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Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

Séance du 22 novembre 2011 à 17h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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La séance

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Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

La commission du développement durable et de l'aménagement du territoire a entendu MM. Bernard Deflesselles et Jérôme Lambert sur le rapport d'information sur les négociations internationales relatives au changement climatique, présenté au nom de la Commission des affaires européennes .

PermalienPhoto de Serge Grouard

MM. Bernard Deflesselles et Jérôme Lambert vont nous présenter leur rapport d'information sur les négociations internationales relatives au changement climatique qu'ils ont déposé, comme chaque année, au nom de la Commission des affaires européennes.

PermalienPhoto de Bernard Deflesselles

Nous travaillons sur ces questions depuis plus de quatre ans : notre premier rapport de 2008 a porté sur la directive européenne dite des « 3 fois 20 », celui de 2009 sur la conférence de Copenhague, celui de 2010 sur celle de Cancún, et celui de cette année porte sur celle de Durban, prévue du 28 novembre au 9 décembre prochains.

Notre mission, dans le cadre de la Commission des affaires européennes, était de suivre les relations internationales, la préparation des sommets, et de dégager des pistes de négociation pour voir comment affirmer les positions de la France, de l'Union européenne et des Nations Unies sur ce sujet important.

La Conférence annuelle des Parties (Conference of the Parties, COP) est le point névralgique des négociations climatiques. L'objectif était de fixer la limite de l'accroissement du réchauffement climatique en dessous des 2 °C évoqués dans le rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) d'ici 2050, et de ne pas dépasser 4 °C en 2100. On est malheureusement loin de respecter cette limite, qu'on est en train de dépasser, ce qui pose problème.

À la suite de la conférence de Copenhague, qui ne s'est pas bien passée, malgré quelques avancées, on a essayé d'inverser la tendance : certains pays se sont émus de son échec et ont remis en cause le processus onusien.

La conférence de Cancún nous a rassérénés sur ce point. On a inversé en quelque sorte la charge de la preuve : on est passé d'une logique dite du « top-down » – fondée sur un cadre s'appliquant à tous les pays, qui ne fonctionne pas – à celle du « bottom-up » – demandant aux États de prendre des engagements. 80 % des 194 pays se sont mobilisés, indiquant leur plan climat ou les objectifs retenus à telle ou telle échéance, en dehors de tout dispositif juridique contraignant.

L'objectif était aussi de favoriser le système de transparence (MRV), ou d'enregistrement des objectifs et de contrôle, créé par la conférence de Bali en 2007. Mais celui-ci est confronté à des difficultés, certains grands pays comme la Chine étant réticents au motif qu'il constitue une ingérence dans les affaires intérieures du pays et qu'il faut avoir confiance dans leur plan climat et aux dizaines de milliards investis dans ce domaine.

Cela étant, une porte a été ouverte à la conférence de Cancún, où la Chine s'est montrée plus allante.

A également été créé le Fonds vert, mesure clé permettant de soutenir les programmes et les projets des pays en développement (PED), avec un triple objectif : réduire les émissions de gaz à effet de serre, mettre en place des mesures d'adaptation et financer la préservation des puits de carbone. L'objectif est de mobiliser 100 milliards de dollars par an à partir de 2020 sur fonds publics et privés. Mais les questions de gouvernance et de financement du fonds restent pendantes.

La mise en place d'un mécanisme technologique destiné à développer et à diffuser les nouvelles technologies vertes dans les pays en développement constitue un autre élément important.

De plus, se met en place le mécanisme de lutte contre la déforestation (REDD + ), qui représente quasiment 22 % des émissions de gaz à effet de serre. Des pays comme la France ou la Norvège y sont très engagés et les États-Unis ont décidé d'abonder le fonds qui lui est consacré.

Nous avons pu constater sur place les progrès accomplis dans ce domaine par le Brésil, qui a engagé une politique de diminution de la déforestation - dont le taux commence à être acceptable, même si des efforts considérables restent encore à faire.

Enfin, les mécanismes de marché doivent être renforcés, à savoir le mécanisme pour un développement propre (MDP) pour les PED et la mise en oeuvre conjointe (MOC) pour les pays développés.

Que peut-on, dès lors, attendre de la conférence de Durban ?

