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Intervention de Alain Joyandet

Réunion du 10 novembre 2009 à 9h00
Commission élargie : commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, commission des affaires étrangères

Alain Joyandet, secrétaire d'état chargé de la coopération et de la francophonie :

Quelques chiffres pour mesurer précisément l'évolution de notre aide publique au développement. En 2009, nous y aurons consacré 8,46 milliards d'euros et en 2010, nous y consacrerons entre 8,66 et 9,36 milliards d'euros en fonction de l'annulation de la dette du Congo-Brazzaville et de la République démocratique du Congo. Monsieur le rapporteur spécial, lors de la présentation des crédits l'an passé, nous avions souhaité la plus totale transparence et avions annoncé le taux qui sera finalement réalisé en 2009, car nous savions pertinemment que les annulations de dettes ne seraient pas effectuées au cours de cette année, les pays concernés n'y étant pas prêts. Nous vous donnons donc des chiffres qui ne tiennent pas compte d'annulations de dette théoriques, dont il est très peu probable qu'elles aient lieu. En 2010, nous consacrerons entre 0,44 % et 0,48 % de notre revenu national brut à l'APD.

Les crédits de paiement de la mission « Aide publique au développement » passent de 3,166 milliards d'euros en 2009 à 3,523 milliards d'euros en 2010. Hors amendement Charasse, c'est-à-dire hors intégration des dividendes de l'AFD, les crédits de cette mission continuent de progresser d'environ 10 %, effort substantiel qui mérite d'être souligné. Contrairement à ce qui a été dit tout à l'heure, on est loin d'une stagnation !

L'augmentation des moyens du programme 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement », géré par le ministère des affaires étrangères, est confirmée. Les autorisations d'engagement de ce programme s'élèvent en 2010 à 2,351 milliards d'euros contre 2,15 milliards d'euros en 2009. Cette progression de 335 millions d'euros est largement supérieure au montant des dividendes potentiels de l'AFD. De même, les crédits de paiement progressent de 2,08 milliards d'euros à 2,29 milliards, soit, là encore, une augmentation moyenne de 10 %. Même si cela n'est jamais suffisant, il faut souligner qu'une telle progression n'avait pas été observée depuis longtemps. Cela ne fait d'ailleurs que reprendre les engagements du Président de la République et ceux du dernier CICID qui s'est tenu le 5 juin dernier. La tranche annuelle de nos versements au Fonds européen de développement (FED) représentera 872 millions d'euros en 2010, marque d'un engagement net en direction des pays ACP, en particulier d'Afrique subsaharienne, principaux bénéficiaires de l'aide de ce fonds. Cela accompagne, en les amplifiant, nos efforts bilatéraux en faveur de cette région du monde.

Nous maintenons notre contribution volontaire au Fonds de lutte contre le sida à hauteur de 300 millions d'euros. Nous préservons parallèlement des moyens pour des opérations que nous menons directement, en particulier dans les PMA. Nous prévoyons d'y consacrer en 2010 le tiers des crédits du programme 209, soit environ 615 millions d'euros.

La concentration géographique de notre aide au profit de l'Afrique subsaharienne a été l'une de nos priorités. Ainsi, 60 % de l'effort budgétaire de l'État transitant par l'AFD lui sont destinés. Qu'il s'agisse de nos interventions directes ou de nos interventions multilatérales, la volonté est la même.

S'agissant des nouvelles initiatives financées dans ce budget, je n'insisterai que sur une seule qui me tient particulièrement à coeur, le volontariat international en entreprise, qui sera triplé dans les cinq ans. Cette priorité est d'ores et déjà financée.

