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Intervention de Bernard Deflesselles

Réunion du 22 novembre 2011 à 17h00
Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBernard Deflesselles, rapporteur :

Nous travaillons sur ces questions depuis plus de quatre ans : notre premier rapport de 2008 a porté sur la directive européenne dite des « 3 fois 20 », celui de 2009 sur la conférence de Copenhague, celui de 2010 sur celle de Cancún, et celui de cette année porte sur celle de Durban, prévue du 28 novembre au 9 décembre prochains.

Notre mission, dans le cadre de la Commission des affaires européennes, était de suivre les relations internationales, la préparation des sommets, et de dégager des pistes de négociation pour voir comment affirmer les positions de la France, de l'Union européenne et des Nations Unies sur ce sujet important.

La Conférence annuelle des Parties (Conference of the Parties, COP) est le point névralgique des négociations climatiques. L'objectif était de fixer la limite de l'accroissement du réchauffement climatique en dessous des 2 °C évoqués dans le rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) d'ici 2050, et de ne pas dépasser 4 °C en 2100. On est malheureusement loin de respecter cette limite, qu'on est en train de dépasser, ce qui pose problème.

À la suite de la conférence de Copenhague, qui ne s'est pas bien passée, malgré quelques avancées, on a essayé d'inverser la tendance : certains pays se sont émus de son échec et ont remis en cause le processus onusien.

La conférence de Cancún nous a rassérénés sur ce point. On a inversé en quelque sorte la charge de la preuve : on est passé d'une logique dite du « top-down » – fondée sur un cadre s'appliquant à tous les pays, qui ne fonctionne pas – à celle du « bottom-up » – demandant aux États de prendre des engagements. 80 % des 194 pays se sont mobilisés, indiquant leur plan climat ou les objectifs retenus à telle ou telle échéance, en dehors de tout dispositif juridique contraignant.

L'objectif était aussi de favoriser le système de transparence (MRV), ou d'enregistrement des objectifs et de contrôle, créé par la conférence de Bali en 2007. Mais celui-ci est confronté à des difficultés, certains grands pays comme la Chine étant réticents au motif qu'il constitue une ingérence dans les affaires intérieures du pays et qu'il faut avoir confiance dans leur plan climat et aux dizaines de milliards investis dans ce domaine.

Cela étant, une porte a été ouverte à la conférence de Cancún, où la Chine s'est montrée plus allante.

A également été créé le Fonds vert, mesure clé permettant de soutenir les programmes et les projets des pays en développement (PED), avec un triple objectif : réduire les émissions de gaz à effet de serre, mettre en place des mesures d'adaptation et financer la préservation des puits de carbone. L'objectif est de mobiliser 100 milliards de dollars par an à partir de 2020 sur fonds publics et privés. Mais les questions de gouvernance et de financement du fonds restent pendantes.

La mise en place d'un mécanisme technologique destiné à développer et à diffuser les nouvelles technologies vertes dans les pays en développement constitue un autre élément important.

De plus, se met en place le mécanisme de lutte contre la déforestation (REDD + ), qui représente quasiment 22 % des émissions de gaz à effet de serre. Des pays comme la France ou la Norvège y sont très engagés et les États-Unis ont décidé d'abonder le fonds qui lui est consacré.

Nous avons pu constater sur place les progrès accomplis dans ce domaine par le Brésil, qui a engagé une politique de diminution de la déforestation - dont le taux commence à être acceptable, même si des efforts considérables restent encore à faire.

Enfin, les mécanismes de marché doivent être renforcés, à savoir le mécanisme pour un développement propre (MDP) pour les PED et la mise en oeuvre conjointe (MOC) pour les pays développés.

Que peut-on, dès lors, attendre de la conférence de Durban ?

Le titre de notre rapport, Durban, la Conférence de toutes les incertitudes, rend bien compte de la situation. Si l'on assiste à une prise de conscience sur la question du réchauffement climatique depuis une quinzaine d'années, la crise financière et économique très importante que nous connaissons suscite une réaction de repli.

Il faudra consolider ce qui a été obtenu à Cancún et conserver l'objectif d'une limitation du réchauffement à 2 °C en 2050 – ce qui est très difficile – et à 4 °C en 2100 – ce qui, pour l'instant, est une gageure. Les scientifiques rencontrés ne sont pas optimistes. Après une réduction des gaz à effet de serre en 2009, on enregistre une augmentation de 5 % en 2010, soit un record parmi les années étudiées.

Le système MRV de suivi et de contrôle des engagements des pays développés et des pays en développement doit, par ailleurs, être amélioré. On peut obtenir quelques accords en la matière.

Le Fonds vert devra, en outre, être opérationnel. On avance sur le problème de sa gouvernance : un accord doit être trouvé entre les pays développés et les PED, afin qu'elle soit partagée, sachant qu'aucune localisation de ce fonds n'a pour l'instant été fixée.

S'agissant de son abondement, l'objectif est de lancer des financements innovants, tels le fonds sur les soutes aériennes et maritimes, les revenus des enchères ou bien la taxe sur les transactions financières, que défend l'Europe, en particulier le couple franco-allemand, alors que des pays comme la Grande-Bretagne ou la Suède sont réticents. Il est loin d'être atteint au vu de la position de pays comme la Chine ou l'Inde, sans parler des États-Unis, qui s'y opposent. Or, sans ce type de financement, on ne parviendra pas à abonder le fonds.

Concernant le programme REDD+, il conviendra de continuer à recueillir des fonds et à mettre le mécanisme définitivement sur pied.

La conférence de Durban devra enfin traiter de la question majeure de l'avenir du protocole de Kyoto, qui prend fin en décembre 2012. On n'obtiendra pas de traité contraignant, beaucoup de pays n'y étant pas favorables, mais il s'agit du noeud gordien de la conférence !

D'un point de vue juridique, trois issues sont possibles : l'entrée en vigueur provisoire d'un processus qui pourrait prolonger le protocole, au travers d'une procédure compliquée de validation requérant un moindre niveau de garantie des pays ; la tacite reconduction, plus rapide, mais risquée car elle prévoit une option permettant à un État de se délier de ses obligations ; un amendement au protocole en 2012, impliquant une ratification par les pays.

Certains signaux ne sont pas encourageants. Des pays comme la Russie, le Canada ou le Japon, qui ont signé le protocole, refusent de le prolonger. D'autres, tels les États-Unis, la Chine ou l'Inde, ne veulent pas entrer dans un processus amélioré, considérant que ce protocole est inefficace dans la mesure où il ne couvre que 27 % des émissions mondiales.

Il est donc souhaitable de trouver un moyen juridique permettant de prolonger le dispositif pendant trois à cinq ans, en attendant de signer un accord juridique contraignant, englobant la totalité des pays et non les seuls signataires du protocole. Cela ne sera pas simple !

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