Le titre de notre rapport, Durban, la Conférence de toutes les incertitudes, rend bien compte de la situation. Si l'on assiste à une prise de conscience sur la question du réchauffement climatique depuis une quinzaine d'années, la crise financière et économique très importante que nous connaissons suscite une réaction de repli.

Il faudra consolider ce qui a été obtenu à Cancún et conserver l'objectif d'une limitation du réchauffement à 2 °C en 2050 – ce qui est très difficile – et à 4 °C en 2100 – ce qui, pour l'instant, est une gageure. Les scientifiques rencontrés ne sont pas optimistes. Après une réduction des gaz à effet de serre en 2009, on enregistre une augmentation de 5 % en 2010, soit un record parmi les années étudiées.

Le système MRV de suivi et de contrôle des engagements des pays développés et des pays en développement doit, par ailleurs, être amélioré. On peut obtenir quelques accords en la matière.

Le Fonds vert devra, en outre, être opérationnel. On avance sur le problème de sa gouvernance : un accord doit être trouvé entre les pays développés et les PED, afin qu'elle soit partagée, sachant qu'aucune localisation de ce fonds n'a pour l'instant été fixée.

S'agissant de son abondement, l'objectif est de lancer des financements innovants, tels le fonds sur les soutes aériennes et maritimes, les revenus des enchères ou bien la taxe sur les transactions financières, que défend l'Europe, en particulier le couple franco-allemand, alors que des pays comme la Grande-Bretagne ou la Suède sont réticents. Il est loin d'être atteint au vu de la position de pays comme la Chine ou l'Inde, sans parler des États-Unis, qui s'y opposent. Or, sans ce type de financement, on ne parviendra pas à abonder le fonds.

Concernant le programme REDD+, il conviendra de continuer à recueillir des fonds et à mettre le mécanisme définitivement sur pied.

La conférence de Durban devra enfin traiter de la question majeure de l'avenir du protocole de Kyoto, qui prend fin en décembre 2012. On n'obtiendra pas de traité contraignant, beaucoup de pays n'y étant pas favorables, mais il s'agit du noeud gordien de la conférence !

D'un point de vue juridique, trois issues sont possibles : l'entrée en vigueur provisoire d'un processus qui pourrait prolonger le protocole, au travers d'une procédure compliquée de validation requérant un moindre niveau de garantie des pays ; la tacite reconduction, plus rapide, mais risquée car elle prévoit une option permettant à un État de se délier de ses obligations ; un amendement au protocole en 2012, impliquant une ratification par les pays.

Certains signaux ne sont pas encourageants. Des pays comme la Russie, le Canada ou le Japon, qui ont signé le protocole, refusent de le prolonger. D'autres, tels les États-Unis, la Chine ou l'Inde, ne veulent pas entrer dans un processus amélioré, considérant que ce protocole est inefficace dans la mesure où il ne couvre que 27 % des émissions mondiales.

Il est donc souhaitable de trouver un moyen juridique permettant de prolonger le dispositif pendant trois à cinq ans, en attendant de signer un accord juridique contraignant, englobant la totalité des pays et non les seuls signataires du protocole. Cela ne sera pas simple !

PermalienPhoto de Jérôme Lambert

Les ambitions de la conférence de Durban seront sans doute limitées. Comme le dit le président de la République d'Afrique du Sud, M. Jacob Zuma : « Nous allons à Durban sans illusions, ce ne sera pas une promenade de santé, au contraire, nous savons parfaitement que dans certains domaines, les intérêts nationaux feront du consensus un challenge ».

Plusieurs éléments incitent au pessimisme. D'abord, la crise économique et financière, qui, dans les négociations internationales et les médias, a pris le pas sur la crise climatique, alors que celle-ci, il y a quelques années encore, notamment lors de la conférence de Copenhague, était au centre des discussions.

Or, comme cela vient d'être rappelé, les émissions de gaz à effet de serre ont atteint un nouveau pic en 2010 et nous sommes très loin des objectifs fixés dans ce domaine. Une étude publiée dans la revue « Nature » du 6 novembre indique que la situation actuelle est grave. Elle rappelle que pour atteindre un réchauffement inférieur à 2 °C, il faudrait qu'avant 2020 les émissions globales diminuent, alors qu'elles ne cessent d'augmenter : de 1990 à 2010, elles se sont accrues de 45 % !