Madame Aurillac, nous avons essayé de regrouper l'ensemble des crédits destinés à la francophonie, afin de tenter d'y voir plus clair, et nous vous communiquerons le document afférent. Si l'on s'en tient aux seuls documents budgétaires, j'aurais en effet du mal à prétendre que les crédits de la francophonie ne diminuent pas, mais il faut prendre en compte toutes les autres contributions. Je suis d'ailleurs prêt à travailler sur le sujet avec les parlementaires intéressés. Au total, ce sont près de 925 millions d'euros que nous consacrons à la francophonie, auxquels il convient d'ajouter les 250 millions d'euros de crédits de RFI et France 24. Notre effort budgétaire en faveur de la francophonie, qui peut parfois ne pas apparaître évident sur le terrain, est bien réel.

Il faut enfin souligner l'engagement très important de notre pays en faveur de la Maison de la francophonie avec 52 millions d'euros d'autorisations d'engagement et déjà plus de 4 millions d'euros de crédits de paiement en 2009. Dès 2010, 5,2 millions d'euros de crédits de paiement seront inscrits de manière récurrente. Nous avons en effet conclu un contrat de cinquante ans avec l'Organisation internationale de la francophonie.

En ce qui concerne les bourses, le Gouvernement français en accorde près de 17 000 par an pour un montant total de 88 millions d'euros, au bénéfice essentiellement d'étudiants du continent africain. Là encore, nous concentrons nos crédits au profit de l'Afrique subsaharienne.

Monsieur le rapporteur spécial, le Président de la République a réaffirmé l'engagement de porter notre effort d'APD à 0,7 % du PIB à l'horizon 2015. Cet effort a déjà progressé, pouvant être porté de 0,39 % à 0,48 % dans le courant de l'année 2010. Il n'en demeure pas moins que pour atteindre l'objectif, il faudra persévérer dans cette voie. À compter de 2011, une nouvelle programmation triennale sera mise en place.

Se pose aussi la question de nouveaux financements complémentaires. Sachant que l'APD mondiale totale représente quelque 120 milliards d'euros, une taxe de 0,05 %, rapportant de 30 à 40 milliards d'euros supplémentaires, augmenterait, à elle seule, d'un quart le volume de cette APD. Restera à savoir comment, en accord avec l'OCDE, comptabiliser le produit de cette taxe. Devra-t-il être ou non considéré comme une ressource additionnelle au 0,7 % du PIB ? Il faudra en discuter avec nos partenaires de l'OCDE. Cela étant, comme l'a souligné Anne-Marie Idrac tout à l'heure, n'oublions pas que toute somme prélevée sur l'économie constituera autant de recettes en moins pour l'État. Il est donc légitime de s'interroger sur la meilleure manière de comptabiliser cette taxe. J'aborde le débat sans tabou, il aura lieu à son heure. Rien ne sert de se focaliser sur l'un des moyens de financement de l'APD. Tous s'additionnent. Ce qui importe, ce ne sont pas les moyens, mais les objectifs, en l'occurrence ceux du Millénaire pour le développement, la question restant bien sûr de savoir comment les financer.

Les contributions volontaires de la France aux Nations unies sont passées de 49,6 millions d'euros en 2003 à 73 millions d'euros en 2009. Elles ont donc augmenté sur la durée, même s'il a pu y avoir une baisse certaines années – nos contributions étaient par exemple de 85 millions d'euros en 2008.

Monsieur Loncle, je sais combien le PNUD vous tient à coeur. Sachez que le PNUD, le HCR et l'UNICEF bénéficient de 83 % de nos contributions volontaires. S'agissant du PNUD plus particulièrement, notre contribution est passée de 16 à 26 millions d'euros de 2004 et 2009.

Monsieur le rapporteur spécial, je vous confirme que l'objectif de réserver 60 % de notre aide à l'Afrique est respecté. Pour le reste, nous n'avons pas perdu un an avec l'ONG Oxfam. Nous avons discuté avec Bercy afin de pouvoir reprendre les 98 millions d'euros d'autorisations d'engagement non consommés en 2008, afin qu'il n'y ait aucune interruption des projets. Nous avons respecté nos engagements, même si, vous le savez bien, plusieurs années peuvent s'écouler entre le moment où un projet est lancé et celui où il est terminé ! Notre aide à l'Afrique subsaharienne est passée de 132,6 millions d'euros en 2008 à 150,1 millions d'euros en 2009. Cela représente 65,9 % de nos aides-projets. Je ne parle là que des subventions. Je peux vous communiquer les montants pays par pays si vous le souhaitez, notamment pour les quatorze pays figurant dans la liste de nos interventions prioritaires.

