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Intervention de Anne-Marie Idrac

Réunion du 10 novembre 2009 à 9h00
Commission élargie : commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, commission des affaires étrangères

Anne-Marie Idrac, secrétaire d'état chargée du commerce extérieur :

Étant donné l'excellence des rapports présentés, je me contenterai de répondre aux questions posées par les députés et d'aborder quelques sujets.

S'agissant du rythme de progression de l'aide publique au développement d'ici à 2015, il faut être lucide : étant donné le contexte de baisse des annulations de dette, le respect de l'objectif de 0,7 % du PIB en 2015 impliquera des efforts très soutenus.

Je voudrais faire remarquer que notre engagement en faveur des OMD, ou objectifs du millénaire pour le développement, ne se mesure pas au seul ratio « APD » – au sens du Comité d'aide au développement. Le paysage évolue, en France comme ailleurs, et de nouveaux acteurs, de nouveaux objectifs, de nouveaux besoins, de nouveaux instruments apparaissent, qui échappent à cette comptabilité traditionnelle. Il en est ainsi des garanties ou des prises de participation mises en oeuvre par le groupe AFD en faveur du développement du secteur privé, ou encore des actions en cours pour réduire les coûts des transferts de migrants afin de répondre à un objectif fixé par le G8 – réduction de moitié en cinq ans au niveau mondial.

Le rôle des organisations multilatérales dans la crise s'est avéré très important.

L'Afrique souffre beaucoup d'un certain nombre de phénomènes convergents : baisse du prix des matières premières ; réduction du flot des investissements directs étrangers ; réduction des transferts des migrants ; réduction des liquidités à l'échelle mondiale. D'emblée, les États membres du G 20 ont souhaité que la question du soutien aux pays pauvres, en particulier aux plus pauvres d'entre eux, fasse clairement partie de la stratégie de lutte contre la crise, au même titre que les mesures prises, par exemple, pour accompagner les banques. C'est donc bien dans un cadre multilatéral que s'est organisée la réponse à la crise. À plusieurs reprises, nous avons associé, notamment au ministère des finances, les pays africains à la préparation du G 20 – dont ils ne sont pas membres. Christine Lagarde et moi-même avons par ailleurs rencontré les plus hautes autorités de la zone franc à chaque étape du G 20.

Des moyens financiers supplémentaires ont été fournis aux pays en développement. Le directeur général du FMI a joué un rôle essentiel en la matière. C'est ainsi que le FMI a prévu d'augmenter, sur les deux ou trois prochaines années, d'environ 8 milliards ses prêts sans intérêt aux pays à faibles revenus. Grâce à l'initiative de Dominique Strauss-Kahn, Christine Lagarde et son homologue britannique ont pu apporter une solution au problème de liquidités rencontré par un certain nombre de pays pauvres en mettant à disposition 4 milliards de dollars, fournis à parité par la France et le Royaume-Uni, dans le cadre des facilités accordées par le FMI. Mais on pourrait donner bien d'autres exemples pour illustrer le rôle du multilatéral dans la résolution des questions de crise.

Monsieur Emmanuelli, selon vous, l'AFD serait de plus en plus bancaire et de plus en plus orientée vers les pays émergents. Faut-il s'en inquiéter ?

C'est une force pour la France, par rapport à ses pays voisins, de disposer de toute une palette d'outils, allant du don au prêt très concessionnel en passant par les simples garanties de prêt : ainsi, nous pouvons nous adapter à la diversité des situations. C'est ainsi que nous avons pu, avec l'AFD, prendre le relais de la réduction des financements privés en Afrique.

Dans les pays émergents, l'AFD intervient, dans le cadre d'une stratégie clairement définie par le Gouvernement, sous forme de prêts et sur la seule question des biens publics mondiaux. Il serait tout à fait regrettable, s'agissant notamment du climat ou de l'accès à l'eau, que la France ne dispose pas d'outils pour intervenir et doive laisser aux seules organisations multilatérales le soin de s'en occuper. Le fait d'être présents de manière lisible et sur des sujets d'actualité, en complément de ce que nous faisons de manière plus traditionnelle, conforte l'intérêt d'avoir un outil général.