Par ailleurs, les pays émergents font habituellement valoir la faiblesse de leurs émissions par habitant, même si cet argument ne vaut que pour certains, tels l'Inde qui produit 1,5 tonne par habitant, contre environ 10 tonnes par habitant en Europe, 18 aux États-Unis et 7 en Chine. Ils rappellent que les pays occidentaux sont historiquement responsables du stock et qu'ils ne font, par leurs émissions, qu'essayer de rattraper le niveau de développement économique de ceux-ci – encore éloigné, mais auquel ils ont droit.

De plus, si l'Union européenne se targue d'avoir réduit substantiellement ses émissions de CO2dans le cadre de la directive « climat » ou « 3 fois 20 », ses efforts sont remis en cause dans les négociations internationales. D'aucuns allèguent, en effet, que si l'on intégrait dans la consommation européenne tous les produits importés, en y incluant tout ce qui concourt à leur fabrication ou à leur transport, l'Union enregistrerait une augmentation de 25 % de ses émissions au lieu d'une diminution de 10 %.

Il est difficile de faire converger les points de vue dans la crise économique actuelle, où chacun défend ses intérêts et cherche à soutenir sa propre croissance.

D'autant que le climatoscepticisme est toujours présent, notamment parmi nombre de membres républicains ou démocrates du Congrès des États-Unis qui considèrent que l'évolution du climat est une donnée parmi d'autres, à laquelle on s'adaptera et qui ne doit pas empêcher de continuer de produire et de consommer. Lors d'une conversation que nous avons eue avec un élu républicain il y a quelques années, celui-ci avait affirmé que le réchauffement climatique n'était pas un problème dans la mesure où quand il fait trop chaud, il suffit d'augmenter la climatisation !

L'évolution des équilibres mondiaux est en outre déterminante. On constate un affrontement entre les pays du Nord et du Sud sur l'objectif du protocole de Kyoto. On l'a vu : certains pays signataires ne souhaitent pas son prolongement et d'autres sont réticents à devenir partie prenante, comme la Chine, qui met en avant les contradictions des États membres.

On voit aussi se dessiner un groupe de pays relativement solidaires dans le cadre du Groupe des 77 (G-77), lequel rassemble en fait aujourd'hui plus de 77 États, parmi lesquels beaucoup de pays dits émergents tels la Chine, l'Inde ou le Brésil, qui essayent d'avoir une position commune dans les négociations internationales, même s'ils sont dans des situations différentes. Ainsi, les 7 tonnes d'émissions de CO2 par habitant de la Chine équivalent à celles de l'Italie, ce qui montre qu'elle n'est plus un pays sous-développé.

Si ce tableau peut sembler pessimiste, des avancées concrètes sont tout de même attendues à Durban. C'est le cas pour la gouvernance du Fonds vert, même si la question de son abondement reste entière.

Par ailleurs, un plan d'action pour le transfert de technologies devrait être adopté, sachant que peu de projets concrets sont programmés à court terme.

De manière générale, on constate peu d'avancées concrètes depuis trois ans.

Les méthodes d'évaluation et de suivi des politiques nationales de lutte contre le réchauffement climatique devraient également progresser. La Chine semble à cet égard être en bonne voie.

Enfin, la position de l'Union européenne sera importante. Or, les négociations entre les Vingt-sept n'ont pas été aisées et le compromis trouvé a mis en évidence des divisions entre les pays membres. L'Union européenne se déclare « ouverte à une deuxième période d'engagements du Protocole de Kyoto » à condition de préserver l'intégrité environnementale de cet instrument et que soient lancées à Durban des négociations pour la conclusion d'un accord contraignant par tous les grands émetteurs de CO2, assortie d'une feuille de route.

Les divergences au sein de l'Union tiennent au fait qu'un groupe de pays – notamment la France, l'Espagne, la Belgique et le Danemark – souhaite que l'Union s'engage sur une deuxième période du protocole de Kyoto sans aucune condition, une éventualité à laquelle d'autres délégations – l'Allemagne et le Royaume-Uni notamment – sont opposées, compte tenu du fait que l'Union européenne ne contribue à ce jour que pour 11 % des émissions mondiales de CO2.

L'Union doit retrouver un rôle clé : si des chefs d'État ou de délégation ont eu une influence importante, on n'a pas toujours entendu ses représentants en tant que tels défendre les intérêts de l'Europe.