Je confirme un abondement exceptionnel de 20 millions d'euros pour l'Afganistan et le Pakistan, dont 15 millions pour le premier et 5 millions pour le second. En Afghanistan, nous intervenons essentiellement autour de Kaboul, dans les zones de Kapisa et de Surobi où sont stationnées les troupes françaises. Nous aidons l'agriculture et le développement rural, notamment en distribuant aux agriculteurs des engrais et des graines adaptées, par exemple de coton, leur permettant de multiplier les rendements par six tout en utilisant moins d'eau. Et pour m'être rendu sur le terrain, je puis certifier que cela marche. Nous leur apportons ainsi la preuve concrète qu'ils peuvent vivre d'autre chose que de la culture du pavot ! Nous participons également à divers projets en matière d'éducation et d'administration dans ce pays. Cette aide au développement ne doit pas être opposée à nos interventions militaires : la première n'est pas subordonnée aux secondes mais elle ne pourrait être apportée sans elles. Il est en effet impossible de mener des actions de développement dans des territoires non sécurisés.

Pour ce qui est de l'AFD, monsieur le rapporteur spécial, n'opposons pas les différentes formes de ses interventions. On dit souvent qu'elle consent de plus en plus de prêts et de moins en moins de dons. Cela n'est pas vrai, les dons et les aides-projets ne diminuent pas, j'espère vous l'avoir démontré. Les prêts ne remplacent pas les dons, la palette d'outils ne fait que s'élargir. J'ai demandé à l'AFD d'octroyer davantage de prêts et leur volume annuel moyen est en effet passé de quelque 3,7 à un peu plus de 6 milliards d'euros. Ces prêts sont parfois concessionnels, parfois quasi-concessionnels, parfois à des taux quasi-normaux. N'opposons pas non plus les actions de l'Agence dans les pays émergents et dans les pays les moins avancés. L'Agence intervient dans les pays émergents, notamment au Vietnam où doit être inaugurée demain à Hanoï une première ligne de métro et où est en cours le projet de pont Long-Bien. Je préfère, pour ma part, que ce soit la France qui finance ces projets, fût-ce à taux un peu moins concessionnel, et qu'elle renforce ainsi ses positions dans le pays. Dans certains pays émergents, l'AFD peut octroyer des financements à taux quasi-normal, parfois, pourquoi le taire, en se refinançant sur les marchés financiers, ce qui lui permet d'ailleurs d'accroître ses interventions et d'obtenir plus de rentabilité. Si elle réalise de bonnes opérations dans ces pays, cela lui permettra d'abonder ses interventions dans les PMA. Loin de s'opposer, les deux constituent un tout, dans le cadre d'une stratégie mondiale. On ne peut pas dans le même temps s'interroger sur ce que fait la France, notamment au regard de la présence si active de la Chine en Afrique, et demander qu'un outil comme l'AFD n'intervienne que dans les PMA. L'AFD doit agir dans le monde entier et les verrous qui existent encore à ses interventions doivent sauter car elle réalise un travail remarquable. Cela ne nuira en rien à ses interventions financières au profit des PMA. Au contraire, cela les consolidera.

Madame la rapporteure pour avis, la liste des quatorze pays prioritaires n'est pas figée. Elle peut être révisée à l'occasion d'un autre CICID, les critères étant susceptibles d'évoluer. Haïti, dont vous vous préoccupez, n'y figure pas car ce pays fait partie de la liste des pays en crise ou en sortie de crise, qui bénéficient d'une attention particulière.

