournisseurs industriels d'Unitaid ? Par ailleurs, l'AFD finance-t-elle des projets portés par des entreprises françaises, ou seulement étrangères ? Enfin, quelles conditions de transparence et de gouvernance démocratique exigez-vous des ONG avec lesquelles vous travaillez ?
Les pays bénéficiaires de l'aide publique au développement doivent promouvoir la démocratie, l'État de droit et la bonne gouvernance et lutter contre la corruption. En tant que président exécutif du groupe français de l'Union interparlementaire, je viens de participer à la conférence de Washington sur le e-Parlement. Le développement des technologies de l'information et de la communication est une occasion historique de renforcer le rôle des parlements et leur légitimité démocratique. Elles permettent en effet de renforcer leurs moyens d'information et de contrôle et donc la transparence de l'action des pouvoirs publics.
Une part de notre aide publique au développement doit être consacrée au développement de ces technologies dans les parlements, selon un plan stratégique propre à chacun et accompagné d'indicateurs de résultat. Une autre partie doit aller à l'amélioration des moyens des parlements pour remplir leurs missions.
Pour rassurer tout de suite Mme Bourragué, nous avons sanctuarisé 30 millions à destination spécifique des femmes, gérés pour 21 millions par l'Agence française de développement, pour 3 millions par le ministère et pour les 6 restants par les ambassades. L'enveloppe est pilotée par une cellule sur l'égalité entre les femmes et les hommes.
Les femmes portent un grande partie du développement de l'Afrique. Elles représentent 90 % des dossiers de microcrédits et les remboursent à 95 %, malgré d'énormes difficultés. Certains exemples sont vraiment extraordinaires et dès qu'elles ont un peu d'argent, elles le consacrent à la santé et à l'éducation de leurs enfants. Dès que j'ai été nommé, j'ai donc sanctuarisé cette action capitale en faveur des femmes et je lui ai donné un rôle transversal dans l'ensemble de nos politiques de développement en Afrique.
Après les événements du 28 septembre en Guinée, et alors que la Chine continuait à passer des contrats, la France a immédiatement suspendu ses coopérations militaires ainsi que certaines coopérations techniques, concernant surtout les voies de communication, tout en maintenant bien sûr son aide humanitaire. Ces différences d'appréciation doivent nous faire réfléchir à notre manière d'agir. Il n'est pas question de renier nos engagements pour les droits de l'homme, la démocratie, la bonne gouvernance et la transparence, mais il faudrait que l'ensemble des pays qui interviennent dans ces pays nous rejoignent sur ces grands principes. À la grande conférence d'Accra sur l'efficacité de l'aide par exemple, la France a proposé un texte qui a soulevé le consensus pour en revenir aux principes de la déclaration de Paris de 2005, mais cela reste à concrétiser sur le terrain.
M. Destot a insisté sur la coopération décentralisée. C'est une préoccupation constante. J'ai d'ailleurs lancé, c'est la première fois, un Tour de France des régions pour faire l'inventaire des coopérations. Nous essayons que les conventions rejoignent les objectifs poursuivis par le ministère des affaires étrangères. L'État intervient à hauteur de 20 % dans les coopérations décentralisées menée par les collectivités. J'ai aussi mis en place un atlas qui recense 12 000 projets menés par plus de 4 700 collectivités – ce qui nécessite sans doute un peu plus de coordination.
Par ailleurs, la France reste à un niveau très important d'actions bilatérales, qui représentent encore 60 % de notre aide publique au développement. C'est loin d'être le cas de tous les pays.
Je salue les initiatives de coopération prises par la ville de Montreuil, monsieur Brard, notamment avec Yélimané au Mali – un cas exemplaire. Vous vous appuyez d'ailleurs sur la FAO pour cette action. Or, la France est leader en matière de relance de l'agriculture en Afrique saharienne et propose un nouveau partenariat avec la FAO.
Il y a d'autres exemples de coopérations tripartites, notamment entre le Brésil, Haïti et la France. Nous voudrions aussi en monter une avec le Canada, qui est également très impliqué en Haïti. Il est d'ailleurs question d'une conférence spécifique à ces derniers pays.
Le nouveau multilatéralisme permet d'associer plusieurs pays, avec un leader, en fonction des zones géographiques et des thèmes abordés. Nous y travaillons avec l'AFD.
Je vous confirme, monsieur Christ, que nous consacrerons 1,5 milliard d'euros à l'agriculture sur la période 2009-2011, conformément à l'engagement pris à L'Aquila. À Rome, le président Sarkozy a lancé l'idée d'un nouveau partenariat mondial pour l'agriculture et la sécurité alimentaire ; ce projet fait son chemin.