L'après Durban donne toutefois quelques raisons d'espérer. L'élaboration d'un nouveau régime « climat » ambitieux à moyen terme et engageant tous les pays du monde est souhaitable et possible. Mais certains États mettent en avant des conditions préalables. D'aucuns pensent qu'il faudra pour cela sortir du strict cadre des Nations Unies. En tout état de cause, d'autres outils sont susceptibles d'être mobilisés.

Enfin, « Rio + 20 », la Conférence mondiale des Nations unies sur le développement durable, qui se tiendra à Rio au Brésil en juin prochain, suscite beaucoup d'attentes. Certains, comme Brice Lalonde, coordonnateur exécutif de la Conférence des Nations Unies sur le développement durable, redoutent un échec à Durban qui pourrait se répercuter sur la conférence de Rio, dont la vocation est cependant plus large que la lutte contre le réchauffement climatique.

PermalienPhoto de Françoise Branget

L'Europe a réduit ses émissions de gaz à effet de serre grâce à la directive « climat » et au développement des énergies alternatives. Or la décision d'arrêter la production d'électricité nucléaire en Allemagne va s'accompagner d'un transfert de charge vers la production d'électricité thermique fondée sur le charbon, que ce pays importe massivement.

Si nous décidions de fermer en France plusieurs centrales nucléaires sans avoir de solution alternative, ne serions-nous pas obligés de revenir aussi à une production d'électricité à base de charbon ? Quelles ambitions pourrions-nous alors défendre à Durban et après Durban ?

PermalienPhoto de Jean-Paul Chanteguet

L'urgence climatique est une réalité, que seuls des climatosceptiques financés par certains lobbies américains contestent !

La conférence de Copenhague, précédée par une forte mobilisation, a été un échec regrettable, que les décisions de principe que vous évoquez ne suffiront pas à occulter. La conférence de Cancún de 2010 a cependant marqué des avancées non négligeables, de la création du Fonds vert au système de suivi et de contrôle des engagements pris, en passant par le mécanisme de lutte contre la déforestation.

L'Union européenne se doit de faire oublier son inexistence lors des précédents sommets, arriver unie et parler d'une seule voix à la conférence de Durban, dont l'enjeu est notamment l'après protocole de Kyoto.

Vous reconnaissez qu'il faut préserver le cadre onusien pour ces négociations. Or, en France, les régions et les collectivités locales dans leur ensemble sont des acteurs majeurs de la lutte contre le réchauffement climatique : doit-on reconnaître cette dynamique territoriale en renforçant le poids politique des autorités locales dans les négociations, en leur donnant la possibilité de bénéficier directement des fonds « climat » ?

Alors que le GIEC, dans son dernier rapport, recommande pour les pays industrialisés une diminution comprise entre 25 et 40 % de leurs émissions de gaz à effet de serreet que plusieurs pays se sont engagés en faveur d'un objectif plus ambitieux que celui des - 20 % du paquet « énergie-climat », existe-t-il au niveau européen une réelle volonté politique de porter ce dernier à - 30 %, ce qui nous permettrait de respecter le « facteur 4 » de réduction en 2050 ?

Pour les pays les plus vulnérables, l'adaptation au changement de climat est un impératif, qui doit être intégré dans les négociations climatiques : sa prise en compte vous paraît-elle suffisante ?

Est-il prévu d'affecter au Fonds vert une partie des recettes de la taxe sur les transactions financières que la France et l'Allemagne ont proposé de créer ?

Enfin, le défi environnemental majeur du réchauffement climatique doit-il être envisagé comme une chance de repenser notre modèle de développement et de construire une économie de la sobriété, mois émettrice de CO2et moins consommatrice de ressources naturelles ?

PermalienPhoto de André Chassaigne

J'ai déposé en octobre dernier la proposition de résolution n° 3815, intitulée « Engagements internationaux à tenir en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre dans le cadre de la préparation de la conférence de Durban », que je vous invite à lire.

PermalienPhoto de André Chassaigne

Selon son président, le groupe GDR n'a, semble-t-il, pas été sollicité par le ministère pour participer à la délégation française de cette conférence – une protestation a dû d'ailleurs être formulée à cet égard. De plus, nous ne savons pas si une délégation parlementaire est prévue...