Je précise que l'Afrique subsaharienne représente environ 45 % du plan d'affaires de l'AFD et bénéficie des deux tiers de l'aide publique. La diversification des outils dont nous disposons nous permet de tenir notre rang. Enfin, en cette période de crise, l'intervention dans les pays émergents permet de jouer un rôle contracyclique particulièrement adapté.

Monsieur Emmanuelli, la réserve des pays émergents est constituée de dotations. Leur montant avait été fixé l'année dernière à 700 millions, somme qui a permis une action volontariste, équivalente à celle de la Coface, et qui visait à lutter contre la crise et à profiter des plans de relance. Pour le PLF 2010, le montant des dotations demandé est de 400 millions. L'objectif est double : un objectif d'aide au développement et un objectif très clair de soutien aux entreprises françaises. Contrairement aux divers financements de l'AFD, la RPE est bien une catégorie de financements liés. Il s'agit d'aider les pays émergents à réaliser des projets qui ne sont pas viables commercialement : métro de Hanoï, métro du Caire ; équipements hospitaliers au Sri Lanka ; traitement des eaux à Lahore.

Il existe évidemment une articulation avec l'AFD, puisque certains plans de financement font intervenir, pour des projets complémentaires ou en complément de la RPE stricto sensu, des crédits de l'AFD. C'est le cas pour le métro de Hanoï ou les projets de transport ferroviaire au Maroc. L'aide accordée prend la forme de prêts concessionnels à des conditions plus favorables que celles du marché, en termes de taux, de durée et de franchise, et s'accompagne d'un élément de don.

La Banque mondiale, madame Martinez, est évidemment, en raison de sa réactivité, un partenaire majeur, plus important encore que par le passé, du fait de la crise et du rôle joué par les organisations multilatérales. Et du point de vue stratégique, il s'agit toujours d'améliorer l'efficacité de notre dialogue et de favoriser la transparence.

La réforme de la gouvernance de la Banque mondiale est pour nous très importante. Nous souhaitons plus particulièrement corriger la situation de sous-représentation de certains pays. Il nous paraît également nécessaire de faire contribuer l'ensemble des pays sur-représentés. Comme vous le savez, la France a beaucoup oeuvré pour que les pays les plus pauvres bénéficient d'un doublement des droits de vote de base, et pour que l'on accorde à l'Afrique un siège supplémentaire au conseil d'administration. Nous continuons à oeuvrer pour que l'Afrique bénéficie également d'une deuxième phase de réformes, aussi bien sur le plan financier que sur le plan politique.

Vous avez plus spécifiquement appelé l'attention sur les déclarations récentes du ministre britannique du développement sur l'intervention auprès des pays les plus pauvres. Il faut savoir que Britanniques et Français sont tombés d'accord sur le constat suivant : le ciblage de l'aide au profit de l'Afrique subsaharienne par le Fonds concessionnel de la Banque mondiale est une réalité, puisque 60 % des ressources de l'AID, mesurées en éléments dons, lui sont consacrés. En outre, la moitié des opérations de la SFI, la Société financière internationale – organe de la Banque mondiale consacré au secteur privé – sont désormais menées dans les pays éligibles à l'AID, ce qui bénéficie encore à l'Afrique. Dans cette région du monde, les investissements ont augmenté de 32 % en 2009.

Nous souhaitons que la Banque mondiale aille plus loin : il faut l'aide profite à ceux qui en ont le plus besoin, dans les environnements les plus difficiles. Nous partageons avec nos amis britanniques l'ambition que la Banque mondiale renforce encore son action au profit des pays les plus vulnérables. Nous estimons que la vulnérabilité doit devenir un critère déterminant dans l'allocation de l'aide, à côté des critères de performance, qui sont souvent utilisés.