L'année dernière, nous avons mis en oeuvre 445 millions d'euros, dont 243 millions par l'intermédiaire de l'AFD – 90 millions d'euros pour la recherche agricole pour le développement, 52 millions d'aide alimentaire et 33 millions pour les contributions aux organisations internationales. Un sommet des chefs d'État aura lieu dans quelques jours à Rome sur ce thème et j'espère que l'idée du nouveau partenariat mondial pour l'agriculture sera confirmée. Le ministère de la coopération a pris l'initiative, avec la Banque africaine de développement, du lancement d'un nouveau fonds pour financer toutes les initiatives de développement agricole ou agroalimentaire.
Concernant la coopération décentralisée, j'ai déjà répondu à M. Destot.
Monsieur Terrot, nous devrons adopter à partir de 2011 une nouvelle programmation correspondant à l'objectif de porter l'aide publique au développement à 0,7 % du revenu national brut en 2015, conformément à l'engagement pris par le Président de la République. J'espère que nous aurons retrouvé d'ici là les marges de manoeuvre nécessaires.
Madame Mazetier, vous m'avez sous-estimé en jugeant que je ne pourrais pas répondre en l'absence de M. Besson. Je puis au contraire vous dire que nous ne conditionnons pas nos politiques de développement à la signature d'accords de gestion des flux migratoires. En voici d'ailleurs la meilleure illustration : sur la totalité de l'aide publique au développement, qui s'élève à 3 523 millions d'euros, seuls 35 millions relèvent de M. Besson. En d'autres termes, 99 % de l'aide publique au développement n'est pas liée aux questions d'immigration et est traitée par des ministères différents.
Monsieur Myard, votre combat pour la francophonie est le mien et, chaque fois que j'en ai l'occasion, j'interviens pour que le français soit utilisé par les « grands Français » qui siègent dans les institutions internationales. Je suis également intervenu pour que notre pays soit représenté au concours de l'Eurovision par des artistes qui chantent en français. Vous voyez donc que des progrès sont possibles.
La coopération militaire, sur laquelle vous m'avez également interrogé, reçoit un montant stabilisé de 88 millions d'euros en 2009, dont 32 millions consacrés aux crédits d'intervention. Je précise que 325 coopérants militaires sont déployés dans le monde et que le responsable de ces personnels dépend du ministère des affaires étrangères. Nous suivons avec beaucoup d'attention cette politique, menée par une soixantaine d'agents de l'administration centrale à Paris. On ignore trop souvent, comme vous l'avez justement souligné, que la coopération militaire ne sert pas qu'à faire la guerre : elle dispense à des militaires comme à des civils des formations à très nombreux métiers. C'est une activité à laquelle nous tenons beaucoup.
Monsieur le secrétaire d'État, je ne peux pas vous laisser pratiquer l'autosatisfaction à propos des conseillers militaires. En effet, comme on le constate sur les trois dernières années, le budget correspondant ne cesse de fondre, passant de près de 150 millions d'euros à 88 millions.
Je tiens donc à vous informer que la Commission des affaires étrangères a décidé de mettre en place une mission d'information sur cette situation préoccupante, qui pose un véritable problème d'influence dans le monde, les conseillers militaires français ayant, faute de crédits, disparu de certains pays.
La loi de finances initiale pour 2009 prévoyait 32 millions d'euros au titre de la coopération de sécurité et de défense. Le chiffre est inchangé cette année. Sans doute les éléments de comparaison que vous évoquez renvoient-ils à une période plus lointaine, antérieure à mon arrivée au ministère.
Les crédits d'intervention, d'un montant de 32 millions d'euros, sont stabilisés. Il n'y a là aucune autosatisfaction. Je reste néanmoins à votre disposition pour travailler avec vous sur ces questions.
Madame Taubira, la question se pose en effet de savoir si nous devons ou non intervenir outre-mer par l'intermédiaire de l'Agence française de développement. L'outre-mer fait bien évidemment partie de la nation française. Au-delà des principes, cependant, cette forme de coopération peut se révéler intéressante. À défaut, il faudrait recourir à d'autres canaux, budgétaires par exemple.