PermalienPhoto de Serge Grouard

Moi non plus, je ne connais pas la composition de cette délégation ! Pas plus d'ailleurs que le programme de la conférence qui ne nous a pas été communiqué…

PermalienPhoto de André Chassaigne

Si tel était le cas, je ne doute pas que les Verts seraient représentés par nos collègues socialistes à la suite de l'accord récemment passé entre leurs deux partis ! (rires)

J'ai apprécié votre rapport et vos conclusions rejoignent les miennes.

Les États membres du G-77, qui sont aujourd'hui 135, insistent sur le fait que les pays du Sud sont les principales victimes du réchauffement climatique.

On voit là une des conséquences du système capitaliste qui, avec l'addiction à l'accumulation privée du profit, engendre des mécanismes économiques produisant les résultats que l'on connaît aujourd'hui.

Les réponses apportées sont techniques et consistent à gérer les externalités, au travers de mesures relatives à l'extension des marchés du carbone, de techniques diverses de compensation financière, ou de modifications et vérifications fondées sur le concept de la bonne gouvernance. Mais elles n'apportent pas de solutions aux problèmes qui se posent.

On ne respecte pas non plus le paquet « énergie-climat » adopté par l'Union européenne en 2008, tendant à réduire de 20 % les émissions de gaz à effet de serre par rapport à 1990, à porter la part des énergies renouvelables à 20 % de la consommation et à réaliser 20 % d'économies d'énergie. Ce « 3 fois 20 » n'est pas mis en oeuvre : vous avez donc raison de tirer la sonnette d'alarme !

Faut-il rappeler les importations massives d'agrocarburants issus de la culture du palmier à huile dans les pays du Sud ? Ou la promotion dans certains pays de l'Union européenne du gaz de schiste ? Ne voit-on pas que la suppression de l'énergie nucléaire sans transition énergétique conduit à une catastrophe en termes de production de carbone, comme le montre l'Allemagne ?

Petit à petit, on tend, notamment en France, à un glissement vers l'adaptation – c'est-à-dire l'acceptation du réchauffement climatique – au lieu de réduire les émissions. Le plan d'adaptation au changement climatique pour 2011-2015, dévoilé par la ministre de l'écologie, le 20 juillet dernier, participe de cette logique. C'est catastrophique pour les pays du Sud et les générations à venir ! C'est une honte pour les pays industrialisés, dont on va rapidement mesurer les conséquences ! Il y a déjà des dizaines de millions de réfugiés climatiques et nous en aurons des centaines de millions dans vingt ans, avec toutes les conséquences humaines et sociales qui en résultent, y compris pour notre pays !

PermalienPhoto de Jean-Marie Sermier

Merci pour cet excellent rapport, mais n'est-on pas en train de se tromper de solution ?

Les émissions de CO2sont un vecteur de changement climatique : 80 % proviennent de l'énergie fossile, notamment du charbon. Mais la France émet 5,9 tonnes par habitant, contre 6,8 tonnes pour la Chine, qui enregistre une progression de 140 % entre 2000 et 2010 et en produit globalement vingt-cinq fois plus !

Plutôt que de chercher à réduire ces émissions, ce qui prendra beaucoup de temps, ne faut-il pas accélérer la réflexion sur les nouvelles énergies au niveau international ? Bref, ne faut-il pas changer de paradigme ? C'est comme si nous étions sur un vélo et qu'on nous demande de pédaler plus vite alors qu'il faudrait prendre un autre mode de transport !

La France pourrait promouvoir cette réflexion : nous ne devons pas nous limiter à réduire le CO2ni à nous adapter au réchauffement climatique !

PermalienPhoto de Philippe Tourtelier

Il y a en effet lieu de changer de paradigme sur l'énergie et les nouveaux modes de développement.

Il faut relier la problématique du changement climatique à celle de la pauvreté dans le monde et aux objectifs du Millénaire pour le développement (OMD). Le rapport Brundtland disait déjà en 1987 que le meilleur moyen de défendre l'environnement était de lutter contre la pauvreté. Il est significatif que votre rapport débouche sur « Rio + 20 » : comme on est dans une impasse, vous revenez au concept de développement durable en général !

Je réitère à cet égard ma demande d'une réunion spécifique sur le rôle des femmes et des jeunes filles dans la lutte contre le changement climatique, puisqu'il a été montré que c'était dans ce domaine que les sommes versées étaient les plus efficaces.