Nous souhaitons également que la Banque mondiale soit innovante et développe des produits adaptés – dons, instruments contracycliques, garanties… – à la situation des pays les plus fragiles, quitte à prendre davantage de risques.

Madame Martinez, avec un souci de clarté et une persévérance qui vous honorent, vous demandez de nouveau cette année pourquoi le financement du Fonds nucléaire figure dans la mission « Aide publique au développement ». Au premier abord, cela peut en effet paraître surprenant, mais deux de ces fonds font bien partie d'une stratégie de développement. L'Ukraine est éligible à l'APD, et nos contributions au Compte pour la sûreté nucléaire (NSA) et au Fonds pour le sarcophage de Tchernobyl (CSF) relèvent de l'APD. Ces fonds sont gérés par la BERD, ce qui d'ailleurs facilite la cohérence de notre action. Travaillant globalement avec la BERD, nous avons pu plaider pour qu'elle verse au CSF 135 millions d'euros de son résultat, ce qui a permis de réduire d'autant les dépenses budgétaires. Les crédits du troisième Fonds, dit NDEP, ne sont pas comptabilisables, eux, dans l'APD car ce Fonds n'intervient qu'en Russie, laquelle n'est pas éligible à l'APD. Au total, après y avoir réfléchi, comme nous l'avions promis avec Eric Woerth l'an passé, il est logique que les crédits des deux premiers fonds figurent dans cette mission. Il serait de toute façon regrettable pour la flexibilité budgétaire qu'il en soit autrement.

Madame Aurillac, vous vous êtes, pour votre part, interrogée sur ce qui pourrait aussi apparaître étrange au premier abord, à savoir que les crédits destinés à la bonification des prêts pour certains DTOM, qui représentent environ 35 millions d'euros par an, figurent dans cette mission. L'AFD intervient à hauteur non négligeable dans les DTOM, au point que notre collègue chargée de l'outre-mer participe désormais au conseil d'orientation stratégique de l'Agence. Seules les bonifications des prêts destinés à Mayotte et à Wallis-et-Futuna sont comptabilisées en APD, vu la situation particulière de ces territoires. Cela ne représente que 3 % des prêts à l'ensemble des DTOM.

Monsieur Asensi, s'agissant de la taxe Tobin, je rappelle que Christine Lagarde a, lors du G 20 Finances de Saint-Andrews, confirmé le souhait de la France que soient étudiés des moyens d'asseoir un financement innovant du développement sur les transactions financières. La France participe au groupe de travail qui étudie la faisabilité technique de cette taxation, ainsi que des contributions volontaires sur ces mêmes transactions. Les ministres de la dizaine de pays qui participent à ce groupe de travail se sont réunis en octobre et des experts internationaux planchent également. Des conclusions devraient être rendues en avril 2010. S'il convient sur un tel sujet de faire preuve de volontarisme politique et d'être ferme sur l'objectif, il convient aussi d'étudier avec soin la faisabilité technique d'une taxe qui ne doit pas, en période de crise, réduire les capacités de liquidités ni de financement sur les marchés mondiaux.

Monsieur Asensi, vous vous êtes également demandé si les financements innovants du développement devaient être considérés comme des ressources additionnelles de l'APD. On est là dans le cadre de l'OCDE. Lors de la revue de la politique d'APD de la France en 2008, il a été rappelé que le Gouvernement français devait veiller à ce que ses déclarations d'APD respectent les règles afin de garantir l'intégrité et la cohérence des données. Conformément à cette préconisation de l'OCDE, qui rejoint les vôtres, monsieur Asensi, la déclaration d'APD 2008, établie cette année, réintègre pour la première fois le produit de la taxe sur les billets d'avion. Les autres financements à l'étude, s'ils voient le jour, seront comptabilisés dans le strict respect des règles en vigueur.

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