Je rappelle toutefois que le comité interministériel de l'outre-mer (CIOM) qui s'est tenu voilà quelques jours n'a pas rendu d'arbitrage à propos du logement social. Le dialogue doit donc se poursuivre avec le Gouvernement, notamment avec ma collègue chargée de l'outre-mer. Je suis, quant à moi, tout disposé à participer à cette discussion, mais elle ne relève pas de mes attributions – à moins bien sûr que l'AFD n'intervienne dans ce dossier. En tout état de cause, l'intervention de la Caisse des dépôts et consignations ne saurait avoir que des effets positifs.
Il ne s'agit pas d'exclure l'AFD de l'outre-mer, mais de savoir pourquoi ces interventions relèvent de l'aide publique au développement. Si vous voulez vraiment additionner toutes les interventions de l'AFD, peut-être serez-vous gêné par le fait que cet organisme a accordé l'an dernier une avance à des pétroliers, dont Total !
Les interventions de l'AFD dans les outre-mer posent du reste diverses autres questions. M. Bouvard évoquait ainsi la participation au capital de sociétés de logement social. L'AFD participe déjà à une société immobilière où l'État détient la majorité et intervient d'une manière discrétionnaire dans les projets immobiliers. Pourquoi donc ces interventions sont-elles considérées comme de l'aide publique au développement et pourquoi l'AFD devrait-elle intervenir dans les outre-mer ? Ainsi, le seuil Trichet, qui interdisait de cumuler deux dispositifs financiers favorables, a été supprimé pour les petites et moyennes entreprises sur l'ensemble du territoire, mais maintenu dans les outre-mer. De même, OSEO n'y intervient pas.
Il ne s'agit donc pas là d'un caprice, mais d'une question de fond : les outre-mer sont-ils des territoires sous législation républicaine, ou des extra-territoires ?
Madame la députée, votre question rejoint celle des critères de comptabilisation. En effet, vous ne contestez pas l'intervention de l'AFD, qui répond à des besoins, mais le fait que cette intervention soit comptabilisée au titre de l'aide publique au développement. Cette pratique est cependant d'usage au sein du comité d'aide au développement de l'OCDE lorsqu'il est question de territoires ultramarins. Ainsi, Mayotte continuera d'être comptabilisée de la sorte jusqu'en 2011. Il s'agit là toutefois de règles susceptibles de changer. La France finance d'ailleurs d'autres interventions qui, alors qu'elles pourraient être considérées comme de l'aide publique au développement, ne le sont pas. J'entends donc votre propos, qui est frappé au coin du bon sens.
Je vous confirme par ailleurs que l'aide publique au développement s'articule avec les objectifs du Millénaire pour le développement – les OMD –, comme le soulignent les conclusions du comité interministériel de la coopération internationale et du développement du 5 juin, qui insistent sur la cohérence totale entre les moyens mis en oeuvre, l'aide publique au développement et les OMD. Je souhaite d'ailleurs, je le répète, que nous menions cette réflexion, qui rejoint la question de l'approche globale. Gardons-nous de confondre les moyens et les objectifs. Pour moi, l'objectif suprême est de réaliser les OMD. Tout le reste constitue des moyens – qu'il s'agisse de l'APD ou de financements innovants, de dons ou de prêts.
En matière de scolarisation, qui est l'un de ces objectifs, je rappelle que la France et le Royaume-Uni ont pris ensemble l'engagement très ambitieux d'assurer la scolarisation universelle des petits garçons et, bien sûr, des petites filles. C'est pour moi un point particulièrement important. En effet, de même que le rôle des femmes est essentiel dans la société en Afrique subsaharienne, on sait bien que la scolarisation des petites filles est le début d'une évolution globale et positive de la société.
Pour atteindre ces objectifs, nous avons lancé plus de soixante projets depuis 2000 dans un cadre bilatéral et cumulé près de 500 millions d'engagements – 130 millions en 2008 pour l'éducation de base et un peu d'éducation professionnelle, dont 57 millions en Afrique subsaharienne. Le grand engagement est bien évidemment celui de l'initiative Fast track, qui est au coeur de notre action de développement.
Mme Ameline m'a demandé si nous avions une approche nouvelle en Europe pour organiser la mise en oeuvre des politiques de développement. Comme je l'indiquais tout à l'heure en réponse à la question de M. Brard sur ce point, nous réfléchissons à un nouveau multilatéralisme : au lieu de passer directement par les organisations multilatérales, les États européens s'efforcent de faire travailler ensemble leurs différentes agences de développement et de créer des groupes d'intervenants sur des groupes de pays ou des missions particulières. La France et trois ou quatre autre pays peuvent ainsi agir l'un pour le compte des autres dans un pays ou un groupe de pays sur des thèmes particuliers.