Concernant le Fonds vert, dans toute négociation, se pose une question de crédibilité. Or nos financements devaient être soumis à deux conditions, qui ne sont pas remplies : l'existence de crédits additionnels – alors que les fonds sont seulement intégrés à ceux de l'aide publique au développement – et le principe d'une adaptation – et non d'une atténuation, comme dans nos pays – pour les pays du Sud, qui sont dans une situation d'urgence.

Quant à la taxe sur les transactions financières, elle se heurte à l'opposition de la Grande-Bretagne et le G 20 s'est limité à des déclarations d'intention : le Fonds vert ne sera donc pas alimenté !

Enfin, on va essayer de se mettre d'accord au sein de l'Union européenne sur une feuille de route pour articuler le protocole de Kyoto et les décisions de la conférence de Durban pour 2015. Ce serait déjà bien d'y parvenir !

Le GIEC vient d'indiquer qu'il y aurait une corrélation entre le changement climatique et le nombre et la violence des événements dans ce domaine : dans les cinq à dix ans à venir, l'opinion publique va évoluer et il faut maintenir des outils permettant de lui répondre quand elle nous demandera de le faire ! Nous serions plus crédibles si la France défendait l'objectif de réduction de 30 % des émissions de gaz à effet de serre au sein de l'Union.

PermalienPhoto de Philippe Meunier

La décision de l'Allemagne de renoncer à l'énergie nucléaire ne crée-t-elle pas une ligne de fracture supplémentaire au sein de l'Union européenne, en plus de celle existant entre le Nord et le Sud ? Comment pouvons-nous, dans ces conditions, avoir une position et des objectifs communs ?

PermalienPhoto de Francis Saint-Léger

La production nucléaire est en effet le coeur du problème. Comme le montre le rapport, pour atteindre les objectifs de réduction de 20 % des gaz à effet de serre en 2020 et de 80 % en 2050, il faut réduire considérablement ceux-ci dans l'électricité – qui est le secteur le plus important dans ce domaine – d'ici 2020 et les avoir éliminés d'ici 2050. Avec l'abandon du nucléaire, qui est décidé par certains et réclamé par d'autres, quel est le scénario énergétique envisagé pour aboutir à cette suppression ? On a parfois l'impression que, pour certains, cela n'est que du « blabla ».

PermalienPhoto de Philippe Plisson

Je suis étonné, voire attristé, de ce débat sur l'énergie nucléaire, dont on découvre qu'elle a un avenir ! Je comprends que vous ayez une fixation politique vis-à-vis de la campagne électorale qui s'ouvre, mais notre débat doit être d'un autre niveau !

Nous devrions ici avoir un minimum de consensus pour essayer de sauver ce qui peut l'être, alors que les perspectives sont catastrophiques. Selon les données existantes, nous aurions actuellement atteint un niveau de gaz à effet de serre équivalent à 391 parties par million (ppm) de CO2 dans l'atmosphère et l'augmentation de température prévisible, qu'on voulait limiter à 2 °C à Copenhague, pourrait être de 8 °C ! Le GIEC vient d'indiquer que le dérèglement météorologique était dû aussi aux gaz à effet de serre et à l'augmentation des températures.

Alors que nous sommes au pied du mur, on a l'impression de se trouver dans un « café philo ». Je regrette qu'on ne mette pas la crise écologique au même niveau que la crise économique. Ne devons-nous pas mettre en cause notre modèle économique et social pour en finir avec la civilisation du gaspillage ? Si on ne le fait pas maintenant, quand le fera-t-on ?

Vous l'avez dit : « on n'a pas grand-chose à espérer de Durban ». Va-t-on attendre d'être dans le mur pour prendre des mesures ? Il devrait y avoir une prise de conscience générale et chacun devrait attirer l'attention autour de soi sur l'urgence de la situation !

PermalienPhoto de Serge Grouard

Monsieur Tourtelier, nous arrivons en fin de législature et il est très compliqué d'ajouter de nouveaux sujets de débat dans le calendrier actuel, même si je partage votre analyse.

S'agissant de la conférence de Durban, le constat est accablant : on se trouve face à une « machine » mondiale qui s'est emballée et que l'on ne parvient plus à contrôler. Chacun porte historiquement sa part de responsabilité, même si certains pays développés et PED cherchent à se renvoyer celle-ci.