Concernant l'aide publique transitant par les ONG, il s'agit d'une question sensible. Dans les pays de l'OCDE, 5 % de l'APD en moyenne, est distribuée par ce canal. Avec 1,3 %, nous sommes très en retard. Nous avons pris l'engagement de passer à 2 % d'ici à la fin du quinquennat. À mon arrivée au secrétariat d'État, nous nous sommes mis d'accord avec les ONG pour augmenter de 50 % les fonds qui leur sont destinés. Le mouvement est amorcé dès cette année et l'objectif sera tenu. Le triplement des volontaires internationaux y contribuera puisqu'ils sont, pour une bonne part d'entre eux, gérés par les ONG.

L'amendement que vous proposez, qui consisterait à flécher, en faveur d'opérateurs francophones, 5 % des 300 millions que nous nous engageons à verser au Fonds mondial de lutte contre le sida, est très intéressant, et il rejoint la préoccupation de certaines ONG. Mais il pourrait provoquer des dommages collatéraux en donnant le sentiment que nous voulons diminuer notre part dans ce Fonds. Or telle n'est pas notre intention. Pour maintenir cette aide tout en faisant tout notre possible pour que les ONG françaises reçoivent davantage de financements multilatéraux, il faudrait reprendre une concertation approfondie avec elles. Et le plus approprié serait d'attendre la reconstitution du Fonds, l'année prochaine.

Je vous propose donc un dialogue avec les ONG, notamment celles qui sont le plus en retrait sur la question, pour reprendre l'initiative et de retirer votre amendement pour éviter de brouiller le message de la France. La répartition entre le multilatéral et le bilatéral mérite d'être débattue, mais, dans la lutte contre le sida, le multilatéral doit être privilégié car, grâce à des économies d'échelle, il permet de soigner plus de malades. Votre initiative est excellente, il faut en reparler, mais en dehors de toute polémique parce que le sujet ne s'y prête pas.

Comme Mme Idrac a répondu à Mme Aurillac sur les crédits à l'outre-mer, et moi sur la francophonie, j'en viens à la question sur l'environnement. Nous consacrons, dans un cadre multilatéral, au Fonds pour l'environnement mondial 154 millions d'euros sur la période 2007-2010. Et, au total, ce seront 1,1 milliard d'euros qui auront servi à la mise en oeuvre des politiques de développement destinées à lutter contre le réchauffement climatique.

Monsieur Loncle, il me semble avoir répondu aux questions que vous avez posées.

Les critères de l'OCDE, monsieur Asensi, sont les mêmes pour tous, et ils sont discutés en son sein. S'agissant de la France, la manière dont sont comptabilisées les interventions en faveur du développement tend plutôt à minorer la réalité qu'à la majorer. Vous avez parlé des crédits militaires. Mais, dans certains pays, ils sont la condition sine qua non des programmes de développement de la France. Or, pour la plupart, ces crédits ne sont pas comptabilisés dans l'aide publique au développement. Ils représentent pourtant des efforts importants. Malgré tout, nous restons le quatrième pourvoyeur d'APD au monde alors que les critères de l'OCDE ne nous favorisent pas.

Le débat relatif à l'approche globale devra être abordé sans tabou. Je n'ai pas dit qu'il fallait tout comptabiliser dans l'APD pour atteindre à tout prix le ratio de 0,7 %. L'Italie a lancé la discussion au G8, et elle a pris position. La France pas encore. Il est donc abusif de dire « la France et l'Italie ». La France ne s'est pas alignée sur l'Italie. Nous avons participé au débat.

À propos des financements innovants, je crois vous avoir répondu, monsieur Asensi.

J'en viens donc aux questions de M. Santini qui a bien voulu souligner que le ministère des affaires étrangères était chargé de faire la synthèse de l'aide publique au développement puisque nous déployons à peu près les deux tiers des crédits qui s'y rapportent. Demander une synthèse des effectifs que la France consacre dans le monde à sa mission de développement est une bonne initiative. Je suis prêt à mener ce travail, qui devra sans doute faire l'objet d'une étude spécifique très précise dans la mesure où nos personnels sur place sont « multi-emplois » et exercent une mission transversale.

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