Madame Hostalier, il est en effet prévu d'intégrer notre nouvelle politique pour les volontaires internationaux dans le cadre plus général du service civique. C'est là un point que nous avons évoqué avec Martin Hirsch. Nous voulons que les volontaires internationaux français puissent bénéficier des mêmes avantages que les autres citoyens français qui s'engageront dans le service civique. Il s'agit d'un pas très important, car il est fréquent que nos volontaires internationaux ne soient pas assez valorisés et ne reçoivent pas un retour suffisant de l'expérience qu'ils acceptent de mener à l'étranger.
Par ailleurs, l'aide est en effet conditionnée aux facteurs environnementaux, comme c'est également le cas pour d'autres facteurs, notamment dans les domaines de la gouvernance, de la démocratie ou de la transparence de la gestion. Je précise encore que, sur la période 2007-2010, nous consacrons 154 millions d'euros au Fonds pour l'environnement mondial. C'est dire notre attachement aux grands enjeux du réchauffement climatique et, plus généralement, de la protection de l'environnement.
Pour ce qui concerne les ONG, il est prévu une augmentation de 50 % d'ici à la fin du quinquennat, pour atteindre une proportion de 2 % de l'aide publique transitant par ce canal d'ici 2012.
Le Président de la République a demandé à Jacques Toubon, ancien ministre, de bien vouloir conduire une mission spéciale pour la célébration des anniversaires qui s'inscrivent dans le cadre de l'année de l'Afrique. Nous travaillons bien évidemment ensemble. Les actions seront nombreuses et consisteront aussi bien à proposer aux pays africains des initiatives françaises qu'à répondre aux demandes d'aide formulée par ces pays pour organiser localement des manifestations. Je ne suis pas encore en mesure de vous fournir des chiffres, la liste des projets et le montant de notre contribution n'ayant pas encore été arrêtée. Elle le sera dans les prochaines semaines.
Monsieur Mathis, je vous adresserai les chiffres, par pays, de la dette des pays pauvres. Je puis cependant déjà vous indiquer que les plus gros « gisements » restants pour alimenter notre aide publique au développement se situent en Côte d'Ivoire et au Congo.
Monsieur Carayon, la question de savoir si l'AFD finance en priorité des projets mis en oeuvre par des entreprises françaises n'est autre que celle de l'aide liée ou déliée. L'aide française est aujourd'hui majoritairement déliée, ce qui n'est pas sans poser quelques interrogations, car nous finançons parfois des projets de développement réalisés par des entreprises étrangères. Il est cependant rassurant de savoir que moins de 10 % de l'enveloppe globale de l'aide publique déliée sont utilisés pour rémunérer des entreprises issues de pays émergents, notamment chinoises. Les entreprises françaises et européennes bénéficient au moins autant de l'aide déliée fournie par d'autres sources de financement et ne sont, pour l'heure, nullement défavorisées. C'est là une question que j'ai voulu approfondir après avoir constaté en Tanzanie qu'un projet financé à 100 % par la France et dont je posais la première pierre était intégralement mis en oeuvre par une entreprise étrangère.
Avec les ONG, nous nous efforçons bien évidemment de travailler dans la transparence. Je suis preneur de toute information en la matière. À l'heure où les États insistent sur la nécessité de la transparence et de la gouvernance, nous devons appliquer les mêmes exigences à ceux qui mettent en oeuvre des crédits provenant de l'aide publique au développement.
Je rappelle en outre que nous venons de mettre en place avec les ONG un conseil d'orientation stratégique et que nous travaillons ensemble sur ce sujet. Comme j'en avais pris l'an dernier l'engagement, j'ai entrepris de travailler plus étroitement avec ces organisations, que je reçois régulièrement – j'ai ainsi reçu la semaine dernière le président de Coordination Sud, qui représente de nombreuses ONG. Je rappelle aussi que le Président de la République a souhaité recevoir lui-même toutes ces ONG à l'Élysée le 16 septembre dernier.
Monsieur Martin-Lalande, nous développons à l'intention des parlements de pays partenaires divers programmes dotés d'importants moyens dans le domaine des technologies de l'information et de la communication, afin de les aider à se numériser et à fonctionner de manière plus moderne.
Je tiens également à rappeler à cet égard l'initiative que nous avons engagée pour développer la numérisation des écoles africaines.
La réunion de la commission élargie s'achève à midi.
Le Directeur du service des comptes rendus des commissions,
Michel Kerautret© Assemblée nationale