Le rapport de nos collègues montre bien que si, en 2000, chaque Chinois émettait moins de 3 tonnes de gaz à effet de serre par habitant, il en produit près de 7 aujourd'hui. Quand l'Inde deviendra le pays le plus peuplé du monde - si elle ne l'est déjà -, elle émettra la même quantité alors qu'elle n'en dégage pour l'instant que 1,5 tonne par habitant ! Par comparaison, les problèmes européen ou français paraissent marginaux.

Cela pose la question du poids de l'Union européenne, qui pourrait être la seule à aboutir à un résultat. Encore faudrait-il une convergence forte, voire un consensus en son sein, auxquels on ne parvient pas.

Cela me fait penser à une catastrophe annoncée qui, dans l'histoire de l'humanité, n'a, à mon sens, jamais existé. Si elle s'est déjà produite dans l'histoire de la planète, ce fut sur des échelles de temps infiniment plus longues, de plusieurs millions d'années.

Une crise peut en cacher une autre et on se trompe de crise ! La crise de la dette est de court terme tandis que celle de l'environnement est structurelle !

Or la réponse à la crise de l'environnement est aussi le moyen de sortir de celle de la dette.

À vous écouter, je pensais à toutes les crises, diplomatiques, politiques, stratégiques ou militaires, que nous avons connues pendant l'entre-deux-guerres. Lors des débats à la Chambre des députés, dans les années 1930, certains de nos collègues se sont montrés parfaitement lucides sur ce qui allait se passer et on les a traités d'imbéciles ! Or aujourd'hui, toutes proportions gardées, nous sommes une quinzaine seulement à écouter ce que nos deux collègues nous rapportent !

PermalienPhoto de Jérôme Lambert

Vous avez, monsieur le Président, répondu en substance à la plupart des questions posées ! M. Bernard Deflesselles, rapporteur. Au sujet des termes de « blabla » ou de « café philo », je rappelle que nous ne sommes pas en charge des négociations mondiales sur le climat : nous ne sommes pas le Gouvernement ; nous ne sommes que des spectateurs engagés !

Madame Branget, les États-Unis disposent des réserves les plus importantes de charbon – pour deux siècles au moins – et ils produisent 50 % de leur électricité grâce à cette ressource minérale ; l'Allemagne, en se désengageant du nucléaire, va mettre en oeuvre des centrales thermiques et recourir au gaz, notamment de Russie.

À cet égard, la séquestration du carbone constitue un progrès technologique intéressant. Il y a trois ans, l'Europe a décidé de fabriquer dix démonstrateurs sur son territoire dans ce domaine : on commence à obtenir des résultats. Cette technique est importante car elle permettra de capter environ 25 % des émissions de gaz à effet de serre. Si l'on arrive à rendre les centrales au charbon et au gaz plus propres, on pourra progresser. D'ailleurs, tous les grands pays s'y mettent : les États-Unis font beaucoup de recherches en la matière, de même que l'Union européenne, la Chine et l'Inde. Nous devons essayer d'avoir une avance technologique dans ce domaine.

Monsieur Chanteguet, quand on regarde les autres grands États, notamment les États-Unis, au niveau fédéral, cela n'avance pas : nous avons pu le constater avec les conseillers du Président Barack Obama, avant et surtout après l'élection de celui-ci, au moment du vote de la loi visant à réduire les gaz à effet de serre de 17 % par rapport à 2005, soit de 4 à 5 % par rapport à 1990 – cette loi n'a finalement pas été adoptée par le Sénat. Mais certains États fédérés comme la Californie agissent.

En ce qui concerne la réduction des émissions de gaz à effet de serre, l'Union européenne s'est montrée allante en 2008 en adoptant le paquet « climat-énergie » et en lançant le débat sur l'objectif de diminution de 30 %, alors qu'elle ne représente que 11 % des émissions mondiales. Je rappelle que la Chine en produit 8 950 tonnes et les États-Unis 5 250 tonnes, contre seulement 4 000 tonnes pour l'Union européenne ; ces deux pays représentent donc à eux seuls 40 % de l'ensemble mondial.

PermalienPhoto de Jérôme Lambert

Sachant, encore une fois, que les Chinois nous disent qu'il ne faut pas confondre notre production et notre consommation intérieure, qui inclut une part de leur propre production…

PermalienPhoto de Bernard Deflesselles

Monsieur Chassaigne, la composition du G-77 est assez complexe, car elle regroupe de petits États insulaires, qui à terme disparaîtront suite à la montée des eaux, des pays en développement et de grands États comme la Chine aspirant à jouer un rôle mondial : des contradictions s'y font donc jour, auxquelles il est difficile de remédier dans les négociations internationales.

Nous disons à la Chine qu'en tant que deuxième puissance économique mondiale, elle ne peut tenir les mêmes propos que les pays en développement susceptibles de disparaître « sous les eaux » et qu'elle a une véritable responsabilité.

Monsieur Sermier, il convient certes de changer de paradigme, mais il faut en même temps continuer à réduire les émissions de CO2 et développer, de façon équilibrée, les énergies renouvelables !

Monsieur Meunier, au sein des Nations Unies, on observe encore une fracture entre, d'un côté, les pays en développement, qui nous disent que nous avons depuis 150 ans profité d'un développement économique extraordinaire auxquels ils aspirent et, à ce titre, une responsabilité historique, et, de l'autre, des pays développés demandant aux PED de prendre des engagements internationaux, même s'ils sont moindres que les nôtres.

Il est vrai que le désengagement de l'Allemagne à l'égard du nucléaire va conduire à rouvrir ou à créer des centrales au charbon ou au gaz. Peut-être aurons-nous d'ailleurs des problèmes d'approvisionnement en électricité dans les mois qui viennent si l'hiver est trop rigoureux.

PermalienPhoto de Jérôme Lambert

Monsieur Chassaigne, nous partageons votre avis : cela coûte moins cher et rapporte davantage à certains pays de produire moyennant des répercussions environnementales à la charge de l'humanité tout entière, les profits étant pour quelques-uns et les problèmes pour tout le monde !

Peut-être faut-il en effet ramener à la raison des systèmes ou organismes réalisant des profits importants en produisant à tout va, n'importe comment, avec des coûts environnementaux qu'on ne prend pas suffisamment en compte mais auxquels il faudra tôt ou tard remédier ? Le fait de s'orienter vers une adaptation au changement climatique plutôt que vers un véritable changement de nos comportements et de nos modèles peut avoir des conséquences gravissimes. Si nous n'agissons pas à temps, nous serons confrontés à des tensions extrêmes dans le monde – les tensions économiques actuelles constituant l'arbre qui cache la forêt.

PermalienPhoto de Bernard Deflesselles

Au-delà des avancées souhaitées sur le dispositif REDD+, ainsi que sur la gouvernance et le financement du Fonds vert, nous souhaitons surtout obtenir un début de négociation et de mandat pour l'après protocole de Kyoto concernant l'ensemble des pays et débouchant si possible sur un objectif juridiquement contraignant.

PermalienPhoto de Joseph Bossé

Compte tenu du niveau de pollution enregistré en Chine et prévu demain notamment en Inde, ces pays ne vont-ils pas aussi réagir ?

PermalienPhoto de Jérôme Lambert

Les Chinois et les Indiens ont parfaitement conscience de la situation – ils disent d'ailleurs qu'ils seront les premières victimes du réchauffement climatique. Ils mettent en avant des plans nationaux, des projets et des investissements importants.

PermalienPhoto de Serge Grouard

Merci, messieurs, pour votre travail et pour la clarté de vos propos.

Membres présents ou excusés

Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du mardi 22 novembre 2011 à 17 heures

Présents. - M. Joseph Bossé, Mme Françoise Branget, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Daniel Fidelin, M. Jean-Claude Fruteau, M. Alain Gest, M. Serge Grouard, M. Jacques Le Nay, M. Philippe Meunier, M. Philippe Plisson, M. Jean-Marie Sermier, M. Philippe Tourtelier

Excusés. - Mme Chantal Berthelot, M. Jérôme Bignon, M. Philippe Briand, M. Yves Cochet, M. Frédéric Cuvillier, Mme Claude Darciaux, M. Joël Giraud, M. Michel Havard, M. Jean Lassalle, M. Apeleto Albert Likuvalu, M. Alfred Marie-Jeanne, M. Joël Regnault, M. André Vézinhet

Assistaient également à la réunion. - M. André Chassaigne, M. Francis Saint-Léger